Examen pacifique de la doctrine des Huguenots Prouuant contre les Catholiques rigoureux de nostre temps & particulierement contre les obiections de la response faicte a l'Apologie Ctholique [sic], que nous qui sommes membres de l'Eglise Catholique Apostolique & Romaine ne deurions pas condemner les Huguenots pour heretiques iusques a ce qu'on ait faict nouuelle preuue.

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Examen pacifique de la doctrine des Huguenots Prouuant contre les Catholiques rigoureux de nostre temps & particulierement contre les obiections de la response faicte a l'Apologie Ctholique [sic], que nous qui sommes membres de l'Eglise Catholique Apostolique & Romaine ne deurions pas condemner les Huguenots pour heretiques iusques a ce qu'on ait faict nouuelle preuue.
Author
Constable, Henry, 1562-1613.
Publication
A Paris [i.e. London :: J. Wolfe],
Octob. 1589.
Rights/Permissions

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Subject terms
Catholic Church -- Controversial literature -- Early works to 1800.
Huguenots -- Early works to 1800.
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"Examen pacifique de la doctrine des Huguenots Prouuant contre les Catholiques rigoureux de nostre temps & particulierement contre les obiections de la response faicte a l'Apologie Ctholique [sic], que nous qui sommes membres de l'Eglise Catholique Apostolique & Romaine ne deurions pas condemner les Huguenots pour heretiques iusques a ce qu'on ait faict nouuelle preuue." In the digital collection Early English Books Online. https://name.umdl.umich.edu/A19225.0001.001. University of Michigan Library Digital Collections. Accessed May 21, 2024.

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CHAP. I. Que les Catholiques, & Huguenots s'accordent tellement en doctrine, qu'ils sont d'vne mes∣me foy, & relligion.

C'Est vne chose manifeste, que ceux qui sont d'vne mesme Eglise & religion peuuent neantmoins a∣uoir des opinions diffe∣rentes en Theologie. Au∣gustyn ne s'accordoit pas auec S. Ierosme, ni Epiphanius auec Chry∣sostome, ni Cyprian auec Corneille, ni Ire∣nee auec Victor. L'vne part sans doubte estoit en erreur, touts neantmoins ont esté docteurs approuués de l'Eglise, & touts saincts. Chasque erreur donc ne separe pas vn homme de l'Eglise, & ne faut auoir esgard au nombre des erreurs mais à la qualité. Arrius estoit d'accord auec les Catholiques, en toutes choses horsmis en vne seule, tellement que le changement, d'vn mot voire d'une seule lettre, eust appaisé le different; & toutefois c'est le plus grand haeretique que l'Eg∣lise ait lamais eu. Origene au contraire

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desaccordoit, d'auec les autres anciens docteurs, en vne Infinité de choses, & neantmoins a esté estimé membre de l'Eg∣lise.

Or donc pour voir si les Huguenots, sont d'autre relligion que nous, Il ne faut pas considerer s'ils ont des erreurs ou non, ni le nombre de leurs erreurs, ains seulemēt la nature: ascauoir quels erreurs doiuent estre estiméz haeresies, & si les leurs sont tels.

Deux choses (selon l'opinion des Ca∣tholiques) font les erreurs deuenir haere∣sies: l'vne, quand l'crreur est si enorme de soy, que en tout temps celuy est haeretique qui le tient; de maniere que deuant que le Concile de Nice eust rien Iugé, Ebion, Paulus Samosatenus, & Arrius stoient haeretiques entant qu'ils ont nié la diuinité eternelle du fils de Dieu.

La seconde chose qui (selon nostre opi∣nion) faict vn erreur deuenir haeresie est quand on Tient quelque opinion en doc∣trine contre le decret d'vn Concile general. Tellement que l'heresie ne gist pas en la meschanceté de l'opinion, mais en la resi∣stence à l'ordonnance de l'Eglise, Cōme l'opinion de S. Cyprian touchant la rebap∣tisation

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des enfans, n'estoit pas haeresie en luy d'autant qu'on n'anoit rien encores arresté a'l'en cōtre. Mais maintenant (disons nous) que l'opinion est condemnee legitimement ce seroit haeresie en vn autre qui la tien droit. Or touchāt c'este seconde espece d'haeresie, Ie parleray au troisieme chap. en cestuy ci Ie traicteray seulement de la premiere, as∣cauoir, si les erreurs des Huguenots sont si enormes de soy qu'ils destruisent le fonde∣ment de la foy, & par consequēt les empes∣chent d'estre de mesme religion auec nous.

Voyons donc cōme nostre aduersaire tasche de prouuer le contraire.

En premier leu (dit il) touts les deux partis tant l'Eglise Catholique, que nos aduersaires, reputent les vns les autres pour haeretiques.
Ie respons, que ie ne trouue àucune Impossibilité, pour∣quoy ils ne puissēt estre touts deux deceus. Car deux freres estants en colere, peuuent bien renoncer l'vn a l'autre, & toutefois Ils ne laissent pour cela de demeurer tousiours freres. Ciril & Theodoret s'entriniurioyēt comme haeretiques: & si ne l'vn ne l'autre ne l'estoit pourtant, tellement que ceste raison est tiree seulement de la passion des hommes quand la raison les a abandonnez.

Mais comme prouue il que les Catho∣liques

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estiment les Huguenots haeretiques.

l'Eglise Catholique (dit il) a condemné par le Concile de Trente plusieurs opinions des Luthe∣riens.
Ie responds (selon ma premiere distin∣ction) que c'est autre chose de rendre vne opinion haeresie par condemnation, autre de l'estimer telle, de sa propre nature: si les Huguenots sont haeretiques par condem∣nation, ou non, nous en parlerons ci aprez. au 3. 4. & 5. chapitres. Maintenant nous disputons seulement de la nature de leur erreur, dont sa preuue n'est rien a propos.
Mais (dit il) a Rome chasque Ieudy sainct, le Pape les declare excommunionez, & defend a touts Catholiques, la lecture de leurs liures.
Aussi excommunie il le mesme iour touts pecheurs, entre lesquels il n'ose nier que plusieurs ne soyent de l'Eglise, autrement luy mesmeseroit cōdemné pour haeretique, par le Concile de Constance, qui a iugé cō∣tre Iean Hus, que l'Eglise consistoit aussi bien des meschans que des bons, & cōme les liures des Huguenots sont defendus, aussi sōt les oeuures de Machiauelle, Aretin Boccace, & de plusieurs autres Catho∣liques.

Mais voyons quelle opinion les Hugue∣nots ont de la doctrine des Catholiques.

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Caluin (dit il) escrit que les principaux points de doctrine en l'Eglise Romaine, sont presques du tout abolis, & l'vsage des Sacramens en Plu∣sieurs facons corrompu.
Il n'est besoing d'explication, les paroles mesmes font la response, Il ne dit pas que les Sacre∣mens sont totalement ostéz, mais l'vsage d'iceux en plusieurs facons corrompu: ni que les principaux points de la religion Chrestienne, sont entierement destruicts mais presque abolis. vn homme peut estre presque tué, & si ne laisser pas pour cela de viure.

Secondement pour prouuer que leur re∣ligion est differente d'auec la nostre, Il am∣eine les disputes du Peche originel, du Franc arbitre, de la iustification, des meri∣tes & plusieurs autres controuerses qu'il iuge de plus grande cōsequēce. C'est la plus grande pitié du monde, d'ouir la pluspart des prescheurs de l'vne & de l'autre religi∣on, manier ces questions, quand Dieu scait que pour la pluspart ils combattent auec leur propre ombre, & ne scauent pas ce que leur aduersaire Tient, ce qui aduient de la subtilité des mots inuentés par le diable pour troubler le repos de l'Eglise, l'vn en∣tendant ce mot de iustificatiō en vne facon,

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l'autre en vne autre, l'vn la foy en vne facon l'autre en vne autre, l'vn la grace en vne fa∣con, l'autre en vne autre: & ainsi du reste: ce que nous disons estant veritable, cōme nous prenons le mot, ce qu'ils disent estant veritable cōme ils le prennent, tellement que si le desir de contention estoit osté on trouueroit, que beaucoup de ces disputes desquelles les oreilles du peuple sont rem∣plies, ne sont que subtilitez de l'eschole tou∣chant etymologies seulement & definiti∣ons de mots. Dont il aduint, qu'au colloque de Ratisbone, les Catholiques & les pro∣testans, tomberent d'accord, en la que∣stion du peché originel, de la praedestinatiō, du Franc arbitre, & de plusieurs autres points. Ce qui mesmes est confessé par l'e∣uesque Lindanus, l'vn des plus aspres en∣memis, que les Huguenots ayent. Et tou∣tefois, l'autheur de ceste response est si mal∣auisé, que de faire son chois principalemēt de ces questions pour monstrer le different qui est entre eux & nous. Quant a moy, ie ne veux entreprendre de reconcilier les di∣tes questions, & ne scay (pour confesser Franchement mon ignorance) si on le peut faire ou non. Mais de cela suis ie bien asseu∣ré, que la difference n'est pas si grande qu'on

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la iuge. Ie ne veux pas aussi rechercher trop exactement le poinct du different: cōme I'espere que quelqu'vn le pourra faire ci aprés. Mais seulement ie parleray des di∣tes questions en telle sorte qu'elles sont cō∣munement entendues par les plus doctes de l'vne & de l'autre religion, & en ceste signification ie di, que (pour aucune chose que i'aye veu iusques icy) les erreurs des Huguenots. ne sont pas si grands qu'ils les empeschent d'estre membres de l'Eglise Catholique. Or, pour mieux esclarcir cela ie reduiray ces questions soubs ces 4, chefs ascauoir 1. L'escripture. 2. La iustification. 3. La priere, 4. Et les Sacremens.

Quant a l'escriture, il charge seulement les Huguenots d'vn erreur, ascauoir de re∣ietter les liures de Tobie, de Iudith, des Machabees, & les autres qu'ils appellent Apocryphes, Iesquels ont esté approuuez cōme Canoniques par le Cōcile de Trente, sur quoy ie responds, que les Huguenots ne les reiettēt pas ains les estimēt cōme saincts escrits, & pleins de pieté, voire de plus gran∣de authorité que quelque autre liure que ce soit seulement ils ne les mettent pas en pa∣reil rang que les liures qui sont escrits, en la langue saincte. Ce qui me semble que

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Bellarminus Iesuite leur accorde; car en faisant la diuision des liures du viel Testa∣mēt, il en faict deux rangs. Mettant les liur∣res receus des Huguenots, au premer rang, & ceux qui sont appellez Apocryphes au second. & encores que l'opinion des Hu∣guenots en ce point, soit condemnee, par le Concile de Trente, toutefois le Concile de Laodicée, est de leur aduis, S. Ierosme aussi, Origene, & mesme Nicolas Lira le Cardinal Caietā, & plusieurs autres Piliers de l'Eglise Romaine. Tellement que ie voudrois bien scauoir, si cest erreur des Hu∣guenots est si enorme, que pour ceste cause Ils soyent necessairement haeretiques, pour quoy ce mesme erreur n'a pas empesché S. Ierosme d'estre sainct, ni le Cardinal Caë∣tan, d'estre Catholique.

Or soubs la iustification, ie compren tous les differens mentionnez par la responce, qui ont esté iugés en la 6. session du Con∣cile de Trente, touchant, 1. la source. 2. La matiere. 3. L'instrument. 4. & les effects de nostre iustification. Par la source de nostre iu∣stification, i'entens ceste disposition par l'aquelle nostre nature (come nous Catholi∣disons) estant & preuenue & accompagnee de la grace de Dieu, se prepare a la iustifica∣tion

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cest a dire l'operation de l'arbitre qui demeure en l'homme aprez sa cheut. Or pour iuger de ce different l'arbitre de l'homme doit estre consideré en ces trois estats; ascauoir deuant la cheute d'Adam, apres la cheute, & au temps de regenera∣tion, aprez qu'il est releué. Or en ce point tout ce qui est necessaire a vn Chrestien de croire, est, que l'homme deuant la cheute d'Adam, auoit la volunté libre tant de bien quede malfaire, que par sa cheute il aperdu la liberté de bien faire, & que par grace, en la regeneration, il la recouuré derechef. Iusques icy les Catholiques & les Hugue∣nots sont d'accord. Or donc la controuerse que nous imaginons, gist seulement en la maniere cōme le dit arbitre est affranchi; les Huguenots disants que la grace de Dieu l'affranchit, en y adioustant nouuelles for∣ces, desquelles il a esté du tout destitué, les Cathol. disans pareillement que la grace de Dieu l'a mis en liberté, mais en deliant les liens esquels sa volunté estoit tellement captiuée, quelle ne pouuoit mettre en effect les forces qu'elle auoit. Voicy le vray diffe∣rent qu'on faict entre eux touchant ce point, auquel encore que les Huguenots soyent deceus, toutefois leur erreur n'est

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pas dangereux, d'autant qu'il ne renuerse pas le fondement de la foy. Car il faut en ce point principalemēt regarder deux choses, la iustice de Dieu en punissāt le peché d'A∣dam de ceste captiuité, & sa misericorde en nous deliurant. Or si les Huguenots faillent, ils faillent seulement en augmen∣tant la iustice, & la misericorde de Dieu, entant qu'ils disent que l'arbitre n'est pas seulement lié mais occis. Car la mort est vne punition plus griefue, que la prison & cest vne grace plus grande, donner a la volonté, vie, queliberté. Mais quel besoing a le peuple de se rompre la teste, touchant ces Metaphores de lier & tuer, lesquelles il ne peut comprendre? c'estassez qu'il scache qu'on ne peut riē faire de bien sans la grace de Dieu, & que chacun die auec S. Augu∣stin, que Librement faire, vient de la nature humaine, bien faire vient de la grace mal faire de la nature corrompue, ce qui cōprend toute la doctrine de l'arbitre, & qui est con∣fessé tant par les Catholiques que par les Huguenots.

La seconde chose que I'ay obseruè en la iustificatiō est la matiere ascauoir mon si la iustice iufuse en nous par grace ou celle de christ qui nous est imputee parsoy, est celle

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par la vertu de laquelle nous sōmés iustes deuant Dieu laquelle questiō est toute vne auec celle de la iustification par la seule foy cōbien que nostre aduersaire en face deux, pour multiplier le nōbre de ses controuer∣ses, tant il est desireux de contention. Or touchāt ce point, les Huguenots n'ont au∣cun erreur, au fondemēt, & substance de la question, & par ainsi quelque erreur qu'ils ayēt aux circūstāces, ils ne laissent pas pour cela d'estre bons Cathol. come vn arbre dont la racine, le tronc, & les brāches prin∣cipales, sont saines, peut estre vn bon arbre, encores que quelque Rameau soit corrom∣pu. Or les Catholiques, & les Hugue∣nots sont d'accord en la racine de ceste question, asc. que deux choses nous sont necessaires, d'estre quittes de peché, & d'estre douez de iustice; destre depouillez de nos vieux habillements, & reuestus de nouueaux.

Quant a la premiere, les Catholiques & les Huguenots sont d'accord, que nous sommes absous de nos pechez & deliurez de l'enfer, seulement par le sang de Iesus Christ.

Touchant le second point, touts deux aussi tiennent, que pour entrer au ciel il

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faut que nous ayons iustice, & que ceste iu∣stice vient de Christ.

Or la Iustice de Christ, ou bien est inhae∣rente en luy, & estimée cōme nostre, a rai∣son de nostre foy en luy; ou bien, inhaerente en nous, mais procedante de luy, estant infuse en nos coeurs par sa grace, que les Huguenots appellent sanctification. Fina∣lement tant les Huguenots que les Catho∣liques confessent qu'il y a & l'vne, & l'autre Iustice. Seulement le different gist en celà, ascauoir, laquelle de ces deux Iustices, ou bien la Iustice inhaerente en Christ, mais reputée nostre, ou bien la Iustice inhaerēte en nous mais procedante de Christ, est celle en vertu de laquelle, nous sommes rē∣dus Iustes deuant Dieu. Et que nous im∣porte, si vn autre paye nostre debte pour nous, ou s'il nous donne de l'argent pour la payer nous mesmes? de maniere que tous deux recognoissent la mesme racine, le mesmes tronc, les mesmes branches de ce∣ste question; seulement ils ne sont pas d'ac∣cord touchāt les petits rainseaux qui croi∣ssent sur l'vne des branches. Voire ils re∣cognoissent les mesmes rainseaux, & ne debattent que sur lequel de ces deux, il se faut appuyer. Car les Huguenots confes∣sent,

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que touts ceux qui sont sauuez, sont aussi sanctifiez, cest a dire qu'ils ont ceste iustice que les Catholiques appellent in∣haerente, ou Iustice seconde, mais ils disent qu'ils n'osent pas se fier en icelle, ainz seu∣lement en la iustice inhaerente en Christ, & parfoy estimée la leur. or veu que ceste iu∣stice de Iesus Christ, est par consentement de touts parfaicte, ilse peut bien trouuer quel{que} erreur en la doctrine des huguenots mais il n'en peut arriuer aucun danger. Cōme celuy, qui s'appuye sur vn rameau fort, peut bien estre deceu, en pensant vn autre estre foible; mais sans doubte il ne tombera pas, pendant qu'il embrassera ce∣luy, qui ne scauroit iamais se rompre.

Maintenant suit l'instrument par lequel nous embrassons ceste iustice asc. la foy touchant la nature de laquelle les Hugue∣nots tiennent encor vn erreur, par lequel ils nient (comme il dit) que la grace tuisse estre perdue sans perdre la foy. Ce qui n'est qu'vne cauillation, touchantla double sig∣nification du mot de foy; Car si nous di∣sōs que la foy n'est autre chose que de croi∣re, que Dieu est tel, & tel, qu'il a faict telles & telles choses, Bref, que toute la doctrine Chrestienne est veritabile; Les Huguenots

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ront (auec S. Iaques) que les Diables croy∣ent ainsi, & ont la foy sans auoir grace. De maniere que l'erreur des Huguenots n'est qu'au mot; dautant qu'ils tiennent que la foy de celuy qui est destitué de la grace de Dieu, & de la charité, ne merite pas le tiltre honorable de foy iustifiante et que telle foy est l'instrument seulement par lequel nous sommes iustifiez, qui est tousiours ac∣compagnèe de grace, & suiuie de bonnes oeuures. Ce que aussi nous disons, qu'vne foy sans charité est vne foy sans forme, or veu que la forme donne l'estre a la chose, vne vraye foy ne scauroit subsister sans cha∣rité, tellement que tant les Huguenots que les Catholiques diront qu'vne parfaicte foy ne scauroit estre sans charité. Seulement nous parlons en diuers termes, les Hugue∣nots appelans la foy sans charité foy histo∣rique, ou morte: & nous foy sans forme. Mon Dieu, quelle pitié de voir la simplicité de la foy Chrestienne, embrouillée de ces subtilités.

Restent les effects de nostre iustification, ascauoir les bonnes oeuures, par lesquelles nous Catholiques ne disons pas que l'homme deuient iuste, ains qu'estant desia iustifié, il croist en iustice, c'est a dire de iu∣ste

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deuient plus iuste, estant ainsi regeneré, & en estat de grace,

il peut (comme nostre aduersaire dit) de telle sorte accomplir la loy, que cela merite vrayement & proprement la vie eternelle.
Quant a l'accomplissement de la loy, veu que les Huguenots taschent tant qu'ils peuuent de l'accomplir, encores qu'ils errent en disant qu'ils ne le peuuent faire; toutefois nostre Seigneur mesme leur en a promis pardon, en la parabole du fils, qui refusa de faire la volonte de son pere & toutefois la fit.

Or pour retourner aux merites des oeuu∣res, les Catholiques plus polis, nient direc∣tement qu'elles meritent, sans qu'elles soyent teinctes du sang de Christ. Or ie m'asseure qu'entre dix mille Catholiques il ne s'en trouuera pas vn seul, qui entende ce que signifiēt les oeuures teinctes du sang de Christ. Mais que simplement sans autre addition ils diront, qu'ils esperent meriter le ciel par leurs oeuures. Tellemēt qu'il y a trois diuerses opinions touchant ceste question.

La premiere est des Catholiques com∣muns, qui sont mille fois plus en nombre, & qui disent simplement, qu'on peut meri∣ter la vie eternelle parles oeuures.

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La seconde, des Huguenots qui nient tout a plat que les bonnes oeuures meritēt: ains seulement. (disent ils) Dieu de sa pure grace, pour l'amour de son fils leur donne salaire.

La troisieme est des Iesuites, & de quel{que} peu de doctes Catholiques, qui nient qu'aucunes oeuures meritent de soy, ains seulement celles qui sont teintes (cōme i'ay dit) du sang de Christ. Laquelle opinion accorde beaucoup mieux auec la doctrine des Huguenots, qu'auec l'opinion, de la multitude des Catholiques: car vne chose teincte, n'est pas changée en substance, comme le cuiure doré demeure tousiours cuiure. La teinture seulement, & l'or, rend la chose plus agreable a l'oeil, & ainsi nos oeuures, qui sont de nature corrompues, bien quelles soyent teintes du sang de Christ, sont tousiours corrompues, mais la teinture & l'or les rend acceptables a Dieu▪ & pour l'amour de son sang, elles sont salariées. Que si d'auenture ils font cō∣science d'vser de ce mot de Merite. Oyons ce que S. Bernard dit.

On ne peut (dit il) me∣riter la vie eternelle par aucunes bonnes oeuu∣res.
Non pas que S. Bernard pour cela ait este Huguenot. Car ie scay bien, qu'vn

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Iesuite auec quelque belle distinction, le pourroit faire parler en Catholique, quoy qu'il ait pensé. Faisons donc la mesme grace aux Huguenots, & faisons la mesme distinction en interpretāt leurs paroles qu'ē explicant celles de S. Bernard, & ils seront en ce point aussi bon Catholiques que S. Bernard, ou nous.

Le quatriesme point est la priere, asca∣uoir s'il faut inuoquer les saincts ou non: lequel different, gist en deux points, l'vn est,, s'il leur faut adresser nos prieres; l'au∣tre, s'ils prient pour nous. Touchant le premier ie di que les Catholiques mesmes constituent deux extremitez; ascauoir, de ne les inuoquer point, comme font les Hu∣guenots; & de les honorer trop, c'est a dire de leur attribuer cest honneur, qui appar∣tient proprement a Dieu, que les Schola∣stiques appellent latrie. Et si aucun faict ce∣la, eux mesmes l'estiment Idolatre. Or le pauure peuple qui n'entend pas le Graec, ny ce que veut dire Latrie, ny comprend au∣cune autre mediocrité, sinon de les adorer ou de ne les adorer point, va a la bonne foy, adorant auec pareille deuotion, nostre dame, & les autres Saincts, que Dieu mes∣mes, de maniere qu'a grand peine (voire,

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par le iugement des Catholiques) les Ca∣tholiques mesmes peuuent euiter Idola∣trie.

Or quant a l'autre extremité, les Catho∣liques, qui maintiennent l'inuocation des Saincts, disent seulement qu'il est licite de les inuoquer, non pas qu'il est illicite de ne les inuoquer pas, tellement qu'il peut ar∣riuer du danger, en suiuant la doctrine Ca∣tholique bien que veritable; & n'en scau∣roit arriuer aucun, en suiuant celle des Hu∣guenots, encore qu'il y ait de l'erreur. Da∣uantage, les Huguenots disent, quil les faut honorer, ce qu'ils peuuent bien faire sans les inuoquer. Comme vn subiect pourra bien honorer son souuerain estant absent, quand bien de sa vie il ne luy auroit pre∣senté aucune requeste.

Pour le second point, ascauoir mon s'ils prient pour nous, ou non: ie di qu'il y a des Huguenots qui diront qu'ouy, & Caluin mesme ne le nie pas, ains il dit qu'il ne se donne de peine, pour scauoir s'ils le font ou non, Or s'il y a entr'eux quelqu'un qui le nie quel danger y a il? Bellarminus, le grand maistre des controuerses, dit que les Saincts au ciel prient pour les ames qui sont en Purgatoire; & les ames du Purga∣toire

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pour ceux qui sont en terre. Et toute∣fois il confesse, que Petrus a Soto, nie le premier, & S. Thomas d'Aquin le second. Or veu que le Purgatoire importe plus au Pape que paradis, ie ne voi pas pourquoy les Huguenots, seront plustost haeretiques pour desaccorder auec les Catholiques en l'intercession des Saincts au ciel, que les Catholiques pour desaccorder entr'eux mesmes, touchant l'intercession tant des ames, que pour les ames en Purgatoire.

Le dernier point auquel les Huguenots se sont deuoyez de la foy romaine, est tou∣chant les Sacraments, esquels, le nombre, la nature, & les particuliers Sacraments sont a considerer: & se sont premierement mescontez au nombre, d'autant qu'ils n'en comptent que deux. Encores que le Con∣cile de Trente ait iugé, qu'il y en a sept, la∣quelle obiection est fort friuole, entant que le different gist plustost aux mots qu'en la chose. Car prenant ce mot Sacremēt pro∣prement. S. Augustin dit qu'il n'y en a que deux, ascauoir, le Baptesme & l'eucharistie. Dauantage c'est vne phrase commune par∣mi nous Catholiques, de dire, que touts les Sacremēs sont couléz du costé de nostre Seigneur. Or il ne coula de son costé que

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sang & eau. Ce, qui representoit (selon l'interpretation de Chrysostome, Cirille, & autres anciens) les deux Sacremens de l'Eglise, ascauoir le Baptesme par l'eau, & le calice de l'Eucharistie, par le sang. Et nos docteurs Catholiques ne font autre re∣sponce a ceci sinon, que ces deux Sacre∣mens, ont quelque dignité par dessus les autres, qui n'est autre chose, sinon dire qu'il y a deux Sacremens principaux, & plusieurs inferieurs. Ce qui est le mesme que les Huguenots disent, mais en diuers termes: eux disans, qu'il n'y en a que deux proprement; nous qu'il n'y en a que deux principalement. nous disans aussi qu'il y en a plusieurs inferieurs, eux qu'il y en a aussi plusieurs, si nous parlons des Sacre∣mens, en la signification generale.

Car Melanchthon & Caluin aussi disent que l'ordre, est vn Sacrement mais non pas commun a tous, & ne diront nos docteurs Catholiques autrement. Aussi confesse∣ront ils auec S. Paul, que le mariage est vn Sacrement, en ceste signification generale que les anciens ont tourné le mot Graec. Bref ils diront qu'il y en a sept, mais non pas seulement 7. & de faict, il n'y a aucun des anciens Peres, qui ait Iamais trouué ce

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nombre de sept. De maniere que si les Hu∣guenots ne peuuent si iustemēt rencontrer sur le nombre, veu que l'ancienne Eglise, ne la sceu faire aussi, on les peut bien con∣demner d'ignorāce en Arithmetique, mais leur erreur en Theologie, ne peut estre grand.

Mais il dira qu'ils sont deceus, en la na∣ture mesmes des Sacremens, d'autant qu'ils les nient estre distinguez en force & en vertu, des Sacremens de l'Ancienne loy, & conferer grace. Ie respond que c'est vne calumnie, car les Huguenots les distinguent des Sa∣cremens de l'ancien Testament, & disent qu'ils conferent grace. que veulent ils da∣uantage? Mais non pas (ce dit il) ex opere operato Or donc le different n'est pas, as∣cauoir si nos Sacrements conferent plus de grace, & ont plus d'efficace, que les Sa∣crements de la loy, ou non: Mais en la ma∣niere, en laquelle ceste grace est conferée, ascauoir si le different entre nos Sacremēts & ceux du Viel Testament, gist en cela, que les vns conferent grace ex opere operato, & les autres non. Laquelle distinction a esté nagueres inuētée en l'escole: incogneue en l'ancienne Eglise, & malentendue en la mo∣derne. Dauātage si cesté dissentiō entre eux

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suffit pour prouuer qu'ils soyent de deux religiōs les Catholiques mesmes seront de diuerse religion entr'eux. Car la plus∣part dit auec nostre aduersaire que nul Sa∣crement de la loy ne cōfere grace ex opere operato; toutefois S. Bonauenture, & l'es∣scot dient que la Circoncision conferoit grace ex opere operato, tellement que (se∣lon leur opinion) la Circoncision, & par consequent quelques Sacremens de l'anci∣enne loy, auoyent autant d'efficace, que ceux de Nouueau Testamēt, qui est le mes∣me erreur duquel il charge les Huguenots.

Or venons aux Sacremens particuliers entre lesquels il ne fait mention que de trois ascauoir du Baptesme. du Sacrement de l'autel: & de la penitence. Touchant le Bap∣tesme, Ils afferment, dit il

que le peché origi∣nel est inhaerent de telle sorte en l'homme, que ny par le Baptesme, ny par autre remede, il ne se peut oster aucunement.
Ie responds, que les Huguenots dient aussi bien que les Catho∣liques que l'homme est acquitté du peché originel par le Baptesme, ce qui suffit a vn Chrestien de croire en ce point. Et le diffe∣rent gist seulemēt en la subtilité du mot s'il doibt estre appellé pechè ou non. Les Ca∣tholiques disans qu'il est tellementacquitté

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que la cōcupiscence qui demeure, ne doibt pas estre appellée peché. Les Huguenots disans, qu'elle peut bien estré appellée pe∣chè, toutefois ils confessent auec les Ca∣tholiques que l'homme en est entierement absous, & deschargé, tellemēt qu'elle n'est pas reputée comme peché. Et pourtant ils n'ostent non plus la grace receue au Bap∣tesme, bien qu'ils s'estiment tousiours pe∣cheurs, que le debteur nie la bonté de son crediteur, en confessant qu'il a receu ceste faueur, queses debtes luy soyent remises, se recognoissant neantmoins tousiours deb∣teur. Comme que ce soit, le peché est remis, le debteur est deschargé. Que pouuons nous desirer dauantage?

Peut estre maintenant il dirá, qu'encore que les Huguenots n'errent pas tant au be∣nefice receu par le Baptesme, toutefois ils ne comprennent pas bien le dommage qui arriue par le defant d'iceluy.

Car ils affer∣ment (dit il) que les enfans des Chrestiens peuuent estre estimez iustes, & entrer an Ro∣yaume du ciel sans Baptesme, encores que Iesus Christ ait dit, si aucum n'est regeneré d'eau & du S. Esprit, il ne peut entrer au Royaume des cieux.
Ie respons, que les Huguenots ne disent pas que tous les enfans des Chresti∣ens

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morts sans Baptesme sont sauués, ains ceux la seulement que Dieu en son conseil eternel a choisis. Tellement que la question n'est pas touchant le Baptesme, mais tou∣chant l'election de Dieu, dont il ne scauroit arriuer aucun danger, en confessant nostre ignorance, & remettant les decrets de Dieu a son bon plaisir. Ce que les Hugue∣nots font, car ils ne particularisent pas quels enfans sont esleus, ains ne veulent pas en∣trer au cabinet de Dieu, pour dire que tels & tels ne peuuent estre sauuez.

Or s'il me respond que l'election de Dieu n'estiamais sans moyens seconds, Tellemēt que le baptesme estant le moyen, par le quel il sauue ceux qu'il a esleu; cest vn signe manifeste, que celuy qui est priué du Bap∣tesme, est priué aussi de l'election. ie re∣sponds que il y a des Catholiques qui dient qu'on peut estre sauué sans moyens secōds. S. Damascene, S. Brigide & autres Ca∣tholiques tiennent que l'ame de l'Empe∣reur Traian a esté deliurée de l'enfer par les prieres de S. Gregoire, bien qu'il mou∣rut payen, & sans Baptesme. Or donc si ceux ne sont pas haeretiques qui disent que la misericorde de Dieu est si grande, qu'il sauue vn qui a peché actuellement, qui est

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mort sans foy & sans Baptesme: pourquoy seroit ce haeresie, de dire qu'il sauue quel∣que fois les petits enfans, qui n'ont eu que le peché originel? Car cest chose trop plus extraordinaire, de retirer quelqu'vn de l'en∣fer, que d'empescher qu'on y entre. Et la grace que Dieu a fait a vn, il la peut faire aussi a plusieurs.

Or quant au Passage de S. Iean, ie de∣mande si l'eau dont il parle, doibt estre prise pour le lauement exterieur? S'il dit non, le passage ne faict rien contre les Hugue∣nots. S'il dit ouy, alors le voeu ne suffit pas sans l'eau, ce qui est contraire a l'opi∣nion de nostre aduersaire mesme, & de touts nos autres Catholiques.

Or ne trouuant pas en la doctrine des Huguenots grand chose a blasmer touchāt le baptesme de Christ: il vient au Baptesme de Iean, qui selon l'opinion des Huguenots ne differe en rien de celuy de Christ. Icy premierement ie di, que touts les Hugue∣nots ne tiennent pas ceste opinion: secon∣dement que ce different n'est pas de grande importance; car ceux qui tiennent ceste opinion ne la tiennent pas pour amoindrir le baptesme de Christ: Car ils ne l'estimēt pas estre de Iean, mais de Christ, admini∣stré

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par Iean, deuant sa venue, comme par les Apostres aprez. Finalement ceste dis∣pute n'est pas touchant le baptesme que le peuple recoit, ains du baptesme de Iean qu'il ne recoit pas, & par ainsi, ne luy im∣porte pas beaucoup, d'entendre la force & vertu d'iceluy.

Suit maintenant le Sacrement de l'autel qui comprend deux differens proposez par la response, ascauoir la presence de Christ en iceluy: & le sacrifice de la messe. Quant au premier les Huguenots sont d'accord auec les Catholiques en la chose mesme, ascauoir que nostre Seigneur est vrayemēt present au S. Sacrement, & que nous man∣geons son corps & beuuons son sang. Seu∣lement la difference gist en la maniere, en laquelle il est present, & en laquelle nous le mangeons. Lequel erreur ne peut estre au fondement de la foy, dautant que selon l'opinion de nos docteurs Catholiques, il a esté libre a vn chacun pour mille ans aprez la mort de Christ, de croire la dite presence en telle maniere qu'ils ont voulu, moyennant qu'ils la creussent: dont il est manifeste que ce n'est que le malheur des Huguenots d'estre en ce siecle de l'Eglise tant rigoureux; car autrement ils n'eussent

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pas esté haeretiques. Car plusieurs des an∣ciens peres ont esté infectés du mesme er∣reur. Theodoret & Gelasius mesmes qui a esté Pape, ont dit en paroles expresses, qu'aprés la consecration de ces Saincts my∣steres la nature, & la substance du pain de∣meure tousiours. Il est bien vray, que les Hu∣guenots, peuuent estre blasmez pour auoir renouuellé cest erreur quand ils voyent que l'Eglise Romaine, & qui plus est le Pape mesme l'a condemné. Toutefois d'autant que Gelasius qui a este aussi Pape, a tenu le mesme erreur; nous qui sommes bons Ca∣tholiques, le deurions adoucir, tant que nous pourrions, pour le credit du siege A∣postolique.

Or quant au sacrifice de la Messe, touts deux confessent auec S. Paul, qu'il n'y a qu'vn sacrifice pour les pechez. Asc. celuy de Iesus Christ sur la croix, de maniere que les Catholiques dient qu'ils ne font pas vne nouuelle oblation, ains seulement quils repetent la premiere, quand ils celebrent l'Eucharistie, en laquelle Christ est conti∣nuellemēt offert. Mais d'autant que S. Paul dit, non seulement qu'il n'y a qu'vn sacri∣fice, mais aussi que Iesus Christ n'a esté of∣fert qu'vne fois, ceste nostre doctrine a bien

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besoing d'vne interpretation subtile. Ce que personne a mon aduis n'a sceu mieux faire, que S. Thomas d'Aquin, lequel dit, Que la celebration de ce Sacrement est nommée immolation de Christ pour deux regards, le pre∣mier dautant que Augustin dit que les signes sont appelez par les nōs des choses dont ils sont signes, Le second d'autant que par ce Sacrement nous sommes participans de la mort de Iesus Christ. Voyons donc commēt les Huguenots s'ac∣cordent auec S. Thomas, en ces deux ma∣nieres d'offrir Iesus Christ. Quant a la pre∣miere pource qu'elle est tirée de S. Augu∣stin, escoutons ses paroles. Celuy ne ment pas (dit il) qui dit que Iesus Christ est offert touts les iours, car si les Sacrements n'auoyent vne certaine resemblance des Choses, desquelles ils sont Sacremens, ils ne seroyent pas Sacre∣mens du tout, & acause de ceste resemblance ils prennent ordinairement les noms des choses mes∣mes. Selon laquelle interpretation les Hu∣guenots diront que Iesus Christ est offert au Sacrement, d'autant que les Sacremens ont le nom des chosés qu'ils signifient: & pourtant veu que l'Eucharistie signifie la mort de Iesus Christ, on peut donner le mesme tiltre, a l'Eucharistie, qu'a sa mort: & dautant qu'il a esté offert par sa mort, les

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Huguenots diront aussi, qu'il est offert en l'Eucharistie a raison (comme dit S. Au∣gustin) de ceste resemblance.

Touchant le second regard pour lequel S. Thomas dit que l'eucharistie est appellée immolation de Iesus Christ, ascauoir d'au∣tant qu'en ce Sacremēt nous sommes par∣ticipans de la mort de Iesus Christ: les Hu∣guenots aussi s'y accorderont. Car c'est leur maniere ordinaire de parler, qu'en la cene ils participent a la mort & passion de Iesus Christ. Mais s'il y a quelque autre troisieme facon en laquelle il ait esté offert, sans doubte ce n'est pas chose d'impor∣tance. Car S. Thomas a esté si bon Catho∣lique si subtil Logicien, & sur tout si bien versé es distinctions & autres stratagemes de l'Eschole, qu'il n'eust Iamais faict men∣tion, seulemēt de deux manieres de l'offrir s'il y en auoit quelque troiseme de conse∣quence.

Le dernier Sacrement dont il faict men∣tion est la penitence, en laquelle l'autheur de la response n'obserue aucun different, ains, la nomme seulement de maniere que ie ne voy pas ce qu'il trouue a redire en la doctrine des Huguenots. Mais pour es∣plucher son intention, ie trouue que le dif∣ferent

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qu'il y a gist principalement en ces deux points. Ascauoir si la dite Penitence doibt estre appellée Sacrement ou non. Se∣condement touchant les parties d'icelle. Quant au premier poinct qui est du tiltre de Sacrement, ce n'est qu'vne dispute du mot, cōme i'ay monstré cy dessus, quād i'ay parlé du nombre des Sacremens. Quant aux parties, ascauoir Contrition, confessi∣on & satisfaction, s'il blasme les Hugue∣nots dautant qu'ils ne les estiment pas pro∣prement estre parties d'icelle, Ie di que tous Catholiques ne tiennēt pas qu'elles le soy∣ent. Car Durand n'en faict que deux parties ascauoir la confession, & l'absolution, & l'Escot dit qu'il n'y en a qu'vne seulement, ascauoir l'absolution.

Mais si la question est si ces trois choses y sont requises, les Huguenots diront qu'elles le sont, ascauoir qu'il est necessaire d'auoir contrition & douleur de coeur, de cōfesser & recognoistre nos pechez a Dieu, voire qu'il est vtile de les Confesser aux pa∣steurs de l'Eglise, mais non pas necessaire. Dautant que (selon le iugement des doctes Catholiques) la confession auriculaire, n'a pas esté ordonnée de Dieu, ni de long temps practiquée en l'Eglise. Comme Beatus

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Rhenanus qui a esté Catholique a bien ob∣serué.

Finalement quant a la satisfaction elle se considere en ceste vie: & en la vie future en Purgatoire. Quant a la satisfaction en ceste vie les Huguenots l'approuuēt, car ils tien∣nent qu'il est necessaire de satisfaire aux hommes que nous auons offencez. Et pour le regard des Pechez enuers Dieu de re∣nouueller nostre vie, & dauantage ils con∣fessent que Dieu punit en ceste vie par af∣flictions temporelles mesmes ceux aus∣quels les pechez sont pardonnez.

Vray est quils nient qu'il y ait aucune sa∣tisfaction ou punition aprez la mort asca∣uoir le Purgatoire, Mais leur erreur en cela ne peut estre grand. Dautant que S. Au∣gustin le faict vne chose probable & non ne∣cessaire, disant seulement que peut estre il est veritable, outre ce que les Catholiques mesmes n'en sont pas d'accord entr'eux Quelques vns disent qu'il est sur la terre, les autres dessous, aucuns ne le mettent ni dessus ni dessous mais en l'air. Quelques vns disent que touts les esleus y doibuent aller, voire les Apostres mesmes & les Mar∣tyrs. Autres seulemēt ceux qui n'ont point en ceste vie pleinemēt satisfaict pour leurs

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pechez, quelques vns y mettent le feu ma∣teriel, aucuns le feu & l'eau, autres ni l'vn ni l'autre. Finalement il y en a qui disent que les ames y sont affligées par les Diables autres par les Anges, autres ny par les vns ny par les autres. Comme peut donc ceste questiō estre si necessaire, ou il y a tant d'in∣certitude qu'on ne scache (cōme i'ay mon∣stré) ny ou il est, ni qui y entrent, ny par qui ils sont punis, ny ce qu'ils endureront. Donc la difference entre les Catholiques & les Huguenots gist en cela que les Hu∣guenots ne le croyent pas, & les Catho∣liques ne scauent ce qu'ils croyent.

Voici en bref les opinions des Huguenots, touchant les points dessus mentionez. Es∣quels on peut voir, que leurs erreurs ne sont pas en la substance de la foy, & pour cela ne les empeschent pas d'estre de l'E∣glise, & de la religion Catholique. Car chasque erreur en Theologie ne separe pas les hommes de l'Eglise. S. Cyprian estoit Anabaptiste touchant le point de rebap∣tiser les enfans; toutefois Martyr. S. Ie∣rosme (comme i'ay monstré cy deuant) esti∣moit les liures de l'escriture Apocryphes, que le Concile de Trente a iugé estre Ca∣noniques, & toutefois a este canonisé pour

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sainct. Tertullian, vn des anciens peres e∣stoit Montanise. Vn seul Origne auoit autant d'erreurs que touts les Huguenots: toutefois a esté vn des docteurs plus renō∣mez de l'Eglise. & pour descendre plus bas en combien de questions de Theologie de∣saccordoyent Scotus, & Thomas d'Aquin les deux principaux pilliers de la Theolo∣gie Scholastique? Melchior Canus, & Bel∣larminus, accusent Caëtan de plusieurs er∣reurs, lequel neantmoins estoit du venera∣ble College des Cardinaux. Les Iacobins & les cordeliers, n'ont peu Iamais s'accor∣der touchant la cōception de nostre Dame bien que tous deux fussent bons Catho∣liques. tellemēt que ie di {que} les Huguenots peuuent estre Catholiques aussi, veu quils tiennēt le fondemēt de salut, encores qu'ils mettent quelques tuiles hors de rang sur le toict de la maison, & bastissent foin & chaume, moyennant que ce soit (comme dit S. Paul) sur le fondement, autrement nous pourrions conclurre, que les Martyrs, les Saincts, les anciens peres, les docteurs de l'Eglise, les principaux scholastiques, les Cardinaux, voire les Catholiques mesmes ne sont pas Catholiques.

Notes

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