The wise and ingenious companion, French and English, or, A collection of the wit of the illustrious persons, both ancient and modern containing their wise sayings, noble sentiments, witty repartees, jests and pleasant stories : calculated for the improvement and pleasure of the English and foreigners / by Mr. Boyer ...

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The wise and ingenious companion, French and English, or, A collection of the wit of the illustrious persons, both ancient and modern containing their wise sayings, noble sentiments, witty repartees, jests and pleasant stories : calculated for the improvement and pleasure of the English and foreigners / by Mr. Boyer ...
Author
Boyer, Abel, 1667-1729.
Publication
London :: Printed by G.C. for Tho. Newborough ... and J. Nicholson ...,
1700.
Rights/Permissions

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Subject terms
Wit and humor.
Anecdotes.
Cite this Item
"The wise and ingenious companion, French and English, or, A collection of the wit of the illustrious persons, both ancient and modern containing their wise sayings, noble sentiments, witty repartees, jests and pleasant stories : calculated for the improvement and pleasure of the English and foreigners / by Mr. Boyer ..." In the digital collection Early English Books Online. https://name.umdl.umich.edu/A28932.0001.001. University of Michigan Library Digital Collections. Accessed May 4, 2024.

Pages

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Les Pensees ingenieuses, nobles Sentimens, Bons Mots, & Reparties fines des MODERNES. Avec quelques CONTES Plaisans. En ANGLOIS & en FRANÇOIS.

1

HEnry VIII. Roy d'Angleterre, ayant des de∣melez avec François I. Roy de France, re∣solut de lui envoyer un Ambassadeur, & de le charger de plusieurs paroles fieres & me∣naçantes, & choisit pour cét employ l'Evêque Bon∣ner, en qui il avoit beaucoup de confiance; cét E∣veque lui representa que sa vie seroit en grand danger, s'il tenoit de pareils discours à un Roy aussi fier qu'ètoit le Roy François Premier: Ne craignez rien lui dit▪ Henry VIII. Si le Roy de France vous faisoit mourir, je ferois abbatre bien de têtes à quantité de François, qui sont ici en ma puissance; je le crois, répondit l'Eveque, Mais de toutes ces têtes, ajoûta t-il en riant, il n'y en a pas une qui vint si bien sur mes Epaules que celle-cy, en lui mon∣trant

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la sienne▪ Cette reponse agréable pût au Roy, & l'obligea à reformer l'instruction de son Ambassa∣deur.

2

Le Chevalier Thomas More, fameux Chancelier d'An∣gleterre ètant en Prison par l'ordre de Henry VIII laissa croitre ses cheveux & sa barbe; & comme un Barbier, se presenta pour les lui couper & pour le razer, Mon Ami, lui dit-il, Nous avons le Roy & moy un Procez pour ma tête, & je ne veux faire aucune depense pour l'ajuster, que je ne sache qui de nous deux en doit disposer.

3

Baeon, autre célébre Chancelier d'Angleterre, fut visité par la Reine Elizabeth, dans une Maison de Campagne qu'il avoit fait bâtir devant sa Fortune, D'où vient, lui dit la Reine, que vous avez fait une si petite Maison? Ce n'est pas moy, Madame, reprit le Chancelier, qui ai fait ma Maison trop petite, mais c'est vôtre Majesté qui m'a fait tr•…•…p grand pour ma Maison. Outre l'Esprit & l'agrément de cette réponse, elle marque une Modestie & une Re∣connoissance qui doivent la faire estimer.

4

En Espagne il semble qu'on ne vive que pour aimer: Au lieu que ce qu'on appelle aimer en France, n'est le plus souvent que parler d'Amour, & ajoûter aux senti∣ments de l'Ambition, la vanité des Galanteries. D'ou vient qu'une Femme de qualité Espagnole lisant, il n'y a pas long tems, le Roman de Cleopatre, & aprés un long recit d'Avantures, ètant tombée sur une Conversation delicate d'un Amant & d'une Amante, également pas∣sionnez,

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Que d'Esprit mal employé, dit-elle, •…•… quoi bon 〈◊〉〈◊〉 ces beaux discours quand ils sont ensemble & qu'ils sont seuls?

5

Une Dame Espagnole, jeune & bien faite alla à con∣fesse à un Religieux de son Païs. Le Confesseur aprés lui avoir •…•…ait plusieurs questions sur les matieres de sa Confession, devint curieux de la connoître & lui de∣mand•…•… son nom. La Dame, qui ne se sentit point tentée de sa•…•…isfaire sa curiosité, lui repondit, Mon Pere, mon nom n'est pas un Pecbé.

6

Une autre Dame Espagnole alla dans une Eglise de Religieux à dessein de s'y confesser & trouvant un Religieux de cette Maison, qui ètoit alors seul dans une Chapelle, Elle se mit à genoux auprés de lui, & lui dit tous ses pechez: Et comme il ne lui repondit rien, elle lui demanda ensuite l'Absolution. Je ne puis pas vous la donner, lui dit le Religieux, car je ne suis pas Prêtre. Vous n'étes pas Prêtre? lui dit la Dame fort surprise & fort en colere: Non, Madame, lui re∣pondit froidement le Religieux. Je vais, lui repliqua-t∣elle me plaindre à vôtre Superieur de ce que vous avez entendu ma Confession. Et moy, lui repartit le Religieux, je vais dir•…•… de vos nouvelles à vôtre Mari. Surquoy étant entrez en compensation de menaces, ils se separerent but à but, la Dame ayant jugé sagement, qu'il n'ètoit pas de son 〈◊〉〈◊〉 de divulguer cette Avanture.

7

Le Comte d'Orgaz, Grand d'Espagne, voulant avoir auprés de lui un homme de Lettres pour le plaisir de

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la Conversation, un de ses Amis lui en presenta un à qui il demanda d'abord s'il s•…•…voit faire des Vers? L'homme de Lettres lui repondit qu'il en jugeroit par les Ouvrages qu'il lui feroit voir de sa façon: Et il lui apporta le len∣demain quantité de Romances, & d'autres Poësies Espag∣nolles de toutes les especes. Le Grand d'Espapne après les avoir leües, dit à son Ami que cét Homme ne l'ac∣commodoit pas: Et pourquoi? lui demanda son Ami; C'est, repliqua-t-il, que je tiens pour sot celui qui ne sait pas faire deux Vers, & pour fou celui qui en fait quatre. En Espagnol, Tengo por necio al que no sabe hazer una copl•…•…, por loco al que haze dos.

8

Un Chymiste ayant dedié au Pape Leon X. un Livre où il se vantoit d'apprendre la maniere de faire de l'Or, s'attendoit à recevoir un magnifique Present: Mais le Pape ne lui envoya qu'une grande Bourse toute vuide, & lui fit dire, Que puis qu'il savoit faire de l'Or, il n'avoi•…•… besoin que d'un lieu pour le mettre.

9

Un Galant homme de la Cour de France alla chez un de ses Amis pour le feliciter d'une dignite qu'il avoit obtenuë depuis peu: Celui-ci tout fier de sa nouvelle élevation demanda qui il ètoit? l'autre sans se decon∣certer, change de langage, & lui dit, Qu'il venoit lui témoigner la douleur qu'il avoit d•…•…s malheur qui lui ètoit ar∣rivé & qu'il ètoit fort touché de le voir sourd & aveugle, puis qu'il ne reconnoissoit plus ses meilleurs Amis.

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Un méchant Prédicateur Italien prèchoit un jour le Panegyrique d'un Saint, & ètant dans 〈◊〉〈◊〉 de son

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Discours, il demandoit avec beaucoup d'emotion où mettrai-je mon Saint? où mettrai-je mon Saint? un Plaisant qui ètoit dans son Auditoire, ennuyé de sa Predication, resolut de s'en aller, & lui cria tout haut: Voilà ma place que je lui laisse.

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Quand le fameux Moliere fut mort, plusieurs mauvais Poëtes lui firent des Epitapnes. Un d'entr'eux, alla un jour en presenter une de sa façon à un Prince fort cé∣lébre par son Esprit: Plût à Dieu, Monsieur, lui dit le Prince en la recevant, que Moliere me presentât la vôtre.

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Un homme de la Cour de France ètoit soupconné d'être impuissant, & ne vouloit jamais demeurer d'ac∣cord qu'il le fût; il rencontra un jour le Poëte Bensera∣de, qui l'avoit souvent raillé là dessus. Monsieur, lui dit il, nonobstant toutes vos mauvaises Plaisanteras, ma Femme est accouchée depuis deux jours: Hé, Monsieur, lui repliqua Benserade, on n'a jamais douté de vôtre Femme.

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Un petit Prince d'Italie ayant appris qu'un Gentil∣homme François qui ètoit en sa Cour, avoit fait quelques railleries de lui & de ses desseins, lui envoya dire qu'il eùt à sortir dans trois jours de ses ètats. Il me fait trop de Grace, repondit le François, de m'accorder un si long terme: Je n'ai pas besoin de plus de trois quarts d'heure pour lui obeïr.

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La Mere d'une Demoiselle jeune & coquette vouloit l'envoyer au Convent des Filles Repenties. Je n'en suis pas d'avis, dit une Dame de ses Parentes, & pourquoi? lui demanda la Mere: C'est, repondit-elle, parce qu'elle n'est ni l'une ni l autre.

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Le Roy de France dit il y a quelques jou•…•…s à Racine & à Despreaux, je suis fàché que vous ne soyez venus à cette derniere Campagne, vous auriez veu la Guerre, & vôtre voyage n'eûr pas été long. Racine lui repon∣dit, Sire, nous n'avions que des habits de Ville, nous en commandâmes de Compagne, mais les Places que vous atta∣quez furent plûtot prises que nos habits ne furent faits.

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Trois Gentilhommes ètant à joüer ensemble, un Tau∣reau en fureur entra dans le lieu oû ils ètoient: l un se cacha sous un lit, l'autre se mit dans un Tonneau, & le troisieme sous le Bât d'un Ane. Comme ils ra∣contoient à leurs Amis de quelle maniere ils ètoient èchappez, tous se mocquerent de celui quis'ètoit cach•…•… sous le Bât; mais il y en eut un qui dit: Il avoit asseu∣rément raison d'avoir voulu mourir avec son habit.

17

Un homme demandoit à un vieillard comment il avoit fait pour vivre si long tems: Il lui repondit, pouvant être assis, je ne me suis point tenu debout; je me suis marié fort tard, j'ai été bien tôt veuf, & je ne me suis point re∣marié.

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18

Un Malheureux que le Bourreau foüettoit dans une Ville alloit si doucement qu'un des Spectateurs s'appro∣cha & lui dit: Miserable, tu vas si lentement que tu en compteras de belles, avant que tu sois à la fin de ton voyage; marche, double le pas, pour sortir, au plus vite de ce sup∣plice & de cette honte. Le Patient lui repondit, quand tu seras foüetté tu iras comme il te plaira, pour moy, je veux aller à mon aise.

19

Un homme de Perouse se desesperoit & fondoit en pleurs de ce que 〈◊〉〈◊〉 Femme s'ètoit penduë à un Figuier qui ètoit dans sa Cour. Un de ses Voisins le voyant dans ce triste ètat, s'approcha de lui, & lui dit tout doucement à l'Oreille: Que tu es fou, de t'affliger ainsi lors que tu as tant de sujet de te rejouïr! donne moy, je te prie, un rejetton de ce Figuier, afin que je le plante dans mon jar∣din, pour voir ce que ma Femme sait faire.

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Laurent, Prince Palatin, reprochoit à l'Empareur Sigis∣mond, qu'au lieu de faire mourir ses Ennemis vaincus, il les combloit de Graces, & les mettoit en ètat de lui nuire: Ne les fais-je pas mourir, dit-il, en faisant cesser leur haine & les rendant mes Amis?

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Un Seigneur ayant choisi un homme ignorant pour être son Biblio•…•…équaire, C'est, dit une Femme de quali∣té fott spirituelle, le Serrail qu'on a donné à garder à un Eunuque.

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Balzac ayant besoin d'Argent, envoya prier Voiture son Ami de vouloir bien lui preter quatre Cens êcus, & chargea son Valet de Chambre de donner à Voiture une Promesse de pareille somme: Voiture conta l'Argent, & comme on lui presenta la Promessé où il y avoit ces Mots, Je promets de payer à Monsieur de Voiture la somme de quatre cens écus qu'il m'a pretée, &c. il la prend, la lit, & souscrit ces Paroles, Je promets de payer à Monsieur de Balzac la somme de huit cents écus, pour le plaisir qu'il m'a fait de m'en emprunter quatre cens. Aprés cela il rend la promesse au Valet de Chambre pour la reporter à son Maître.

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Henri IV. Roy de France fut si genereux que de vou∣loir que Vitri Capitaine de ses Gardes du Corps, recût dans sa Compagnie celui qui le blessa dans la Bataille d'Aumale. Le Marèchal d'Etrées ètant un jour dans son Carrosse, & ce garde marchant à la Portiere, Voilà, lui dit le Roy, en le montrant, le Soldat qui me blesla à la Bataille d'Aumale.

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Comme on disoit à ce même Prince, que bien qu'il eût pardonné, & fait plusieurs Graces à un brave, qui avoit été un des Capitaines de la Ligue, il n'en ètoit pourtant pas aimé, il repondit: Je veux lui faire tant de bien que je le forcerai de maimer malgré lui. Ce grand Prince gagnoit ainsi les plus rebelles, & il disoit sou∣vent, qu'on prenoit plus de mouches avec une cueillerée de miel, qu'avec vingt tonneaux de Vinaigre.

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Un Archévêque de Florence disoit à un Cardinal: Les Hommes sont bien malheureux: tout l•…•…ur bonheur consiste aux biens de l'Ame, du Corps, ou de la Fortune, cependant ils sont toûjours tourmentez par les trop subtils Avocats, par les Medecins ignorans, & par les mauvais Theologiens.

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Un Espagnol ètant dans un Vaisseau qui fut surpris de la Tempête, le Capitaine fit commandement de jetter en Mer les choses qui incommodoient & pesoient le plus pour soulager le Navire. Aussitôt l'Espagnol prit sa Fem∣me, & la vouloit jetter dans l'Eau; & comme le Capi∣taine lui demanda la raison de ce procedé, il repondit; Je n'ai rien qui me pese & qui m'incommode plus que ma 〈◊〉〈◊〉 me, c'est pourquoi j'execute sur elle vôtre commandement.

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Alphonse Roy d'Aragon, voyant qu'une Galere chargée de Soldats perissoit, commanda qu'on l'allat secourir; & comme on tardoit à lui obeïr, à cause du peril, il se mit lui même en ètat de courir à son secours; & sur ce que chacun lui representoit le danger où il s'exposoit! Ah! dit-il, j'aime mieux être Compagnon que Spectateur de la Mort de mes Soldats.

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Le Roy Henri IV. apprenant qu'un fameux Medecin Protestant avoit quitté sa Religion pour se faire Catho∣lique Romain, dit au Duc de Sully qui ètoit alors avec lui: Mon Ami, ta Religion est bien malade, car elle est abandonnée des Medecins.

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Le même Roy visitant un jour son Arcenal, un Seig∣neur

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lui demanda si l'on pouvoit trouver au Monde d'∣aussi-bons Canons que ceux qu'ils voyoient: Ventre saint gris, repondit le Roy, je n'ai jamais trouvé de meilleurs Canons que ceux de la Messe.

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Comme on consideroit les pertes que la Ville de Mi∣lan causoit à la France, on dit qu'il seroit à souhaiter que cette Ville là eût été entierement ruinée: Non, non, dit le Chancelier du Prat; la Guerre de Milan sert d'une Purgation à la France, pour la nettoyer d'une infinité d'hom∣mes perdus & debauchez, qui la pourroient infecter.

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Louis onzieme, qui fut ensuite Roy de France, se re∣tira en Bourgogne, pour éviter le colere de son Pere Charles VII, & là il contracta familiarité avec un Paï∣san nomme Conon. Aprés qu'il eut succedé au Royaume de son pere, Conon se mit en Chemin pour Paris, afin d'y faire present au Roy de quelques Navets, parce qu'il avoit observé que le Roy avoit quelquefois pris grand plaisir à en manger, lors qu'il revenoit fatigué de la chasse. Pendant son voyage la faim l'obligea de manger tous ses Navets, à la reserve d'un seul d'une grosseur extraordinaire. Le Roy prit plaisir à la simplicité de cét Homme, & lui fit▪ donner mille écus; & commanda qu'on conservât ce Navet par∣mi ses Trefors, aprés l'avoir envelopé dans un mor∣ceau de Taffetas. Un Cour•…•…isan assamé avoit observé tout ceci, & ayant déja devoré une plus grande somme, il acheta un fort beau Cheval, & en fit present au Roy lequel re•…•…eut ce present avec joye, & lui sit donner le Navet. Aprés que le Courtisan l'eût developé, & qu'il eût veu ce que c'ètoit, il se plaignit de ce qu'il avoit été trompé; Il •…•…'y a point de tromperie, dit le Roy, puis que tu as ce qui m'a couté mille écus, pour un Cheval qui à peine en vaut-il cent.

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Alphonse Roy d'Espagne dit à ceux qui lui remontroi∣ent que la simplicité de ses Habits le confondoit avec ses sujets: J'aime bien mieux que ma Gloire & ma Vertu me distinguent de mes sujets, que le Diademe & la Pourpre.

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Les Hongrois qui avoient conspiré la perte de Sigis∣mond, ètant entrez en son Palais, ou pour le prendre, ou pour le tuer, l'Empereur les apperçeut, & courut au devant d'eux, un Poignard à la main: Qui de vous, leur dit-il, sera assez insolent pour me maltraiter? Qu'ai je fait qui merite la Mort? si quelqu'un a dessein de me frapper qu'il avance, je me defendrai. Ces Paroles fierement prononcées épouvanterent tellement les conjurez; qu'ils prirent aussi-tôt la fuite.

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Un Sage Moderne disoit: Que de faire l'Hypocrite c'é∣toit aller en Enfer par le chemin de Paradis.

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Un Pape, avant que d'être élevé au souverain Pontifi∣cat, faisoit, par une feinte & politique humilité, couvrir sa Table d'un rets de Pescheur au lieu d'une Nappe, mais a ussi-tôt qu'il fut parvenu à cette éminente dignité qu'il ambitionnoit, il dit à ses Officiers qui le vouloient servir à l'ordinaire: Servez moy de linge, je n'ai plus besoin de filet, le Poisson est pris.

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Un Bouffon dit un jour au Roy Fran•…•…ois qu'il avoit un Livre de Fous où il avoit écrit le nom de l'Empereur Charles Quint. Le Roy lui en demanda la Raison: Parce, dit il, qu'en passant par la France, il s'expose à être

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arrêté, Mais que diras-tu, continua le Roy, si non seulement je le laisse passer, mais encore, si je lui livre les Places que je lui ai promises: Sçavez-vous, repondit le Bouffon, ce que je ferai? J'ôterai de mon Livre le Nom de Charles Quint, & je mettrai le vôtre en sa Place.

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Alphonse Roy d'Aragon étoit si liberal, qu'il donnoit quelquefois les Villes, & les Duchez, & •…•…emit à son Peuple une grande partie des Impôts, c'est ce qui le fit appeller Main-percée; & comme on lui temoignoit que ses Largesses étoient excessives, il disoit: Le principal Soin d'un Roy, doit être d'enrichir se, Sujects, car quelques riches qu'ils soient, le Prince n'en devient pas plus pauvre.

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Ce même Roy disoit ordinairement: Pour vivre dans le Mariage, il faut que le Mari soit Sourd, afin qu'il n'entende pas les Impertinences et les Criailleries de sa Femme; et que la Femme soit Aveugle pour ne voir point toutes les Debauchesde son Mari.

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Le Roy Alphonse étant malade aprés avoir tenté en vain plusieurs Remedes, il les abandonna entierement▪ & se mit à lire l'Histoire de Quinte-Curse. Le plaisir qu'il y prit soulagea peu à peu son mal, & enfin se voyant gueri, il dit: Adieu Hyppocrate, Adieu Avi∣cenne, & toute la Medecine: Vive Quinte-Curse, mo•…•… veritable Medecin.

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Le Roy Henry IV. voyant son Tailleur qui lui montroit un Livre de quelques Reglements pour l'Etar▪ qu'il avoit composé, dit à un de ses Officiers: Qu'on me sasse venir sur l'heure mon Chancelier pour me faire un Habit, puis que mon Taill•…•…ur veut faire des Reglements.

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Alphonse, Roy d'Espagne, apprenant que les Siennois, qui pendant la Guerre d'•…•…alie, eto•…•…ent demeurez Neutres, avoient été pillez par les Soldats des deux Partis, aus∣si tôt que la Guerre eût é•…•…é fin•…•…e, dit: Qu'ils étotent semblables à ceux qui étant logez dans les étages moyens d'une Maison, sont incommodez par la Fumée de ceux qui sont a•…•… dessous, et par le Bruit de ceux qui demeurent au dessous.

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Un Seigneur, qui durant les troubles de 〈◊〉〈◊〉 Ligue, avoit long tems balancé sans suivre aucun Parti, vint un Jour à la Cour d'Henri IV. qu'il trouva joüant à la Prime; aussi-tôt que le Roy l'eût apperceu, il lui dit, Approchez, Monsieur, soyez le bien venu; si nous gagnons▪ sans doute vous serez des nôtres.

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Un Homme de Guerre élevant en presence de Sigis∣mond, les Dignitez Militaires, et méprisant les Magi∣stratures: Taisez vous, lui dit l'Empereur, et apprenez que si tous les Magistrats faisoient bien leur Devoir, nous n'aurions par besoin d Officers de Guerre.

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Adolphe Comte de Nassau, nouvellement élevé à l'Em∣pire d'Allemagne, envoya à Philippe Roy de France, un écrit injurieux, et lui fit faire des Ménaces fort ridi∣cules, Le Roy, qui étoit plus moderé, se contenta de charger le Courrier d'une Feuille de Papier, où pour toute Réponse il n'avoit écrit en gros Caracteres que ces feuls Mots, TROP ALLEMAND.

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Charles V. disoit: Pour bien dresser un Corps d'Ar∣•…•…ée, je voudrois que les Italiens en fussent la Tête, les E∣•…•…pagnols les Bras, les Allemans la Poitrin•…•…, à cause de

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leur Fidelité et de lenr Force; et que les autres Nations en composassent le Ventre et les Pieds.

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Quelques Soldats qui é•…•…oient prés du Carrosse de Catherine de Medicis, dirent cent Insolences d'elle: Et comme le Cardinal de Lorraine l'eût avertie qu'il les alloit faire pendre: Non, non, lui repondit▪ elle, lais∣sez les aller; je veux apprendre aujourd'huy à la Posterité, qu'en une même Personne, une Femme, une Reine, et une Italienne, ont s•…•…eu commander à leur Colere.

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Le Roy Jean ayant été pris en une Bataille qu'il donna devant Poitiers contre les Anglois, fut conduit dans seur Camp, où le Prince de Galles le servit tête nuë à souper: Le Roy le pria plusieurs fois de s'asseoir auprés de lui, mais le Prince s'en excusa par ces Pa∣roles: Il n'appartient pas au Sujet de s'asseoir aupres de son Se•…•…gncur; en•…•…uite le Roy lui dit: J'avois dessein de vous donner aujourd'huy à souper, mais la Fortune a voulu que vous me l'ayez donné.

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Un Peintre ayant promis le plus beau de tous ses Tableaux à une Personne qui ne s'y connoissoit pas, elle lui vint dire adroitement que le Feu étoit en son Logis: le Peintre s'écria d'abord à son Eleve, qu'on me sauve un tel Tableau. Elle reconnut par là que, c'étoir le meilleur, et le lui demanda aprés que son émo∣tion fut appaisée, et qu'il eût appris que cette allarme étoit fausse.

49

Quelques Pa•…•…sans se plaignant à un Capitaine que ses Sol•…•…ats les avoient volez, il leur demanda s'ils leur avoi∣ent laissé quelque chose? ils lui repondirent que ou•…•…:

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Hé bien, leur dit le Capitaine, ce ne sont donc pas mes Soldats, ils auroient assurément tout emporté.

50

Le Roy Alphonse repondit à quelques Personnes qui le pressoient de donner Bataille dans une Conjoncture dangereuse. Le Devoir d'un Général, c'est de Vaincre, non pas de Combattre seulement.

51

Dragut, Corsaire Turc, fit tuer Ibrahim, qui venoit de lui livrer la Ville d'Aphrodisium, que les Maures uomment Mahudia; et comme il lui avoit promis la Vie avec de grandes Recompences, il dit pour se justifier: Que personne n'étoit obligé de tenir sa Parole à celui quî avoit été Traitre à sa Patriie.

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Alphonse Roy d'Aragon, beuvoit si peu de Vin, que ses Amis s'en étonant, il leur dit: L'Amour qu' Alexandre eut pour le Vin ternit beaucoup l'éclat de sa Gloire, il fait ombre & obscurit la Raison et la Vertu, il disoit encore, Le Vin a deux fort méchantes Filles, la Fur•…•…ur et l'Amour brutal.

53

Le Roy Loïs XI. entendant dire que Nicolas Rau∣lin, Chancelier du Duc de Bourgogne, avoit fondé un riche Hôpital à Beaune, dit: Il est bien raisonnable que le Chancelier de Bourgogne, qui de son tems a fait tant de Pauvres, bâtisse àla fin de ces Jours un Hôpital pour les loger.

54

Charles Duc de Calabre, ayant Condamné un Gentil∣homme à donner cent Florins d'Or à une Fille qu'il avoit abusée, il lni commanda de suivre la Fille chargée de cette Somme, et de feindre de la lui vouloir óter. Elle

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seut bien la garder, & revint se plaindre deses Violences au Duc, qui lui dit: Si vous eussiez eu autant de soin pour conserver vôtre Honneur que pour defendre vôtre Argent, vous ne l'eussiez pas perdu; allez Ma•…•…ie, n'y retournez plus.

55

Un Astrologue avertit un Prince de mettre ordre à ses Affaires, parce qu'il devoit mourir dans trois Jours d'une Mort violente; le Prince lui demanda s'il avoit pre∣veu de quelle Mort lui même devoit mourir? & sur ce qu'il assura qu'il mourroit d'une Fievre chaude, il lui dit, que pour faire connoitre la Vanité de sa Sçience, il seroic pendu sur l'heure même. Comme on s'étoit déja saisi de l'Astrologue pour le conduire au Supplice, il dit au Prince, Voyez Monseigneur, sima Prediction n'est pas ve∣ritable, tâtez moi le Poux, & vous sentirez si je n'ai pas la Fievre. Cette subtilité lui sauva la Vie.

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Le Duc de Guise, aprés une Battaile du Roy François I. contre Charles Quint, reprochoir au Sieur Villandri, que bien qu'il fut armé de toutes pieces, on ne l'avoit point veu dans le Combat; je vous prouverai, lui repondit fie∣rement Villandri, que je m'y suis trouvé, & même en un endroit où vous n'eussiez ôsé paroitre. Le Duc piqué de ce reproche, le menaçoit de quelque chatiment rigour∣eux, maisil l'appaisa par cette Parole: J'étois, Seigneur, avec le Bagage, où vôtre Courage ne vous eût pas permis de vous cacher.

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Le Roy de France, Loüis XII. disoit: La plûpart des Gentilhommes ont le même sort qu'Acteon & Diomede; ils sont devorez par leurs Chieni et par leurs Chevaux. Voulant

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dire que la Chasse, et le soin d'avoir de beaux Chveaux ruïnoit beaucoup de Gens de Qualité.

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Une Personne qui marchoit devant le Roy Alphonse ayant poussé une Branche d'A•…•…bre, elle fit ressort, et frap∣pa l'oeil du Roy, qui en fut meurtri, et en devint fort en∣flé. Comme chacun lui temoignoit avoir part à sa dou∣leur: Je n'ai point de Mal, dit-il, qui me touche plus sensi∣blement, que la doule•…•…r et la crainte de celui qui m'a blessé.

59

Un Homme qui avoit épousé une laide Femme, en consideration de son grand Bien, l'ayant un jour surprise avec un Galand, il lui dit, Puis qu'on te baise gratis, qu'étoit il besoin de chercher un Mari aux depens de ton Bien?

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Un Laboureur voyant passer l'Archevêque de Cologne accompagné de plusieurs Soldats, ne pût s'empêcher de rire: L'Archevêque le pressa de lui en dire le sujet; C'est, dit le Laboureur, que je sui, ètonnè de voir un Archevêque armé, et suivi, non pas d'Ecclesiastiques, mais de Gens de Guerre, comme un Général d'Armèe.. Mon ami, lui rè∣pondit l'Archevêque, apprenez que je suis Duc aussi bien qu'Archevêque. Dans mon Eglise je fais la fonction d'Archevêque avec mon Clergé, mais dans la Campagn•…•… je marche en Duc accompagné de mes Soldats. J'entens bien, Mon Seigneur, lui repliqua le Païsan, mais dites moy, je vous prie, quand Monsieur le Duc ira à tous les Diables, que deviendra Monsieur l'Archévêque.

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Le Duc de Milan assiegè dans un Chateau par les Flo∣rentins, qui le pressoient fort, ne trouvoit aucune Vi∣ande à son goût lors qu'il étoit à Table; et comme il

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en querelloit souvent son Cuisinier, ce domestique adroit, aprés plusieurs autres Excuses, lui dit enfin: Voulez vous, Monseigneur, que je vous parle nettement? les Viandes sont bonnes, & bien preparées, mais •…•…ranchement les Florentins vous degoutent.

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La Vie du Pape Boniface VIII. fût si peu reglée, qu'on a dit de lui: Qu'il entra au Souverain Pontificat, comme un Re∣nard, qu'il vécut comme un Lion, & qu'il mourut comme un Chien.

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Le Roy Henry IV. importuné par un homme de Qua∣lité, qui lui demandoit une Grace pour son Neveu, coupa∣ble d'un assassinat, lui répondit: Je suis bien fâché de ne pou∣voir vous accorder ce que vous me demandez, il vous sied bien de faire l'Oncle, & à moy de faire le Roy: J'excuse vôtre de∣mande, excusez mon refus.

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Un Poëte importun, aprés avoir commencé de lire à quelqu'un un Poëme qu'il avoit fait, demanda à celui qui l'écoutoit lesquels de ces Vers étoient les meilleurs? Ce sont ceux, repondit-il, que tu n'as pas encore lus, car ils ne m'ont pas fait mal à la tête.

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Un homme de Marque, au sortir d'un long diner, et dans les douces fumées du Vin, signa un Ordre qu'on lui presenta, qui eût ôté le Pain à toute une Province, fi l'on n'y eut remedié. Il est excusable, dit un Railleur là dessus, le moyen de comprendre dans la premiere heure de la Digestion, qu'on puisse quelque part mourir de faim?

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Lorsque le Doge de Genes étoit à Versailles, (où il étoit venu faire des Soumissions au Roy de la Part de sa Re∣publique) et qu'il en visitoit toutes les Beautés, un Cour∣tisan lui demanda ce qu'il y trouvoit de plus extraordi∣naire: C'est de m'y voir, lui répondit le Doge.

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Eude Evêque de Bayeux en Normandie, & frere de Guil∣lame le Conquerant, du côté de sa Mere, fut creé Comte de Ke•…•…t par le Conquerant. Il arriva ensuite que cét Evêque tomba en Disgrace, si bien qu'il fut mis en Pri∣son. Le Clergé dans ce tems-la ètoit exempt du bras Seculier, & le Pape •…•…pousant la Querelle de l'Evêque, écrivit aigrement au Roy Guillaume là dessus. Le Roy ne lui fit d'autre réponse, sinon qu'il avoit mis e•…•… Prison le Comte de Kent, & non l'Ev•…•…que de Bayeux.

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Un Ambassadeur de Venise à Rome passa à Florence, où il salua le feu grand Duc de Toscane. Ce Prince se plaig∣nit à cét Ambassadeur de ce que sa Republique lui avoit envoyé un Venitien qui s'etoit fort mal conduit durant le sejour qu'il avoit fait auprés de lui. Il ne faut pas, dit l'Ambassadeur, que vôtre Altesse s'en étonne, •…•…ar je la puis assurer que nous avons beaucoup de Foux à Venise. Nous avons aussi nos Foux à Florence, lui repondit le grand Duc, mais nous ne les envoyons pas dehors pour traiter des Affaires publiques.

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Un Prince railloit un de ses Courtisans, qui l'avoit servi dans plusieurs Ambassades, & lui disoit, qu'i•…•… res∣sembloit à un 〈◊〉〈◊〉: Je ne sai à qui je ressemble, lui repon∣dit le Courtisan; mais je sai que j'ai eu l'honneur de vous representer en plusieurs Occasions.

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Un Homme de la Cour prenant congé du Roy, qui l'envoyoit en Ambassade vers un autre Prince: La prin∣cipale Instruction que j'ai à vous donner, lui dit le Roy, est que vous observiez une conduite toute opposée à ce•…•…le de vôtre Predecesseur. Sire, lui repartit l'Ambas•…•…adeur, je vai faire •…•…n sorte que vôtre Majesté ne donne pas une pareille Instruction à celui que me succedera.

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Un Domestique du Roy Henry le Grand, qui étoit confident du ses Amours, en obtint quelque grace, & alla voir le Chancelier pour en avoir l'ex∣pedition. Le Chancelier y trouvant de la difficulté, le Courtisan le pressoit, & vouloit lui prouver qu'il n'y en devoit pas avoir: il faut, lui dit le Chance∣lier, que chacun se mêle de son mètier. Mon Metier, lui repondit le Courtisan, qui crut qu'il lui reprochoit la Confidence de Son Maîtres, est un si bon Employ, que si le Roy avoit vingt ans de moins, jè nè le changerois pas po•…•…r quatre comme le vôtre.

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Un Homme entêté d'une piece de Théatre de sa facon, en expliquoit l'intrigue & le Dessein à un Cour∣tisan: La scene, lui disoit-il, est en Cappadoce; il faut se transporter dans ce Pais là, & entrer dans le genie de la Nation, pour bien juger do la Piece: Vous avez raison, répondit le Courtisan, & je croi qu'elle seroit bonne à jouer sur les lieux.

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Monsieur de Vaugelas ayant obtenu une Pension du Roy par l'entremise du Cardinal de Richelieu, ce Car∣dinal lui dit; Au moins, Monsieu•…•…, vous n oublierez pas dans vôtre Dictionnaire le mot de Pension. Non, Monsei∣gneur, lui repondit Vaugelas, ni celui de Reconnoissance.

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Benserade étant à l'Academie y prit la Place de l'Ab∣bé Furetiere, qu'il n'aimoit pas, & dit en s'y mettant; Voici une Place où je dirai bien des sotises: Courage, lui re∣pondit Furetiere, vous avez fort b•…•…en commencé.

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Le Marquis du Chatelet, autre Academicien, ètant sorti de la Bastille, où il avoit été mis pour un sujet assez leger, se presenta devant le feu Roy de France. Le Roy, qui avoit de la peine à voir un homme qu'il n'avoit pas bien traité, s'appliquoit à detour∣ner les yeux de dessus lui. Le Marquis s'en apper∣cevant, s'approcha du Duc de S. Simon, & lui dit: je vous prie, Monsieur, de dire au Roy que je lui pardon∣ne, & qu'il me fasse l'bonneur de me regarder. Ce qui fit l'effet qu'll desiroit; car le Duc l'ayant dit au∣Roy, il en rit, & lui parla ensuite fort obligeam∣ment.

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Louis XII. Roy de France, ètant Duc D'Orleans, avoit receu plusieurs deplaisirs de deux Personnes qui ètoient en faveur dans le regne precedent. Un de ses Confidents l'excitoit à lui en temoigner son res∣sentiment: Il est indigne du Roy de France, répon∣dit il, de venger les injures faites au Duc d'Orle∣ans.

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Jean II. Duc de Bourbon ètant en Otage en Angle∣terre pour le Roy Jean, plusieurs Gentilhommes, Vas∣saux de ce Duc, cabalerent contre lui durant son ab∣sence, & empieterent sur ses Droits. Un de ses Offi∣ciers en fit des Memoires exacts, et en presenta un gros Recueil au Duc à son retour, afin qu'il en fit faire justice. Le Duc lui demanda, s'il avoit aussi te∣nu Regitre de tous les bons Services qu'ils lui avoient rendus auparavant, & l'Officier lui répondant que

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non: il n'est don•…•… pas juste, repliqua le Duc, que je fasse aucun usage de celui ci, & le jetta dans le feu sans le lire.

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L'Intendant Du feu Duc de Guise lui representoit la nêcessité qu'il y avoit de mettre ordre à ses af•…•…aires do∣mestiques, & lui donna une liste de plusieurs personnes inutiles dans sa Maison. Le Prince l'ayant examinée, il est vray, lui dit il, que je pourrois bien me passer de tous ces Gens là: Mais leur avez vous demandé, s'ils pourront aussi se passer de moy.

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Une demoiselle galante reprochoit à son Frere sa passion pour le jeu qui le ruinoit: Quand cesserez vous de joüer, lui dit elle: Quand vous cesserez d'aimer, repondit le Frere. Ah! Malheureux, repliqua la soeur, Vous joüerez donc toute vôtre vie.

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Un homme de Qualité, voyageant en Espagne, alla voir l'Escurial, & comme il visitoit ce riche & magnifi∣que Convent de Religieux de l'ordre de S. Jerome, qu'on nomme le cloi•…•…re de S. Laurent, le Superieur qui le conduisoit lui raconta les particularitez de sa fondation; il lui dit comme le Roy Philippe II. l'avoit fait batir pour satisfaire au voeu qu'il en sit le jour de la bataille de S. Quentin, qui fut donnée le jour de S. Laurent, en cas qu'il en sortit victorieux: là dessus le Voyageur lui dit en admirant la Magnificence de ce Batiment: Mon Pere, il falo it que ce Roy eus grand p•…•…ur, lors qu'il sit us si grand voeu.

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Toutes les dents d'une Demoiselle, qui parloit beau coup, étant pretes à tomber, elle en demanda la cause à un Medecin, qui lui repondit, que c ètoit à cause des se∣cousses, qu'elle leur donnoit avec sa langue.

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Un mechant Peintre, qui ne pouvoit vendre ses ou∣vrages, s'en alla dans un autre païs & s'y fit Medecin▪ Quelqu' un qui passoit par là le reconnut & lui deman∣da pour quelle raison il alloit vêtu en Medecin? Il ré∣pondit, J'ai voulu professer un Art, où toutes les fautes que l'on y fait, sont couvertes par la Terre.

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Certaines Demoiselles, se promenant à la campag∣ne, rencontrerent par le chemin un Berger qui portoit un chevreau au marché; une d'entre elles sen étant approchée, le caressa & dit à ses compagnes, Regarde•…•… comme il est joly, il n'a point encore de cornes▪ •…•…e Berger en∣tendant cela, leur repondit, c'est qu'il n'est pás encore marié.

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La Cour du Roy étant en une certaine ville, deux gentils hommmes se promenant ensemble rencontrerent un Païsan qui battoit son Ane avec éxcez, ils lui dirent aussi tot, he, mon amy, n'avez vous point de conici∣ence de maltraiter ainsi cette pauvre Bet•…•…? Cét hom∣me ayant oté son chapeau dit aussi tôt, Pardon, mon∣sieur l Ane, je ne croyois pas que vous eussies des parens à la Cour.

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Un homme de la Ville dit à un Courtisan, qu'il venoit de se decharger d'un pesant fardeau en payant une Somme qu'il devoit, & qu'il ne comprenoit pas comment on pouvoit dormir, quand on ètoit chargé de dettes: Pour moy, repondit le Courtisan, qui ètoit fort endetté, Je le comprens facilement; mais je ne com∣prens pas comment mes Creanciers peuvent dormir, sachant bien que je ne les payerai jamais.

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Le Baron des Adrets, l'un des chefs du Parti Hugue∣not, prit durant la Guerre un Chateau du Parti des Catholiques, & condamna les Soldats qui l'avoient de∣fendu à sauter du haut en bas d'une Tour de ce Cha∣teau; Un du ces Soldats s'avança par deux fois au bord du Precipice, & s'en recula par deux fois; le Baron lui dit, Saute donc sans tant marchander, car je vais te faire souffrir bien d'autres tourmens si tu recules pour la troisiéme fois. Monsieur, lui repondit le Soldat, Puisque vous trouvez la chose si facile, je vous la donne en quatre: Ce qui plût à ce Baron, qui tout cruel qu'il étoit, lui pardonna en faveur de ce bon mot.

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Une jeune Dame ètant en Compagnie avec son Mary, on se mit sur les bons Contes, & chacum dit ceux qu'il savoit; la Dame en voulut dire un à son tour, & raconta toutes les addresses dont un Galand s'étoit servi pour s'introduire la nuit dans la Chambre d'une Femme qu'il aimoit, & dont le Mary ètoit absent; mais par malheur, ajoûta-t-elle, comme ils ètoient en

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semble, fort contens l'un de l'autre, Voici le Mari qui revint frapper à la porte: Imaginez vous, dit elle, alors l'embarras où je fus. Cette reflexion mal placée, jetta son Mary dans un autre embarras, en lui faisant con∣noitre la part qu'il avoit en cette avanture, & comme sa femme, sans y penser, avoit laissé échapper une verité qu'elle n'avoit pas intention de lui apprendre.

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Le Comte de Mansfelt, ayant perdu trois Battailles en Allemagne, vint demander de nouveaux Renforts au Roy de France. Un jour qu il alla voir les deux Reines à diner, la Reine Mere dit: On dit que le Comte de Mansfelt est parmi cette Foule; je n'en crois rien, Dit la jeune Reine, Car il prend la fuite d'abord qu'il voit un Espagnol.

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Un Capitaine qui avoit une jambe de bois bottée, y receut un coup de Canon qui la lui fracassa; & comme ses Soldats demandoient un Chirurgien, Un Chirurgien pour le Capitaine. Non, non, dit il, un Charpentier fera mon affaire.

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Un Secretaire d'Etat en France, passant en hyve•…•… sur le Pont-neuf à Paris, sur les neuf à dix heures du soir avec son Laquay & un Flambeau pout l'éclairer, il entendit un Chamaillis d'Epées & de gens qui se battoient, & voyant à la faveur du Flambeau, qu ils n'ètoitent que deux, il dit à son Laquay de pa•…•…ser Chemin. A peine eurent ils fait quelques pas que deux hommes armez, avec leurs Pistolets bandez, & l'épée nue, s'en vinrent fierement à eux: l'un d'eux avoit un

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Papier en sa main, qu'il dit avoir ramassé par hasard dans la ruë, & qui avoit causé leur demêlé; c'est pour∣quoy ils prierent fort civilement le Secretaire de le lire. Le Secretaire tira ses lunettes, & se mit à lire ce Papier, dont le contenu étoit. Il est fait à scavoir à toutes Personnes que quiconque passèra sur ce Pont après neuf heures en hyver, & dix en Eté, il aye à laisser son Manteau, & en cas qu'il n'ait point de Manteau, son Chapeau. Comme un des Filous vit que le Secretaire tressailloit de peur, il lui dit, qu'il croyoit que cét écrit le regardoit; ainsi ils lui prirent son Manteau, & no∣tre Secretaire fut content de ce qu'on le laissa aller paisiblement chez lui en pourpoint.

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Le Duc d'Ossone, Viceroy de Naples, passant par Barcelone, & voulant se servir du Droit qu'il avoit de delivrer quelques Forçats, alla sur la Galere Capi∣tainesse, & passant par la Chiourme, il interrogea plusieurs Forcats touchant leurs Crimes. Ils s'excuse∣rent tous sur divers Pretextes, les uns disant qu ils ètoient là par malice, les autres parce que leur Juge avoit été corrompu; mais tous injustement. Parmi ceux-ci il se rencontra un petit noirand esperlucat, & comme le Duc lui demanda pourquoi il ètoit là: Monseigneur, dit il, je ne saurois nier que ce ne soit avec justice qu'on m'a mis ici; car me trouvant sans argent, je pris une Bourse pres de Tarrascon pour m'emp•…•…cher de mourir de faim. Le Duc, avec un petit baton qu'il avoit en sa main, lui donna deux ou trois coups sur l'épaule, & lui dit, Coquin, qu'est ce que tu fais ici parmi tant de gens de bien qui sont innocens? Sors prom∣tement de leur Compagnie. Ansi il fut mis en liberté, & les autres demeurerent pour tirer à ia Rame.

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Jaques I. Roy d' Angleterre demandant au Chancel∣lier Bacon, ce qu'il pensoit del'Ambassadeur de France; il respondit que c'etoit un homme de belle taille. Ouy, repliqua le Roy, mais que dites vous de sa tête? Est-elle propre pour une Ambassade? Sire, dit Bacon, les Gens grands sont comme les Maisons de cinq ou six etages, ou les Chambres les plus hautes sont ordinairement les plus mal garnies.

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Christophe de Plaisance, Gentilhomme agréable & bon compagnon, mais fort pauvre, trouvant une nuit des voleurs dans sa maison, leur dit, sans se mettre en co∣lere, Je ne scay ce que vous pretendez trouver dans ma Maison pendant la nuit, puisque moy même, je n'y trouve rien pendant le jour.

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Un Comte Italien, des environs de Naples, qui avoit cent mille ecus de rente, ayant épousé une simple Blanchisseuse; le Dimanche d'aprés, on vit Pasquin avec une Chemise extremement sale, & ces mots sa∣tyriques au dessous: Fi donc, Pasquin, Une Chemise sale un jour de Dimanche? La reponse en faveur de Pasquin étoit, Je ne saurois qu'y faire, car ma Blanchisseuse est devenüe Comtesse.

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On fit une Raillerie fort piquante sur le Pape, & un de les Neveux, sur la fin de l'année 1649. En cette maniere. Le bon Pere avoit élevé ce jeune hom∣me de la Condition d'un miserable benet de Tailleur,

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à la dignité de Baron de Rome; Toute l'ancienne No∣blesse en fut piquée: & on chargea un Esprit malin de tourner en ridicule, & la conduite du Pape, & la dig∣nité du nouveau Baron; sur cela on vit le jour de Noel, de grand matin, Pasquin v•…•…tu d'un habit fort sale & tout dechiré avec un morceau de Papier à la main, avec ces mots. Quoy donc, Pasquin, d'où vien∣nent ces Guenilles un jour de Noel? La réponse en faveur de Pasquin ètoit, Helas! je•…•…ne saurois qu y faire, car mon Tailleur à été fait Baron.

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Un jour on menoit un voleur à la Potence, & com∣me son Confesseur lui demandoit s'il n'étoit pas fa∣ché d'avoir commis le larcin pour lequel il alloit être pendu: Ouy, lui repondit le Criminel, mais ce qui me fache davantage, c'est de n'avoir pas assez volé pour corrom∣pre mes Juges.

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Deux Dames joüant au Piquet, un jeune Seigneur vint sur le jeu, qui leur demanda ce qu'elles joüoient, elles lui dirent qu'elles ne joüoient que pour l'honneur. Il n'y aura donc rien pour les cartes; repliqua t-il.

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Un avocat dit à son Client, que sa Partie adverse avoit porté l'affaire d'une cour à une autre, à quoi le Client répondit, Elle n'a qu'à la porter au Diable si elle veut; Je suis seur que mon Procureur l'y poursuivra pour de l'argent.

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Un Usurier se faisoit toujours servir deux Plats à Table, quoy qu'il ne touchat qu'à un; un jour son

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valet n'en servit qu'un, & laissa l'autre. Coquin, lui dit son Maitre, Où est 〈◊〉〈◊〉 Plat? Monsieur, dit il, Il est venu ici 〈◊〉〈◊〉 souvent, que je eroyo•…•… qu'il retrouveroit assez le chemin sans moy.

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Un Avocat ètant malade, fit son Testament & donna tout son Bien aux Fous, aux Lunatiques, & aux Enragez: Et comme on lui en demanda la raison, il repliquà, Qu'il vouloit le rendre à 〈◊〉〈◊〉 de qui il se tenoit.

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Un Tailleur alla porter ses Parties au Duc de Buck∣ingham, qui lui dit-qu il ne pouvoit pas le payer alors, mais lui fit prendre une éeuellée de son Bouillon, ce qu'ayant fait, il remercia 〈◊〉〈◊〉 humblement sa Gran∣deur, & se retira. Il n'eut pas éré long tems chez lui a faire aller ses Ciseaux, qu'il eut affaire de son Poin∣con; car le Bouillon commencant à operer, il falut qu'il fit monter sa Femme, laquelle ne se fit pas beau∣coup prier pour yenir voir ce qu'il souhaitoit. A me∣sure que le Bouillon operoit sur lul il en fit autant sur sa Femme; & s'etant bien diverti avec elle, il lui donna un baiser, & la renvoya. Dans un quart d'heure il la fit remonter; et puis une troisiéme & quatrieme fois. Ensin elle lui demanda d'où venoit un Changement si étrange & si subit? Il repondit que Milord ne lui avoit pas payé ses Parties, mais qu'il lui 〈◊〉〈◊〉, une éeuellée de son Bouillon, quiwl'avoit rendu si vigou•…•…: 〈◊〉〈◊〉 quoi la Femme repliqua 〈1 line〉〈1 line〉 t•…•…i de tou•…•…es tes parties en Bo•…•…llons

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Un Tailleur borgne revint au Logis avant que sa Femme l'y attendit; & comme pendant son absence elle s'etoit divertie avec son galand, & qu'elle ne sa∣voit comment le faire sortir, elle s'avisa de ce Stratage∣me. Elle s'approche de son mari, lui saute au cou, met sa main sur son bon oeil, & lui dit qu elle avoit songé a nuit passée qu'il y voyoit de l'autre l'oeil, & dans ce tems là son galand se fauva.

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Un Tailleur, qui avoit une Femme jeune & belle, s'en ètant allé en Province chez ses Chalands; un de ses Compagnons jeune & vigoureux tacha de la corrompre, mais elle le rebuta; Enfin il jura que lors qu'elle seroit couchée, il la viendroit trouver dans sa chambre, & elle jura de son côté que s'il le faisoit, elle auroit un grand Couteau dans son lit pour lui couper la gorge. La nuit venuë, il ouvre doucement la Porte, mais se res∣souvenant du Couteau, il alloit resortir à la derobée: Elle, entendant du bruit, demanda qui c'ètoit? C'est moy, dit il, qui avois resolu de coucher avec vous, n'ètoit que je me suis ressouvenu du serment que vous avez fait du Couteau. O! la sotte que je suis, dit elle, d'avoir oubliē le Coutêau là bas dans la Cuisine!

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Un homme qui ètoit à la Table d'un Milord, l'en∣tretenoit d'une Operation chimique qu'il avoit veuë en Flandre, & qui etoit un Remede général pour toutes fortes de maux; & je vous avouë, dit il, que je ne l'eusse pas creu si je ne l'eusse veu moi-même; le Milord en parut fort surpris, & il demanda à un Philosophe grave

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qui ètoit à Table, ce qu'il en croyoit: Vrayment▪ Mi∣lord, dit-il, ce Monsieur là vient d'expliquer me•…•… sentimens, car il a dit qu'il ne l'eût point creu, à moins que de l'avoir▪ veu, & moy je ne saurois le croire non plus.

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Un Gentilhomme arriva dans une Hotelerie de Chelmsford, un jour qu'il faisoit grand froid, & comme il ne pouvoit avoir place auprés du feu, il appella le valet d'Escurie, & lui dit d'aller chercher un Picotin d'Huitres, & de les donner au plus vite à son cheval. Est-ce que vôtre cheval mange des huitres, reprit le va∣let d'Escurie? Vous n'avez qu'•…•… essayer, lui dit le Gen∣tilhomme. D'abord tout le monde accourut pour voir cette merveille, & le feu demeurant libre, le Gentilhomme prit la place qu il voulut. Un moment aprés le valet d'Escurie rapporte les huitres, & dit que le Chèval n'y vouloit pas mordre; He bien, dit le Gentilhomme, il faut que je les mange moi-même.

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Un Gentilhomme ayant affaire de deux Coupe j•…•…r∣rets determinez pour faire piece à un homme qui lui avoit fait affront, son valet lui en amena deux, qui avoient le visage balafre: Non, dit-il, je ne veux point de vous; Mais si vous pouvez m'amener ceux qui vous ont fait oes Balafres, ils feront mon affaire.

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Deux Amis qui ne s'étoient pas veus depuis long tems, se rencontrant par hazard, l'un d'eux demanda à l au∣tre comment il se po•…•…toit? il lui d•…•…t pas trop bien, & qu il s'etoit marié depuis qu'il ne l'avoit veu: voilà une bonne nouvelle, dit-il; Pas trop bonne, lui repli∣qua

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l'autre, car j'ai épousé une querelleuse; Voila qui va mal, lui dit l'autre; pas tant mal non plus, dit il, car •…•…lle m'a apporte deux mille livres Sterlin; voilà qui est encore bien, lui dit l'autre; Pas trop bien non plus, car j'en ai acheté des Moutons, & ils sont tous morts du Tac: Voilà qui est cruel, lui dit son ami; Pas tan•…•… cruel, dit il, car j'ai vendu les peaux plus que les Mou∣tous ne me coutoient; Cela vous a dedommagé, lui dit l'autre; Pas beaucoup, car j'en ai acheté une Maison qui s'est brulée; Voilà en verité une grande perte; Pas trop grande, car ma Femme s'y est brulée aussi.

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Un homme dit à sa Femme, qu'o•…•… l'avoit assuré que tous ceux de leur ville passoient pour Cocus, à la reserve d'un seul: Qui crois tu que c'est? dit-il; Urayment, mon mari, dit-elle, je ne saurois m'imaginer qui ce peut être.

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Un Filou ètant venu dans une Hotelerie, il e•…•…voya chercher un Cordonnier avec des Bottes, & en ayant essayé une Paire qui lui ètoient propres, il lui en deman∣da le prix, & lui dit qu'il ne pouvoit pas le payer de la semaine; le Cordonnier lui dit qu'il vouloit donc ravoir ses Bottes; l'autre, voyant qu'il n'avançoit rien, prend aussi tôt la fuite, & court à travers la ville, & le Cordonnier aprés lui, criant de toute sa force, qu'on l'arrête, qu'on l'arrete. Comme quelques uns alloi∣ent l'arrêter, il leur cria; je vous prie ne m'arrètez pas, car nous gageons à qui courra le mieux, moy avec des Bottes, & lui avec des souliers; alors ils s écrierent qu'ils gageoint cent Livres Sterlin que les Bottes gagnoient.

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Un Debauché fut mené devant un juge de Paix pour avoir fait des juremens; Le juge lui ordonna de payer •…•…amende, qui éroit deux Chelins pour deux juremens; là dessus il •…•…ire un demi-écu de sa poche, & demande au juge le prix d'une imprecation, lequel lui dit, Six sols: Et bien, dit il, La Peste vous é•…•…ouffe Pripons & Fous 〈1 line〉〈1 line〉 〈1 line〉〈1 line〉.

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Un Certain Pace, grand Railleur du Tems de la Reine Elizabeth, etant venu à la'Cour: He bien, Pace, lui dirent les Dames, nous allons maintenant entendre nos Defauts: Point, dit il, je n'a•…•… pas 〈◊〉〈◊〉 de parler de ce qui fait l'entretien de toute la ville.

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Un Getilhomme à cheval, avoit un chien appellé Cocu, qui suivit une chienne dans une Entree de mai∣son; la dessus il se mit 〈◊〉〈◊〉, Cocu, Cocu; La Fem∣me du logis sortit & lui dit nu'il etoit un coquin d'ap∣peller son mari cocu; Vous vous trompez, dit-il, ce n'est pas lui que j'appelle, c'est mon chien; Vous avez encore plus grand tort, dit elle, de donner à un chien le nom d'un Chretien.

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Alphonse, surnommé le Sage, Roy d'Aragon avoit ac∣coutumé de dire, que parmi tant de choses que lês Hommes possedent, ou qu'ils recherchent avec ardeur pendant le cours de leurvie, tout n'est qu'un vain amuse∣ment, excepté du Bois sec & vi•…•…ux pour bruler, du vin

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vieux pour boire, d anciens amis pour converser, & de vieux Livres pour lire.

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Un Gentilhomme, qui avoit une belle femme, a∣voit accoutumé de venir souvent à Londres, & de lais∣ser sa Femme à la Campagne; pendant son absence un Drole de Chartier, fort & vigoureux; ètoit familier avec elle, ce qui étant venu aux Oreilles du Gentil∣homme, il jura qu il tüeroit ce Coquin en quelque en∣droit qu'il pût le renconter; Un jour, ètant aux Champs, quelqu un lui dit: voilà le Drole qui vous à fait cocu; là dessus il s'approche de lui, & lui dit: Coquin, j'ap∣prens que pendant mon absence vous ètes familier avec ma Femme, & que vous m'avez fait Cocu: Hé bien, Monsieur, dit il, je l'ai fait, qu'est ce qu'il y a? Ce qu il y a, dit il? C'est que si vous ne l'aviez pas avoüé je vous aurois cassé la tête.

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Un jeune homme dit à sa femme la premiere nuit des nôces, que si elle lui eût permis de coucher avec elle avant le Mariage, il ne l'eût jamais épousée: Ma foy, dit elle, C'est ce que je me suis imaginée, car j'ai deja eté attrapée troi•…•… ou quatre fois auparavant, & je n'avois garde de me laisser encore attraper.

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Une Demoiselle modeste ètant forcée d'accuser son Mari d'impuissance, & ètant à l'audience, elle pria tres humblement le Juge de lui permettre d'écrire ce qu'elle n'osoit dire, par Modestie; •…•…le Juge lui accorda cette liberté, & commanda d'abord à•…•… Greffie•…•… de lui donner une Plume, de l'Encre & du Papier; Elle

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prit la plume, •…•…ans y mettre do l'Encre, & 〈◊〉〈◊〉 sem∣blant 〈◊〉〈◊〉; Le Greffier lu•…•…t dit, Madame, Il n•…•…y a point d Encre à votre plum•…•…: Urayment, Mo•…•…sieur, dit elle, c'est là justement mon cas, & ainsi il n'est pas n•…•…cessaire que je m'explique d'avantage.

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Un Maltotier se promenant pres d'une Riviere vit un Gar•…•…on qui peschoit, & qui savoit qu'il etoit de cette honnorable Profession. Petit Gar•…•…on, lui dit il, Que pesches tu? Je tache de pesche•…•… le Diable, re∣pliqua l•…•… Gar•…•…on, mais je n'ai pas la bonne amor∣ce pour l'attraper: Quelle est cette amorce, dit l'autre? Urayment, Monsieur, j'ai entend•…•… dire qu'il n'y à pas de meil•…•…eare amorce qu'un Maltotior.

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Un homme qui venoit d'un grand Voyage, & qui pour faire diligence avoit couru la Poste, ètant arrivé chez lui, il pria sa Femme de l'excuser s'il ne la ca∣ressoit pas cette nuit; Elle parut assez contente, mais maudit dans son coeur ceux qui avoient inventé la Poste. Le 〈◊〉〈◊〉, s•…•… promenant dans la 〈◊〉〈◊〉 avec sa Femme▪ il vit▪ l•…•… Coq 〈◊〉〈◊〉 au •…•…oleil au∣prés des Poules, & la dessus il domanda a sa Femme qu'est-ce qui rendoit le Coq si pesant & assoupi; Uray∣ment, dit elle, je ne sai, à moi•…•…s que ce ne soit d'avoir couru la Poste.

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Un Capitaine de 〈◊〉〈◊〉 〈◊〉〈◊〉 que son Bisayeul, son Ayeul & son Pere •…•…toient morts sur mer; si j'ètois que de vous, lui dit quelqu un, je n'irois jamais sur mer à cause de cela. Et où est•…•…ce que tous vos

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Parens sont morts, lui dit-il? Il repondit dans leur lit. Et •…•…ien, repliqua-t-il, par la même raison, si j'ètoit que de vous je ne me mettrois jamais au lit.

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Un Marchand Anglois à Amsterdam, devoit vendre pour cent livres Sterlin de Gans à certains •…•…uifs, les∣quels se dedisant du Marché, en apportant leur Ar∣gent n'en voulurent prendre que la Moitié; le Mar∣chand Anglois leur demanda un p•…•…u de tems pour les appareiller, & leur dit qu'ils en auroient Moitié; Ensuite il donna ordre à ses Gens de la mettre tous les Gans de la main droite en une Partie, & ceux de la gauche en une autre; quand les •…•…uifs vinrent il leur dit de choisir, ce qu'ayant fait, & payé l'ar∣gent, ils commencerent à les empaqueter, mais comme ils s'apperceurent enfin qu'ils ètoient tous d'une main, ils furent obligèz de prendre les autres au prix d•…•… Marchand.

121

Un Gentilhomme donna ordre à son valet de l'ap∣peller à six he•…•…res du Matin, mais il l'éveilla à quatre; & comme il lui en demanda la raison, il répondit: Qu'il venoit lui dire qu'il avoit encore d•…•…ux heures à dormir.

122

Un Cuisinier qui servoit un Taquin, dit qu'il vou∣loit le quitter, & comme on lui demanda pourquoi? C'est, dit il, que si je demeure long tems chez lui, j'oublierai mon metier.

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123

Une Dame ètant recherchée par deux Galands dont l'un ètoit grand, & l'autre petit, un Gentilhomme lui demanda, lequel ètoit le plus à son gre? Urayment, Monsieur, dit elle, le grand me revient le plus, pourveu qu'il ayt tout à proportion.

124

Un homme demandoit pourquoi on donnoit plûtôt aux Gueux qu'aux Savans? Un autre lui répondit, Parce qu'on peut devenir gueux plûtôt que savant.

125

Un homme demandoit à un autre, quelle opinion on avoit de lui? Urayment, lui dit l'autre, vous paro∣issez fou, aux Sages; & Sage, aux fous; mais, je vous prie, que pensez vous de vous même.

126

Un pere grondoit son filz de ce qu'il se levoit tard, & luy disoit pour exemple qu'un certain homme s'ètant levé de bon Matin, il avoit trouvé une bourse pleine de Pistoles, son filz luy répondie. Celui qui l'avoit per∣due s'ètoit levé encore plus matin.

127

Un Medecin ayait fait venir un Marechal pour lui guerir sa Mule, la seconde fois qu'il vint, le Medecin luy mit trente, solz dans la main, le Marechal les luy rendit en luy 〈◊〉〈◊〉, Monsieun, vous ne prenons ja∣mais d'argent de ceux de notre profission.

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128

Oh homme disoit que les sottises resembloint aux malheurs, qui ne viennent jamais seuls, & qu Vaussi∣tôt qu'il en entendoit dire quelqu'u úne, il disoit, soy∣éz la bien venuë pourveu que vous soyez seule.

129

Deux jeunes hommes demandoient une Fille en ma∣riage à son pere, l'un étoit riche & l'autte pauore, le pere l'ayant donnée au dernier quelques-uns de ses mis lui demanderent pourquoy il ne l'avoit pas donnée à celuy qui étoit riche; Parce que, leur dit-il, Le riche qui n'a point d'esprit, pourra devenir pauvre, mais le pauvre qui est un homme judiceux & sage pouvra facilement devenir riche.

130

Un borgne rencontra un matin de fort bonne heure un bossu, & luy dit, compere, vous étes chargé de bonne heure; il est vray qu'il est de bonne heure, dit le bossu, car vous n'avez encor qu' une fenêtre ouverte.

131

Un certain homme disoit, que le vin avoit deux mauvaises qualitez: la premiere, si l'on met de l'eau dans le Vin, vous le gâtez, la secon de sivousn'y en mettez point, il vous gâte vous méme.

132

Deux Hommes allant à cheval de Shipton •…•… Burford, & voyant un Meunier, qui alloit tout doucement devant eux monté sur ses sacs, ils resolurent de se mo∣quer de lui, & pour cét effet l'un d'euxse mit à un de

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ses côtez & l'autre de l'autre, Lui demandant s'il ètait plut fripon que fou? Vrayment, dit-il, Je ne sai ce que je suis le plus, mais je juge que je suis entre deux.

133

En Flandres un Maçon Flamand tomba par accident du Toit d'une Maison sur un Espagnol, & le tua, quio qu'il eut le bonheur d'echapper lui mëme sans se faire mal; le plus proche Parent fit des poursuites vigoureu∣les contre le Maçon au sujet de la mort du Defunt, & quoy qu'il lui offrit une Recompense pecuniaire, il insistôit toujours sur la loy du Talion. Sur quoy le juge lui dit que s'il demandoit une telle sentence, il faloit qu'il montât sur le Toit de la même Maison & que de là il se jettàt sur le Maçon, & qu' ainsi il le fit mourir, de la mème maniere qu'il avoit tué son Pa∣rent.

134

Les Espagnols favorisoient le patli du Duc De Mayen∣ne & des autres Rebelles de France, qui prirent le nom de Sainte Ligue: Et comme on demandoit à un Gen∣tilhomme François les causes de leurs Brouilleries dome∣stiques, il repondit par cette excellente Allusion, qu'el∣les ètoient Spanie & Manie; semblant signifier par cet∣te Reponse 〈 in non-Latin alphabet 〉〈 in non-Latin alphabet 〉, indigence; & 〈 in non-Latin alphabet 〉〈 in non-Latin alphabet 〉, la Manie, la Fureur; Mais voulant marquer à mots couverts, le Roy d'Espagne & le Duc de Mayenne.

135

Thomas d'Aquin vint voir un jour le Pape Innocent III. en presence de qui on contoit alors une grande som∣me d'argent. Tu vois Thomas, lui dit le Pape, que l'Fglise n'a pas besoin de dire presentement, ce qu'el∣le

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disoit dans son enfance, Je n'ai ni or, ni argent. A quoi Thomas lui repliqua sans étude: Il est vray Saint Pere, mais aussi l'Eglise d'àpresent ne peut elle pas dire ce que l'ancienne dit à ce même Boiteux, Leve-toi, marche & te porte bien. Remarquez en passant que quelques uns font ce Conte du Pape Sixte IV. Et d'un Cordelier.

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Le Pape Alexandre VI. demandoit à Jerome Donat, Ambassadeur de Venise, de qui les Venitiens tenoient les Droits, & les Contumes de la Mer? A quoi l'Ambassadeur repondit sur le champ: Que vôtre sain∣tetē me montre les Titres du Patrimonie de S. Pierre, & vous trouverez au dos, une donation faite aux Venitiens de la Mer Adriatique.

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Un Plaisant avoit accoutume de dire que dans la Chretienté il n'y avoit n'y assez de gens sca∣vans, ni assez de Gentilhommes, ni assez de Juiss: Et comme on lui répondit que bien loin qu'il en manquât il n'y en avoit qu'un trop grand nombre, il repliqua, que s'il y avoit assez de scavans, il n'y au∣roit pas tant d'ignorans beneficiez; Si assez de Gen∣tilhommes, il n'y auroit pas tant de Roturiers faits no∣bles; & si assez de Juiss, tant de Chrêtiens ne se feroi∣ent pas Usuriers.

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Du tems de la Reine Elizabeth, dans la chaleur des guerres entre l'Angleterre & l'Espagne, il fut resolu qu'on entreroit dans un Traité de Paix entres ces deux couronnes; Et Pour cét effet on nomma des Com∣missaires de part & d'autre. Ils s'assemblerent dans

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une Ville du Roy de France, & la premiere question que l'on mit sur le Tapis fut, en quelle Langue se fe∣roit la negotiation. Un Espagnol, voulant railler les Commissaires Anglois, proposa la langue Françoise comme la plus propre, & que les Espagnols entendoi∣ent fort bien, & pour ces Messieurs les Anglois, je crois, dit-il, qu'ils n'ignorent pas la langue des autres sujets François, puis que leur Reine est Reine de France aussi biên que d'Angleterre. De bonne Foy, Messi∣eurs, reprit le Docteur Dale, un des Commissaires Anglois, la langue Francoise est trop vulgaire pour une affaire si secrette & si importante, sur tout dans une ville de France. Traitons plûtôt en Hebreu, qui est la langue de Jerusalem, dont vôtre Maitre est le Roy; pour moi, je suppose que vous y ètes aussi bien versez que nous le sommes dans le François.

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Poggius le Florentin raconte une histoire plaisante pour condamner la Folie de ceux qui consument leur Tems & leur Bien à la chasse, & à la Fauconnerie, sur tout quand ce sont des Personnes de bas lieu. Un Medecin de Milan, dit-il, qui guerissoit de la Fo∣lie, avoit un creux plein d'eau dans sa maison, où il mettoit ses malades, les uns jusq'aux genoux, les autres jusqu'à la ceinture & les autres jusqu'au menton, selon qu'ils ètoient plus ou moins fous. Un d'eux, qui ètoit déja assez bien remis, se tenoit par hazard devant la Porte, & voyant passer un Gentilhomme à cheval, avec un Faucon sur le Poing, & ses chiens aprés lui, il voulut savoir à quoi servoit tout cét appareil! Il lui répondit à tuer certain Gibier; le malade lui deman∣da encore ce que pouvoit valoir le Gibier qu'il tuoit en un an? l'Autre lui repliqua neuf ou dix •…•…cus; &

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comme il le pressa de lui dire combien ses Chiens, son Cheval & ses Oiseaux lui coutoient d'entretien tous les ans? Il lui dit quatre cens écus: Le Malade entendant cela lui dit de s'en aller au plus vite, si son salut lui ètoit cher; Car, dit-il, si nôtre Maitre vient, & vous trouve ici, il vous mettra assurément dans son creux avec les Foux jusqu'au Menton.

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Une Dame Galante ayant accordé un Rendzvous à un homme qui lui avoit temoigné de la Passion, Elle le receut seule dans sa Chambre, & fort parée. l'Amant se mis à genoux auprés d'elle, & aprés plu∣sieurs beaux discours, il lui dit: Ah, Madame, que ne vous tiens▪ je mainten•…•…nt dans le fond d'un Bois? •…•…'est donc pour •…•…'égorger, s'ecria la Dame irrittée: & elle appella au•…•…i-tôt ses Femmes pour la delivrer de ce froid Amant.

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Deux Freres qui logeoient ensemble, se ressembloi∣ent parfaitement, & portoient le même nom. Un homme demanda à 〈◊〉〈◊〉 à l'un des deux. Lequel de∣mandez▪ vous? Lui dit le Portie•…•…: Celui qui est conseil∣l•…•…r, •…•…epondit cét homme; ils le sont tous deux. Celui qui est un peu louche; ils le sont tous deux. Celui qui est marie; ils le sont tous deux. Celui qui a une belle 〈◊〉〈◊〉 ils 〈◊〉〈◊〉 sont tous deux. C'est donc celui qui est cocu; 〈◊〉〈◊〉 〈◊〉〈◊〉, Monsieur, lui repondit le Portie•…•…, je crois qu'ils le 〈◊〉〈◊〉 〈◊〉〈◊〉 〈◊〉〈◊〉Voilà, dit cét homme, 〈◊〉〈◊〉 〈◊〉〈◊〉 〈◊〉〈◊〉 〈◊〉〈◊〉 〈◊〉〈◊〉 〈◊〉〈◊〉.

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Les Comediens joüant à Paris devant Louis XIII. une Comedie contre les Gens de Robe avoient fait mettre parmi les Spectateurs, un de leur troupe en Habît de Ville. Ce Comedien, qui avec cét Habit ressembloit à un Conseiller, se leva à l'endroit le plus risible de la Piece, dit hautement que cela n'ètoit pas supportable, de voir ainsi jouer les Gens de justice, & qu'ils en auroient raison. Enfin, il somma les Come∣diens de cesser à l•…•…nstant cette insolente Piece. Et moi je veux qu'ils la jouent, repondit le Roy, qui crut que c'étoit un Conseiller qui lui manquoit de respect en sa presence. Ce qui donna une autre espéce de Divertissement à l'assemblée, lors qu'elle feut que c'étoit un Comedien deguisé. Et le Roy qui en∣tendoit Raillerie, rit le premier d'y avoir été trompé.

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L'Addresse de Richard I. Roy d'Angleterre pour ex∣cuser au Pape sa detention de Philippe Evêque de Beau∣vais, qu'il avoit fait Prisonnier, est admirable. Cét Evêque ètoit un Homme aguerri, & sort incommode aux Anglois, qui possedoient alors la meilleure partie de la France. Etant enfin tombé entre leurs Mains, le Pupe, qui en ignoroit la Maniere, écrivit au Roy pour son élargissement, comme étant Ecclesiastique; & un de ses Fils bien-aimez. Le Roy là-dessus envoye au Pape l'Armure que l'Evêque portoit quand il sut pris, y ayant premierement fait graver ces Mots, Vide an h•…•…c sit Tunica Filii tui vel non: Voi si c'est le

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hoqueton de son Fils, ou non. Qui sont les propres Termes dont se servirent les Enfans de Jacob, lors qu'ils lui presenterent le Hoqueton de leur Frere Jo∣seph. Le Pape voyant l'Armure avoüa de bonne foy, Que cét Evêque avoit en effet plûtôt l'air d'un Fils de Mars, que d'un Fils de l'Eglise, & l'abandonna là dessus au bon plaisir du Roy.

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Une Pauvre Païsane du Poitou tomba malade d'une si grande Lethargie, que son Mari & toutes les Fem∣mes du voisinage la crurent morte. Pour l'enter∣rer, on ne fit que l'enveloper d'un Drap, suivant la maniere des pauvres Gens de cette Province. Comme on la portoit au Cimetiere, on passa si prés d'un Buis son d'Epines qu'étant piquée jusqu'au vif par les Epines, elle revint de sa Lethargie; mais quelques années aprés elle mourut tout de bon. Son Mari craig∣nant une autre Resurrection; se souvint du Buisson d'Epines, & quand le Corps de sa Femme passa prés de ce Buisson, il ne manqua pas de crier à diverses fois, Prenez garde au Buisson d▪Epines, n'approchez pas trop d•…•… la haye.

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Sixte V. ètant devenu Pape de Cordelier qu'il ètoit, ne changea pas d'humeur en changeant de fortune, mais conserva leCaracterequ'il avoit d'homme natūrellement plaisant, & il aimoit à repasser dans sa memoire les bons Tours qu'il avoit faits, & les aventures de sa premiere Condition. Il se ressouvint entr'autres choses, qu ètant Cordelier, il avoit emprunté de l'argent du Superieur du Convent de—, & qu'il ne le lui avoit point rendu. Il demanda don•…•… de ses nouvelles, & ayant appris qu▪il

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vivoit encore, il lui envoya ordre de venir lui rendre conte de ses Actions. Le bon Pere qui n avoit rien à se reprocher, s'en alla à Rome, avec la tranquillité que donne une bonne Conscience. Quand il •…•…ut de∣vant le Pape: On nous a averti, lui dit le S. Pere, que vous avez mal employê les deniers de votre Convent, & nous vous avons envoyé querir pour nous en rendre compte. S. Pere, lui repondit ce Religieux, Je ne crois point avoir failli en cela. Songez bien, dit le Pape, si vous n'avez point prêté de l'argent à quelqu'un mal-à-propos, & entr'autres à un certain Cordelier qui passa chez vous en une telle année. Ce bon Homme aprés avoir un peu revé, lui dit: Saint Pere, il est vray, C'ètoit un grand Fripon, qui m'atrappa cet argent sous de vains Pretextes, & sur la parole qu'il me donna de me le rendre dans peu. Hê bien, lui dit le Pape, nous sommes ce Cordelier dont vous parlez nous voulons bien vous restituer cet argent, suivant notre Promesse, & vous donner avis en même tems, de n'en plus prêter aux Gens de cette Robe; qui ne sont pas tous destinez à devenir Papes, pour être en état de vous le rendre. Le bon Homme fort surpris de retrouver son Cordelier en la Personne du Pape, voulut alors lui demander pardon de l'avoir appellé Fripon. Ne vous en mettez pas en peine, lui dit le S. Pere, cela pouvoit bien être en ce tems-là; mais Dieu nous a donné le moyen de reparer nos fautes passées. Il renvoya ensuite ce bon Religieux, aprés lui avoir rendu l'argent qu'il lui de∣voit, & lui avoir fait beaucoup de Caresses.

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Un Predicateur prèchant devant un grand Prince, qui avoit pris les Armes contre son Païs, il le com∣para

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à Coriolan, ce fameux Capitaine Romain, qui aprés avoir bien servi sa Patrie dans les Commencemens de la Republique, en fut banni. Et cette ingratitude lui toucha si fort au coeur, qu'il vint assieger Rome avec les Volsques. Ce grand Capitaine, s'écria ce Predica∣reur, Justement irrité de l'ingratitude de ses Compatriotes, ètoit en ètat d'en tirer une cruelle vengeance. Mais enfin il se laissa toucher par les Larmes de sa Mere & de sa Femme: & ces deux Dames obtinrent de lui ce que ni le sacré Col∣lêge des Cardinaux, ni le Pape mêmes, qui ètoient allez au devant de lui, n'avoient jamais pu obtenir.

Le Prince fit alors un éclat de rire, & ne put s'em∣pécher de s'écrier, Monsieur le Predicateur, vous ne savez pas ce que vous dites, il n'y avoit en ce tems-là ni Papes ni Cardinaux.

Mais le Predicateur, sans s'étonner, soûtint coura∣geusement au Prince qu'il ne se trompoit pas. Et pour marque, Monseigneur, ajoûta t-il, que ce que je vous dis est vray, c'est que j'ai veu cette Histoire representée dans une Tapisserie de votre Chasteau d'un tel Lieu. l'Autorité de cette Tapisserie citée si à propos redoubla les éclats de rire, & l ignorant Predicateur en fut si troublé qu'il fit, comme on dit, le Plongeon dans sa chaire, & s'en∣fuit au lieu d'achever son Sermon.

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Un Evêque donnant à Diner à plusieurs Prelats, fit dresser un Buffet composé de beaux & grands Ou∣vrages d•…•…argenterie, faits par les meilleurs Ouvriers. Et comme ses Confreres admiroient la magnificence de ce Buffet, Je l'ai acheté, leur dit i•…•… à dessein d'en assister les Pauvres de mon Diocese: Monscigneur, lui re∣pondit

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un de ces Prelats, vous auriez pû leur en épargner la façon. Lui faisant entendre par cette réponse, que sa charité avoit eu moins de part que sa vanité & son luxe en l'achapt de cette Vaisselle.

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Un Religieux allant prêcher par la Campagne, s'arrêta pour diner chez un pauvre Curé de Village; Mais ne trouvant pas le Pain ni le Vin assez bon, il en envoya achêter de meilleur, avec les autres Provisions né•…•…es∣saires à faire un bon Repas. En se mettant à table il se fit apporter une Cassette, remplie d'Utensiles d'ar∣gent vermeil-doré, dont il se servoit dans ses Voyages. Le Curé, surpris de sa magnificence, lui demanda, S'il avoit fait ses voeux? Oui, sans doute: Répondit le Pre∣dicateur, Mon Pere, lui dit alors le Curé, Nous 〈◊〉〈◊〉 donc vous & moi un bon Religieux, Car vous avez fait le voeu de Pauvreté, & moy je l'observe.

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Un Curé Italien nommé Il Piovano Arlotto passant par la ville de Naples, alla saluër le Roy Alphonse, qui apprit par un de ses Courtisans que ce Curé ètoit un homme plaisant, qui disoit librement & agreable∣ment ce qu'il pensoit aux Personnes les plus élevées, & qu'il avoit un Livre où il écrivoit toutes les Fautes des Principaux de son tems. Le Roy, ètant d'humeur à rire, lui dit, Messer Piovano, ne serois je point écrit sur vôtre livre? Vous pouvez voir, repondit Piovano, & lui ayant donné le Livre, il y trouva entr' autres choses, Faute faite par Alphonse Roy de Naples, d'avoir envoyé en Allemagne un Allemand qui ètoit en sa Cour pour lui acheter des Chevaux. En quoi trouves tu que j'aye failli, dit le Roy un peu ému, de donner cette

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Commission à un Allemand? c'est, répondit Piovano, parce qu'il restera en son Païs avec vôtre argent; Et s'il revient avec des Chevaux, ou qu'il me rapporte mon argent, que diras tu alors? repartit le Roy: A∣lors, repliqua Piovano, je vous effacerai de mon Livre, & j'y •…•…crirai l'Alemand en vôtre place.

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Un Curé Italien invita un jour à diner il Piovano Ar∣lotto avec plusieurs autres Curez; & voulant faire le plaisant, il tira ceux-ci à part & leur dit: Messieurs, je suis d'avis que nous nous divertissions aujourd'huy aux Dépens de Piovano, qui comme vous savez, fait le bon Compagnon, & se moque de tout le Monde; Comme mon Clerc est malade, & que je n'ai person∣ne pour nous servir, j'ai dessein de vous proposer de tirer à la courte Paille, pour voir lequel de nous ir•…•… à la Cave tirer le vin, & servir les autres pendant qu'ils dineront, & je ferai en sorte que le sort tombera sur Piovano, ce qui ayant été conclu entr'eux, fut executé. Piovano s'apperceut du complot, & resolut d'en faire repentir son Hôte; il s'en va à la Cave remplir les Bou∣teilles pendant que les autres commençoient à diner, & étant remonté avec les Bouteilles, Vouz voyez, Messieurs, leur dit-il, comme j'ai fait ce que le sort m'a ordonné; tirons presentement à la courte paille pour voir lequel de nous descendra à la Cave pour refermer les muids que j'ai laissez ouverts. A∣lors le Maitre de la Maison ne parla plus de tirer au sort, & connoissant Piovano, pour être homme à l'avoir fait comme il le disoit, il quitta promtement son Diner, & courut à la Cave où il trouva ses Muids ouverts, & une partie de son vin perdu; dont il fit ensuite de fort grandes Plaintes à Piovano. Vous n'avez pas raison de

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vous plaindre de Moy, lui repondit il, puis que j'ay satis∣fait ponctuellement au jeu, qui m'avoit bien ordonné d'aller tirer le vin, & de remplir les Bouteilles, Mais non pas de refermer les Muids d'un Hôte qui fait si mal les honneurs de sa Maison.

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Un Courtisan joüant au Piquet dans une Academie, & ayant reconnu par les Cartes qui lui rentroient, qu'il avoit mal écarté, il s'écria, je suis un franc Gous∣saut; c'étoit le nom d'un President, qui ne passoit pas pour être des plus êclairez de son Tems, mais qui se trouva pour lors par hazard derriere le joüeur qui ne l'avoit pas aperceu. Ce President, se sentant offensé d'•…•…etre citè en cette occasion, lui dit, qu'il ètoit un sot: Vous avez raison, lui rèpondit le joüeur, c'est cela mêmes que je voulois dire.

152 Le Mariage est quelquefois un Remede contre l'A∣mour.

CLitandre ayant veu par hazard Celimene, il demeu∣ra surpris & charmé de sa beauté extraordinaire, Cependant comme elle n'avoit qu'un bien mediocre, & qu'il avoit des Richesses immenses, il fit Reflexion sur un engagement qu'il trouvoit bien prompt, & bien fort. Il n'avoit plus de repos: Il se sentoit continuel∣lement agité, & il craignoit qu'une Passion qui ètoit si violente dés son commencement, ne le portât enfin à satisfaire son coeur au prejudice de sa Fortune. Pour bannir de son ame une tendresse si dangereuse il alla faire une Campagne en Flandres; mais il revint plus amoureux qu'il n'ètoit parti. Puis, s'accusant de

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Foiblesse, il fit un second effort & entreprit le voyage d'Italie; mais les Dive•…•…tissemens de Rome, & le Car∣naval de Venise ne furent pas moins inutiles que le Siege de Namur. Clitandre fut à son retour plus pas∣sionné que jamais, & comme son Ami Philante fut lui rendre visite, Mon cher Phil•…•…nte, lui dit il, je traine une vie malheureuse; je ne puis oublier Celi∣mene; je m imagine qu elle est toûjours devant mes yeux avec tous ses Charmes; Enfin, ajoûta-t-il, enfin il faudra, que je l'épouse pour cesser de l'aimer. Il l'épousa en effet, & un mois de Mariage changea son Amour violente & tumultueuse, en une Amitié douce & tran∣quille.

153 De la Reine d'Espagne & de ses Perroquets.

LA Camerara Major, ou la premiere Dame d'hon∣neur, de la feuë Reine d'Espagne, ètoit une Fem∣me d une humeur chagrine & emportée, qui au lieu de servir sa Maitreffe, se croyoit en droit de la gou∣verner: Elle haï•…•…oit 〈◊〉〈◊〉 ement deux Perroquets que la Reine avoit apportez de France, parce qu ils parloient François. Un jour sa Majesté etant sortie, la Camerara, prit les Perroquets de ceile qui les gardoit, leur tordit le cou de sang •…•…roid, & s en alla. Aussi tôt que la Reine fur revenuë, elle demanda ses Perro∣quets, qui etoient son pius grand divertissement, dans un Pays où elle n en avoit guere d autre; ses Femmes tout étonnées firent paroitre leur surprise sur leur Vis∣age, & ne sachant d'abord que lui repondre, elles lui avoüerent enfin ce qui en etoit. Cela lui per•…•…a le coeur, mais elle t•…•…ouva à propos de cacher son ressen∣timent. Quelque tems aprés la Camerara étant dé

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retour, & voyant sa Majesté assez calme, s'approcha d'elle pour lui baiser la main comme elle avoit accou∣•…•…nmé de faire, mais elle en fut receue avec deux grands soufflets. A peine peut on exprimer la confu∣sion qu'un affront si sensible donna à cette Femme su∣perbe: Elle sortit toute en colere, & ramassant toutes ses Parentes & Alliées, elle s'en alla trouver le Roy avec une suite de quatre cens Dames, & lui demanda la Reparation de son honneur avec tant d importu∣nité, qu'ils se vit obligé d'aller chez la Reine, pour savoir ses Raisons. Sire, repliqua cette ingenieuse Princesse, ce n'ètoit que pour faire passer •…•…ne envie de Femmes: Est-ce donc assez de deux, Madame, repon∣dit le Roy: Autrement, je vous prie, appliquez lui en deux douzaines. Et comme un malheur ne vient jamais seule la Camerara perdit sa place sur le Marché. Digne recompense de ceux qui perdent le respect qui est dû à des Personnes si augustes.

D'un vieux Seigneur Impuissant. 154

UN vieux Seigneur devint amoureux d'une jeune Demoiselle qui servoit sa Femme: La Fragilité qui est assez o•…•…dinaire aux Suivantes se trouvant heu∣reusement soutenue par les desagrémens du Vi•…•…illard, Elle eut assez de force pour resister à ses Sollicitati∣ons: Elle en avertit même sa Maitresse, & confirma par ses larmes ces Temoignagnes de sa Chasteté. Il n'est pas possible, Madame, lui dit elle, que je souf∣fre davantage: Pour qui me prend Monsieur? Et comment peut-il me croire capable de manquer à ce que je dois & à vous, & à mon honneur? S'il conti∣nue, je vous supplie de me permettre de me retirer.

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La bonne Dame •…•…ort piquée contre son Mari, & trés contente de l'honnêteté de sa Suivante, lui dit, Ma fille, ne te mets point en peine, il ne faut pas que tu songes à me quitter, ètant si asseurée que tu l'es de mon Amitié. Il faut donc, Madame, reprit-elle, que vous me delivriez des Persecutions de Monsieur. Hè bien, lui dit la Dame, il me vient dans l'esprit un expedient fort propre pour cela: Il faut que tu fasses semblant de t'addoueir pour lui, & qu'ensuite tu lui donnes la nuit un Rendez-vous dans ta Chambre, Moy, Madame, lui donner un Rendez-vous? lui dit la Demoiselle; écoute jusqu'áu bout ce que j'ai à te dire, repliqua la Dame: Quand tu lui auras donné l'heure, & laissé la Porte ouverte, j'irai en ta place dans ton lit & tu passeras dans ma Chambre, & alors quand il viendra je lui ferai tant de honte qu'il n'aura plus l'envie de te tourmenter. La suivante exe∣cuta avec soin les ordres de sa Maitresse: la nuit venuë, le vieillard amoureux se glissa dans sa Cham∣bre, & alla avec empressement dans le lit où sa Fem∣me l'attendoit. Elle ne jugea pas à propos de le que∣reller d'abord, mais comme cette avanture se passoit plus chastement qu'elle ne s'y ètoit attendue, elle s'en ennuya, & se resolut enfin de parler: Quoy! n'est-ce donc que pour cela, lui dit elle, que vous vous •…•…tes donné tant de peine? Le Mari reconnut alors son erreur & la voix de sa Femme, Je vous avouë, Madame, lui dit-il, que mon Corps est plus sage que mon Esprit, car il vous a reconnuë, & mon Esprit aveugle vous prenoit pour une jolie fille.

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155 Le Troc de la Veuve.

UNE jeune Dame, qui venoit d'enterrer son Mari, qu'elle appelloit le vieux Simon, commanda à un Statuaire de lui faire une Statuë de Bois aussi ressem∣blante qu'il pourroit, laquelle elle faisoit mettre toutes les nuits à son côté, pour se souvenir de lui. Cependant un jeune Gentilhomme qui l'aimoit passionnément, gagna si bien sa Servante par l'entremise de ses Guinées, qu elle le mit une nuit en la place du vieux Simon. La Veuve s'alla coucher, & selon sa coutume embrassa la Statuë de son cher Mari, & la trouvant fort chaude, elle s'en approcha davantage, jusqu'à ce que s'ètant embrassez fort étroitement, elle s'apperceut que ce n'ètoit point son homme de Bois. La Matin, sa Servante vint à la porte de la Chambre selon sa coutume, & l•…•…i demanda ce qu'elle souhaitoit avoir à diner? A quoi elle répondit, Fais rotir le Dindon qu'on apporta hier, & bouillir un Gigot de Mouton avec des choux fleurs, & achete nous un bon plat de Fruit, Madame, dit la Servante, nous n'avous pas assez de Bois pour appr•…•…ter tant de Viandes. Et bien, repliqua-t-elle, vous n'avez▪ qu'à bruler le vieux Simon.

156 L'aveu Indiscret.

UN Idiot en Lombardie, ètoit fort amoureux 〈◊〉〈◊〉 Fille qu'il croyoit être Pucelle; & afin de vivre en paix & en bonne amitié avec elle, il s'avisa de cét expedient; un jour il lui dit qu'il avoit resolu de l'épouser, & que pour éviter toutes sortes de querelles

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à l'avenir, il vouloit lui dire tous ses Secrets, afin de rendre par la leur Alliance plus ferme: Entre autres choses, il lui dit, que dans la Chaleur de sa jeunesse il avoit fait un Garçon à une de ses amies, laquelle ètoit encore en vie, & qu'il la prioit que cela ne lui fit point de peine. Non, non, dit elle, j'en suis fort con∣tente, car un de mes Amis m'a fait une Fille, & si vous voulez fortifier nôtre Alliance, nous pouvous le faire par un autre Mariage de vôtre Fils avec ma Fille.

157 Le Gascon puni.

UNE jeune Veuve belle & riche, ètoit aimée par un jeune Gascon, pauvre & presomptueux. Ce Gas∣con vouloit qu'on crut qu'il ètoit fort bien avec cette Dame, & divulguoit beaucoup plus de faveurs qu•…•…il n'en recevoit. La Dame qui ètoit d'une humeur enjoüée & plaisante, resolut de l'en punir d'une maniere nou∣velle: Je sai, lui dit elle, que vous avez de l'Affection pour moy; & je suis persuadée que vous voudrez bien m'en donner des Marques dans une Occasion qui se presente; le Gascon lui temoigna étre prêt à tout faire pour son Service; vous connoissez, ajoûta la veuve, une telle Dame de mes amies, qui a un Mari jaloux & fort incommode, & qui ne lui permet pas de coucher hors de chez lui, cependant il est nécessaire, pour des Raisons particulieres, qu'elle couche ce soir chez moy, & ce que je desire de vous est que vous ailliez vous coucher en sa place, a•…•…in que son Mari, qui ne reviendra que tard, vous trouvant dans son lit croye que c'est sa Femme; & comme il se leve de meilleur matin qu'elle pour aller à ses Affaires,

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il ne s'appercevra de rien, car quoy qu'il soit fort jaloux de sa Femme, il n'a pas accoutumé de troubler son repos durant la nuit. Le Gascon aprés avoir consenti à tout ce qu'elle voulut, se laissa mener chez l'Amie de sa Maitresse; on lui mit une coiffure de nuit telle que les Femmes en portent, & il se mit ensuite dans le lit du Mari jaloux qui ètoit absent, & que la jeune Veuve savoit bien ne devoir pas revenir ce soir là: les deux Amies laisserent le Gascon seul dans ce lit, & quelque tems aprés la jeune Veuve entra en Robbe de Chambre, & sans lumiere, & alla se coucher auprés de lui. Le Gascon qui la prenoit pour le Mari jaloux, ètoit en une peine extreme; il tenoit fort peu de place, & tournant le dos à la jeune Veuve, il s'ètoit mis le plus prés qu'il avoit pû de l'autre bord du lit. Il passa de cette sorte une nuit la plus in quiete qu'il eût jamais euë, apprehendant toûjours quelques Caresses à contre tems du Mari jaloux, mais sa peine fut encore plus grande, lorsque le jour com∣çant à paroitre, la jeune Veuve prit une sonnette au bruit de laquelle il entendit qu'il entroit quelqu'un dans la Chambre; il se couvrit la tête avec la Couverture, & auroit voulu s'abimer dans le lit, tant il avoit peur d'etre connu. Ce fut l'Amie de la Veuve qui entra & qui ouvrit les rideaux du lit, d'où la veuve sortit aussi∣tôt parée de toutes ses beautez naturelles, qui pense∣rent faire mourir le Gascon de regret, de depit, & de honte d'avoir fait un si mauvais usage d'une si belle nuit.

FINIS.
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