Traditionnellement, l’historiographie de la Révolution française a interprété la journée du 20 juin 1792 comme le prélude de l’insurrection du 10 août suivant, et donc comme le premier pas vers l’abolition de la royauté et l’établissement de la Première République, qui ont finalement lieu le 21 septembre de la même année. Dans son étude sur la foule dans la Révolution, George Rudé souligne déjà la facilité avec laquelle les historiens peuvent tomber dans cette interprétation téléologique: “Il est assez facile, d’un point de vue rétrospectif, de voir dans les événements du 10 août –les Tuileries prises par la force armée, le roi déchu– l’aboutissement logique et inévitable des avanies subies par la monarchie en juin.”[1] Ainsi, Pierre Dominique assure que pendant la journée du 20 juin 1792 les manifestants ont cherché à renverser le trône, mais qu’“à cause du sang-froid royal, l’attaque s’est perdue dans le vide.”[2] Selon cet auteur, le fait que la royauté soit restée debout à la suite de cette journée ne fait que renforcer son interprétation de l’événement: “[Après le 20 juin] l’heure du combat est venue et cette fois, d’un combat à mort.”[3] Cette interprétation de l’événement ne présente aucune différence substantielle par rapport à celle de Jean Jaurès publiée au début du XXe siècle. En effet, pour l’auteur de l’Histoire socialiste de la Révolution française, la manifestation populaire du 20 juin 1792 met en évidence “que la lutte suprême entre la Révolution et la royauté était proche.”[4] De son côté, Marcel Reinhard se situe dans cette tendance interprétative lorsqu’il exprime que “le 20 juin le château du roi était envahi, et le 10 août il était conquis.”[5] François Furet propose, lui aussi, la même interprétation de l’événement lorsqu’il dit que “[c]e qui a échoué le 20 juin réussit sept semaines plus tard, le 10 août 1792.”[6] Dans le même sens, Laura Pfeiffer finit sa longue étude sur cet événement en suggérant que “[l]es journées du 20 juin et 10 août 1792 sont inséparables.”[7] Les exemples précédents révèlent une tendance interprétative au sein de l’historiographie de la Révolution française qui donne un sens prophétique à la journée du 20 juin 1792. Il y a semble-t-il une sorte de consensus historiographique selon lequel “[l]e 20 juin a été une répétition générale pour le 10 août.”[8] Au travers de l’insurrection du 10 août 1792, cette historiographie établit ainsi une relation causale entre le 20 juin et le 21 septembre, car la révolution d’août aboutit à la convocation de la Convention nationale qui décréterait l’abolition de la royauté lors de sa séance inaugurale. Post hoc ergo propter hoc.

Lier la manifestation du 20 juin à l’abolition de la royauté, c’est placer le premier événement sous le signe du républicanisme. Or, cette opération est trompeuse, car elle établit un faux rapport entre la journée du 20 juin et la naissance de la Première République: autrement dit, elle attribue aux manifestants du 20 juin l’intention d’instituer tôt ou tard une forme de gouvernement différente et opposée à la monarchie. Jaurès exprime très clairement cette idée:

Le peuple voulait en finir avec l’intolérable équivoque qui paralysait tout, avec l’universelle trahison du roi et de la Cour, au dedans et au dehors. Son orateur, Gonchon, en une rhétorique souvent prétentieuse et sotte, n’avait traduit qu’à demi sa pensée: le peuple allait à la République.[9]

De nos jours, des historiens insistent toujours sur le rapport entre le 20 juin et l’établissement de la Première République. C’est le cas, par exemple, de Micah Alpaugh, qui décrit la journée du 20 juin comme une “ manifestation politique de transition cruciale” qui eut “pour effet de stimuler le républicanisme croissant du mouvement populaire.”[10]

Certes, la question de la république –comprise dans son sens classique de res publica– fut formulée par la gauche révolutionnaire dès 1789,[11] mais jusqu’au décret du 6 avril 1793 ordonnant l’arrestation de tous les Bourbons, ceux qui cherchaient à établir durablement une forme de gouvernement différente et opposée à la monarchie restèrent toujours minoritaires.[12] Jusqu’alors, la République était pensée comme une forme de gouvernement transitoire et provisoire.[13] Même pendant la crise de Varennes –premier moment d’effervescence des idées républicaines[14]–, la question de la forme de gouvernement fut traitée dans la plupart des cercles républicains comme “une question secondaire, un élément parmi tant d’autres dans la question de la définition de l’État libre ou ‘république’.”[15] Et ce parce que, jusqu’à l’été de 1792, les principes du républicanisme classique présents dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789[16] n’étaient pas incompatibles, du moins en théorie, avec la monarchie constitutionnalisée.[17] En effet, même avec ses défauts, la Constitution monarchique de 1791 semblait établir un État libre où régnait la loi et pas les hommes –ce qui était l’un des buts principaux de la tradition du républicanisme classique.[18] “[E]n France –remarqua alors le futur régicide Saint-Just– il n’est point de pouvoir à parler sagement, les lois commandent seules, leurs ministres sont comptables les uns envers les autres, et tous ensemble à l’opinion qui est l’esprit des principes.”[19] À vrai dire, l’établissement de la République, en tant que forme de gouvernement différente et opposée à la monarchie, ne fut qu’un accident dans le cours de l’histoire révolutionnaire.[20] Cependant, une philosophie de l’histoire, née avec la Première République, développée pendant le XIXe siècle, et victorieuse à partir de la démission du président légitimiste Mac-Mahon en 1879, a réussi à installer au sein de l’historiographie de la Révolution française un grand récit où, pour reprendre les termes de François Furet, “la République figure le destin historique de la France.”[21]

“Du côté des vainqueurs –remarque Reinhart Koselleck–, l’historien est facilement enclin à interpréter un succès remporté à court terme par une téléologie ex post de longue durée.”[22] En suivant le raisonnement de Koselleck, il n’y a pas de doute que le sens téléologique avec lequel est généralement interprétée la journée du 20 juin 1792 répond à cette prédisposition si particulière des historiens.[23] En effet, l’historiographie de la Révolution française considère habituellement la séquence 20 juin-10 août-21 septembre comme un bloc, dont le sens est donné par la dernière de ces dates.[24] En face de l’abolition de la royauté, les historiens tendent à interpréter les événements immédiatement antérieurs à elle avec un biais rétrospectif,[25] en annulant ainsi toute contingence dans le cours des 93 jours qui s’écoulent entre le 20 juin et le 21 septembre –comme si le cours des événements n’eût pas pu adopter une autre direction, et comme si tout ce qui avait eu lieu pendant ce laps de temps devait nécessairement conduire au triomphe de la République en tant que forme de gouvernement différente et opposée à la monarchie. En fait, c’est cette temporalité de la nécessité qui est à la base des interprétations qui considèrent la révolution du 10 août comme l’acte inaugural de la Première République, idée partagée par un grand nombre d’historiens.[26]

Si nous voulons saisir le sens de la journée du 20 juin 1792, il faut donc déconstruire le récit téléologique qui la lie à l’abolition de la royauté, et pour ce faire, il faut commencer par la disjoindre de l’insurrection du 10 août à laquelle l’historiographie l’a habituellement associée.

Le 20 juin et le 10 août: plus de différences que de similitudes

Il est indéniable que la journée du 20 juin et celle du 10 août partagent certaines similitudes, et ce surtout si nous portons l’attention sur la manière dont les Parisiens exprimèrent alors leur mécontentement politique, à savoir par une mobilisation populaire massive. Certes, dans les deux cas une foule armée prit d’assaut le château des Tuileries. Ainsi, l’envergure et la violence de ces deux mobilisations sont figurées d’une manière très semblable dans les estampes de cette époque.[27] Mais ce sont les seules similitudes. Le climat politique était tout à fait différent, et l’attitude différente adoptée par le roi dans ces deux cas en témoigne.

Dans le cas du 10 août, la situation était critique. Comme le rappelle Rœderer, après la déclaration de la patrie en danger, le 11 juillet 1792, “[l]a haine pour le roi était devenue un instinct populaire.”[28] Louis XVI ne l’ignorait pas. Dejoly, son ministre de la Justice, l’en avait averti à la fin du mois: “Sire, faut-il le dire, Votre Majesté devient chaque jour l’objet de la haine publique.”[29] Qui plus est, une rumeur dénonçant un complot pour assassiner le roi avait commencé à circuler, et le climat de mécontentement politique et social la rendait plus crédible que jamais.[30] Dans ce contexte, l’insurrection du 10 août représentait une si grande menace pour la sûreté de Louis que, même avant que la foule ne réussisse à pénétrer dans les Tuileries, sa famille et lui avaient dû chercher refuge au sein de l’Assemblée nationale, “la seule chose que dans ce moment le peuple respecte,” d’après les paroles par lesquelles l’officier municipal Leroux persuada le monarque de la nécessité et l’urgence de l’évacuation.[31] Étant donné qu’un article de la Constitution défendait au Corps législatif de siéger si le roi était présent dans sa salle de séances,[32] Louis et sa famille furent logés à l’intérieur de la loge du logographe, laquelle se situait, en théorie, en dehors de l’enceinte de l’Assemblée. Cette anecdote, apparemment insignifiante, attira pourtant l’attention de certains artistes du XIXe siècle, dont les gravures permettent que l’on se fasse une idée de l’état d’esprit de Louis et son entourage [Figures 1 et 2] –et pour cette raison, peut-être, de ressentir de l’empathie. Les expressions faciales des réfugiés royaux expriment le découragement, l’angoisse et la terreur causées par la foule, qui avait alors envahi le Manège lui-même.

Dans le cas du 20 juin, la foule armée avait non seulement envahi le château des Tuileries, mais aussi violemment pénétré dans la salle où le roi était alors présent. Le souvenir de l’assaut du château de Versailles, lors des journées des 5 et 6 octobre 1789, restait toujours vif dans la mémoire de la Cour.[33] À cette occasion, les manifestants avaient réussi à entrer dans les appartements de la reine, semant la panique parmi les membres de la famille royale. Seule la présence de la Garde nationale, sous les ordres de La Fayette, fut alors capable de freiner la violence de la foule. Malgré ce souvenir épouvantable, face aux coups de hache qui s’abattaient sur ses portes le 20 juin 1792, Louis XVI ne prit pas peur et donna l’ordre de les ouvrir: “[J]e n’ai point peur et je ne crains rien –aurait exprimé le monarque–, ma conscience est tranquille, qu’on ouvre.”[34] Même quand les manifestants armés firent irruption dans la salle, en obligeant les gardes du corps à s’interposer pour parer leurs coups et empêcher qu’ils se rapprochassent trop du roi, Louis garda son calme et demeura stoïque.[35] Si l’on admet la véracité du récit des rédacteurs de la Gazette universelle, le monarque resta si calme que cet encerclement par les manifestants n’altéra même pas ses pulsations cardiaques: “Voyez –aurait dit le roi à un grenadier qui était à côté de lui–, mettez la main sur mon cœur, vous verrez qu’il n’est pas agité.”[36]

À partir de ces considérations, et afin de mettre en évidence les différences entre le 20 juin et le 10 août, il est nécessaire de se demander si le roi était alors vraiment en danger pendant la première de ces deux journées.

Le roi en danger?

“Sans doute –assure Michael Walzer– est-ce un trait central de la royauté que les rois soient si prédisposés à être mis à mort.”[37] “[S]ans doute –ajoute Arlette Farge– est-ce un trait central de la royauté que de prédisposer les sujets à rêver de la mise à mort du souverain.”[38] La pulsion régicide était en effet un trait très commun dans la culture politique française de l’Ancien Régime, même si elle ne s’était que rarement concrétisé dans l’acte effectif de l’assassinat royal.[39] À cet égard, Roger Chartier remarque qu’encore un an après l’attentat contre la vie de Louis XV “assez nombreux sont les hommes et femmes du peuple qui, sans nécessairement connaître les arcanes des politiques parlementaire ou jésuite, déplorent que Damiens ait manqué son coup et proclament que, eux, ils auraient mieux réussi.”[40] À vrai dire, les motifs pour revenir au désir de tuer le monarque étaient très simples:

Si s’installe de la haine ou la conviction que le monarque s’égare et égare son peuple hors des principes monarchiques insérés dans les lois fondamentales du royaume, le désir d’approcher le roi se mue en volonté de le toucher mortellement sans aucun autre intermédiaire que le poignard ou la dague.[41]

Or, vers juin 1792 il y avait trop des motifs pour être mécontent de Louis XVI, à commencer par les multiples défaites militaires aux frontières, considérées par les patriotes les plus radicaux comme une preuve irréfutable de la trahison royale.[42] De plus, Annie Duprat remarque qu’en 1792 la mémoire des Français restait toujours “marquée par les deux régicides successifs, contre Henri III et contre Henri IV, et, tout récemment par la tentative de Damiens contre Louis XV.”[43]

Dans ce contexte, et ayant à l’esprit un nouvel anniversaire du serment du Jeu de Paume, les faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel convoquèrent d’avance une mobilisation populaire pour le 20 juin: l’objectif était d’aller le renouveler au sein de l’Assemblée, et puis de présenter au roi une pétition pour lui demander la sanction des décrets d’urgence du 27 mai et 8 juin ordonnant la déportation des prêtres réfractaires et la formation d’un corps de 20,000 hommes armés à Paris.[44] À cet égard, quelques jours avant la date prévue pour la manifestation, les ministres brissotins Roland et Dumouriez, attentifs au mécontentement populaire, avaient conseillé à Louis de sanctionner lesdits décrets, en le prévenant du danger mortel qu’il courait s’il ne le faisait pas.[45] Qui plus est, comme si le climat politique et social n’était pas déjà assez tendu,[46] le 18 juin l’Assemblée était informée de la formation d’un nouveau ministère purement feuillant[47] et, le lendemain –soit un jour avant la manifestation– on lui annonçait que le monarque avait mis son veto sur les controversés décrets d’urgence.[48] “Il y avait une croyance croissante dans la trahison du roi,” constate ainsi Pfeiffer à partir des sources consultées.[49]

L’interprétation traditionnelle de la journée du 20 juin assure qu’“elle était un soulèvement populaire, une explosion spontanée de sentiments contre le roi à cause de sa duplicité et sa collusion avec les ennemis de l’étranger, des sentiments intensifiés par le renvoi du ministère et son refus de sanctionner les décrets de l’Assemblée.”[50] Si l’on prend en compte la prédisposition presque naturelle des sujets à rêver de la mise à mort du roi quand il les mécontente, il n’est donc pas insensé de penser que, au milieu d’un climat de profonde exaspération contre Louis XVI, il aurait pu être assassiné le 20 juin. En effet, la fenêtre d’opportunité pour le faire était grande ouverte, surtout si l’on considère que la foule était armée et surpassait largement en nombre ses gardes du corps, et plus encore si l’on tient compte de la distance insignifiante qui la séparait du monarque.[51] Néanmoins, après avoir fait violemment irruption dans la salle où se trouvait Louis, les manifestants s’arrêtèrent à l’instant où Aclocque, l’un des Gardes nationales qui s’était interposé pour le protéger, leur apprit qu’ils étaient devant le roi lui-même. “Citoyens –cria-t-il–, reconnaissez votre roi, respectez-le; la loi vous l’ordonne! Je périrai, nous périrons tous plutôt d’y voir faire la moindre atteinte.”[52] Ces paroles furent alors suffisantes pour que la foule, censée être folle de rage, s’arrêtât sur-le-champ, comme si la présence du monarque eût été à elle seule capable d’apaiser son impétuosité. La réaction des manifestants fut tellement inattendue et bizarre qu’elle déconcerta l’entourage de Louis. “La contenance ferme du Roi interdit ces brigands,” risquerait plus tard en guise d’explication Gonsse de Rougeville, l’un de ses gardes du corps.[53] “[S]a contenance mâle aurait fait reculer l’homme le plus effréné,” suggéra à son tour Aclocque.[54] Tout l’incident paraît indiquer que la royauté n’avait alors pas perdu de sa mystique devant les Parisiens: que dire donc du reste des Français qui n’était au courant ni des tenants et des aboutissants de la politique de la capitale ni de toutes les rumeurs qui y circulaient sur la collusion du monarque avec la contre-révolution?

La situation étant tellement inouïe, elle causa un instant de stupéfaction générale qui aurait pu être mise à profit pour attenter à la vie du roi: mais rien n’indique que les manifestants aient eu l’intention de le faire. Ils s’étaient borné plutôt à lui demander la sanction des décrets d’urgence et la réincorporation des ministres brissotins, en lui rappelant qu’il pouvait être déchu pour manquer à son serment de défendre la Constitution.[55]

Sire –s’adressa au monarque l’un des manifestants–, vous n’êtes pas accoutumé à entendre la vérité. Je vais vous la dire au nom du peuple, et le peuple en ce moment parte par ma voix. Si vous ne sanctionnez pas les décrets de l’Assemblée, si vous ne rappelez pas les ministres patriotes, si vous ne marchez pas la Constitution à la main, nous vous ferons descendre du trône: le règne des tyrans est passé![56]

Soyez un roi patriote, ou le souverain vous fera descendre du trône constitutionnel, car il n’a pas créé cette place pour les tyrans. Même avec un ton ferme, il s’agissait d’un respectueux avertissement plutôt que d’une menace –remarquons la déférence du titre de Sire utilisé pour s’adresser au monarque. À son tour, Louis XVI répondit avec calme: “Je suis votre roi, je ne me suis jamais écarté de la Constitution.”[57] Tout de suite, et pour apaiser les esprits, le monarque assura aux manifestants qu’il était le meilleur ami de la nation, et pour le prouver, il se coiffa d’un bonnet phrygien qu’ils lui avaient alors offert. “On ne peut rendre l’effet que produisit sur tous les spectateurs la vue de ce bonnet sur la tête du roi,” remarquèrent indignés les rédacteurs radicaux des Révolutions de Paris.[58] En effet, l’initiative du monarque déclencha un torrent d’euphorie parmi la foule, qui cria des “Bravo!,” des “Vive la nation!,” des “Vive la liberté!” et même des “Vive le roi!”[59] Après cela, Louis lui-même cria “Vive la nation!”[60] Tout de suite, l’un des manifestants offrit au monarque une bouteille de vin et il la but à la santé de la nation.

Si –tel qu’il est traditionnellement admis– les manifestants du 20 juin étaient alors convaincus de la collusion de Louis XVI avec la contre-révolution, il faut donc se demander pourquoi personne ne tenta de l’assassiner ce jour-là. L’occasion était en effet idéale. Grâce justement à la capacité des images à montrer graphiquement la disposition spatiale des personnes dans la scène, les estampes représentant l’événement permettent à nouveau de se faire une idée –peut-être une meilleure idée qu’au travers de source d’autres types– de la facilité avec laquelle les manifestants auraient pu tuer le roi. Louis était effectivement à la merci de la foule, de sorte qu’un coup de poignard ou un simple coup de pistolet à bout portant auraient été suffisants pour mettre fin à sa vie. “J’ai été un des premiers chez le roi – déclara plus tard le gauchiste Gaston–, et je puis vous assurer qu’il n’y avait autour du roi que 4 ou 5 grenadiers; et si on avait eu de mauvaises intentions, il aurait été facile de les exécuter.”[61] Brissot lui-même admit que, dans telles circonstances, “il n’aurait pas même été nécessaire d’être courageux pour être régicide.”[62] Qui plus est, en souscrivant à l’interprétation qui suggère que Louis était partout haï en juin 1792, on pourrait donc facilement convenir que les patriotes n’auraient pas trouvé trop de difficultés pour justifier, sur la base de la collusion du roi avec la contre-révolution, le régicide –ils le firent d’ailleurs pour motiver la suspension du monarque à la suite de l’insurrection du 10 août.[63] Malgré ces conditions si favorables pour mettre à mort le monarque, Louis ne fut pourtant pas physiquement menacé ce jour-là. “Le peuple s’est conduit, dans le château, en peuple qui connaît ses devoirs, et qui respecte la loi et le roi constitutionnel,” pouvait-on lire le lendemain dans les pages du Patriote français.[64]

Dans le cas du 10 août, à partir du moment où le sang des assaillants fut versé, il est plus que probable que si le roi était resté passif dans le château des Tuileries, attendant le dénouement de l’insurrection, il aurait été tôt ou tard massacré par les révolutionnaires. Trois mois plus tard, Morisson assura qu’au milieu de cette mémorable journée révolutionnaire, tuer le monarque était alors un droit appartenant à tous les Français.[65] Ainsi, à la fin de l’assaut des Tuileries, un patriote se présenta justement à l’Assemblée pour demander la mort du roi: “[J]e demande que le pouvoir exécutif soit puni; il a fait verser le sang de nos concitoyens; je demande vengeance au nom du faubourg Saint-Antoine.”[66] Le 10 août, Louis XVI était en effet devenu un homo sacer, un homme sacré,[67] qui avait déjà été publiquement rejeté pour les crimes commis dans l’exercice de sa fonction publique, mais que la loi protégeait de toute punition qui ne fût pas son abdication de la royauté:[68] pourtant, si quelqu’un l’eût alors tué, cette action n’aurait pas eu de sanction pénale ou sociale.[69] Au contraire, le 20 juin, malgré la violence des manifestants, personne n’osa attaquer le roi. Il ne paraît pas non plus qu’il y ait eu, au cours de la manifestation, de complot pour tuer le monarque.[70] Il n’y eut même pas un attentat raté contre sa vie ce jour-là, et ce bien qu’il y ait eu assez de temps pour le perpétrer –les manifestants restant plus de quatre heures dans le château.

Certes, la foule était révoltée contre le roi et, par conséquent, elle adopta devant lui une attitude ferme et sévère, parfois menaçante, mais il s’agissait de la fermeté et de la sévérité propre au souverain, dont elle croyait être l’incarnation. Lorsqu’on les trouve dans les discours des porte-parole de la foule, les menaces contre le monarque étaient des menaces de déchéance constitutionnelle, jamais des menaces de mort.[71] “Le peuple était en force, et je n’ai pas entendu une parole, pas remarqué un geste qui annonçât la plus légère mauvaise intention,” porta sur son procès-verbal l’officier municipal Patris, témoin oculaire de l’événement.[72] Pendant la journée du 20 juin, les manifestants avaient exprimé à tout moment leur attachement à la Constitution, et n’avaient demandé au monarque que la stricte application de ses dispositions, c’est-à-dire qu’il n’abuse pas de sa prérogative royale, et donc ne confère pas un caractère absolu à son droit de veto lorsqu’il l’exerçait sur les décrets d’urgence. C’est justement pour ce motif que l’état d’esprit de la foule était passé brutalement de la fermeté et la sévérité à l’enthousiasme et la joie d’une fête civique, au moment où Louis XVI déclara qu’il ne s’était jamais écarté de la Constitution. “Je me contenterai d’observer que le Roi, à diverses reprises, a annoncé un attachement inviolable à la Constitution, et un amour sincère pour le bonheur de la Nation française; et que ces protestations excitaient des applaudissements et des cris de vive le Roi,” écrit ainsi Patris.[73]

L’absence de tout attentat contre la personne du roi n’empêcha pas la Cour de se convaincre que le but de la manifestation avait été de mettre à mort le monarque. Le lendemain, dans un entretien avec Bertrand de Molleville, Louis XVI lui-même avoua qu’il ne comprenait pas pourquoi on ne l’avait pas tué durant la manifestation du jour précédent: “[J]’ai bien vu qu’ils avaient l’intention de m’assassiner, et je ne conçois pas pourquoi ils ne l’ont pas fait!”[74] On peut constater le même état d’esprit chez Marie-Antoinette dans une lettre adressée à Fersen au début du mois de juillet: “J’existe encore, mais c’est un miracle. La journée du 20 a été affreuse. Ce n’est plus à moi qu’on en veut le plus, c’est à la vie même de mon mari, ils ne s’en cachent plus.”[75] Or, il ne serait pas judicieux de se fier à la perception du roi ou la reine, car ils sont de plus en plus effrayés par les actions de la foule depuis les journées d’octobre 1789. En effet, lorsque, dans l’entretien du 21 juin, Bertrand de Molleville demanda à Louis s’il pensait à la possibilité d’être assassinée, le monarque répondit: “J’en suis convaincu; il y a longtemps que je m’y attends; et je me suis accoutumé à cette idée.”[76] À vrai dire, la perception des membres de la Cour eux-mêmes n’est pas digne de confiance en ce qui concerne les actions de la foule, car non seulement ils étaient effrayés par la violence populaire depuis les premiers jours de la Révolution, mais, en outre, sous l’influence de la nouvelle dynamique politique inaugurée par elle, la noblesse avait pris l’habitude d’interpréter toute expression de désaccord politique comme des affronts personnels.[77] En ce sens, tout acte ou discours qui contestait de quelque façon que ce soit l’autorité du roi était immédiatement interprété par la Cour comme un attentat républicain ou régicide, ou comme les deux à la fois. Marie-Antoinette en fournit un excellent exemple lorsque dans une lettre écrite à Mercy-Argenteau à la même époque que celle adressée à Fersen, elle évaluait sa situation dans les termes suivants: “Vous connaissez déjà les événements du 20 juin; notre position devient toujours plus critique. [...] Tout est perdu si on n’arrête pas les factieux par la crainte d’une punition prochaine. Ils veulent à tout prix la république; pour y arriver, ils ont résolu d’assassiner le Roi.”[78] Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le recours à l’exagération et à la diabolisation de l’adversaire devint alors une stratégie rhétorique dont la Cour et les feuillants se servirent très souvent pour discréditer publiquement leurs rivaux politiques. “[M]aintenant, s’entretenir des trahisons de la Cour, dévoiler ses manœuvres, avertir de ses complots, c’est se montrer antiroyaliste, c’est passer pour républicain, c’est mériter le titre de citoyen exécrable,” déclarait ainsi indigné Billaud-Varenne aux jacobins, au début de juillet.[79] Brissot lui-même s’exprima en des termes semblables à propos de la proclamation que le monarque avait publiée à la suite de la journée du 20 juin:

Les intrigants ont employé encore d’autres batteries; ils ont dicté au ministre de l’intérieur une proclamation où l’on prête au roi des absurdités et des calomnies; on lui fait dire: Que ceux qui veulent renverser la monarchie, commettent un crime de plus, s’il est nécessaire. Cette phrase est une calomnie, car le peuple n’avait dessein ni de renverser la monarchie, ni même d’insulter le monarque.[80]

Or, toujours en considérant le 20 juin d’après l’interprétation traditionnelle –c’est-à-dire comme l’antichambre de la Première République–, il est nécessaire de se demander si les manifestants exprimèrent ce jour-là –du moins en filigrane– la volonté de se passer de la royauté.

La royauté en danger?

Si les manifestants du 20 juin avaient voulu exprimer leur aversion pour le roi ou pour la royauté elle-même, cette journée aurait dû finir au moins par un attentat à sa personne. L’absence de tout attentat contre la vie de Louis XVI remet donc en question le sens que l’historiographie a traditionnellement donné à la journée du 20 juin 1792. De plus, c’est justement cette absence qui nous invite à reconsidérer l’événement depuis un autre point de vue.

Il faut d’abord commencer par refuser la violence comme l’un des paramètres pour interpréter et donner du sens au 20 juin. Ce critère s’impose non seulement parce que les manifestants ne commirent pas la moindre violence contre le roi, mais, en outre, parce que la violence en soi constituait un trait commun et ancré dans l’ordre social révolutionnaire et prérévolutionnaire.[81] Si l’on considère exclusivement le nombre de victimes, la journée du 20 juin 1792 est en fait moins violente que, par exemple, celle des 5 et 6 octobre 1789, où plusieurs gardes du château furent massacrés par la foule. Néanmoins, aucun historien n’oserait dire que le but des manifestantes d’octobre était de mettre fin au roi et à la royauté. Bien au contraire.

Pas plus alors qu’au 14 juillet, le peuple de Paris ne songea à détrôner le roi –remarque Alphonse Aulard. Il voulait seulement le ramener à Paris, afin de l’y avoir sous sa surveillance, et dans l’espérance que, mieux conseillé, il serait meilleur roi. Il s’agit de placer le roi à la tête de la Révolution, de lui imposer ce rôle auquel il se dérobe, et non d’ébranler le trône.[82]

L’humiliation à laquelle Louis XVI a été prétendument soumis le 20 juin 1792 requiert, elle aussi, d’être réinterprétée depuis une nouvelle perspective. Bertrand de Molleville considéra comme un outrage à la dignité royale que le roi se trouva dans l’obligation de se coiffer du bonnet phrygien et de boire du vin à la santé de la nation.[83] Cette opinion fut partagée par ceux qui étaient toujours sous l’influence des valeurs politiques de l’Ancien Régime. Un journal royaliste alla jusqu’à établir un parallèle entre le bonnet rouge sur la tête de Louis et la couronne d’épines sur celle de Jésus-Christ.[84] À vrai dire, et dans une plus ou moins large mesure, l’image du roi humilié est celle qui a été utilisée traditionnellement par l’historiographie de la Révolution française pour mettre l’accent sur la haine que les manifestants auraient prétendument exprimée le 20 juin contre la royauté elle-même. En effet, l’interprétation qui suggère que l’établissement de la Première République était alors proche, s’appuie justement sur cette image. Il s’agit cependant d’une interprétation royaliste ou feuillantine de l’événement, car depuis du point de vue des manifestants, il n’y eut aucune humiliation à la dignité royale:

Les hommes vains et dédaigneux, qui ne voient dans cette coiffure que le costume ignoble du pauvre, se récrieront à cette circonstance; mais ceux qui professent la douce religion de l’égalité des citoyens, concevront l’allégresse du peuple, en voyant le citoyen-roi paré de ce signe fraternel, qui d’ailleurs est, depuis plus de deux mille ans, l’attribut chéri de la liberté des hommes.[85]

Dans la séance même du 20 juin, lorsque le feuillant Mathieu Dumas, indigné, remarque à l’Assemblée que le bonnet phrygien a avili le monarque, certains députés siégeant à gauche lui répondirent à l’unisson que “[l]e bonnet de la liberté n’est pas avilissant.”[86] La même observation est valable, elle aussi, pour le vin que le roi but à la santé de la nation. Dans son analyse de l’estampe intitulée Louis XVI avait mis le bonnet rouge,[87] Alban Sumpf suggère que le vin est lui-même un symbole de la nation.

Boire le vin de la nation –explique Sumpf– est comme un rituel civique, qui fait appartenir à celle-ci. Ainsi, la conscience collective d’appartenir à une même communauté, qui définit justement depuis la Révolution française l’idée moderne de nation, peut-elle se “lire” dans le vin. Issu de la France et du peuple, le vin est l’un des vecteurs et des signes de cette communauté d’appartenance ainsi que de l’unité de la nation.[88]

Depuis cette perspective, la journée du 20 juin 1792 est loin d’être l’antichambre de la Première République. Au contraire, elle doit être interprétée comme une demande d’unité entre le roi et la nation. En fait, la nature eucharistique du vin ne doit pas passer inaperçue au milieu d’un ordre social où le christianisme a conditionné et façonné les habitudes comme les mœurs individuelles et collectives depuis des siècles.

Tout au long de la séquence révolutionnaire, avec plus ou moins d’intensité, de manière exposée ou voilée, la tradition chrétienne fournit aux Français un ensemble de ressources pour penser et donner sens au politique. Par exemple, depuis les premiers mois de la Révolution, par un jeu de mots qui forçait l’anagramme entre Iscariotte et aristocrate, la noblesse serait assimilée à Judas, l’apôtre-traître.[89] Dans le cas de la journée du 20 juin 1792, les échos christologiques ne se trouvent pas seulement dans l’usage eucharistique du vin, mais aussi dans le discours que Santerre, l’un des porte-parole du faubourg Saint-Antoine, adressa à l’Assemblée, avant que la foule n’envahisse les Tuileries. Sophie Wahnich remarque ici une certaine similitude entre les manifestants et le Christ lui-même sur la croix.[90] D’après elle, les célèbres paroles de Jésus-Christ –“Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?”[91]– retentissent dans la bouche de Santerre lorsqu’il fait la déclaration suivante: “Rappelez-vous, Messieurs, ce serment sacré [du Jeu de Paume] et souffrez que ce même peuple, affligé à son tour, vous demande si vous l’abandonnez.”[92]

Depuis le point de vue des manifestants, la journée du 20 juin ne doit pas être interprétée comme une expression de rejet du roi et de la royauté, bien au contraire. Dans le cadre d’une tradition christologique, le vin bu par Louis XVI à la santé de la nation doit être compris comme un acte symbolique de communion: le vin représentant le sang de la nation, elle doit faire un avec le roi une fois qu’il l’a bu. Il s’agit d’un “nouveau pacte” entre le monarque et la nation, tel que le formule l’une des estampes imprimées pour célébrer l’événement.[93] Qui plus est, on pourrait interpréter cela comme la volonté de réaffirmer, sous le signe des principes de 1789, l’ancienne doctrine des deux corps du roi, selon laquelle le monarque et la nation ne font qu’un.[94] En ce sens, les manifestants du 20 juin n’auraient cherché qu’à sauver la patrie en danger, en demandant la (comm)union entre le roi et la nation. C’est justement le vœu exprimé dans la pétition lue au monarque par Huguenin, qui était, avec Santerre, l’un des porte-parole du faubourg Saint-Antoine:

[Q]u’il règne donc entre vous et la Nation, un accord, une sainte confédération qui nous fasse tous tendre au même but; ne comptez point sur elle, si vous voulez régner en despote; si au contrarie vous voulez être notre ami, notre frère, vous trouverez dans tous les citoyens autant de défenseurs de votre autorité constitutionnelle![95]

Tout comme lors des journées des 5 et 6 octobre 1792, la manifestation du 20 juin 1792 fut une tentative de placer le roi à la tête de la Révolution: “Vous vous êtes déclaré le premier citoyen de l’empire, le défenseur de notre constitution; les temps sont arrivés où vous devez soutenir enfin ce titre auguste.”[96]

En conservant le respect pour les lois[97] et la Constitution monarchique de 1791,[98] les manifestants du 20 juin se rassemblèrent pour faire entendre la voix du “souverain” à leur représentant héréditaire. Leur compréhension superficielle de la politique et l’économie les conduisit à penser que tous les maux subis par les Français pouvaient se résoudre par la force de la loi, c’est-à-dire par l’acte de sanction des décrets d’urgence. Cette idée a été parfaitement résumée dans l’un des mots d’ordre proférés par la foule durant cette journée: “Le pain et la viande sont trop chers, nous ne voulons plus de veto.”[99] Pour les manifestants, le mécontentement politique et économique affectant alors les Français pouvait clairement trouver sa consolation dans la loi elle-même. Pour ce faire, il fallait cependant l’union des pouvoirs constitués. En effet, la communion entre le roi et la nation devait trouver son expression politique pratique dans l’harmonie entre le chef du pouvoir exécutif et le Corps législatif –une harmonie qui pouvait être facilement atteinte par la sanction des décrets d’urgence. Rien de plus n’était alors nécessaire.[100]

En outre, en respectant la lettre de Constitution, les manifestants du 20 juin ne contestèrent pas le droit de veto en soi, mais seulement son exercice sur les décrets d’urgence. En effet, une députation du faubourg Saint-Marcel cherchant à justifier la conduite de ses citoyens pendant la journée du 20 juin, renouvela cinq jours plus tard leurs demandes à l’Assemblée dans les termes suivants:

Les citoyens pétitionnaires, voyant dans la Constitution, que le roi ne peut avoir de veto absolu, croyaient cependant trouver ce caractère à celui que le roi a opposé sur les décrets de circonstance; car comment croire que les remèdes aux troubles excités par des prêtres fanatiques et séditieux, et la formation d’un camp de 20,000 hommes, puissent être ajournés à 6 ans? Les citoyens du faubourg Saint-Marcel étaient donc autorisés à craindre que la Constitution ne fût détruite par la Constitution elle-même. [...] En terminant, [nous demandons] que l’Assemblée déclare que les décrets de circonstances ne sont pas sujets à sanction. Nous ne demandons pas que vous violiez la Constitution, mais que vous l’expliquiez. Le roi n’a, par la Constitution, qu’un veto suspensif, et par le fait il devient absolu sur les lois d’urgence et de circonstances.[101]

La contestation du droit de veto seulement pour les décrets d’urgence suggère donc que les manifestants ne remirent pas non plus en question la qualité de représentant accordée au roi.[102] En d’autres termes, ils ne voulurent pas réduire le monarque à un simple commis du peuple qui devait se soumettre à la volonté de l’Assemblée, seul organe où, depuis 1789 et surtout après l’épisode de Varennes, la minorité républicaine avait accepté de placer l’exercice de la représentation nationale. Certes, avant l’invasion des Tuileries, les manifestants firent irruption dans le Manège et, depuis la tribune de l’Assemblée, lancèrent un avertissement au roi:

La liberté ne peut être suspendue. Si le pouvoir exécutif n’agit point, il ne peut y avoir d’alternative: c’est lui qui doit l’être. Un seul homme ne doit pas influencer la volonté d’une nation de 25 millions d’âmes. Si par un souvenir nous le maintenons dans son poste, c’est à condition qu’il le remplira noblement. S’il s’en écarte, il n’est plus rien pour le peuple français.[103]

Mais, immédiatement à la suite de ces paroles, un avertissement semblable avait été adressé aux députés eux-mêmes:

Forcera-t-on le peuple à se reporter à l’époque du 13 [sic] juillet, à reprendre lui-même ce glaive [de la loi] et à venger d’un seul coup la loi outragée, à punir les coupables et les dépositaires pusillanimes de cette même loi? [...] Le peuple est debout, il attend dans le silence une réponse digne, enfin, de sa souveraineté.[104]

Si l’on considère les deux avertissements dans leur ensemble, nous pouvons conclure que les manifestants du 20 juin ne voulaient ni faire plier la volonté des pouvoirs constitués ni obliger l’un d’eux à se soumettre à l’autre. Dans cette persepctive, il est pertinent de rappeler que d’après la Constitution de 1791, “[l]a loi n’existe pas parce que le monarque y consent, donc par son seul consentement, mais parce qu’à partir de la sanction, il y a rencontre de deux volontés. C’est bien d’un consentement réciproque que naît la loi.”[105] C’est justement ce consentement réciproque que les pétitionnaires du 20 juin appelaient de leurs vœux: le roi ne devait pas exercer son droit de veto sur les décrets d’urgence, mais l’Assemblée, à son tour, devait les rédiger et les prendre avec prudence, de manière à ce qu’il n’y eût pas de doute qu’elle cherchait le bien commun.[106] Il s’agit donc d’un compromis de communion entre les deux pouvoirs. “Nous ne voulons que l’union, la liberté, l’égalité!,” demandait l’une des pancartes portées par la foule.[107] C’était en effet le vrai objectif de la journée du 20 juin 1792. Ce jour-là, les représentants du peuple –autant les temporels que l’héréditaire– étaient sommés par le “souverain” de travailler harmonieusement à l’élaboration des lois. Du point de vue des manifestants, seule la communion entre le chef du pouvoir exécutif et le Corps législatif pouvait sauver la patrie en danger, en évitant aux Français le malheur de se voir dans l’obligation d’exercer directement leur souveraineté, conformément au droit de résistance à l’oppression.

Le sens contesté du 20 juin

Malgré les intentions des manifestants, le sens donné à la journée du 20 juin a été étroitement attaché aux termes dans lesquels la nouvelle de cet événement a été relatée dès le lendemain. En effet, la nature de l’interprétation –royaliste/feuillantine ou patriote– a dépendu du mot utilisé pour faire référence à la foule. L’enjeu dans l’opération de signification de l’événement était donc le concept de peuple lui-même. “Je suis bien éloigné de croire que le roi soit en danger au milieu du peuple,” déclara ainsi le gauchiste Thuriot.[108] “Je penserai comme M. Thuriot –répondit le modéré Beugnot–, si le roi était au milieu du peuple; mais ce n’est pas le peuple qui est chez le roi, ce sont des brigands.”[109] Si l’on considérait les manifestants comme l’incarnation du peuple souverain –sans doute se percevaient-ils de cette manière–, leurs actions et leurs demandes avaient été légitimes, car en fin de compte, le peuple était censé être le maître des représentants et, comme tel, il “a[vait] le droit de demander compte à tout agent public de son administration.”[110] Dans le cas contraire où les manifestants ne seraient pas vus comme l’incarnation du peuple souverain –telle était la juste interprétation si l’on prenait la Constitution au pied de la lettre[111]–, leurs actions et leurs demandes seraient considérées comme des crimes, car, en tentant d’imposer leur propre volonté aux vrais représentants de la nation et, par conséquent, à la nation elle-même, ils avaient usurpé la représentation nationale. Évidemment, le sens de la journée du 20 juin change alors considérablement si le rôle principal appartient au peuple ou à une foule composée de brigands.

Cette différence politico-conceptuelle ne passa pas inaperçue aux yeux de Louis XVI, qui, en faisant appel à l’ancienne stratégie de l’art de gouverner qui suggère l’avantage de diviser pour mieux régner, décida d’en profiter pour susciter des opinions divergentes quant à la journée du 20 juin. En effet, dans une proclamation publiée le 22, le roi informait tous les Français que deux jours plus tôt, “une multitude, égarée par quelques factieux, [...] abusant audacieusement du nom de la nation, [...] a tenté d’obtenir, par la force, la sanction que Sa Majesté a constitutionnellement refusée à deux décrets.”[112] Il s’agissait d’une manœuvre ingénieuse, dans la mesure où le roi se servait des apories propres au concept de peuple[113] pour dénoncer les manifestants comme un groupe de factieux qui avaient commis un attentat contre la Constitution elle-même lorsqu’ils avaient demandé la levée des vetos et la réincorporation des ministres brissotins: d’après cette interprétation, la foule avait essayé de forcer la volonté du représentant héréditaire de la nation par la violence et l’intimidation.

En outre, la proclamation du roi insistait sur le maintien de l’engagement de Louis XVI à assurer le bien commun: “[L]a violence, à quelque excès qu’on veille la porter, ne lui arrachera jamais un consentement à tout ce qu’il croira contraire à l’intérêt public.”[114] Par une revendication démagogique du respect de la propriété, le texte se concluait en faisant appel au soutien des citoyens actifs—seuls autorisés par la Constitution à assumer la représentation nationale en qualité de députés:[115]

Dans l’état de crise où elle [la monarchie] se trouve, le roi donnera jusqu’au dernier moment, à toutes les autorités constituées, l’exemple du courage et de la fermeté, qui seuls peuvent sauver l’Empire: en conséquence, il ordonne à tous les corps administratifs et municipalités de veiller à la sûreté des personnes et des propriétés.[116]

Par ces dernières paroles, Louis s’appuyait sur une idée propre au sens commun des Français, une idée qui lui avait été très utile un an plus tôt –pendant la crise de Varennes–, à savoir que seul le roi était capable de garantir le droit de propriété.[117] D’après la proclamation royale du 22 juin, la journée du 20 cessait donc d’être une réaction légitime du “peuple souverain” aux mesures impopulaires adoptées par le roi, et devenait simplement une dispute de classes pour l’exercice de la représentation nationale.

En déplaçant l’enjeu, Louis XVI réussit alors rapidement à capter en sa faveur le mépris que les notables du royaume exprimaient à l’encontre des milieux populaires. Dans le cours des semaines qui suivirent la journée du 20 juin, différentes administrations départementales et municipales –sous les ordres justement des citoyens actifs– communiquèrent au roi et à l’Assemblée leur indignation et leur rejet de ces événements.[118] Parmi les arguments qu’elles utilisèrent, on percevait l’écho de la proclamation royale. “Le vœu des 48 sections de la capitale n’est que la 83e partie du vœu national,” exprimèrent ainsi six directeurs du département de l’Aisne.[119] À leur tour, les administrateurs d’Amiens, en accord avec la lettre de la Constitution, écrivirent: “La souveraineté est une, indivisible, elle appartient à la nation; aucune section du peuple, aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.”[120] En fait, selon Carra, vers le 10 juillet, 33 directoires du département sur 83 s’étaient déjà prononcés contre les manifestants du 20 juin.[121] À cet égard, Théodore de Lameth, alors député du Jura à la Législative, enregistre dans ses Mémoires que 73 sur 83 administrations générales prirent parti pour le roi une fois qu’elles eurent connaissance des événements de cette journée.[122]

Un jour avant l’insurrection du 10 août 1792, l’Assemblée elle-même finit par adopter, sans l’avouer, la position du roi à l’égard du sens de la journée du 20 juin. En effet, le 9 août, le brissotin Isnard, au nom de la Commission extraordinaire des Douze, donna lecture d’un projet d’adresse aux Français sur l’exercice des droits de souveraineté, adresse qui, sans le dire explicitement, admettait que le peuple souverain n’était qu’une chimère:

Puisque la souveraineté n’appartient qu’au peuple entier, une section quelconque du peuple ne peut, pour les portions déléguées de cette souveraineté, émettre qu’un simple vœu, ne peut que prononcer une opinion, car, tant que la pluralité du peuple n’a pas retiré cette délégation, chacune de ses portions doit la regarder comme légitime, et reconnaître les pouvoirs établis par la volonté générale. [...] Enfin, puisque le droit de souveraineté appartient à toutes les sections du peuple prises collectivement, et leur appartient avec la plus entière égalité, il en résulte qu’aucune d’elles n’a le droit ni de recueillir, ni de constater, ni de déclarer l’expression de la volonté nationale. [...] Ce serait sans doute une loi utile, nécessaire au maintien de la paix, à la conservation des droits du peuple, que celle par laquelle, en s’assujettissant à quelques formes simples il assurerait à tous les moyens prompts d’exercer la souveraineté dans toute son étendue, et avec une liberté plus entière. Mais cette loi n’existe pas.[123]

Certes, cette adresse avait été suscitée par le mouvement pétitionnaire qui demandait la déchéance du roi dès la fin de juillet 1792, mais, rétrospectivement, ses considérations permettaient également de clore la querelle sur le sens de la journée du 20 juin en faveur de l’interprétation du roi et des différentes administrations départementales et municipales qui, en dénonçant les manifestants comme des factieux, le soutenaient après l’événement.

Vers une révision des temporalités de la séquence révolutionnaire/républicaine

Les réactions favorables au roi après la journée du 20 juin ne font que remettre en question l’interprétation traditionnelle soulignant l’impopularité de Louis XVI au début de l’été de 1792. Certes, les soutiens provinrent surtout des notables, mais il faut néanmoins rappeler qu’en se bornant à demander la levée des vetos et la réincorporation des ministres patriotes, les manifestants du 20 juin n’avaient contesté ni le roi ni son droit de veto suspensif, c’est-à-dire qu’ils n’avaient pas contesté la Constitution monarchique. Il est donc évident qu’on ne peut pas parler de l’existence d’une opinion majoritairement défavorable à la royauté. Le légalisme –c’est-à-dire le respect de la Constitution– et par conséquent l’attachement à la royauté, fut l’attitude qui caractérisa l’ensemble du champ patriote jusqu’à l’insurrection du 10 août.[124] Même entre la fin du mois de juillet et le début du mois d’août, durant la campagne pour la déchéance du monarque, les pétitionnaires se préoccupèrent toujours de souligner leur respect pour la Constitution et leur attachement à la royauté. Les débats des fédérés au sein du Club des jacobins de Paris en fournissent un témoignage très révélateur. Le 12 juillet, “[l]’orateur de la députation du Calvados s’attache à demander, au nom des patriotes de ce département, la destitution du roi, mais sa destitution légale, celle qui se trouve dans la Constitution.”[125] Durant la même séance, “Les fédérés du Doubs demandent des armes, de l’union et des adresses dans les départements pour détromper le peuple des accusations de républicanisme qu’on fait chez eux aux jacobins de Paris.”[126] À la veille de la Fête de la Fédération, Desmoulins –le républicain Desmoulins!– déclara aux jacobins: “Prêtons donc le serment ordinaire, et, si le pouvoir exécutif ne tient pas le sien, punissons-le, destituons-le, s’il le faut, mais ne nous écartons pas de la Constitution.”[127] Deux jours après, un fédéré du Calvados déclarait encore: “Songez que nous n’avons qu’un ennemi à combattre, c’est la machine royale; quant à la monarchie, elle restera, car elle est dans la Constitution.”[128] À la fin du mois de juillet, Robespierre partageait lui aussi les mêmes opinions:

Ce serait une absurdité de croire, que la constitution ne donne pas à l’assemblée nationale les moyens de la défendre, lorsqu’il est évident que l’assemblée nationale est loin d’employer toutes les ressources que la constitution lui présente; il serait souverainement impolitique de commencer par demander plus que la constitution, lorsqu’on ne peut pas obtenir la constitution elle-même; il serait plus impolitique encore, de vouloir réclamer, par des moyens en apparence inconstitutionnels, ce qu’on a le droit d’exiger, en vertu du texte formel de la constitution.[129]

Si au cours de la crise de l’été de 1792 l’Assemblée n’osa pas prononcer la déchéance constitutionnelle du roi, c’est parce que les députés étaient conscients qu’ils ne pouvaient pas compter sur le soutien de la majorité de la nation. “Messieurs, vous ne pouvez réussir dans les mesures que vous allez prendre, qu’avec le concours bien marqué de l’opinion publique,” avouait alors Brissot.[130] Les adresses des départements après l’affaire du 20 juin démontrent en effet que Louis XVI n’avait pas perdu ce soutien et que la méfiance était d’abord suscitée par “les factieux de la capitale.”[131] À leur tour, les patriotes de Paris n’abandonnèrent leur légalisme que lorsqu’ils se rendirent compte que leurs représentants étaient incapables de sauver la patrie. C’est alors seulement qu’ils eurent recours à l’insurrection. Mais il ne faut pas oublier que, jusqu’au 10 août, ce légalisme fit échouer trois tentatives d’insurrection encouragées par les radicaux.[132]

Dans la mesure où la Révolution non seulement ne contesta pas la royauté, mais, de surcroît, concéda au roi le caractère de représentant ainsi qu’un ensemble de compétences qui surpassaient celles des députés eux-mêmes,[133] il ne paraît donc pas vraisemblable que les patriotes aient eu une sorte de prédisposition antiroyaliste latente, prête à être déclenchée au premier désaccord politique entre le monarque et l’Assemblée. À cet égard, Johnson Wright a mis en question l’effet même de l’épisode de Varennes sur la stimulation du républicanisme au sein du mouvement populaire, en argumentant que, au cœur d’une culture politique qui avait développé un culte de l’autorité royale sans parallèle dans l’Europe à l’époque moderne, il ne paraît pas plausible qu’une contingence ratée comme celle de la fuite du roi ait suffi, à elle seule, pour produire un changement tellement massif des allégeances politiques parmi les Français.[134] Comme le suggère John Hardman, “il n’est pas exact de dire que la fuite du roi a affaibli la monarchie: elle a plutôt polarisé l’opinion à son égard.”[135]

Inscrite dans la longue durée et ancrée dans le sens commun des Français, la royauté était toujours apte à susciter, par le culte de la personne royale, un rapport affectif entre les sujets et le prince, même après l’épisode de Varennes. Ainsi donc, les révolutionnaires de 1789, toujours sous ce régime émotionnel, n’eurent jamais l’intention de le renverser, mais bien plutôt d’incorporer le culte de la Nation en son sein.[136] En ce sens, la devise constitutionnelle “La Nation, la Loi, le Roi” ne doit pas être interprétée en termes hiérarchiques, comme une énumération par ordre décroissant des nouvelles valeurs politiques de la France révolutionnaire: elle doit être comprise plutôt en termes complémentaires.[137] Cette manière de comprendre ladite devise peut être, par exemple, remarquée dans les paroles par lesquelles les administrateurs de la Somme terminèrent leur adresse au monarque relative aux événements du 20 juin 1792: “Les Français de ce département sont prêts à verser leur sang pour défendre la patrie, le roi et la Constitution. Ces trois objets sont indivisibles, et leur sont également chers.”[138] Après un peu plus de deux longues et turbulentes années de révolution, et sous l’aura de sacralité dont la Constitution elle-même avait été revêtue à la suite du serment du Jeu de Paume –l’événement que les manifestants du 20 juin 1792 cherchaient justement à commémorer–, la loi fondamentale de 1791 alla jusqu’à être appréciée par la plupart des Français comme la meilleure d’entre toutes les constitutions politiques possibles pour la France.[139] En effet, à l’occasion de l’annonce de l’achèvement des travaux constitutionnels en septembre 1791, Condorcet, qui à peine deux mois avant demandait, avec Thomas Paine, et depuis les pages du Républicain, l’abolition de la royauté, écrivait dans cette nouvelle conjoncture:

Nous avons combattu autant qu’il nous a été possible pour empêcher de porter à la constitution les atteintes qu’elle a reçues, actuellement qu’elle est terminée nous ne devons nous souvenir de ce qu’elle a de vicieux, que quand il sera question de la révision. Nous devons avouer que telle qu’elle est, c’est encore la plus belle constitution connue, celle sur laquelle il sera le plus heureux de vivre.[140]

Dès lors, le devoir de tout Français fut donc de défendre la Constitution, tel que le suggérait Robespierre lui-même par le titre de son journal.

Les événements du 20 juin 1792 n’entraînèrent aucune rupture affective avec le roi, et encore moins avec la royauté. Parmi certains patriotes, cette rupture eu lieu lorsque Louis XVI persista à refuser sa sanction aux décrets d’urgence et, surtout lorsqu’en dénonçant aux manifestants comme des factieux, il nia, dans sa proclamation royale, le caractère souverain des actions populaires de la journée du 20 juin. Cependant, l’hostilité contre le monarque s’empara rapidement de tout l’ensemble du champ patriote à partir de la déclaration de la patrie en danger le 11 juillet. De ce point de vue, Louis est le premier coupable des dangers que la nation affrontait –des dangers qui n’étaient que la conséquence de l’abus du droit de veto et du manque d’exécution des lois. En manquant à son serment de maintenir la Constitution, en se plaçant au-dessus de la loi, en mettant en danger le salut de la nation, le roi brisait en même temps, et le rapport politique, et le rapport affectif qui le liait aux Français, et il deviendrait ainsi rapidement l’objet de la haine publique. Néanmoins, cette haine s’arrêtait au “corps physique” du monarque: elle ne fut pas jetée sur son “corps politique,” car, au sein du régime émotionnel reconfiguré par la Révolution, la fidélité à la royauté était réclamée au même titre que celle qui correspondait à la Nation et la Constitution. Qui plus est, tel qu’il fut noté dans les débats politiques de juillet 1792, la monarchie était dans la Constitution, de sorte que la défense de cette dernière comportait nécessairement celle de la première. L’attachement à la royauté s’exprima dès lors, et jusqu’à la dernière seconde, par l’insistance sur le respect des procédures constitutionnelles pour déchoir Louis XVI de l’exercice du pouvoir exécutif, ce qui impliquait la conservation de la Couronne, soit par la voie d’un régent, soit par la substitution dynastique. Les circonstances étant de jour en jour plus critiques, les patriotes accueillirent le recours à l’insurrection comme le moindre des maux. En tout cas, nous ne pouvons pas ignorer qu’au cours des événements qui se déroulèrent à la suite de la journée du 20 juin, la conservation de la Constitution de 1791 serait tenue pour acquise dans la plupart des débats politiques, même après la révolution du 10 août.[141]

L’analyse développée jusqu’ici invite non seulement à repenser les temporalités de la séquence 20 juin-10 août-21 septembre, mais aussi à réintroduire de la contingence dans le récit historiographique qui en rend compte. Sans nier le mécontentement politique et social qui exista autour du roi durant l’été de 1792, il est indéniable que l’établissement de la République, en tant que forme de gouvernement différente et opposée à la monarchie, ne figurait pas dans l’ordre du jour de la plupart des Français. C’est pourquoi, après la révolution d’août, à peine deux assemblées électorales sur 83 demandèrent un gouvernement républicain à leurs députés pour la Convention nationale.[142] Dans le meilleur des cas, si nous voulons parler de républicanisme pendant la journée du 20 juin 1792, nous devons penser au républicanisme classique, celui qui cherchait à établir l’empire de la loi, où personne ne pouvait être au-dessus d’elle, même pas le roi. Du point de vue des manifestants du 20 juin, le monarque s’est justement placé au-dessus de la loi en exerçant son droit de veto sur les décrets d’urgence. Utilisé dans ces cas, le veto devient absolu, et ce alors même que la Constitution ne lui accordait qu’un caractère suspensif. À cet égard, il faut rappeler que, tel qu’il avait été conçu, le droit de veto faisait du roi une sorte de nouveau “tribun du peuple.” “L’art du veto est l’art d’élever la voix sans avoir à s’expliquer –remarque Sophie Wahnich–; cette voix qui s’élève est alors supposée être celle du peuple, elle est sacrée comme telle.”[143] Par conséquent, les pétitionnaires demandèrent à Luis XVI qu’il se soumette à la loi et exerce son droit de veto au nom du peuple, et non contre lui. Rien de plus, rien de moins.

Or, si la Première République n’était présente ni le 20 juin ni le 10 août,[144] il devient impossible de continuer à penser la séquence 20 juin-10 août-21 septembre dans une seule temporalité, linéaire et progressive, dont les racines seraient ancrées dans la notion de nécessité. En effet, l’exposition des indices annonçant la Première République dans les événements directement antérieurs à l’abolition de la royauté est une opération ex post de re-signification qui répond à la nécessité des radicaux de légitimer devant la plupart des Français la décision prise le 21 septembre. Nombre d’historiens n’ont donc fait que répéter le récit téléologique des vainqueurs. Il est alors clair que les causes de l’abolition de la royauté ne doivent pas être cherchées avant le 11 août, mais dans les 42 jours qui s’écoulèrent entre l’insurrection et la première séance de la Convention nationale. J’ai déjà proposé une telle analyse[145] à partir d’une approche privilégiant la multiplicité des temporalités plutôt qu’un temps historique unilinéaire et progressif:[146] ce qui a permis de déplacer l’attention de la nécessité aux possibilités,[147] en rendant à la contingence la place qui lui revient au sein de l’analyse historiographique.[148]

Figures

Figure 1.: Louis XVI dans la loge du logographe à l’Assemblée législative. Gravure de Revel, réalisée à partir d’un dessin d’Ary Scheffer, prise d’Adolphe Thiers, Histoire de la Révolution française, 9 vols. (Paris: Lecointe, [1823] 1834), 2: entre 274 et 275.
Figure 1.
Louis XVI dans la loge du logographe à l’Assemblée législative. Gravure de Revel, réalisée à partir d’un dessin d’Ary Scheffer, prise d’Adolphe Thiers, Histoire de la Révolution française, 9 vols. (Paris: Lecointe, [1823] 1834), 2: entre 274 et 275.
Figure 2.: Le Roi se réfugie au sein de l’Assemblée. Gravure basée sur un dessin d’Hippolyte de la Charlerie, prise de Louis Blanc, Histoire de la Révolution française, 4 vols. (Paris: Librairie du Figaro, 1868), 3: 705.
Figure 2.
Le Roi se réfugie au sein de l’Assemblée. Gravure basée sur un dessin d’Hippolyte de la Charlerie, prise de Louis Blanc, Histoire de la Révolution française, 4 vols. (Paris: Librairie du Figaro, 1868), 3: 705.

    1. George Rudé, La Foule dans la Révolution française, trad. Albert Jordan (Paris: F. Maspero, 1982), 123.return to text

    2. Pierre Dominique, 10 août 1792. La monarchie est morte! (Paris: Perrin, 1974), 35.return to text

    3. Ibid.return to text

    4. Jean Jaurès, Histoire socialiste de la Révolution française, 8 vols. (Paris: Librairie de L’humanité, 1922-1924), 4: 47.return to text

    5. Marcel Reinhard, La Chute de la Royauté. 10 août 1792 (Paris: Gallimard, 1969), 10.return to text

    6. François Furet, La Révolution. De Turgot à Jules Ferry (1770-1880) (Paris: Hachette, 1988), 119.return to text

    7. Laura B. Pfeiffer, “The Uprising of June 20, 1792,” University Studies of the University of Nebraska 12: 3 (1913), 197-343, ici 328: “The days of June 20 and August 10, 1792 are inseparable.”return to text

    8. David P. Jordan, The King’s Trial: The French Revolution vs. Louis XVI (Berkeley: University of California Press, 1979), 4: “June 20 had been a dress rehearsal for August 10.” La même expression a été utilisée par Micah Alpaugh pour souligner l’importance de la journée du 20 juin 1792 dans toute étude sur la Révolution française. Voir “The Making of the Parisian Political Demonstration: A Case Study of 20 June 1792,” Proceedings of the Western Society for French History 34 (2006), 115-133.return to text

    9. Jaurès, Histoire socialiste de la Révolution, 4: 53.return to text

    10. Micah Alpaugh, Non-Violence and the French Revolution: Political Demonstrations in Paris, 1787-1795 (Cambridge: Cambridge University Press, 2015), 102: “key transitional political demonstration [ ... that had] effects in stimulating the popular movement’s growing republicanism.”return to text

    11. Voir Raymonde Monnier, “République, Républicanisme, Républicain,” in Handbuch politisch-sozialer Grundbegriffe in Frankreich 1680-1820, éds. Rolf Reichardt, Hans-Jürgen Lüsebrink et Jörn Leonhard, 21 vols. (Berlin: De Gruyter, 2017), 21: 95-262.return to text

    12. Pendant la séquence 1789-1793, nous trouvons au sein du champ patriote beaucoup de républicains classiques voulant établir un État libre sans renoncer à la monarchie –la seule forme de gouvernement qui convient à un grand territoire, selon la grande majorité des penseurs politiques du XVIIIe siècle, y compris Montesquieu et Rousseau. Les républicains modernes, au contraire, furent toujours minoritaires. Voir Leigh Whaley, Radicals: Politics and Republicanism in the French Revolution (Stroud: Sutton, 2000), voir aussi Aurelian Craiutu, A Virtue for Courageous Minds: Moderation in French Political Thought, 1748-1830 (Princeton: Princeton University Press, 2012).return to text

    13. Voir Guillaume Glénard, “La République des origines (10 août 1792-21 janvier-6 avril 1793),” in 1792, Entrer en République, éds. Michel Biard, Philippe Bourdin, Hervé Lewers et Pierre Serna (Paris: Armand Colin, 2013), 23-35.return to text

    14. Voir Laurence Cornu, Une autre république. 1791, l’occasion et le destin d’une initiative républicaine (Paris: L’Harmattan, 2004).return to text

    15. Suzanne Levin, “Être républicain sous la Constituante: la crise de Varennes,” Révolution Fraçaise.net, mis en ligne le 1er mars 2015, URL: http://revolution-francaise.net/2015/03/01/605-etre-republicain-sous-la-constituante-la-crise-de-varennes. Consulté par dernière fois le 31 octobre 2018.return to text

    16. À propos de ce sujet, voir Johnson Kent Wright, “National Sovereignty and the General Will: The Political Program of the Declaration of Rights,” in The French Idea of Freedom: The Old Regime and the Declaration of Rights of 1789, éd. Dale Van Kley (Stanford: Stanford University Press, 1994), 199-233.return to text

    17. L’expression appartient à Guillaume Glénard. Voir L’exécutif et la Constitution de 1791 (Paris: Presses Universitaires de France, 2010), 19-21.return to text

    18. Voir Philip Pettit, Républicanisme. Une théorie de la liberté et du gouvernement, trad. Patrick Savidan et Jean-Fabien Spitz (Paris: Gallimard, 2004).return to text

    19. Saint-Just, “L’Esprit de la Révolution et de la Constitution de France (1791),” in Œuvres complètes (Paris: Gallimard, 2004), 362-471, ici 394-395.return to text

    20. Sur ce point, je me permets de renvoyer à mon article “Revisiting French Foundational Republicanism from a Non-teleological Approach,” Contributions to the History of Concepts 13: 2 (2018), 1-24.return to text

    21. François Furet, “Michelet,” in Dictionnaire critique de la Révolution française, éds. François Furet et Mona Ozouf (Paris: Flammarion, 1988), 1030-1040, ici 1039. En ce qui concerne ce grand récit révolutionnaire/républicain, je me permets de renvoyer au premier chapitre de la première partie de ma thèse de doctorat: El fenómeno republicano en la Francia revolucionaria: nuevos enfoques, nuevas lecturas, nuevas interpretaciones, inédite (Université de Buenos Aires, 2018), 55-108.return to text

    22. Reinhart Koselleck, “Mutation de l’expérience et changement de méthode. Esquisse historico-anthropologique,” in L’Expérience de l’histoire, trad. Alexandre Escudier avec la collaboration de Diane Meur, Marie-Claire Hoock et Jochen Hoock (Paris: Gallimard/Le Seuil, 1997), 263-325, ici 313.return to text

    23. Dans une autre publication, Koselleck a également remarqué que “[n]otre discipline opère sous la présupposition tacite de la téléologie.” (Reinhart Koselleck, “Über die Theoriebedürftigkeit der Geschichtswissenschaft,” in Theorie der Geschichtswissenschaft und Praxis des Geschichtsunterrichts, éd. Werner Conze [Stuttgart: Klett, 1972], 10-28, ici 19: “Unsere Wissenschaft arbeitet unter einem stillschweigenden Vorgebot der Teleologie.”)return to text

    24. À vrai dire, dans les études révolutionnaires, l’abolition de la royauté le 21 septembre 1792 a conditionné le sens historique de toute la séquence 1789-1792, mais aux fins de cet article j’ai dû réduire les cadres temporels de l’analyse. Voir supra note 21.return to text

    25. Voir Neal J. Roese et Kathleen D. Vohs, “Hindsight Bias,” Perspectives on Psychological Science 7: 5 (2012), 411-426.return to text

    26. Voir “Revisiting French Foundational Republicanism,” particulièrement 1-4.return to text

    27. Comparer, par exemple, les estampes intitulées Fameuse journée du 20 juin 1792 (Bibliothèque nationale de France, De Vinck, 4856: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8411556r) et Le Peuple entrant au château des Tuileries, le 20 Juin 1792 (Bibliothèque nationale de France, De Vinck, 4859: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6948696d) avec les estampes intitulées Journée du 10 Aout 1792 (Bibliothèque nationale de France, De Vinck, 4892: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6948729b) et Journée du 10 août 1792 (Bibliothèque nationale de France, De Vinck, 4903: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6948740c).return to text

    28. Pierre-Louis Rœderer, Chronique de cinquante jours, du 20 juin au 10 août 1792 (Paris: Lachevardiere, 1832), 288.return to text

    29. Jacques Godechot, éd., Mémoires inédits de E.-L.-H. Dejoly sur la journée du 10 août 1792 (Paris: Presses Universitaires de France, 1947), 57.return to text

    30. Le 4 août 1792, Lally-Tollendal déclara qu’il avait “reçu une lettre anonyme dans laquelle on me dénonçait une conversation chez Santerre, annonçant le projet de marcher sur les Tuileries, de tuer le roi dans la mêlée, et de s’emparer du prince royal pour en faire ce que les circonstances exigeraient”. (“Copie de la minute d’une séance tenue le 4 août 1792, écrite de la main de Lally-Tollendal,” in Histoire parlementaire de la Révolution française, ou Journal des assemblées nationales depuis 1789 jusqu’en 1815, Philippe-Joseph-Benjamin Bouchez et Pierre-Célestin Roux-Lavergne, 40 vols. [Paris: Paulin, 1834-1838], 17: 250-251, ici 250.)return to text

    31. Jean-Jacques Leroux, “Procès-verbal des événements des 9 et 10 août 1792, adressé au maire et à l’Assemblée nationale (1er septembre 1792),” in Histoire de la Terreur, 1792-1794, d'après des documents authentiques et inédits, éd. Mortimer Ternaux, 8 vols. (Paris: Calmann Lévy, 1862-1881), 2: 455-469, ici 466.return to text

    32. Voir Constitution de 1791, titre III, chapitre 3, section IV, article 8.return to text

    33. La comparaison entre les journées d’octobre 1789 et celle du 20 juin 1792 est, en réalité, un lieu commun des récits que la plupart des journaux royalistes firent de ce dernier événement. Voir, par exemple, La Rocambole des journaux 25 (24 juin 1792), 399.return to text

    34. Alexandre Gonsse de Rougeville, Déposition sur les tristes événements de la journée du 20 juin 1792, comme témoin oculaire, et réflexions politiques (Paris: Imprimerie de J. Girouard, 1792), 2.return to text

    35. Voir, par exemple, l’estampe intitulée Journée des sans culottes (Bibliothèque nationale de France, Hennin, 11176: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84115575) et l’estampe intitulée Journée mémorable du 20 juin (Bibliothèque nationale de France, Hennin, 11179: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b69487018).return to text

    36. Gazette universelle 174 (22 juin 1792), 694. La même anecdote a été reproduite avec moins de détails par Le Patriote français 1047 (22 juin 1792), 694. La Chesnaye, l’un des gardes nationales au service du roi le 20 juin et témoin oculaire des événements, raconte, lui aussi, cette anecdote dans sa déclaration sur les incidents. Voir André Baudin de La Chesnaye, “Déclaration du chef de la 3e [sixième] légion de la garde nationale parisienne (28 juin 1792),” in Archives parlementaires de 1787 à 1860. Recueil complet des débats législatifs & politiques des Chambres françaises, éds. Jérôme Mavidal et Émile Laurent, Première Série (1787 à 1799), 102 vols. (Paris: Paul Dupont/CNRS Éditions, 1867-2012), 46: 416-417. À l’Assemblée, le député Dalloz, lui aussi témoin oculaire, intervint pendant la séance du soir de ce même 20 juin pour raconter une anecdote semblable. Voir Archives parlementaires, 45: 425. À partir des témoignages de La Chesnaye et Dalloz, Hippolyte Taine est arrivé à la conclusion que, au cours de la journée, Louis XVI fit deux fois le geste de mettre la main d’un des gardes sur sa poitrine: la première fois après l’irruption de la foule; la seconde fois après l’arrivée de la députation des membres de l’Assemblée nationale. Voir Hyppolite Taine, Les Origines de la France contemporaine, 12 vols. (Paris: Hachette, 1901-1904), 5: 255, note 2.return to text

    37. Michael Walzer, Régicide et Révolution. Le procès de Louis XVI, discours et controverses, trad. Jacques Debouzy (Paris: Payot, 1989), 15.return to text

    38. Arlette Farge, Dire et mal dire. L’opinion publique au XVIIIe siècle (Paris: Le Seuil, 1992), 197.return to text

    39. Voir Ibid., 197-223. Voir aussi Lucien Bély, “Murder and Monarchy in France,” in Murder and Monarchy: Regicide in European History, 1300-1800, éd. Robert von Friedeburg (New York: Palgrave, 2004), 195-211.return to text

    40. Roger Chartier, Les origines culturelles de la Révolution française (Paris: Le Seuil, 1990), 145.return to text

    41. Farge, Dire et mal dire, 199-200.return to text

    42. Voir Louis Bergeron, François Furet et Reinhart Koselleck, L’Âge des révolutions européennes, 1780-1848 (Paris: Bordas, 1973), 46.return to text

    43. Annie Duprat, Les Rois de papier. La caricature de Henri III à Louis XVI (Paris: Belin, 2002), 172return to text

    44. Voir Révolutions de Paris 154 (16 au 23 juin 1792), 548.return to text

    45. Voir “Lettre écrite au roi par le ministre de l’intérieur, le 10 juin, l’an 4 de la liberté,” Moniteur 167 (15 juin 1792), 12: 658-659. Voir aussi Charles-François Dumouriez, “Lettre à Louis XVI (15 juin 1792),” in Archives Nationales, C//187, dos. 135, pièce 48.return to text

    46. Il n’est pas à négliger que cette année-là, vers juin, l’inflation grimpa à son plus haut niveau. Voir George Rudé, “Prices, Wages and Popular Movements in Paris during the French Revolution,” The Economic History Review 6: 3 (1954), 246-267, particulièrement 253-256.return to text

    47. À cet égard, il faut se rappeler que peu de jours avant, dans son journal L’Indicateur, Duport, l’un des champions du feuillantisme, conseilla à Louis XVI de dissoudre l’Assemblée et de s’emparer de la dictature. Voir Albert Mathiez, La Révolution française, 3 vols. (Paris: Armand Colin, 1922-1927), 1: 206.return to text

    48. Voir Archives parlementaires, 45: 335, 357-358 et 392-393.return to text

    49. Pfeiffer, “The Uprising of June 20,” 226: “There was a growing belief in the king’s treachery.”return to text

    50. Ibid., 225: “That it was a popular uprising, a spontaneous outburst of feeling against the king because of his duplicity and his collusion with the foreign enemy, a feeling intensified by his dismissal of the ministry and his refusal to sanction the decrees of the assembly.”return to text

    51. Voir les estampes auxquelles on a fait référence supra, dans la note 35.return to text

    52. André-Arnoult Aclocque, “Rapport du chef de la deuxième légion, à MM. les Administrateurs du Département, sur l’ordre qu’il en a reçu concernant l’affaire arrivée au château, le 20 juin 1792, l’an 4e, de la liberté (22 juin 1792),” in Archives parlementaires, 46: 410.return to text

    53. Gonsse de Rougeville, Déposition sur les tristes événements, 3.return to text

    54. Aclocque, “Rapport du chef de la deuxième légion,” 410.return to text

    55. À propos des circonstances qui étaient considérées comme des causes de déchéance, voir Constitution de 1791, titre III, chapitre 2, section I, articles 5, 6 et 7.return to text

    56. “Extrait du procès-verbal des déclarations reçues par le juge de paix de la section des Tuileries sur la journée du 20 juin, daté, au commencement, du 25 juin 1792,” in Histoire de la Terreur, 1: 404-407, ici 407.return to text

    57. Nicolas-Louis Fontaine, “Déclaration du sieur Fontaine (24 juin 1792),” in Archives parlementaires, 46: 422-424, ici 423.return to text

    58. Révolutions de Paris 154 (16 au 23 juin 1792), 553.return to text

    59. Voir Pfeiffer, “The Uprising of June 20,” 297-298.return to text

    60. Voir le témoignage d’Isnard in Archives parlementaires, 45: 424.return to text

    61. Gaston, 6 juillet 1792, in Archives parlementaires, 46: 164.return to text

    62. Le Patriote français 1047 (22 juin 1792), 694.return to text

    63. Voir Exposition des motifs d’après lesquels l’Assemblée nationale a proclamé la convocation d’une Convention nationale, et prononcé la suspension du pouvoir exécutif dans les mains du roi (Paris: Imprimerie nationale, 1792).return to text

    64. Le Patriote français 1046 (21 juin 1792), 690.return to text

    65. “Si, le 10 août, j’avais trouvé Louis XVI, le poignard à la main, couvert du sang de mes frères; si j’avais su ce jour-là, d’une manière bien positive, que c’était lui qui avait donné l’ordre d’égorger les citoyens, j’aurais été moi-même l’arracher à la vie et à ses forfaits; mon droit à cette action était dans la nature, dans mes principes, dans mon cœur; personne n’aurait osé me le contester.” (Morisson, 13 novembre 1792, in Archives parlementaires, 53: 388-389.)return to text

    66. Archives parlementaires, 47: 643.return to text

    67. “La personne du Roi est inviolable et sacrée; son seul titre est Roi des Français.” (Constitution de 1791, titre III, chapitre 2, section I, article 2.)return to text

    68. “Après l’abdication expresse ou légale, le Roi sera dans la classe des citoyens, et pourra être accusé et jugé comme eux pour les actes postérieurs à son abdication.” (Constitution de 1791, titre III, chapitre 2, section I, article 8.)return to text

    69. Voir Giorgio Agamben, Homo sacer I. Le pouvoir souverain et la vie nue, trad. Marilène Raiola (Paris: Le Seuil, 1997), particulièrement 81-126.return to text

    70. Rœderer était convaincu “qu’aucun complot n’a été formé [ ... :] il n’y avait pas d’assassin désigné ni de plan convenu.” (Chronique de cinquante jours, 65.)return to text

    71. Au cours de la journée, certains manifestants proférèrent des insultes contre le roi, mais il s’agit de cas exceptionnels, leurs paroles devant être comprises comme individuelles, car elles n’étaient pas en accord avec les vœux collectifs exprimés par les porte-parole de la foule. Le témoignage de Leroux est à cet égard révélateur: “J’ai entendu crier sous les fenêtres de l’appartement du Roi, vive la nation..., vive les sans-culottes..., à bas M. veto, à bas madame veto, à bas le Roi, à bas la Reine: ces cris étaient accompagnés des injures les plus grossières, des propos les plus incendiaires, des menaces les plus effrayantes. Le peuple cependant, c’est-à-dire la masse générale de ceux qui passaient, n’était à mes yeux qu’égaré ou entraîné, mais point coupable de conscience. La plupart paraissait ne pas se douter que ce fût un délit punissable que de violer l’asile d’un citoyen et surtout du représentant héréditaire d’une nation libre; il n’y en avait qu’un très petit nombre qui eût la fureur peinte sur le visage.” (Jean-Jacques Leroux, “Déclaration sur les événements du 20 juin 1792 [24 juin 1792],” in Compte rendu par M. le Maire, et procès-verbaux dressés par les officiers municipaux sur les événements du 20 juin 1792 [Paris: Imprimerie de la Municipalité, 1792], 75-80, ici 76-77.)return to text

    72. Charles-Frobert Patris, “Procès-verbal dressé sur les événements du 20 juin 1792 (25 juin 1792),” in Compte rendu par M. le Maire, 32-39, ici 36.return to text

    73. Ibid.return to text

    74. Antoine François Bertrand de Molleville, Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la dernière année du règne de Louis XVI, Roi de France, 3 vols. (Londres, 1797), 2: 261.return to text

    75. “Lettre au comte de Fersen (début de juillet 1792),” in Lettres de Marie-Antoinette. Recueil des lettres authentiques de la reine, éds. Maxime de la Rocheterie et Gaston de Beaucourt, 2 vols. (Paris: Alphonse Picard et fils, 1895-1896), 2: 409-410.return to text

    76. Bertrand de Molleville, Mémoires secrets, 2: 261-262.return to text

    77. Voir Timothy Tackett, Anatomie de la Terreur. Le processus révolutionnaire, 1787-1793, trad. Serge Chassagne (Paris: Le Seuil, 2018), 25-50.return to text

    78. “Lettre au comte de Mercy (4 juillet 1792),” in Lettres de Marie-Antoinette, 2: 406-407.return to text

    79. Jean-Nicolas Billaud-Varenne, Réflexions sur la séance du matin de l’Assemblée nationale, du 7 juillet 1792, prononcées dans la séance du dimanche 8 juillet 1792 (Paris: Imprimerie du Patriote français, 1792), 4.return to text

    80. Le Patriote français 1049 (24 juin 1792), 702.return to text

    81. À titre d’exemple, voir Arlette Farge et Jacques Revel, Logiques de la foule. L’affaire des enlèvements d’enfants, 1750 (Paris: Hachette, 1989); Arno J. Mayer, Les Furies (1789-1917). Violence, vengeance, terreur aux temps de la Révolution française et de la Révolution russe, trad. Odile Demange (Paris: Fayard, 2002); Jean-Clément Martin, Violence et Révolution. Essai sur la naissance d’un mythe national (Paris: Le Seuil, 2006); Tackett, Anatomie de la Terreur; Patrice Gueniffey, “A History of Violence in the French Revolution,” Vestnik of Saint Petersburg University. History 63: 3 (2018), 908-916.return to text

    82. Alphonse Aulard, Histoire politique de la Révolution française. Origines et développement de la démocratie et de la République (1789-1804) (Paris: Armand Colin, 1901), 58, note 2.return to text

    83. Voir Bertrand de Molleville, Mémoires secrets, 2: 263-264.return to text

    84. Voir Journal de la Cour et de la Ville 54 (23 juin 1792), 430-431.return to text

    85. La Feuille villageoise 40 (28 juin 1792), 336.return to text

    86. Archives parlementaires, 45: 422.return to text

    87. Bibliothèque nationale de France, De Vinck, 4878: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b69487159?rk.return to text

    88. Alban Sumpf, “Le vin symbole de la Nation,” Histoire par l'image (2009), URL: http://www.histoire-image.org/etudes/vin-symbole-nation?i=1024. Consulté par dernière fois le 31 octobre 2018.return to text

    89. Voir Antoine de Baecque, “Iscariotte, géant aristocrate ou l’image-monstre de la Révolution,” Annales historiques de la Révolution française 289 (1992), 323-332.return to text

    90. Voir Sophie Wahnich, La Longue patience du peuple. 1792, naissance de la première République (Paris: Payot, 2008), 322-323.return to text

    91. Mathieu 27:46 et Marc 15:34.return to text

    92. Santerre, 20 juin 1792, in Archives parlementaires, 45: 416.return to text

    93. Voir Nouveau pacte de Louis XVI (Bibliothèque nationale de France, De Vinck, 4877: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84115612?rk).return to text

    94. Voir Ernst Kantorowicz, Les Deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, trad. Jean-Philippe et Nicole Genet (Paris: Gallimard, 1996).return to text

    95. Sulpice Huguenin, “Pétition et adresse présentées à l’Assemblée Nationale et au Roi, le mercredi vingt juin, l’an quatre de la liberté, par les citoyens des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel, des différents Sections de la Capitale, et Municipalités des environs,” in Aux origines de la République, 1789-1792, éds. Maurice Agulhon et Marcel Dorigny, 6 vols. (Paris: EDHIS, 1991), 6: document 2: 4.return to text

    96. Ibid., 3-4.return to text

    97. Dans une lettre présentée à l’Assemblée le 22 juin, Deliens, président de la section des Gobelins, souligne qu’au cours de la manifestation du 20, les pétitionnaires ont donné à tout moment “[d]es preuves non équivoques de leur soumission aux lois.” (Archives parlementaires, 45: 480.)return to text

    98. Au début du discours prononcé le 20 juin à l’Assemblée, Santerre, au nom des manifestants, s’exprime dans les termes suivants: “[N]ous ne sommes d’aucun parti. Nous n’en voulons adopter d’autre que celui qui sera d’accord avec la Constitution.” (Archives parlementaires, 45: 416-417.)return to text

    99. Saint-Albin Berville et Jean-François Barrière, éds., Mémoires du marquis de Ferrières, avec une notice sur sa vie, des notes et des éclaircissements historiques, 3 vols. (Paris: Baudouin Frères, 1821), 3: 114.return to text

    100. C’est justement dans le cadre de cette quête de l’harmonie entre le roi et l’Assemblée qu’on peut mieux comprendre les sentiments spontanés de joie exprimés par les députés pendant l’épisode du “baiser Lamourette”, le 7 juillet 1792. “Sur le moment –remarque à cet égard Caroline Chopelin-Blanc–, le ‘baiser Lamourette’ revêt une valeur réelle de réconciliation, dénuée de calculs politiques. [...] En effet, les effusions sont guidées par la volonté, sinon l’obsession, de retrouver l’unité.” (Caroline Chopelin-Blanc, “Le ‘baiser Lamourette’ [7 juillet 1792],” Annales historiques de la Révolution française 355 [2009], 73-100, ici 85.)return to text

    101. Archives parlementaires, 45: 576.return to text

    102. “La Nation, de qui seule émanent tous les pouvoirs, ne peut les exercer que par délégation. La Constitution française est représentative: les représentants sont le Corps législatif et le Roi.” (Constitution de 1791, titre III, article 2.) À propos du caractère de représentant accordé au roi par la Constitution de 1791, voir Glénard, L’Exécutif et la Constitution, 81-192.return to text

    103. Santerre, 20 juin 1792, in Archives parlementaires, 45: 417. Pour bien comprendre le sens de ces paroles il faut les analyser soigneusement, en soulignant d’abord qu’il y a une légère différence entre les termes utilisés par les Archives parlementaires et ceux qui figurent dans le Moniteur. D’après cette dernière source, Santerre aurait déclaré ce qui suit: “Si, par égard, nous le maintenons dans son poste, c’est à condition qu’il le remplira constitutionnellement.” (Moniteur 174 [22 juin 1792], 12: 717.) Quels qu’aient été les termes utilisés par Santerre, il faut résister à la tentation de voir dans sa déclaration le présage de la Première République, car il est possible qu’il fasse référence non pas au roi comme institution, mais au roi comme personne. En effet, soit “par un souvenir,” soit “par égard” qu’on avait prétendument maintenu Louis XVI sur le trône, ces deux expressions peuvent être comprises comme faisant référence à la déférence que les Français avaient manifestée pour sa personne et pour la maison de Bourbon lorsqu’ils lui octroyèrent la Couronne constitutionnelle. Si l’on considère qu’au début de son discours Santerre s’est prononcé pour la Constitution monarchique, il est donc possible qu’il ait voulu avertir le roi de la possibilité de le déchoir sur la base des articles constitutionnels, et ce en supposant qu’il persiste dans l’attitude d’opposer son veto aux décrets d’urgence. Les termes utilisés dans le Moniteur, s’ils fussent bien les termes authentiquement employés, ne font que renforcer cette dernière hypothèse. De toute façon, que ce soit “noblement” ou “constitutionnellement,” ce que demandait Santerre était que le roi remplisse ses fonctions. La pétition ne dit rien de la suppression du veto.return to text

    104. Santerre, 20 juin 1792, in Archives parlementaires, 45: 417.return to text

    105. Glénard, L’Exécutif et la Constitution, 175.return to text

    106. Il ne faut pas oublier que, par exemple, le décret sur la formation d’un camp de 20,000 hommes armés à Paris n’est pas bien reçu dans une partie du champ patriote. Robespierre avertit en effet que cette force militaire “peut maîtriser un jour le Corps législatif lui-même; devenir tôt ou tard l’instrument d’une faction; elle peut être employée à opprimer, à enchaîner le peuple, à protéger ou à exécuter les proscriptions méditées et déjà commencées contre les plus zélés patriotes qui ne composent avec aucun parti.” (Œuvres complètes de Maximilien Robespierre, 11 vols. [Paris: Société d’études robespierristes, 1910-2007], 4: 141.) De la même manière, Marat assura que ce camp militaire serait “destiné à seconder les opérations des contre-révolutionnaires de la capitale, puis celles des armées nationales ou étrangères, appelées à rétablir le despotisme.” (L’Ami du peuple 666 [15 juin 1792], 2.)return to text

    107. Révolutions de Paris 154 (16 au 23 juin 1792), 549.return to text

    108. Thuriot, 20 juin 1792, in Archives parlementaires, 45: 420. Charlier, lui-aussi, partageait la même opinion: “Le roi est au milieu du peuple français, il ne peut courir aucun danger.” (Ibid., 421.) La certitude que le monarque fut en sûreté au milieu du peuple suggère que ceux qui la partageaient étaient convaincus que Louis XVI comptait encore assez d’approbation populaire pour que sa vie ne fût pas en danger. Cela non seulement renforce l’idée que la journée du 20 juin n’est pas une manifestation contre le roi et la royauté, mais, en outre, fournit une sorte d’indicateur sur le climat d’opinion qui domine l’esprit public en ce qui concerne le monarque lui-même.return to text

    109. Beugnot, 20 juin 1792, in Archives parlementaires, 45: 420.return to text

    110. Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, article 15.return to text

    111. “La Souveraineté est une, indivisible, inaliénable et imprescriptible. Elle appartient à la Nation; aucune section du peuple, ni aucun individu, ne peut s’en attribuer l’exercice.” (Constitution de 1791, titre III, article 1.)return to text

    112. “Proclamation du roi, sur les événements du 20 juin,” in Archives parlementaires, 45: 512.return to text

    113. À propos du concept de peuple, voir Edmund Sears Morgan, Inventing the People: The Rise of Popular Sovereignty in England and America (New York: WW Norton & Company, 1988); voir aussi Pierre Rosanvallon, Le Peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en France (Paris: Gallimard, 1998).return to text

    114. “Proclamation du roi,” 512.return to text

    115. Voir Constitution de 1791, titre III, chapitre 1, section II et section III.return to text

    116. “Proclamation du roi,” 512.return to text

    117. Il faut rappeler qu’en 1791 Barnave fit appel justement à la peur que provoquait l’idée d’un renversement total du régime de propriété pour persuader ses collègues constituants de maintenir Louis XVI sur le trône: “si la Révolution fait un pas de plus, elle ne peut le faire sans danger; c’est que dans la ligne de la liberté, le premier acte qui pourrait suivre serait l’anéantissement de la royauté; c’est que, dans la ligne de l’égalité, le premier acte qui pourrait suivre serait l’attentat à la propriété.” (Barnave, 15 juillet 1791, in Archives parlementaires, 28: 330.) À la fin de juillet 1792, Brissot lui-même avoua qu’il était difficile de prononcer la déchéance constitutionnelle du monarque parce que beaucoup de gens “attachent au titre de roi une vertu magique qui préserve leurs propriétés.” (Brissot, 26 juillet 1792, in ibid., 47: 162.)return to text

    118. Voir William S. Cormack, “Defending the Liberal Revolution in France: Provincial Reactions to the Parisian journée of 20 June 1792,” Canadian Journal of History/Annales canadiennes d’histoire 53: 2 (2018), 233-253.return to text

    119. “Adresse individuel de 6 administrateurs du directoire du département de l’Aisne,” in Archives parlementaires, 45: 685.return to text

    120. “Adresse des corps administratifs d’Amiens,” in Ibid., 599.return to text

    121. Voir Annales patriotiques 192, supplément (10 juillet 1792), 849.return to text

    122. Voir Théodore de Lameth, Mémoires, éd. Eugène Welvert (Paris: Fontemoing, 1913), 123, note 3.return to text

    123. Isnard, 9 août 1792, in Archives parlementaires, 47: 615-616.return to text

    124. Voir Cormack, “Defending the Liberal Revolution in France.”return to text

    125. François-Alphonse Aulard, éd., La Société des Jacobins. Recueil de documents pour l’histoire du Club des Jacobins de Paris, 6 vols. (Paris: Jouaust/Noblet/Quantin, 1892), 4: 95.return to text

    126. Ibid.return to text

    127. Ibid., 97.return to text

    128. Ibid., 105.return to text

    129. Le Défenseur de la Constitution 10 (c. 25 juillet 1792), in Œuvres complètes, 4: 296.return to text

    130. Brissot, 26 juillet 1792, in Archives parlementaires, 47: 160.return to text

    131. “Adresse individuel de 6 administrateurs,” 685.return to text

    132. Voir Philippe Sagnac, La révolution du 10 août 1792. La chute de la royauté (Paris: Hachette, 1909), 58-63, 85-95 et 104-107.return to text

    133. Voir Glénard, L’Exécutif et la Constitution.return to text

    134. Voir Johnson Kent Wright, “The Idea of a Republican Constitution in Old Régime France,” in Republicanism: A Shared European Heritage, éds. Martin Van Gelderen et Quentin Skinner, 2 vols. (Cambridge: Cambridge University Press, 2002), 1: 289-306, particulièrement 289.return to text

    135. John Hardman, Life of Louis XVI (New Haven: Yale University Press, 2016), 394: “it is not exact to say that the king's flight weakened the monarchy: rather, it polarized opinion concerning it.”return to text

    136. À propos de la catégorie de régime émotionnel, voir William M. Reddy, The Navigation of Feeling: A Framework for the History of Emotions (Cambridge: Cambridge University Press, 2001), 124-126. Les cahiers de doléances de 1789 sont un excellent témoignage de la puissance du régime émotionnel de la royauté au début de la Révolution. Pour des exemples de l’attachement que les Français exprimaient alors au roi, voir Pierre Goubert et Michel Denis, éds., 1789, les Français ont la parole. Cahiers de doléances des États généraux (Paris: Gallimard/Julliard, 1973), 39-49. Voir aussi Michel Vovelle, “La représentation populaire de la monarchie,” in The Political Culture of the Old Regime, éd. Keith Michael Baker (Oxford: Pergamon Press, 1987), 77-86 et John Markoff, “Images of the King at the Beginning of the Revolution,” in Revolutionary Demands: A Content Analysis of the Cahiers de Doléances de 1789, Gilbert Shapiro et John Markoff (Stanford, Stanford University Press, 1998), 369-376. En ce qui concerne au débat sur la désacralisation de la monarchie, posé en termes d’une “rupture affective” ou “déception désenchantée” avec la personne du prince (voir Chartier, Les origines culturelles, 138-166), William Doyle soutient que l’historiographie n’a pas encore été capable de démontrer de manière convaincante ni qu’un processus de cette nature n’ait effectivement eu lieu ni qu’il ne soit nécessaire pour expliquer la chute de la royauté. Voir “Desacralising Desacralisation,” in France and the Age of Revolution: Regimes Old and New From Louis XIV to Napoleon Bonaparte (London: I. B. Tauris, 2013), 103-111.return to text

    137. La gravure intitulée Union force constitution: dédié à la nation (Bibliothèque nationale de France, De Vinck, 3786: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6947610k) explique la complémentarité conceptuelle de la devise constitutionnelle dans les termes suivants: “La nation c’est vous; la loi c’est encore vous; c’est votre volonté; le Roi, c’est le gardien de la loi.”return to text

    138. “Adresse du directoire du département de la Somme, au roi des Français (22 juin 1792),” in Archives parlementaires, 45: 603-604, ici 604.return to text

    139. En ce qui concerne la sacralisation de la Constitution de 1791 par les Français, Robespierre remarque que “[l]’acte constitutionnel fut reçu avec moins de gravité et de respect que de superstition et d’idolâtrie.” (Le Défenseur de la Constitution 1 [17 ou 18 mai 1792], 7.) Voir Lynn Hunt, “The Sacred and the French Revolution,” in Durkheimian Sociology: Cultural Studies, éd. Jeffrey C. Alexander (Cambridge: Cambridge University Press, 1988), 25-43.return to text

    140. Chronique de Paris 248 (6 septembre 1791), 1004.return to text

    141. Voir “Revisiting French Foundational Republicanism,” 8-9.return to text

    142. Voir Glénard, “La République des origines,” particulièrement 26.return to text

    143. Wahnich, La Longue patience du peuple, 290.return to text

    144. Alphonse Aulard lui-même a déjà avoué l’absence des idées républicaines à la base de la révolution d’août: “les combattants n'exprimèrent, dans le combat, aucun vœu républicain, et [...] rien ne dénota en eux, à ce moment-là, un dessein autre que celui de détrôner Louis XVI.” (Aulard, Histoire politique de la Révolution, 215.)return to text

    145. Voir “Revisiting French Foundational Republicanism.”return to text

    146. Voir Reinhart Koselleck, Le Futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques (Paris: EHESS, 2016).return to text

    147. Voir Stéphane Mosès, L’Ange de l’Histoire. Rosenzweig, Benjamin, Scholem (Paris: Gallimard, 2006).return to text

    148. Voir Ian Shapiro et Sonu Bedi, éds., Political Contingency: Studying the Unexpected, the Accidental and the Unforeseen (New York: New York University Press, 2007); voir aussi Ivan Ermakoff, “The Structure of Contingency,” American Journal of Sociology 121: 1 (2015), 64-125.return to text