Nouvelles études sur l'histoire de la pensée scientifique, par G. Milhaud.

48 ETUDES SUR LA PENSEE SCIENTIFIQUE

Leur notation se rainene done a celle des nombres
entiers, saufqu'un signe sp6cial indique qu'il s'agit des
inverses.
Un premier point curieux pour l'histoire des sciences,
c'est qu'il existe partout, pour la representation des
nombres entiers, un systeme decimal. A ce propos,
Aristote fait remarquer que, parmi les anciens, seul,
un peuple de Thrace a adopte le nombre 4 pour base
de sa numeration. C'est la une affirmation trop vague
pour qu'on s'y arrete. II est certain qu'en Asie ou e]n
Amerique on trouve encore aujourd'hui des peuplades
sauvages, qui n'ont pas l'idee de nombres tant soit peu
eleves. Si quelque voyageur voulait, en les interrogeant,
chercher la base de leur systeme de numeration, vous
devinez a quelles conclusions etranges il risquerait de
se Jaisser entrainer. - Montucla cite une autre exception: les anciens Chinois. Evidemment, l'assertion de
Montucla s'explique par une erreur du pere Bouvet, qui
avait cru trouver dans les livres chinois deux symboles
pour representer les nombres. Le pere Bouvet connaissait Leibniz, avec qui il 6tait en correspondance, et
Leibniz s'est particulierement occupe du systeme
binaire, c'est-a-dire de ce systeme de numeration ou,
avec l'unite et le zero, on peut representer n'importe
quel nombre. Probablement cette influence ne fut pas
etrangere a l'opinion du pere Bouvet, que les livres
chinois contenaient vraiment les caracteres du systeme
binaire, le 1 et le z6ro 1. C'est une erreur dont on est
revenu depuis. Les Chinois n'ont pas fait exception.
Tous les peuples civilises dont le souvenir nous est
conserve par des documents positifs ont us6 du systeme decimal; c'est la un des arguments de Bailly en

1. Voir Hoefer, Histoire des mathniatiques, p. 47.