Nouvelles études sur l'histoire de la pensée scientifique, par G. Milhaud.

42 ETUDES SUR LA PENSEE SCIENTIFIQUE
proportions la science orientale 1. Mais il est probable
que Montucla, dont le ton est celui du savant sinc&re,
ennemi d'une these quelconque a priori, par crainte
d'alterer la verite scientifique, il est probable, dis-je,
que Montucla n'aura pu determiner a cet egard un
nouveau courant d'opinion. Peu de temps apres la
publication de son Histoire des mathematiques paraissaient les ouvrages de Bailly, dont le but principal
etait de prdsenter et de ddfendre energiquement une
hypothese curieuse. Suivant lui, les connaissances des
Egyptiens, des Chaldeens, des Hindous, des Chinois,
ne sauraient constituer de veritables sciences; mais
d'autre part, on y trouverait, confondus au milieu
d'une gangue grossi6re, des elements tout a fait merveilleux, qui empecheraient de considerer la science des
Orientaux comme une science naissante: on serait
donc oblige d'y reconnaitre, non pas les premiers 61ements, mais les debris, au contraire, d'une science
antique, sans doute creee par un peuple disparu. Les
Chinois, les Hindous, les Egyptiens, n'auraient pas
1. (( Quelque grande idee que certains auteurs aient concue du
a savoir geom6trique des Egyptiens, je suis porte h croire qu'il ne
e fut pas considerable, et qu'ils ne pass6rent gueire les bornes des
< verit6s elementaires les plus communes. Les travaux et les pre( mieres d6couvertes des philosophes grecs me paraissent en four( nir des preuves. En effet, si les transports de joie, que Thales
~ et Pythagore firent 6clater h la vue de quelques theor6mes geo( m6triques qu'ils venaient de d6couvrir, ne furent point affectes,
~ nous ne devons pas concevoir une idee tres relevee du savoir des
( pretres 6gyptiens, ou bien il faut dire qu'ils ne leur revelaient
que les connaissancesles plus elementaires dont ils 6taient en
( possession; ce qui me parait difficile h croire. Mais en I'adoptant
e meme, nous pouvons juger de la faiblesse du corps des sciences
e qu'ils cachaient, par la faiblesse des el6ments qu'ils devoilaient.
Ils auraient ete bien plus etendus, si leur savoir dans ce genre
a repondait a l'imagination de leurs panegyristes. ~
(Histoire des mathematiques, t. I, liv. II, p. 52.)