Nouvelles études sur l'histoire de la pensée scientifique, par G. Milhaud.

38 ETUDES SUR LA PENSEE SCIENTIFIQUE
intellectuel, d'insuffisamment positif, comment ne sentirions-nous pas mieux encore la distance qui separe ses
elans spontanes et d6sint6resses de la connaissance
positive, si l'on entend par la celle qui doit proc6der
uniquement par observation des faits et enonciation des
lois qui s'en degagent? Et c'est pourquoi nous aurions
bien des reserves a faire sur l'explication simpliste qui
nous etait proposee... Au surplus, n'ai-je pas par avance
refute cette explication, quandj'ai rappel l'apparition
tardive de la pensee matb6matique soit chez les Grecs,
- apres des siecles et des siecles d'observations sans
nombre, accompagnees de regles ou de lois qu'utilisaient, dans tous les arts, les vieilles civilisations
d'Orient, et qui avaient bien constitue au sens propre
une science positive, - soit chez les modernes apres
tout l'effort des alchimistes? II ne faut donc pas dire:
la constitution des mathematiques devait chronologiquement preceder toute autre connaissance positive;
mais bien: I'apparition de la imathematique rationnelle, en donnant a l'honmme le gout de la libre recherche, en lui donnant le sentiment qu'il peut pr6tendre a
expliquer et a comprendre par les ressources de sa
raison, a d6sormais transforme les conditions dans
lesquelles il observait et degageait les lois...
On se demandera peut-etre si cette transformation
n'aurait pu s'accomplir autrement; si l'obstination a
ouvrir les yeux sur le monde n'aurait pu finir aussi par
emanciper l'esprit... Que pouvait peser l'autorit6 de
la tradition le jour ou les faits apparaitraient differents
de ce qu'elle enseignait? On disait et on repetait, d'apres les anciens, que les corps tombent plus ou moins
vite, selon qu'ils sont plus ou moins lourds: ne suffirait-il pas un jour que l'experience montrat manifestement le contraire? - La question n'est pas aussi