Nouvelles études sur l'histoire de la pensée scientifique, par G. Milhaud.

178 ETUDES SUR LA PENSEE SCIENTIFIQUE
Tons les accusateurs de Descartes, de Leibniz a Poggendorf, ont reproduit avec quelques variantes, et avec
plus ou moins d'assurance dans leurs affirmations, ce
qui fait le fond de ces deux temoignages.
Kramer 1, en 1883, a montre a quel point, cependant,
I'hypothese d'un plagiat est invraisemblable; et, il y
a une dizaine d'annees, la decouverte de quelques lettres echang6es par Golius et Constantin Huygens, due
au professeur Korteweg 2, est venue apporter des arguments nouveaux contre une accusation qui semble ne
plus subsister que par l'effet d'une longue habitude.
Mais il est trop vrai qu'elle subsiste, et il peut etre fort
utile d'y revenir.
Tout d'abord, quel est ce fameux sejour en Hollande
pendant lequel Descartes aurait eu aisement connaissance de la loi de Snellius? Nul doute qu'il ne s'agisse
du long sejour de vingt ans qui dura de 1629 a 1649.
Descartes s'etait installe a Amsterdam, d'ou il faisait
de frequents voyages a La Haye et aussi a Leyde, oh
Snellius, mort trois ans auparavant, avait enseigne
longtemps, et ou se trouvaient assurement nombre de
ses amis et de ses disciples. C'est de la qu'en 1637 il
publiait, dans sa Dioptrique, le resultat de ses recherches sur la refraction. Pendant les huit ans deja ecoules,
n'etait-il pas vraisemblable qu'il eut entendu parler de
la decouverte du savant hollandais? - C'tait si vraisemblable que nous pouvons affirmer presque a coup
sur, nous le verrons, que cela arriva reellement; mais
1. Zeitschrift fiir Malh. nnd Phys., t. XXVII. - J'emprunterai
beaucoup a cette etude.
2. Cf. R. de Met. et de Mor., 1896.