Nouvelles études sur l'histoire de la pensée scientifique, par G. Milhaud.

150 ETUDES SUR LA PENSEE SCIENTIFIQUE
sans rien changer au fond a la suite des idees. Son intention parait donc etre bien plutot d'abreger le langage habituel, et il hesite sans doute d'autant moins
qu'il s'agit d'une demonstration par la mecanique qui,
par la deja, manque de rigueur geometrique.
Mais meme ainsi concue simplement comme une
sorte d'expose en raccourci du procede classique,
n'est-il pas etrange que cette decomposition d'une surface en 61ements rectilignes n'appelle de la part d'Archimede aucune reflexion? Lui qui aime a signaler
tout ce qu'il apporte de curieux ou d'interessant, qui,
par exemple, nous l'avons vu, n'a pas manque de
signaler, au debut du Traite de la methode, ce que ses
seuls enonces presentaient de nouveau, lui qui, si souvent, fait preuve d'un sens philosophique assez profond, qui porte volontiers l'attention du lecteur sur les
mlthodes qu'il suit, comment n'a-t-il pas un mot pour
remarquer le caract6re original des sommations qu'il
se trouve aniene a effectuer? Je ne vois qu'un moyen de
-repondre: c'est que son correspondant devait etre
moins frapp6 que nous de cette sorte d'int6gration
rapide; c'est que le procede devait lui etre familier et
que, loin d'y enfermer une formule savante nouvelle,
Archimede, pour aller plus vite, renonce au b6enfice
des savantes constructions des geometres, et sacrifie a
une tendance plus grossiere et plus ancienne, parce
que plus voisine de la vulgaire intuition.
Et, en effet, ce qui etait savant dans cet ordre d'idees,
c'etait l'arrangement plus ou moins subtil dont se trouvaient revetues, par la miethode d'exhaustion, des vues
intuitives toutes simples et toutes naturelles. II s'etait
certainement passe chez les Grecs ce qui s'est reproduit
chez les modernes, ou la systematisation logique et
rigoureuse des demonstrations du calcul infinitesimal