Les étapes de la philosophie mathématique, par Léon Brunschvicg.

k448 LES ÉTAPES DE LA. PHILOSQPHIE MATHEMATIQUE
un problème que nous croyons d'une importance décisive pour
la spéculation philosophique. Jusqtue-à, en effet, lorsque la
doctrine de intuition faisait ' aloir les droits d'une réalité supérieure et montrait la nécessité d'y a4apter ute métiode spéciale, elle poiait seaontenter d'opp ber iune science complexe
à unt science pltIs siple. lr n'en est plus.de mêmue, une fois
qu'elle s'est étendue à la mathimatiqae et qu'elle a réussi à la
'istinguer radicalement de la logique formelle. En effet, la
ra-ison de cette distinction, c'est que la logique formelle est
incapable de parvenir à l'affirmation d'une vérité aat,égorique.
Portant sur les cadres généra.ux du discours, elle est une
abstraction des connaissances exactes et positives; elle demeure
au-dessous du seuil du savoir scientifique, elle ne saurait servir
de modèle aux mathématiques, ni leur fournir un type de référence,
Dès lors, la question se pose r si la mathématique intervertit
le sens de la.déduction spécifiquement logique, devra-t-on
répéter encore qu'elle invertit -e travail habituel, normal de
l'esprit? ou ne s'oppose-t-elie pas plutôt à une premiere inversion, dictée par'les besoins de la pédagogie beaucoup plutôt
que par tes exigences de la philosophie et qui a eu pour effet
déjà de renverser 1'o dre naturel de I( p.ensée? ne marque-t-elle
pas un retour aux démarches -spontanées de l'intelligence
hun maine?
Il est aisé e comprendre que la seconde iaterprétalion
implique une vue d'ensemble sur le mouvement intuitioniste,
qu'elle doit aboutir à un redressement total du systrèmt des
sciences. Avant de tenter un pareil effort, on s'est naturellement engage dans les 'voies qui paraissaient plis aciles d'accès
et plus courts, plus ~ économiques ~. En acceptant telle quelle
la dualité de facultds, qui avait été le postulat initial de l'intuitio'nsme, on a essay de rattacher à l'intuition la nature d e' a
vérité mathématique. Ces essais sans doute, et l'on ne s'en
apercevra que trop dans la suite de cette étude, demeurent fort
loin de,.ct que proemettaient l'ampleur du mouvement intuitiotiistden gééral, et la transformation profonde que l'idée de la
mathéiatqiqie a subie. Mais à défaut de système coherent nous
pourrons recueillir des indications qui, toutes partielles et
toutes divergentes qu'elles sont, achèvent de fixer la destinée
'historique de' l'intuitionisme et qui conduiront peut-être à
poser sous une forme plus féconde le problème de la philosophie m athématique.