Les œuvres libertines de Cyrano de Bergerae ... / précédées d'une notice biographique par Frédéric Lachèvre.

LETTRES SATYRIQUES

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cela, il se peut faire, ses escrits estant l'Hospital oh il retire les miennes I
Si maintenant vous me demandez la definition de cet homme, je vous
respondray que c'est un Echo qui s'est fait panser de la courte haleine ' et
qui auroit este muet si je n'avoisjamais parl6! Pour moy,je suis un miserable pere qui pleure la perte de mes enfans. II est vray que de ses richesses
il en use fort genereusement, car elles sont plus a moy qu'i luy. Et il est
encores vray que si l'on y mettoit le feu, en yjettant de 'eauje ne sauverois
que mon bien; c'est pourquoyje me retracte de tout ce queje luy ay reproche! De quelle faute, en effet, puis-je accuser un innocent qui n'a rien fait,
ou qui (quoy qu'il ait fait) ne l'a fait enfin qu'apres moy. Je ne l'accuse done
plus, nous sommes trop bons amis, et j'ay tousjours est6 si joint i luy,
qu'on ne peut pas dire qu'il ait jamais travaille a quelque chose oh je n'aye
est6 attenttif. Ses ouvrages estoient mes seules pensees, et quand je m'occupois i imaginer, je songeois i ce qu'il devoit escrire. a
A MONSIEUR CHAPELLE
POUR LE CONSOLER SUR L'ETERNITE DE SON BEAU-PERE (2)
Monsieur. Un bourreau a (bien mieux que moy) vous consoleroit b de
la vie de ce personnage; mais tout at pis laissez faire a la Facult %, elle
a des bras dont personne ne pare les coups. Ne me dites pointd qu'il a
passi deja plus de dix fois le temps de mourir, que la Parque ne s'est pas
souveniie de luy et que maintenant qu'elle a tant marche depuis, elle sera
honteuse et paresseuse de le revenir prendre si loin. Spngez pour vostre
allegement que les medecins d'aujourd'huy sont pensionnaires des fossoyeurs,
et qu'a la fin de leurs ordonnances on y trouve tousjours un a libera ); mais
en tout cas, si la vie est a l'epreuve des r'cipez, mettez en usage pour vous
guerir les remedes du Ciel, puisqu'une messe du Saint-Esprit est fort souveraine a la fievre de Saint-Mathurin'. Jepense que pour le tuer une messe de
la Passion ne seroitpas mauvaise. Enfinparlez, criez, tonnez e, faites en sorte
qu'il se despite contre lejour; n'est-il pas temps aussi bien qu'il fasse place
a) 1654: La Facult6. - b) mettra quelque jour a couvert. - c) laissez-la done
faire. - d) Vous me rdpondrez sans doute. - a) Non, non, Monsieur, esperez tousjours jusqu' ce qu'il ait pass6 neuf cens ans, 1'Age de Mathusalem; mais enfin parlez
luy sans cesse en grondant; criez, pestez, tonnez dans sa maison, croissez partout
a ses yeux et.
(1) L'asthme - (2) Ms., f. 120'. - - Euvres dierses, 1654. Lettres satyriques, VI
(pour VII), p. 140. - Consolation pour un de ses amys, sur l'iternit6 de son beaupere.- Claude-Emmanuel Luillier, dit Chapelle ne s'est pas marid et, comme il dtait
enfant naturel, il ne pouvait avoir de beau-pere. S'il s'agissait du mari de sa mere
(Marie Chanut, sour de l'ambassadeur de France en Subde), Cyrano viserait Hector
Musnier, sieur de Saint-Laurans, conseiller et secretaire du roi et de ses finances
en 1643. Mais il est probable que notre libertin n'a eu aucune personnalitd en vue;
ses lettres, nous ne saurions trop le repeter, ne sont que des exercices de rhetorique
auxquels il a donnA des titres fallacieux pour en augmenter l'intdrAt aux yeux de
la postdrit6. - (3) Patron des fous.