Les œuvres libertines de Cyrano de Bergerae ... / précédées d'une notice biographique par Frédéric Lachèvre.

LETTRES SATYRIQUES

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tout entier en vingt-quatre heures, et qu'il ne sgauroit en un jour eschigner qu'une de vos omoplates, que je me veuille reposer de vostre mort
sur le Bourreau? Non, non, je seray moy-mesme vostre Parque, et je vous
eusse dds l'autrefois escrasd sur vostre Thedtre, si je n'eusse appr6hende
d'aller contre vos regles, qui deffendent d'ensanglanter la scene. Adjoustez a
cela queje ne suis pas encore bien delivre d'un mal de rate pour la gudrison duquel les Medecins m'ont ordonne encore quatre ou cinq prises de
vos impertinences; mais si-tost que j'auray fait banqueroute aux divertissemens et que je seray saoul b de rire, tenez par tout asseure que je vous
envoyeray deffendre de vous compter entre les choses qui vivent. Adieu,
c'est fait. J'eusse bien finy ma Lettre i l'ordinaire, mais vous n'eussiez pas
cri pour cela que je fusse vostre tres humble, tres obeissant et tres affectionn6. C'est pourquoy, Montfleury e, Serviteur a la paillasse.
POUR SOUCIDAS (DASSOUCY), CONTRE UN PARTISAN QUI AVOIT REFUSt
DE LUY PRESTER DE L'ARGENT (1)
Monsieur. Vous me le deviez l'argent que je vous demandois; car ne
pensez pas qu'i moins de quarante pistoles j'eusse voulu salir ma reputation en prostituant ma compagnie I vos promenades, et que je me fusse
tant de fois donne la peine de protester, contre ma conscience,.que vous
estiez le plus honneste Homme du Monde. Enfin, je n'eusse pas risque
sans cela, commej'ay fait, les avives ou le farcin 2. Je voy bien maintenant
que le sympt6me de toutes les fibvres n'est pas semblable, puisque devant
ny apres celle de Saint-Mathurin3 on ne baille pas. Mais ce que je trouve
de plis pernicieux en vos 6motions c'est que, pour un Homme qui n'est
pas fort en garde, vous estes un peu trop bilieux. Si le jour que je receus
vostre Lettre je n'eusse pris de la rhubarbe, possible aurois-je fait ma
plume d'un baston, mais la Republique est trop interessee a vostre conservation, car on ne scauroit vous entamer sans rlpandre le sang du Peuple
dont vous estes plein. Observez toutefois doresnavant un proce6d moins
furieux. Je me figurois jadis (parce que, vostre P6re et vous aviez fait
degenerer la chaude-pisse de nos bourses en gonorrhde) que chaque coffre
de vostre Maison fit une aposthume d'or; mais je connois aujourd'huy
que de vos pibces la plus pesante est vostre teste. Volez done mieux d6sormais, si vous me croyez, car si vous ne prcnez l'essor un peu plus haut,
vous courez hazard d'estre arrWtL a quatre pieds de terre; et a vostre
physionomie, je connois que la filasse est plus antipathique i vostre temperament que l'arsenic. Si done vous avez peur d'estre l6ger, evitez au
moins de vous faire peser en Greve, c'est l'advis seul que peut donner A
vos maux de rate, Vostre MWdecin...
a) 1654: ce seroit desjit fait de vous, si j'estois. - b) las. - c) Gros Crevy.
(1) Ms., f. 176. - Nouvelles acuvres, 1662, p. 19. - (2) Deux maladies du cheval.
- (3) La folie dont Saint-Mathurin guerissoit.