Les œuvres libertines de Cyrano de Bergerae ... / précédées d'une notice biographique par Frédéric Lachèvre.

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LETTRE CONTRE LES FRONDEURS

empescher que le sort d'une autre Maison soit regard6 i son tour d'un
aspect aussi favorable.
Monsieur le Coadjuteur sQait bien que le duc de Retz, son grand-pere,
fut Favory de Henry III. Monsieur de Brissac peut avoir leu que son ayeul
fut esleve aux charges et aux dignitez par le Roy Henry IV. Monsieur de
Luynes a veu son pere estre le tout-puissant sur le ccur et la fortune du
Roy Louis XIII, et Monsieur de La Mothe-Houdancourt se souvient peutestre encore du temps qu'il estoit en faveur sous le Favory mesme du Roy
deffunct. Ils n'ont donc pas sujet de se plaindre que Monsieur le Cardinal
soit dans son regne ce qu'estoient leurs ayeux ou ce qu'ils ont est6 euxmesmes dans un autre.
Mais quand toutes ces considerations seroient trop foibles pour les
rappeler & leur devoir, ils sont genereux, et l'apprehension de paroistre
ingrats aux bien-faits qu'ils ont receus de Sa Majeste fera qu'ils aimeront
mieux oublier leurs mecontentemens que de passer pour m6connoissans;
et l'exemple de mille traistres, qui ont paye les faveurs de la Cour par des
injures, ne portera aucun coup sur leur esprit, qui scait trop que l'ingratitude est un vice de coquin, dont la Noblesse est incapable. I1 n'appartient
qu'U des Poetes du Pont-Neuf, comme Scarron, de vomir de l'escume sur
la Pourpre des Roys et des Cardinaux, et d'employer les liberalitez qd'ils
resoivent continuellement de la Cour en papier qu'ils barboilillent contre.
elle. II a bien eu 1'effronterie (apres s'estre vant6 d'avoir receu de la Reyne
mille francs de sa pension) de dire que si on ne luy en envoyoit encore
mille, il n'estoit pas en sa puissance de retenir une nouvelle Satyre qui le
pressoit pour sortir au jour, et qu'il conjuroit ses amis d'en advertir au
plus tost, parce qu'l n'estoit pas en sa puissance de la retenir plus longtemps'. Hd bien I en vdritO, a-t-on veu dans la suitte de tous les sitcles
quelque exemple d'une ingratitude aussi efirontle? Ha! Monsieur, c'est
sans doute a cause de cela que Dieu, qui en a pr6veu la grandeur et le
nombre, pour le punir assez, a devance ', il y a desja vingt ans, par une
mort continue, le chastiment des crimes qu'il n'avoit pas commis encore,
mais qu'il devoit commettre. Permettez-moy, je vous supplie, de detourner un peu mon discours pour parler i ces Rebelles: c Peuple s6ditieux,
accourez pour voir un spectacle digne de la Justice de Dieu! C'est l'espouvantable Scarron, qui vous est donn6 pour exemple de la peine que souffriront aux Enfers les Ingrats, les Traistres, et les Calomniateurs de leurs
Princes. Consid6rez en luy de quelles verges le Ciel chastie la calomnie,
la s6dition, et la medisance! Venez, Escrivains burlesques, voir un Hospital tout entier dans le corps de vostre Apollon! Confessez, en regardant
les Escroielles qui le mangent, qu'il n'est pas seulement le Malade de la
Reyne, comme il se dit, mais encore le Malade du Roy. II meurt chaque
jour par quelque membre, et sa langue reste la derniere, afin que ses cris
(1) Cestexte en italique, qui fait double emploi, a dte supprime avec raison dans
leas ditions postdrieures i l'originale de 1654. - (2) Editions post. a 1654: advance.