Les œuvres libertines de Cyrano de Bergerae ... / précédées d'une notice biographique par Frédéric Lachèvre.

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LE GAZETTIER DES-INTERRESSE

tique a-t-elle fait une justice de la rage? Et la Theologie a-t-elle prononce
des arrests qui nous obligent de croire que la cruaut6 fasse une des conditions des Saincts et des Images de Dieu? Que peut done estre devenue
cette union, ou plustost cette unit6 de la clemence des Souverains et de
l'amour des sujets? Par quel exemple le Cardinal Mazarin a-t-il divis6
deux choses qui n'en font qu'une en telle rencontre? Et par quel secret
a-t-il entrepris de rendre des Roys glorieux par le mal-heur de leurs peuples, qui n'ont jamais eu pour eux que des obeyssances et des benedictions
publiques? Est-il tombe dans la maxime furieuse de cet Empereur: (( Qu'on
me haYsse, pourveu qu'on me craigne ))? A-t-il juge qu'il estoit de nous
comme de ces bestes farouches qu'il est plus aise de combattre que d'apprivoiser? Et s'est-il persuade qu'un throsne ne pouvoit mieux estre affermy
que sur des sepulchres? Certes, la bont6 des Princes et l'amour des peuples sont deux choses inseparables; ce sont ces deux caracteres des
Hebreux, dont l'un est nommn par eux la gauche, ou l'obeyssance par qui
le Prince est redout6 des estrangers, et la nomment le Glaive de Dieu; et
l'autre la droitte, qui le fit aymer, i qui ces Hebreux mesmes ont donn6 le
nom de Clemence, et qu'ils appellent le Sceptre de Dieu.
Le Cardinal Mazarin a tout confondu, cependant, sous le nom du
Prince; il a prostitu6 son caractere et sa volonte absolue dans tous ses
ouvrages propres; et comme s'il eut eu dessein de rendre son regne
odieux A tous les hommes, il l'a fait le tyran et le menrtrier de ceux qui
le demandent comme leur Roy l6gitime et qui le reconnoissent comme
leur veritable Pere.
Mais apres avoir manque dbs long-temps i ce que la Religion a de plus
sainct et de plus sacre, il n'a pas eu beaucoup de peine a manquer a la Politique; apres avoir mesprise les commandements de Dieu, il luy a est6 facile
de violer les loix humaines et de rendre son ambition plus grande et plus
forte que la coustume et le droit des gens. II n'a regard lt'Estat que du
cost6 qui luy pouvoit estre utile; il n'a considere la Justice que par son
bandeau et sans refl6chir sur cette peinture morale; il s'est persuade
qu'elle estoit aveugle comme la Fortune. Dans cette opinion criminelle,
il n'a laisse au Roy que le titre, et n'a laisse que l'ombre de la R6gence i
la Reyne; et pour des-honorer les premieres annees du Fils et les derni&res annres de la Mere, il a voulu faire le Roy et le Regent tout ensemble;
il a dispose des charges, des emplois et des benefices, et s'est mis en possession de tout ce que les Roys ont en propre. C'eut est6 peu pour luy s'il
n'en eut encore passe les limites; et quand il s'est treuv6 des personnes
qui luy ont conseille depuis peu de travailler au bien de l'Estat, il en a
parl6 avec des sentimens de vray Francois, et n'a pas moins fait en cecy
que ce Grachus qui parloit, au rapport de Cic6ran, comme un Procureur
fiscal de la Republique Romaine, cependant qu'il en dissipoit toutes les
finances.
Pour empescher que nous respirassions dans le port apres la tem