Les œuvres libertines de Cyrano de Bergerae ... / précédées d'une notice biographique par Frédéric Lachèvre.

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LA MORT D AGRIPPINE, TRAGEDIE

Si le trespas m'est deii j'empesche ton transport
De gouster le plaisir d'en commettre a ma mort.
TIBERE
Moy I te donner la mort I J'admire ton audace I
Depuis quand avec nous es-tu rentree en grace?
Pour allonger tes maux, je te veux voir nourrir
Un trespas eternel dans la peur de mourir.
AGRIPPINE
Enfin, lasche Empereur, j'appercois ta foiblesse
A travers l'espaisseur de toute ta sagesse,
Et du deguisement dont fait ta vanit6
Un specieux pretexte i ta timidite:
Quoy! Tyran, tu pAlis? Ton bras en l'air s'arreste
Lors que d'un front sans peur je t'apporte ma teste?
Prens garde, mon Bourreau, de ne te point troubler!
Tu manqueras ton coup, car je te fais trembler!
Que d'un sang bien plus chaud, et d'un bras bien plus ferme,
De tes derniers Soleils j'accourcirois le terme I
Avec combien de joye et combien de vigueur
Je te ferois descendre un poignard dans le cceur I
En tout cas si je tombe au de~i de l'ouvrage,
Je laisse encor un Fils heritier de ma rage,
Qui fera, pour venger les maux que j'ay souffers,
Rejaillir jusqu'a moy ton sang dans les Enfers!
TIBERE
Qu'on I'oste de mes yeux, cette ingrate vipere!
AGRIPPINE
On te nommoit ainsi, quand tu perdis ton Pere!
TIBERE
Enfin persecute de mes proches parens,
Et dedans ma famille au milieu des serpens,
J'imiteray, Superbe, Hercule en ce rencontre.
AGRIPPINE
O I le digne rapport d'Hercule avec un Monstre I
TIBERE
Qu'on esgorge les siens, hormis Caligula!
AGRIPPINE
Pour ta perte, il suffit de sauver celuy-li.