L'artenice

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Title
L'artenice
Author
Racan, Honorat de Bueil, marquis de, 1589-1670.
Publication
[S.l. :: E. Allde,
1626]
Rights/Permissions

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"L'artenice." In the digital collection Early English Books Online 2. https://name.umdl.umich.edu/B11831.0001.001. University of Michigan Library Digital Collections. Accessed June 10, 2024.

Pages

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ACTE QVATRIESME.

SCENE TROISIESME.

TISIMANDRE. YDALIE.

TISIMANDRE.
BEauté dont la nature admire les apas, Quelle heureuse fortune a peu guider vos pas Dans ce valon affreux où mon inquietude Ne cherche que l'horreur, l'ombre & la solitude.
ALCIDOR.
Berger qui de nature estes si mal plaisant, Quel malheureux destin vous conduit à present Dedans cette valée effroyable & profonde; Où pour fuir de vous ie fuis de tout le monde.
TISIMANDRE.
Vous fachez-vous de voir vn miserable amant, Qui banny de vos yeux ne peut viure vn moment. Esloignez-vous plustost de cét esprit barbare, Qui ne sçait point gouter vn merite sirare. Tandis que vous suiurez ce Berger qui vous fuit, Vos plus belles saisons se pesseront sans fruict.
YDALIE.
Tandis que vous suiurez vos entreprises vaines, Vous y perdrez sans fruict vostre temps & vos peines.
TISIMANDRE.
Puis qu' Alcidor pour vous n'a point de sentiment, Pourquoy differez-vous de faire vn autre amant.

Page 71

YDALIE.
Si ie suis insensible autourment qui vous pressé, Pourquoy differez-vous de changer de maistresse.
TISIMANDRE.
Croyez, que si i'en parle auecque passion, C'est moins par interest que par affection: Mais ie crains que ce feu dont vous estes éprise, Vostre honneur ne se perde apres vostre franchise: Vous sçauez que desia l'on murmure tout bas, De vous voir si souuent le suiure pas à pas.
YDALIE.
Quoy qu'on ait dit de moy par haine ou par enuie, Tousiours mes actions répondront de ma vie.
TISIMANDRE.
Bien qu'aucun à bon droit ne vous puisse blasmer, D'estimer sa vertu, de le voir, de l'aimer, Pourquoy recherchez-vous de penibles conquestes, Vous à qui le bon-heur en offre de si prestes.
YDALIE.
Vous perdez vostre temps, ne m'importunez plus, Ie suis lasse d'ouïr vos discours superflus.
TISIMANDRE.
Aquelle dures loix me voulez vous contraindre, Ne m'est-il pas permis en mourant de me plaindre.
YDALIE.
Ne vous affligez point vous n'en sçauriez mourir, Le mal que vous auez est facile à guerir.

Page 72

TISIMANDRE.
Rien ne me peut guerir du mal qui me possede, Si vostre belle main n'en donne le remede.
YDALIE.
Le remede d'amour dépend de la raison.
TISIMANDRE.
Suiuez donc son conseil pour vostre guerison.
YDALIE.
Mon tourment est si doux qu'il m'en oste l'enuie.
TISIMANDRE.
Le mien est si cruel qu'il m'ostera la vie, Si vous ne moderez vostre inhumanité.
YDALIE.
Pensez-vous m'y forcer par importunité?
TISIMANDRE.
Non certes, mais plustost par mon amour extreme.
YDALIE.
Amour m'oblige-t'il d'aimer tout ce qui m'aime?
TISIMANDRE.
Ouy plustost qu'vn ingrat qui ne vous aime pas.
YDALIE.
Ie choisiray plustost dépouser le trépas, Que iamais vous voyez vostre vaine entreprise, Rendre dessous vos loix ma liberté sousmise.
TISIMANDRE.
O cruelle beauté, quel astre malheur eux Se plaist à trauer ser nos desirs amoureux,

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Quel charme, ou quelle erreur ont troublé nos pensées? Quels traits enuenimez ont nos ames blessées? Quel funeste ascendant nostre destin conduit, Qui nous fait à tous deux aimer ce qui nous fuit. Nous verrons écouler l'Auril de nostre vie, Sans gouster les plaisirs où l'âge nous conuie. Et lors qu'en cheueux blancs nous les verrons finir, Nous pleurerons le temps qui ne peut reuenir. Les ans coulent sans cesse, & iamais leur carriere Non plus que les torrents ne retourne en arriere. Ils faniront bien tost la fleur de vos beautez, Et vengeront ma foy de tant de cruautez.
D'ARAMET.
Prenons cette victime & couronnons sa teste, De guir landes, & de fleurs pour honorer la feste, Chindonnax a de sia le bucher preparé Vous viendrez vostre crime est assez aueré.
YDALIE.
Dequoy m'accuse-t'on? quelle noire impudence Peut d'vn front asseuré taxer mon innocence.
D'ARAMET.
Vous le pourrez sçauoir du Sacrificateur.
YDALIE.
O Ciel iuge de tout, soyez mon protecteur, Soustenez mon bon droict contre la calomnie.
TISIMANDRE.
Arrestez, arrestez, perdez cette manie,

Page 74

De vouloir de mes bras ma maistresse rauir, Ie leur resiste en vain, ie ne luy puis seruir: Tout ce que ie puis faire en ce dernier of fice C'est de m'offrir pour elle au feu du sacrifice.
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