L'artenice

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Title
L'artenice
Author
Racan, Honorat de Bueil, marquis de, 1589-1670.
Publication
[S.l. :: E. Allde,
1626]
Rights/Permissions

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"L'artenice." In the digital collection Early English Books Online 2. https://name.umdl.umich.edu/B11831.0001.001. University of Michigan Library Digital Collections. Accessed June 10, 2024.

Pages

SCENE PREMIERE.

ARTENICE. PHILOTEE▪

ARTENICE.
QVE cette vie est douce, he que ie suis contente D'auoir trouué ce lieu conforme à mon attnte,

Page 48

Que i'y trouue d'apas qui charment ma douleur, Que le sort m'a renduë heureuse à mon malheur! Doux poison des esprits amoureuse pensée, Qui mer amenteuez ma fortune passée. Esloignez vous de moy, sortez de ces saincts lieux, Les coeurs ny sont épris que de l'amour des Cieux! La gloire des mortels n'est qu'ombre & que fumée C' est vne flame étainte aussi tost qu' all umée. Dessillez-vous les yeux, vous dont la vanité Prefere cette vie à l'immortalité. Maintenant que ie gouste vne paix si pr of onde, Que i'ay pitié ma soeur de ceux qui sont au monde, Et qui sur cette arene émeue à tous propos Fondent sans iugement l'espoir de leur repos.
PHILOTEE.
Ma soeur ne plaignez point ceux que le sort conuie A passer loing de nous la course de leur vie, Parmy les vanitez qui ne sont point icy, Où le combat est grand la gloire l'est aussi: Nous viuons sur la terre en eternelle peine, Et de plusieurs chemins par où le Ciel nous meine Au repos glorieux qui nous est preparé, Celuy que nous tenons est le plus asseuré; Benissez donc, ma soeur, sa bonté paternelle Qui nous met au chemin de la vie eternelle: Et benisséz aussi la tempeste du sort Qui du milieu des flots vous a ietté au port.

Page 49

Les Dieux diuersement nous retirent du monde, L'esprit ne peut sonder leur prudence profonde; C'est d'eux d'où le Soleil emprunte la splendeur, Il faut en se taisant admirer leur grandeur, Alors que vous perdiez au milieu des delices▪ Qui cachent comme fleurs les abysmes des vices Ces esprits tou siours prests au secours des humains Vous sauuent du naufr age & vous tende les mains. Oubliez donc le feu de ce Berger paiure, Qui fait à vostre amour vne sigrande iniure, Donnez leur vos pensers vostre ame & vos apas, Ces Amants tous parfaits ne vous tromperont pas.
ARTENICE.
Ie vous croir ay ma soeur leur bonté m'y conuie Autant que le destin me laissera la vie, Iamais autre de sir n'entrer a dedans moy Que de leur conseruer mon amour & ma foy C' est en cette asseurance aussi douce que saincte, Que ie veux terminer mon espoir & ma crainte.
PHILOTEE.
Quand on vient en ce lieu deuant que s'engager Au voeu que nous faisons ily faut bien songer; Nostreregle est étroitte & mal-aisée à suiure, Dans vn desert austere il faut mourir & viure, Prendre congé du monde & de tous ses plaisirs, N' auoir plus rien à soy, pas mesme ses desirs, Méditer & ieusner anec ques patience, Et souffrir doucement la loy d'obedience:

Page 50

Nous en voyons assez de pareilles à vous Pour vn prompt desespoir se retirer chez nous, Mais quand il faut ieusner, & faire penitance Souuent leur desespoir se tourne en repentance: Conseillez-vous aux Dieux pensez y meuremént, Ne vous engagez point inconsiderement.
ARTENICE.
Ma soeur cette harangue est pour moy superflué, Auant que d'y venir ie m'y suis resolué, Et croy qn'auec le temps i'eusse fait par raison Ce que par desespoir i'ay fait hors de saison.
PHILOTEE.
Qui sont ces deux vieill ards que ie voy dans la pleine?
ARTENICE.
C'est mon pere & mon oncle, ô Dieux qu'ils ont de peine! Que ie crains leur abord! que ie plains leur soucy! Dieux qu'ils sont importuns! qui les ameine icy Tourmenter mon esprit de leurs raisons friuoles, Et perdre sans effect leurs pas & leurs paroles?
PHILOTEE.
Ie vous laisseray seule a fin que librement Ils vous puissent tous deux dire leur sentiment.
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