Poems by the most deservedly admired Mrs. Katherine Philips, the matchless Orinda ; to which is added Monsieur Corneille's Pompey & Horace, tragedies ; with several other translations out of French.
Philips, Katherine, 1631-1664., Corneille, Pierre, 1606-1684., Corneille, Pierre, 1606-1684.
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La Solitude de St. Amant.

1.
O! que j'aime la Solitude,
Que ces lieux sacrez à la nuict,
Eloignez du monde & de bruit,
Plaisent a mon inquietude.
Mon Dieu! que mes yeux sent contens,
De voir ces Bois, qui se trouverent
A la nativité du Temps,
Et que tous les Siecles reverent,
Estre encore aussi beaux & vers,
Qu'aux premiers jours de l'Vnivers.
2.
Ʋn gay Zephire les caresse,
D'un movement doux & flatteur,
Rien que leur extreme hauteur,
Ne fait remarquer leur vieillesse.
Jadi Pan, & ses demi-dieux
Y vindrent chercher du refuge,
Quand Jupiter ouvrit les Cieux
Pour nous envoyer le deluge,
Et se sauvans sur leurs Rameaux,
A peine virent ils les Eaux.
3.
Que sur cette Espine fleurie,
Dont le printemps est amoureux,
Philomele au chant langoureux,
Entretient bien ma resverie.
Que je prens plaisir a voir
Ces Monts pendans en precipices,
Page  172 Qui pour les coups de desespoir,
Sont aux Malheureux se propices,
Quand la cruauté de leur sort
Les force a rechercher la Mort.
4.
Que je trouve doux la ravage
De ces fiers torrens vagabonds,
Qui se precipitent par bonds,
Dans ce valon vert & sauvage;
Puis glissans sous les Arbrisseaux
Ainsi que des Serpens sur l'herbe,
Se changeant en plaisans ruisseaux,
Ou quelque Nayade superbe
Regne comme en son lict natal,
Dessus un Throsne de Christal.
5.
Que j' aime ces Marests paisibles,
Il est tout bordé déliziers,
D'Aulnes, de Saules, & d'Osiers,
A qui le fer n'est point nuisible.
Les Nimphes y cherchent le frais,
S'y viennent fournir de quenouvilles,
De pipeaux, de Ionce, & de glais,
Ou l'on voit sauter les grenouilles,
Qui de frayeur s'y vont cacher,
Si tost qu'on veut s'en approcher.
6.
Là cent mille oyseaux aquatiques,
Vivent sans craindre en leur repos,
Le Giboyeur fin & dispos,
Avec ses mortelles pratiques.
Page  174 L'untout joyeux, d'un si beau jour,
S'amuse a becquetter sa Plume,
L'autre allentit le feu d'amour,
Qui dans l'eau mesme & consume,
Et prennent tous innocemment
Leur plaisir en cet Element.
7.
Iamais l'Este, ny la froidure,
N'ont reu passer dessus cette Eau,
Nulle charette, ny batteau
Depuis qui l'on, & l'autre dure:
Iamais voyageur alterē,
N'y fit servir sa main de tasse,
Iamais cheureuil desesperé
N'y finit sa vie à la chasse:
Et jamais le Traisore hamecon
N'en fit sortir aucun poisson.
8.
Que j'aime a voir la decadence
De ces vieux chasteaux ruinez,
Contre qui les uns Mutinez
Out deployez leur insolence,
Les Sorciers y font leur Sabat,
Les Demons follets s'y retirent,
Qui d'un malicieux etat,
Trompent nos sens, & nos martirent;
La se nichent en mille troux
Les Couleuvres & les Hyboux.
9.
L'Orfrage avec ses cris functres,
Mortelles angures des destins.
Page  176 Fait rire & dancer les lutins,
Dans ces lieux remplis de benetres,
ous un cheuron de bois maudit
Y branle le squelette horrible,
D'un pauvre amant qui se pendit,
Pour une Bergere insencible,
Qui d'un seul regard de pitie,
Ne daigna voir son amitié.
10.
Aussi le Ciel juge equitable,
Qui maintient les loix en vigueur,
Prononcae contre sa rigueur
Ʋne sentence epouventable.
Autour de ces vieux ossemens
Son ombre aux peines condamnée,
Lamente en long gemissemens
Sa malheureuse destinée,
Ayant pour croistre son affroy,
Tous jours son crime devant soy.
11.
Là se trouvent sur quelques mastres,
Des devises du temps passée,
Icy l'a age a presque effacé
Des chiffres taillez sur les astres.
La plancher du lieu le plus haut,
Est tombe jus que dans la Care,
Que la limace, & la crapout
Sonillent de venin & de bare,
La lierre y croist au foyer,
A l'ombrage d'un grand Noyer.
Page  17812.
La dessus s'estend une voute,
Si sombre en un certain endroit,
Que quand Phoebus y descendroit,
Ie pense qu'il n'y verroit goute.
Le sonimeil aux pesans sourcis,
Enchante d'un mome silence,
Y doit bien loin de tous soucis,
Dans les bras de la nonchalance,
Laschement conché sur le dos,
Dessus des gertes de pavots.
13.
An crenx de cette grotte fresche,
Où l'amour se pourroit geler,
Eccho ne cesse de brasler
Pour son Amant, froid, & revesche.
Ie m'y coule sans faire bruit,
Et par la celeste harmonie
D'un doux Lut, aux charmes instruit,
Ie flatte sa triste manie,
Faisant repeter mes accords,
A la voix qui luy sert de corps.
14.
Tantost sortant de ces ruines,
Ie monte au haut de ce rocher,
Dont le sommet semble chercher
En quel lieu se font les bruines:
Pais je descends tout a loisir
Sous un falaize escarpée,
D'ou je regarde avec plaisir
L'onde qui l'a presque sappée
Iusqu'aux seige de Palemon,
Fait d'esponges & de Limon.
Page  18015.
Que c'est une chose agreable
D'estre sur le bord de la Mer,
Quand elle vient a se calmer,
Apres quelque orage affroyable;
Et que les chevelas Tritons,
Haut sur les vagues secouées,
Trapent les airs d'estranges tons,
Avec leurs trompes enrouez,
D'ont l'eclat rend respectueux
Le vents les plus impetueux.
16.
Tantost brouillant l'arene
Murmure & fremit de courroux,
Se roullant dessous les Cailloux,
Qu'elle apporte & qu'elle r'entraine:
Tantost elle estale en ses bords
Que l'ire de Neptune outrage,
Des gens noyez, des monstres morts,
Des vaisseaux brisez du nausrage,
Des Diamans, de l'ambre Gris,
Et mille autres choses de prix.
17.
Tantost la plus clarre du Monde,
Elle semble un miroir flottant,
Et nous represente a l'instant
Encore d'autres Cieux sous l'onde,
Le soleil s'y fait si bien voir,
Y contemplant son beau visage,
Qu'on est quelques temps a scavoir
Sic'est luy mesme ou son image,
Et d'abord il semble a nos yeux,
Qu'il se laisse tomber des cieux.
Page  18218.
Bernieres pour qui je me vante,
De ne rien faire que de beau,
Recoive ce fantasque tableau
Fait d'une peinture vivante:
Ie ne cherche que les desers,
Ou resvant tout seul je m'amuse,
A des discours assez disers,
De mon Genie avec la Muse,
Mais mon plus aimable entretien,
C'est le ressouvenir du tien.
19.
Tu vois dans cette Poesie,
Pleine de licence & d'ardeur,
Les beaux rayons de la splendeur
Qui m'esclaire la Fantasie.
Tantost chagrin, tantost joyeux,
Selon que la fureur m'enflame,
Et que l'object s'offre a mes yeux,
Les propos me naissent en l'ame,
Sans contraindre la liberté
Du Demon, qui m'a transporté.
20.
O! que j'aime la Solitude,
C'est l'Element des bons esprits,
C'est par elle que j'ay compris,
L'art d'Apollon sans nulle estude:
Ie l'aime pour l'amour de toy
Connoissant que ton humeur l'aime,
Mais quand je pense bien a moy,
Ie la hay pour la raison mesme,
Car elle pourroit me ravir
L'heur de te voir, & de te servir.