Soit que sois assis ou debout,
〈♫〉〈♫〉 Tu me connois de bout en bout:
〈♫〉〈♫〉 Et n'ai nul∣le chose conceuë,
〈♫〉〈♫〉 Que n'ayes de loin appercenë.
¶ Soit que je marche ou sois couché
Je te voi soudain approché:
De ma vie tout le sentier
T'est dés long-temps tout coûtumier:
Je n'ai pas le mot sur la langue,
Que déja tu sçais ma harangue.
Derriere & devant tu me tiens
Environné de tes liens:
Tu as posé sur moi ta main:
Ton sens est pour moi trop hautain:
Et ne pourrois de ta sagesse
Jamais atteindre la hautesse.
¶ Si ton esprit veut m'attraper,
Où irai-je pour échàper?
Où m'ensuirai-je devant toi?
M'ensuyant aux cieux je t'y voi:
Et si dans les abysmes j'entre
Je t'y trouverai jusqu'au centre.
¶ Pose que j'attache à mon corps,
Afin d'aller jusques aux bords
De l'Ocean faire sejour,
Les ailes de l'aube du jour:
Ta main, s'il te plaist, de l'estendre
Viendra m'y poursuivre & m'y prendre.
¶ Si je dis, La nuit pour le moins
Me couvrira à tous témoins,
Au lieu de jour me servira:
La nuit point ne me couvrira:
Car la nuit t'est splendeur entiere,
Et tenebres te sont lumiere.
¶ Car mes reins jusqu'au plus prosond
Sont à toi, qui m'as dans le fond
Du ventre dont je suis sorti
Couvert toi mesmes & basti:
Et certes d'un cas tant estrange
A jamais te rendrai loüange.
{inverted ⁂}
¶ Pour vrai merveilleux sont tes faits,
Et pour ce austi de tes effets
Mon coeur pourchasse le sçavoir:
La vigueur que je puis avoir
Ne t'est cachée ni secrete,
Car en lieu secret tu l'as faite.
¶ Tu m'as tissu & façonné
Es cavernes dont je suis né:
Tes yeux m'ont veu tout imparfait:
Un $eul membre n'en estoit fait,
Qu'en ton livre estoit toute écrite
L'oeuvre que le temps a produite.
¶ O combien me sont precieux
Tes conseils! ô combien d'iceux
La somme est sorte à projetter!
Car si je les veux tous conter,
Il s'en trouvera davantage
Que de sablon sur le rivage.
¶ Eucore suis-je apres ton conseil
Un chacun jour à mon réveil:
O Eternel, quand tu voudras
Tuër le méchant par ton bras,
Alors, ô toi, bande meurtriere,
Tire toi hardiment arriere.
¶ Je dis tes ennemis, Seigneur,
Qui ont blasonnné ton honneur,
Et qui s'élevent faussement.
O Seigneur, je hai voirement
Tes haineux: & qui t'est contraire,
Ne l'ai-je pas pour adversaire?
¶ Je les hais tous totalement,
Et les estime entierement
Pour mes ennemis à jamais.
O Dieu, pren mon coeur, & le mets
A l'épreuve, afin de connaistre
Entierement quel il peut estre.
¶ Fai l'experience de moi,
Sonde bien mon coeur, & le voi:
Voi si je me suis arresté
Au chemin de méchanceté:
Que ta bonté où me je fonde
Me guide és sentiers de ce monde.