Le Sens MORAL.
LE Glorieux bien souuent estime à honneur ce qui luy tombe en re∣proche, Car les hommes au lieu de ne s' appliquer qu' à la juste louange qui est deüe à l'action de mediocrite, pource que la Vertu ne consiste point qu' en elle seule, ont outrepassé le point du Milieu, et sont Venus à loüer l'Extreme, non pas celuy qui demeure au deça de la Medio••rité, mais cet autre qui estend au de la de ses limites. Ce de∣faut procede du seul dereglement de nostre defir qui se porte tousjours au trop, et condamne absolument le trop peu; Nous auons fait con∣sister la Louange en l'Excez, et non pas en la Justesse appellant lo∣üable ce qui ne l'est nullement, et qui tient beaucoup moins de la Vertu que du Vice; Aujourd'-huy tout est passé en la Loy des Duels, l'on à voulu rendre toutes Disputes egalement mortelles; L' on a vou∣lu que l'Honneur ne se gaignast que par la perte de la Vie, Et quicon∣que a plus fait de Duels sur vne mine, et sur vn demy mo t' est celuy à qui l'on donne des hautes louanges, bien que toutesfols elles ne soient ny justes, ny legitimes; Voyla comment on se mit à tirer vanité du Crime, et à faire passer pour belles et loüables des Actions sangui∣naires, et forcenées, et en vn mot, plus vn homme en a fait Mourir d'autres, plus on estime digne de viure, comme si les vrais effets du Courage ne consistoient qu' à imiter la Cruauté des Ours, et des Tygres à s' entre-tuer inhumainement sur vne simple Imagination, et pour la moindre picoterie.