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FABLE CI.
VN vieillard ayant coupè du bois dans vne Forest, en fit vn fagot, lequel il chargea sur ses espaules, et commença de s' en retourner en sa maison. Mais ayant desia fait beaucoup de chemin, se trouuant las, et fatiguè, et du fardeau, et du chemin, ayant posè sa charge, et faisant reflection en soy mesme fur les miseres de son aage, il appella a haute voix la Mort à son se∣cours, par l'assistance de la quelle il disoit qu' il pouvoit estre deliurè de tous ses maux. Alors la Mort ayant entendu ses pri∣eres, se presentant deuant luy, luy demanda ce qu' il vouloit d'elle. Mais le vieillard espouuante, et qui se repentoit de mou∣rir; je ne veux rien, respondit il; mais j appelle quelqu' vn, qui me soulage pour vn temps de mon fardeau, en attendant que je le puisse reprendre.
Le Sens MORALE.
CEtte fable nous enseigne que tous les hommes craignent na∣turellement la Mort, et qu' ils aiment mieux souffrir des ex∣tremes douleurs, pandant qu' ils ont la vie, plustot que de la per∣dre en les quittant.