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FABLE LXIX.
LE Bergerot paissoit ses Brebis en vn haut lieu du pré, et tres ou quatrefois se mocquoit des Laboureurs d'alentour, qu'il appelloit à son ayde, en criant Au Loup, Au Loup, Les Laboureurs estant ainsi trompez par plusieurs fois, Lors qu' à bon escient il demandoit leur secours, le laisserent crier tout à son aisé, tellement que les Brebis furent faites la proye des Loups.
Le Sens MORAL.
LE Philosophe Aristote fait enquis à ce propos, Que gaigne le Men∣teur? Il gaigne cela, respondit il, Que quand mesme il ne ment point, on ne le croit pas. Celuy qui est fait vnefois Banquerout à la Verité, non se soucie, non plus de se parjurer, que de Mentir, A force de mentir ce petir Berger se rend indigne de Foy, quand il crie tout de bou; Ordinaire Aduanture de ceux qui mentent, au quels on n' adjoustè point de creance encore qu' ils disent vray; En quoy, il me semble que pour vn plain plaisir de mentir l'on perd vne chose bien pretieuse, à sçauoir, la Foy; Action certes d'vn tres mauuais Mesnager, et d'vn Imprudent, puis qu' il ny a rien de si commode en tout le Com∣merce de la Vie, que de passer pour veritable, autant pour seruir des Amis, que pour son Interest propre; De la vient aussi, qu' Esope n' at∣tribue pas cette sottise qu' à vn Enfant, jugeant indigne d'vn homme de s' exercer à des Mensonges nuisibles, et hors de saison. Que si cela est, combien y a til des Enfans qui vont jusqu' au cheueux gris, et qui toutesfois font gloire de s' exercer à des niaseries inutiles, de ber∣ner l'vn, et de mocquer de l'autre, et d'employer tout leur loifir à des comptes si peu profitables, que tout le fruit qu' ils en recueillent n' est autre chose que la perte de leur Creance; Il faut donc s' estudier de tout son possible à dire la Verité, puis qu' elle est le seul Object de l 'Entondement, et que c' est oster beaucoup à vne si noble faculté que de la repaistré de mensonge.