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FABLE IV.
LA Grenoüille sortant de Marescage s' en alla au Bois, ou deuant les Bestes sauuages elle voulut faire profession de Medicine, se vantant que Galen, ny Hippocrate n' en scauoient pas d'auantage qu' elle, Les autres Bestes la creurent d'abord, horsmis le Renard qui se mocquant d'elle Comment se peut, il faire, dit il, que cette vilaine qui à là bouche si pasle, et si liuide scache des remedes aux maladies? Si cela est, pourquoy ne se guerit elle? En effet ce trait de raillerie que luy donna le Renard ne fut pas mauuais, car là Greno∣uille a les leures de couleur bleüe, et toutes fletries.
Le Sens MORAL.
C' Est vne sottise, et chose digne de Mocquerie se vanter de ce qu' on ne fait pas. La Grenoüille y est mocqueè par le Renard de ce qu' elle s' attribüe vne gloire qui ne luy est aucu∣nement deüe, et veut passer parmy autres Bestes pour tres sça∣uante en la Medecin. Combien a t' elle aujourd'-huy d' Imita∣teurs en la personne des Charlatans qui flattent le Monde pour le destruire? Tels Fourbes qui n' ont ny Science, ny Methode, se vantent neantmoins de tout sçavoir, et traittent les Malades par vn tas de Remedes Imaginaires qu' on peut appeller de se∣conds maux; Il vaut donc bien mieux auoir des affections plus Moderes, ne corrompre pas son Estime propre pour la desirer plus grande, Car ce que plusieurs appellent Gloire n' est pas vne chose si pretieuse, ny si exquise qu' on doiue dire vne mensonge pour l'acquerir; C' est donner trop de prise à vne Vanite que de jouer vn faux personage pour elle, Et sans mentir cette ar∣dente soif, que nous auons des louanges s' augmente à mesure qu' on nous les donne.