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FABLE XXXV.
LE Rat faisoit guerre contre la Grenoüille, leur debaut estoit de Royaute de marescage, En ce Combat qui estoit aspre, et dou∣teuse, le Rat faisant des Ruses sous l' herbe, ou il s' estoit caché, as∣sailist par trahison la Grenoüille, Mais elle, de son coste, l'attaqua de plein Guerre, car la Grenoüille estoit la plus puissante, et de corps, et d'estomach, et plus agile à l'Asssaut; Et l'vn, et l'autre a∣uoient pour armes des lances de Jong; Mais le Milan voyant de loing ce Combat furieux, s' en alla fondre sur eux, et cependant que tous deux estoient eschauffez à la battaile, et qu' ils ne se donnoient point garde de luy, le Milan ravit les deux champions, et il les mit en peices.
Le Sens MORAL.
CE Combat du Rat, et de la Grenoüille, nous figure vne sotte et impertinenté animofite conceüe entre gens qui n'ont aucun sujet de se hayr, ou de se rien demander, mais qui sont tous esgalement inte∣ressez contre quelque fascheux voisin, dont ils peuuent à toute heur apprehender les embusches, principalement tandis qu' ils sont mal en∣semble, car bien souuent vn gaignera tiers tout le profit du dommage de ses deux Concurrents, et lors qu' ils se trouuent affoibles de coups mutuels, et espuisez par des guerres continuelles, ils sont reduits à ce poinct d'aueuglement, que d'appeller à leur ayde cette personne qui leur doit estre le plus suspect; Nous ne voyons guere vn frere diuisé d'auecque son frere, qui donnera occasion à leur com∣mun Enimy de les ruiner par brigues, ou par procez, Jamis deux amis ne tombent en necessité, qu' vn tiers ne vient à jouyr du prix de leur contestation, et tire toute seule l'auantage de la querele des autres; Ainsi t' il aduient communement aux Citoyens mutins, lesquels emenz de conuoitoise de Grandeur, cependant qu' ils debatent ensemble pour les offices, et superioritez, ils mettent en dangers leurs richesses, et bien souuent leur vie.