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La louange de France traduite des oeuures de Guillaume de Saluste Seigneur du Bartas.
O Mille & mille fois terre heureuse & ••econde! O perle de l'Europe! ô Paradis du Monde! France ie te saluë, ô mere des guerriers, Qui iadis ont planté leurs triumphans lauriers Sur les riues d'Euphrate, & sanglanté leur glaiue Où la torche du iour & se couche & se leue: Mere de tant d'ouuriers, qui d'vn hardi bon heur Taschent comme obscurcir de Nature l'honneur: Mere de tant d'esprits qui de sçauoir espuisent Aegypte, Grece, Rome, & sur les doctes luysent Comme vn iaune esclattant sur les palles couleurs, Sur les astres Phoebus, & sa fleur sur les fleurs. Tes fleuues sont des mers, des Prouinces tres Villes, Orgueilleuses en murs, non moins qu'en moeurs ciuiles. Ton terroir est fertil, & temperez tes airs: Tu as pour Bastions & deux monts, & deux mers. Le Crocodile fier tes riuages n'infeste, Des piolez Serpents la race porte-peste Sur le verd de tes fleurs à rompu-dos rempant, N'aulne de sa longueur la longueur d'vn arpent. Le Tigre aux pieds volants ne fait ses brigandages Dans tes monts cauerneux, le Lyon ses carnages Dans tes bruslants deserts: & le Cheual de l'eau Ne traine tes enfans soubs vn vagueux tombeau. Que si le riche flot de tes fleuues ne roule L'or auec ses caillous: si de tes monts ne coule Vn argent espuré: si nous ny trouuons pas Le Grenat, le Ruby, la Perle à chaque pas: Tes Toiles, ton Pastel, tes Laines, tes Salines, Ton Froment & ton Vin, sont d'assez riches mines Pour te faire nommer Reine de l'Vniuers. La se••le paix te manque. O Dieu qui tiens ouuers Tousiours les yeux sur nous, de l'eau de ta Clemence Amorti le brasier qui consume la France: Balaye nostre ciel: Remets ô Pere doux, Remets dans ton carquois les traicts de ton courroux.FINIS.