L'astrolabe-quadrant du Musée des antiquités de Rouen. Recherches sur les connaissances mathématiques, astronomiques et nautiques au moyen age, par l'abbé A. Anthiaume ... et le dr. Jules Sotta ...

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L'astrolabe-quadrant du Musée des antiquités de Rouen. Recherches sur les connaissances mathématiques, astronomiques et nautiques au moyen age, par l'abbé A. Anthiaume ... et le dr. Jules Sotta ...
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Anthiaume, Albert, 1855-
Publication
Paris,: G. Thomas,
1910.
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Astrolabes
Quadrants (Astronomical instruments)
Astrolabes
Quadrants (Astronomical instruments)
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"L'astrolabe-quadrant du Musée des antiquités de Rouen. Recherches sur les connaissances mathématiques, astronomiques et nautiques au moyen age, par l'abbé A. Anthiaume ... et le dr. Jules Sotta ..." In the digital collection Digital General Collection. https://name.umdl.umich.edu/AJN3365.0001.001. University of Michigan Library Digital Collections. Accessed June 7, 2024.

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L'ASTROLABE-9UADRANT", DU Musee des Antiquites de Rouen RECHERCHES ' Sur les Connaissances Mathimatiques, Astronomiques et Nautiques AU MO[OY]EN AGE PAR L'Abb6 A. ANTHIAUME Aum6nier dui Ly-ode du Ilavre LICENCI]~ ES-SCIENCES MATHEMATIQUES ET Le Dr Jules SOTTAS MENMBRE DE LA SOCIETA ASTRONOMIQUE DE FRANCE LIBRAIRIE ASTRONOMIQUE ET `GEOGRAPHIQUE G. THOMAS, EDITEUR 11, RUE DU SOMMERA-RD, 11 - PARIS 1910

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L'ASTROLABEIUAD RANT DU Musee des Antiquites de Rouen

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LIASTROLABE-QUADRANT DU Musee des Antiquites de Rouen RECHERCHES Sur les Connaissances athematiques, lstronomiques et Hautiques AU MOYE:N AGE L'Abb6 A. ANTHIAUIE A.unoxn ier du ILyc4e diu I avre LICENCII:, ES-SCIENCES MATHEMATIQUES ET' Le Dr Jules SOTTAS MEMBRE DE LA SOCIETE ASTRONOMIQUE DE FRANCE. LIBRAIRIE ASTRONOMIQUE ET GEOGRAPHIQUE G. THOMAS, EDITEUR 11, RUE DU SOMMERARD, 11 - PARIS 1910

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3 - ~-3-7 L'ASTROLABE-QUADRANT DU Musee des Antiquites de Rouen INTRODUCTION Le Musee des Antiquites de Rouen possede, dans ses collections, un instrument en cuivre, ayant la forme d'un quart de cercle plein, signale a l'attention du visiteur par une petite pancarte sur laquelle on lit ces mots: ((Astrolabe du xve siecle presume avoir appartenu a Jean de Bethencourt. ) Inscrit au Registre d'Entree sous le no 919, cet instrument a ete acquis a Paris, pour le Musee de Rouen, en 1855, d'un antiquaire expert nomme Delange. Bien qu'apparemment tres ancien, il est dans un etat presque parfait de conservation et est meme accompagne de sa gaine en cuir estampe a froid d'armoiries qui rappellent celles de la ville de Rouen. Ainsi, cet instrument, d'une grande rarete, car nous n'avons trouve nulle part la description moderne d'un modele aussi complet, a fait retour dans son pays d'origine tres probablement. Il a ete l'objet d'une courte note presentee par l'un de nous au dernier Congres des Societes Savantes, a Rennes (1), et (1) 47e Congres des Societes Savantes, a Rennes, 1909, lundi 5 avril. M. 1'abbe ANTHIAUME: L'astrolabe de J. de Bethencourt et la Navig1 tion des Normands au Moyen Age. 1 A

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— 6 - nous nous proposons d'en faire dans ce memoire une etude complete. L'astrolabe du Musee de Rouen a done la forme d'un quart de cercle plein, ou quadrant, en cuivre, de 2,3 millim6tres d'epaisseur et dont le cote, ou rayon, mesure 170 millimetres (pl. I et III). II pese 465 grammes. Sur l'une des faces est tracee une sorte de tableau circulaire compose d'un grand nombre de cercles presque tous concentriques et dont le plus grand, mesurant 142 millimetres de diametre, affleure, en trois points, les bords du plateau. Le dernier cercle interieur, d'un diametre de 42 millimetres, circonscrit un espace depourvu de lignes, mais recouvert par un petit disque mobile dont le bord est muni d'une languette de metal, index ou alidade, de forme triangulaire, qui prolonge sa pointe jusqu'au contour du plus grand cercle. Par-dessus ce disque est dispose un autre disque plus petit, de 20 millimetres de diametre, egalement mobile et faisant corps avec une seconde alidade de meme forme et de meme envergure que la premiere. Ces deux disques sont traverses en leur centre par un petit pivot cylindrique fix6 au centre du tableau, et retenus par une sorte de clef ou goupille en forme de clou qui traverse l'extremite libre du pivot (pl. II). L'autre face du plateau est entierement couverte d'un trace tres complique, et est encadree par trois echelles de graduations dissemblables. A cette face se trouvait annexe un fil a plomb attache a une petite tete de clou, large de 2 millimetres, qui est fixee a l'angle forme par la reunion des deux cotes ou rayons du quadrant (pl. III). E.nfin, sur l'un de ces cotes se trouvaient inserees deux pinnules de visee, dont l'une a ete arrachee; c'est la seule mutilation qu'a subie l'instrument. La pinnule conservee a la forme d'un petit ecran, epais de 3 millimetres et large de 10, dont le plan est perpendiculaire au plan du plateau. Cette pinnule s'eleve par son bord superieur it 16 millimetres au-dessus du cote du quadrant; un de ses bords lateraux se continue avec la surface du quadrant chargee de lignes mul

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-7 - tiples, l'autre bord fait saillie sur la seconde face du quadrant et empiete sur le plateau par un empattement de 10 millimetres. L'ecran, ou pinnule, est perce de deux trous circulaires dont l'un, tres petit, servait a recevoir le rayon du soleil; et l'autre, plus large, servait a viser les etoiles qui sont plus difficiles a apercevoir. L'astrolabe du Musee de Rouen presente done une apparence differente suivant la face que l'on considere. Sur une face, on trouve des traces circulaires identiques a ceux qui existent sur le dos de l'astrolabe circulaire ou astrolabe plan equinoxial: zodiaques solaire et lunaire, cercle des jours et une curieuse table pascale; et comme de la surface du plateau il n'y a que l'etendue couverte par les traces circulaires qui est utilisee, nous negligerons le reste de cette surface, et nous appellerons cette face la face circulaire. Examine par l'autre face, l'instrument est un quart de cercle, dont le limbe est gradue et qui est muni de pinnules de visee et du fil a plomb. C'est a proprement parler le quadrant d'altitude. Sur cette face, on trouve les arcs de cercles des heures in6gales et le carre des ombres ou carre geometrique. On y voit de plus les elements du planisphere de Ptolemee, dont les traces ont 6te modifies d'une maniere fort ingenieuse pour s'adapter h la forme du quart de cercle, et un trace donnant les sinus. Nous nommerons cette face le quadrant. Enfin, l'astrolabe de Rouen est dote de systemes qui paraissent appropries specialement a la navigation: sur la face circulaire, un appareil destine a mesurer le mouvement diurne de la lune et celui des marees, questions quise rattachent la navigation c6tiere; et, sur la face quadrant, un trace trigonometrique qui permet de resoudre les problemes de route dans la navigation hauturiere. La reunion de tous ces elements sur un meme instrument en fait un specimen fort interessant, tres peu connu aujourd'hui, bien que, comme nous le verrons, il ait ete completement decrit et figure au Moyen Age, comme un instrument parfaitement constitue.

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- 8 Malgre la solidarite entiere des deux faces de l'instrument, nous avons, en raison de leur apparence differente et de la variete des questions historiques qui se rattachent a chacune d'elles, divise notre description en deux sections ou livres. Chaque livre, I'un affecte a l'etude de la face circulaire, l'autre a la face quadrant, sera precede d'une revue historique des instruments anciens qui ont ete classes dans le genre astrolabe et dans le genre quadrant, aussi bien au point de vue mathematique et astronomique qu'au point de vue nautique. Les differents traces et organes de l'instrument seront ensuite analyses methodiquement et les figures que nous donnons serviront d'6claircissement a nos descriptions necessairement un peu abstraites (1). Bien que l'instrument nous ait paru dater d'une epoque ou la science de la navigation devait etre encore rudimentaire, nous d6velopperons specialement ses proprietes nautiques et nous montrerons comment certains de ses organes et de ses traces peuvent etre appliques a la resolution des questions de navigation c6tiere et des problemes de route en haute mer, dans la forme archaique qui nous a 6te transmise par les trait6s classiques du xvIe et du xvIIe siecle. Le norl du c6lebre navigateur, J. de Bethencourt, qui s'attache a cet astrolabe, nous engageait a insister sur cette particularite. A ce point de vue meme, la question de l'origine et de la date de construction de l'astrolabe-quadrant de Rouen est du plus grand interet. C'est la seule qu'on ait, jusqu'ici, tent6 de resoudre et encore d'une maniere bien incertaine. Un catalogue du Musee de Rouen le fait dater du xIv0 siecle. (1) Nous exprimons ici nos sentiments de vive gratitude a M. de Vesly, directeur du Musee des Antiquites de Rouen, dont la parfaite obligeance a grandement facilite notre tache. Grace a des moulages tres soignes de l'instrument, que M. de Vesly a bien voulu faire executer pour nous, il nous a ete possible de proceder a des mensurations exactes. Nous avons trace nos dessins d'apres ces moulages et d'apres de remarquables photographies que nous devons a l'amabilit6 de M. Aug. Marie, ingenieur a Rouen. Enfin, nous avons donn6 une fiddle reproduction de l'astrolabe nautique du Musee de Caudebec-en-Caux, sur une excellente photographie faite par M. Poisson, juge de paix a Caudebec.

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-9 - D'apres un autre (1), il ne serait pas anterieur au xve et meme au xvle siecle; cependant, le meme catalogue ajoute que cet astrolabe a peut-etre servi au celebre navigateur normand, Jean de Bethencourt. Or on sait que ce dernier ne navigua qu'entre les annees 1390 et 1420. Au livre III, nous rechercherons, dans les caracteristiques astronomiques, epigraphiques et meme artistiques de l'instrument et de sa gaine, des arguments solides pour resoudre cette question; et, si nous parvenons a etablir que ce modele si perfectionne date d'une epoque anterieure a celle de la Renaissance et qu'il est bien normand, nous constituerons une nouvelle preuve impressionnante de la hardiesse et de la science nautique des Normands a la fin du Moyen Age. (1) Catalogue du Musee des Antiquites de Rouen; 1868, p. 45.

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LIVRE PREMIER La face circulaire de 1'Astrolabe de Rouen CHAPITRE PREMIER Notions historiques sur l'Astrolabe planisphere et sur l'Astrolabe nautique. Le nomr d'astrolabe a ete attribue a plusieurs instruments anciens (1) d'astronomie, de forme et d'usage differents. II fut appliqu8 d'abord a la premiere machine que le genie humain inventa pour representer la forme et le mouvement des cieux. C'est la sphere armillaire qui, par ses cercles et ses axes, figurait la disposition des principales lignes fictives de la sphere celeste. Cet instrument, dont l'invention a ete attribuee aux Chaldeens, ce qui veut dire qu'elle se perd dans les origines obscures de la science astronomique, s'est conserve jusqu'a nous avec sa physionomie premiere, toujours aussi expressive, bien que la theorie geocentrique du systeme du monde qui en est le principe soit aujourd'hui abandonnee. C'est un instrument de cc genre qui est decrit dans la Syntaxe mathematique de C1. Ptolemee, sous le titre de (1) Une application moderne du mot se trouve dans l'astrolabe a prisme de M. Claude, instrument aussi ingenieux que pratique qui, par la methode des hauteurs 6gales, peut rendre de grands services aux explorateurs et aux g6ographes.

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- 12 si xaTaZ2OsXi'T a&TpoXa6o'0 opyavo', (sur la construction de l'instrument astrolabe) (1). La sphere armillaire, par sa construction, permettait de reproduire les changements de position des cercles mobiles de la sphere sur les cercles fixes, dans le mouvement diurne. En visant, suivant certains diametres des cercles materiels, des astres pris comme points de repere sur la voute celeste, on pouvait amener ces cercles materiels dans la position des cercles fictifs qu'ils representaient et reproduire ainsi la disposition de la sphere celeste a un moment donne. A l'epoque d'Eratosthene, au IIe siecle av. J.-C., le Museum d'Alexandrie possedait des armilles de grandes dimensions. C'est avec ces instruments tres simples que les astronomes grecs etudierent longtemps les mouvements des astres et que Hipparque decouvrit la precession des equinoxes. La sphere armillaire astrolabe etait done a la fois un instrument de calcul et de demonstration et un instrument d'observation; mais c'etait un instrument peu transportable. Un progres considerable fut realise quand on imagina de dessiner en projection les cercles de la sphere sur un plan, puissur deux plans mobiles l'un sur l'autre, et d'annexer a cet appareil des organes d'observation. De cette invention sont sortis le planisphere et son application l'astrolabe plan. Tout devint plus pratique avec cet instrument: observations et mesure des deplacements. La trigonometrie elle-meme profita de cette decouverte par les demonstrations elegantes et rapides que fournissait le mecanisme de l'astrolabe plan. C'est encore le nom de Ptolemee que la tradition attache a la description du planisphere, et l'astrolabe plan a ete longtemps appele l'astrolabe de Ptolemee. Mais il ne faut pas (1) Composition mathematique de CL. PTOLEMEE, livre V, chap. I; edition de HALMA, texte et trad. frang., (2 vol. in-40, Paris, 1813-1816), t. I, p. 283. L'authenticite du titre de ce chapitre a ete contestee par P. TANNERY (Recherches sur l'hist. de l'astron. anc.; 1893, p. 71), mais la repetition du mot astrolabos dans le contexte ne nous paralt pas laisser de doute sur 1'application de ce nom a la sphere armillaire.

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- 13 chercher cette description dans la Syntaxe ni dans aucun des ouvrages du celebre astronome de l'antiquite, qui nous sont parvenus en texte grec. Les traductions latines de ce morceau, qui ont paru a l'epoque de la Renaissance, ont ete faites sur le texte arabe d'un nomme Maslem qui a peut-etre connu le texte grec authentique (1). On peut concevoir quelques doutes sur la purete d'un texte ainsi traduit, et retraduit, et si souvent commente par les auteurs memes de l'antiquite. Delambre, qui l'a analyse en detail, y a cherche vainement certains passages auxquels des commentateurs grecs ont fait allusion (2). Ii est avere que Ptolemee n'est pas l'inventeur du planisphere qui porte son nom; les savants de l'Ecole d'Alexandrie qui nous sont connus en attribuaient l'invention a Hipparque (vers - 150). I1 est possible que ce soit au temps d'Hipparque que fut appliquee a lastrolabe plan, comme instrument, la projection stereographique deja connue d'Archimede (-287 -212) et de son disciple Apollonius de Perga qui nous a laisse un traite sur les Sections coniques; mais un texte recemment traduit (3) et un passage de l'Architecture de Vitruve (4) font croire que l'astrolabe plan remonte a Eudoxe de Cnide (-409- 356) qui aurait meme invente le plateau mobile (arachnen) de l'instrument. Le planisphere decrit par Ptolemee est une projection stereographique ou projection conique de la sphere, a partir du pole Sud, sur un plan passant par l'equateur, l'image du p6le Nord occupant le centre de la figure. C'est la le principe de l'astrolabe plan, mais ce n'est pas l'instrument lui-meme. Cependant, si cette description est (1) La premiere traduction latine imprimee a paru a la suite de Geographia C. Ptolemcei, etc.; (in-fo, Romae, 1507), sous le titre: Planispherium noviter recognitum et diligentissime emendatum a M. Beneventano. (2) DELAMBRE. Histoire de l'astron. ancienne; 2 vol. in-4~, Paris, 1817, t. II, p. 433 et suiv. (3) Le Traite sur l'astrolabe plan de SEVERE SABOKT, texte syriaque traduit par F. NAU; Journal asiatique, 1899. (4) VITRUVE. De Architectura; lib. IX, 9.

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- 14 - surtout geometrique, l'auteur avait certainement en vue l'instrument materiel, puisqu'il detaille la construction de l'araignee. Ii est possible que le planisphere ait requ une application pratique des sa decouverte, et peut-etre meme au temps d'Eudoxe, si toutefois l'arachnen d'Eudoxe signalee par Vitruve est bien l'araignee de l'astrolabe. L'astrolabe planisphere est alors constitue par deux disques superposes. Sur l'un sont projetes l'ecliptique et les etoiles remarquables; et sur l'autre, I'horizon et les cercles construits sur l'horizon, en particulier les verticaux et les cercles de hauteur. Le premier disque est l'araignee. Mobile et decoupe i jour, il laisse apercevoir le trace du second disque qu'il recouvre et qui demeure fixe. L'araignee, par son mouvement, reproduit les deplacements du mouvement diurne et ces deplacements sont mesures sur le limbre gradue du disque fixe au moyen d'une regle mobile sur le centre de l'araignee. Ce mecanisme est complete par un appareil d'observation: la face dorsale du disque fixe, suspendu par un anneau, devient un cercle de hauteur, auquel s'ajoute une dioptre ou alidade avec pinnules de visee pour relever la hauteur des astres audessus de l'horizon. Puis la surface du plateau se couvre d'indications ou de traces accessoiresqui serapportent a des notions astronomiques memorables et qui fournissent des donnees utiles pour resoudre les problemes par la partie mecanisee dt l'instrument. Ainsi constitue, l'astrolabe permettait aun anciens de trouver l'heure de jour ou de nuit, de mesurer les ascensions droites, les declinaisons, les amplitudes, les h1iuteurs, les levers et les couchers du soleil et des etoiles, de d(eterminer en un mot la position du ciel sur l'horizon a toute heure du jour ou de la nuit et surtout la position des astres ct des signes dans les maisons celestes qui etaient le cadre fo,damental de toutes les compositions astrologiques. A la suite de Ptolemee, le planisphere et l'-:-;trolabe sont

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- 15 - repris et commentes par 1'Ecole d'Alexandrie et les continuateurs grecs de cette ecole: Thon d'Alexandrie (IVe siecle); Ammonius, Nicephore Callisthos, Synesius, Proclus (Ve siecle); Jean Philoponus (vIe siecle); et plus tard par le Byzantin Nicephore Gregoras (xive siecle). L'eveque Severe Sabokt, ne a Nisibe, que les Syriens appelaient (( la Mere des Sciences ), ecrivit au VIIe siecle en langue syriaque (1) un traite de l'astrolabe qui montre que c'etait alors un instrument fort ancien et depuis longtemps complet. A cette epoque, l'astrolabe s'etait propage avec la science grecque dans tout le monde oriental, notamment dans le second empire des Perses, et sans doute jusque dans l'Inde et dans la Chine par lesNestoriens et l'Ecole d'Edesse dite aussi (('Ecole des Perses ). Mais bientot les Arabes entrent en scene. Aussitot apres leur invasion conquerante, ils s'assimilent les connaissances mathematiques des Grecs, et l'etude de l'astrolabe semble avoir ete pour eux un sujet de predilection. Dans leurs mains, l'instrument des Grecs se perfectionne, car ils inventent de nouveaux systemes de projection, et souvent se complique de traces singuliers qui font songer aux (( arabesques ). Bref, l'astrolabe, sans etre essentiellement modifie, regoit d'eux un cachet qu'il ne perdra plus. Les travaux de J.-J. et L.-A. Sedillot ont fait connaitre, en grande partie, les productions mathematiques des Arabes; cependant bien des manuscrits arabes sur l'astrolabe restent encore non traduits dans les principales bibliotheques de l'Europe et sans doute de l'Orient. La civilisation arabe a brille dans plusieurs foyers celebres. Apres la chute des Ommiades en Orient, le deuxieme khalife abbasside, Almanzor, fonda Bagdad en 762; et l'Ecole de Bagdad, avec les centres secondaires de Samarcande, Damas, Chiraz, se developpa rapidement pour atteindre l'apogee de sa gloire sous le khalife Almamoun surnomme 1'Auguste des (1) Cf. supra: F. Nau.

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-16 - Arabes (813-833). Parmi les savants de cette ecole qui ont ecrit sur l'astrolabe, on doit citer les noms de Mashallah, Alfragan, Alkendi. Meme apres la decadence des Abbassides, la civilisation arabe triompha de la barbarie des conquerants du Nord: Turcs seldjoukides et sultans ottomans; et l'on suit les disciples de l'Ecole de Bagdad jusqu'a Ulugh-Begh, le petit-fils de Tamerlan, qui fonda au xve siecle l'observatoire de Samarcande. Des la fin du xe siecle, l'Egypte s'etait separee du khalifat de Bagdad, et la capitale des Fathimites, Le Caire, devint, pour les etudes scientifiques, un centre nouveau. L'Ecole d'Espagne se developpe des le vIIe siecle, aussit6t apres la conquete de la peninsule; et, pendant trois cents ans, forme un contraste remarquable avec la barbarie des peuples occidentaux. Cordoue, Seville, Grenade, Murcie, Tolede a laquelle s'attache le nom d'Arzachel, sont les centres les plus renommes par leurs productions mathematiques et astronomiques. L'influence de l'Ecole d'Espagne rayonne dans l'Afrique occidentale, a Ceuta, Tanger, Fez et Maroc. A cette derniere ville appartient Aboul-Hassan qui vivait au XIIIe siecle. Nous arrivons ainsi a l'epoque ou les Arabes furent presque expulses d'Espagne et a la fin du Moyen Age. Avec la Renaissance, on voit se renouveler, pour les peuples occidentaux, le phenomene d'assimilation qui a marque le debut du developpement de la science arabe: les livres grecs sont traduits et aussi les ouvrages arabes; et la decouverte de l'imprimerie favorise la diffusion de ces connaissances. Pour ce qui est du planisphere et de l'astrolabe, c'est bien par les Arabes que les Latins furent instruits, par leurs textes et aussi par les modeles que construisaient les celebres astharlabi (faiseurs d'astrolabes) arabes. Ces modeles furent recueillis et copies; des details de construction et des noms attaches a diverses parties de l'instrument revelent cette origine. La transmission se fit, d'ailleurs, bien avant l'epoque de la Renaissance. Gerbert, ne en Aquitaine vers 935, et qui

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- 17 - devint pape en 999 sous le nom de Sylvestre II, avait etudie a Seville et a Cordoue les mathematiques et l'astronomie des Arabes. I1 passait, des lors, pour l'homme le plus savant de son siecle; et, a l'epoque ou il opposait la Treve de Dieu a la barbarie de son temps, il ecrivait un traite de l'astrolabe (1). Le benedictin allemand Hermann, surnomme Contractus (1013-1054), a aussi laisse un ouvrage sur le meme sujet (2). A l'epoque de la Renaissance et dans la suite, la theorie du planisphere fut reprise et de nouveau commentee, les proprietes de la projection stereographique furent precisees (3), d'autres projections imaginees ou plutot divulguees l'astrolabe de J. de Rojas, projection orthogonale de la sphere sur le plan d'un meridien; celui de Gemma Frison, projection stereographique sur un m6ridien. Ces projections 6taient deja connues des Arabes. Il nous faudrait fournir une longue liste de noms pour citer tous les auteurs latins de la fin du Moyen Age ou de la Renaissance qui ont ecrit sur ce sujet. Mais les Occidentaux n'ont rien ajoute a l'astrolabe plan 6quinoxial, ou astrolabe circulaire, qu'ils avaient regu des Arabes; et les specimens latins qui nous ont ete conserves ne sont que la reproduction, souvent meme la simplification des modeles arabes. Les Arabes eux-memes n'ont rien change d'essentiel a l'astrolabe plan equinoxial des Grecs et l'on peut suivre le (1) GERBERT. Ms. a la Bibl. Nat. de Paris. (Une copie au fonds de la Sorbonne et une au fonds St-Germain.) (2) HERMANNUS CONTRACTUS. De utilitatibus (compositione sive mensura) astrolabii. Insere dans B. Pez[ius]. Thesaurus anecdotorum novissimus; 6 vol. in-f~, Augusteo Vindelicorum, au t. III, 1723, part. II, p. 110. (Le texte est parseme de mots arabes qui indiquent la source oi l'auteur a puise.) Reproduit egalement dans la Patrologie latine de Migne. (3) JORDAN fit remarquer le premier que, dans le planisphere de Ptolemee, les cercles de la sphire, quelle que soit leur inclinaison, sont representes sur le plan de projection par des cercles ou des lignes droites. Cf. Planispherium C. Ptolemsei et Jordani; insere dans le recueil forme par Ziegler: Spherse atque astrorum ccelestium ratio, natura et motus, etc.; in-4o, Norimbergae, 1531; et in-40 (Basileae) 1536.- Le mot stereographique est assez recent puisqu'il apparait pour la premiere fois dans l'Optique du jesuite Francois d'Aguilon (Anvers, 1613, p. 573). 2

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- 18 - texte de Proclus, celui de Severe Sabokt ou de Nicephore Gregoras en prenant en main tel modele europeen du XVIe siecle. Le mot astrolabe s'associe assez naturellement a l'id6e de navigation. Cependant, lastrolabe plan equinoxial, dont nous venons de relater brievement l'histoire, n'est nullement un instrument marin; il etait proprement l'instrument des astronomes, des astrologues surtout; et c'est lui que le Pere Fournier, dans son Hydrographie, appelle l'astrolabe des math6maticiens. Son mecanisme n'etait guere propre a renseigner le navigateur, puisqu'il n'6tait construit que pour une zone limitee de la surface du globe. De cet instrument, les marins n'ont retenu que l'appareil d'observation, c'est-a-dire le cercle de hauteur muni de la dioptre. On ne possede pas de donn6es certaines sur l'epoque a laquelle cette adaptation fut faite pour la premiere fois dans les pays occidentaux. Il n'est question de l'usage de l'astrolabe par les marins qu'a la fin du XIIIe siecle. A cette 6poque, les marins catalans et majorquins mesuraient avec l'astrolabe, au temoignage de Raymond Lulle, la hauteur des astres pour connaitre l'heure pendant la nuit. De Navarrete (1) qui extrait cette affirmation de l'Arte de Navigar, ouvrage ecrit en 1295 par Raymond Lulle, ajoute que cet astrolabe rendait de grands services aux navigateurs. Cependant, la science nautique demeura longtemps encore mal definie. Pendant tout le XIVC siecle, les navigateurs espagnols, malgre le secours qu'ils pouvaient tirer de l'emploi de l'astrolabe, ajoute a celui de la boussole, oserent a peine, dans leurs expeditions maritimes, perdre la terre de vue. A la fin du xIve siecle seulement, les Andalous reconnurent une grande partie de la cote d'Afrique et des iles Canaries qui furent bientot acquises a la couronne de Castille. (1) DON MARTIN FERNANDEZ DE NAVARRETE. Biblioteca maritima espanola; 2 vol. in-4~, Madrid, 1851-1852, t. II, p. 658. - Cf. DUFLOT DE MOFRAS. Recherches sur les progres de l'astronomie et des sciences nautiques en Espagne; Annales maritimes et coloniales, 1839.

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- 19 - Au commencement du xve siecle, l'infant Don Henri de Portugal (1), surnomme le Navigateur, s'attacha a favoriser les progres des sciences nautiques. II fonda, en 1416, a Sagres, petite ville situee a l'Est-Sud-Est de la pointe du cap St-Vincent, une academie pour l'etude des mathematiques et de l'astronomie et l'application de ces sciences a la geographie et a la navigation. A Sagres se reunirent les pilotes et les officiers les plus distingues sous la direction scientifique du savant maitre Jaime de Mayorque. Cette heureuse impulsion fut suivie par le roi Jean II pendant son regne (1481-1495). L'historien national portugais, Jean de Barros, qui 6crivit l'histoire des conquetes portugaises outre-mer, rapporte (2) que Jean II, preoccupe des difficultes de la navigation, rechercha les moyens de donner plus de precision et de certitude aux voyages maritimes que les Portugais se preparaient a entreprendre. II reunit, dans ce but, ses deux medecins: maitre Rodrigo et maitre Joseph, Juif, auxquels s'associa le savant Nurembergeois, Martin de Behaim. De leurs conferences resulta l'application methodique de l'astrolabe a la navigation. Le Pere Giovanni Maffei, historien italien, dans son Hisloire des Indes (3), a laquelle il consacra douze annees de travail et qu'il composa en Espagne meme sur les documents conserves dans les archives publiques, dit, au commencement de son ouvrage, que Martin de Behaim, vers 1485, calcula des tables de la declinaison du soleil pour les navigateurs et leur recommanda l'usage de l'astrolabe pour se conduire en mer. Le Pere Fournier dit egalement, en propres termes, que c'est Martin de Behaim et ses collaborateurs qui les premiers (1) Cinquieme fils du roi Jean Ier, restaurateur du royaume, l'infant Don Henri naquit a Porto le 4 mars 1394 et mourut a Sagres le 23 novembre 1460. (2) BARROS. Premiere decade, livre IV, chap. II. (3) GIOVANNI-PIETRO-MAFFEI. Historiarum Indicarum Libri XVI; Florence, 1588 (traduit en francais par A. de La Boierie, Lyon, 1603, et par l'abbe de Pure, Paris, 1665).

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-20 instruisirent les pilotes (1) (( auxquels ilsmonstrerent la faqon de se servir sur mer de l'astrolabe ). Cette opinion est rest6e classique; le vice-amiral Jurien de la Graviere ecrit que ce fut vers 1480 que les ( Portugais parvinrent a acclimater sur leurs caravelles l'astrolabe de Raymond Lulle, perfectionne par Martin Behaim. ) (2) Ce perfectionnement consista surtout en l'application de l'instrument a une methode nouvelle. Tant que les navigateurs voguerent sur les mers de I'hemisphere boreal, l'astrolabe avec lequel ils visaient l'etoile polaire leur fournit la hauteur du pole et, par consequent, la latitude. Mais, a mesure qu'il approcherent de l'equateur, la polaire s'abaissa de plus en plus sur l'horizon; et meme, quand ils eurent depasse la Ligne, elle cessa d'etre visible pour eux. Ne trouvant pas dans l'hemisphere austral d'etoile brillante avoisinant le pole, ils durent chercher un procede nouveau. Martin Behaim et ses collaborateurs semblent bien avoir repondu a cette preoccupation en joignant, a la technique de l'astrolabe, des tables de declinaison du soleil, qui permettaient de trouver la latitude d'un lieu, l'aide de la hauteur meridienne du soleil obtenue avec l'astrolabe. Tandis que les Occidentaux s'ing6niaient a utiliser sur mer certaines des proprietes de l'astrolabe employe a terre depuis si longtemps, il semble que les peuples de l'Orient avaient songe, de leur cote, a faire la meme application. Lorsque les premiers voyageurs europeens parvinrent aux Indes orientales, ils ne virent pas sans surprise les peuples de ces contries se servir sur mer de l'astrolabe. Le fait est atteste par Ramusio (3). Le journal de Vasco de Gama, les commentaires d'Albuquerque, les recits de Barros et d'autres, prouvent (1) FOURNIER. Hydrographie; in-f,0 Paris, 1667, p. 369. (2) JURIEN DE LA GRAVIERE. Les Marins du XVe et du XVIe siecle; 2 vol., in-12, Paris, 1879, t. I, p. 12. (3) RAMUSIO (geographe v6nitien 1'85-1557). Navigazione e Viaggi: (1550-1559), t. I, fol. 121.

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-21 - que les Arabes usaient de l'astrolabe sur l'Ocean Indien bien avant l'arrivee des Portugais. Tous ces temoignages sont recueillis dans les ouvrages de Libri (1), du cardinal Zurla (2), de Santarem (3); et Reinaud, dans la preface de sa Traduction d'Aboulfeda, donne des explications et des details precis sur les instruments d'observation dont les Arabes se servaient sur mer a l'epoque de Vasco de Gama. En Occident, l'astrolabe des marins n'a de communavec l'astrolabe plan equinoxial que sa forme circulaire; le trace de projection a disparu. L'instrument n'est plus qu'un cercle de hauteur suspendu par une boucle et muni d'une alidade avec deux pinnules de visee. (( Les mariniers, ecrit le Pere Fournier, ne se servent que d'un gros cercle d'airain, pesant dix a douze livres, afin qu'il resiste mieux au vent et a l'agitation du vaisseau et se mette plus promptement de niveau et s'y maintienne plus constamment, l'alidade se termine en un point aux extremites, les pinnules ne sont distantes que d'un pouce du centre, afin que l'alidade ou regle qui porte ces pinnules soit insensible en quelque situation qu'elle soit, au respect du poids de l'instrument, et n'y a en tout cet astrolabe qu'un cercle divise en 360 parties par le moyen de quatre quartiers de cercles de 90 degres chacun. ) Le musee de Caudebec-en-Caux possede un specimen remarquable de ce genre d'astrolabe. C'est un cercle en cuivre de 184 millimetres de diametre et pesant 3.840 grammes. Cet instrument, qui est en tout conforme a la description donnee par le Pere Fournier, porte l'inscription suivante: c( Nicollas le Tellier m'a faicte a Honnefleur, 1632)) (pl. V). La graduation du limbe de cet instrument est disposee d'une maniere qui indique bien une destination speciale. (1) LIBRI. Histoire des sciences mathematiques en Italie; 1838-1841, t. II, p. 220, 224. (2) ZURLA. II mappamundo di fra Mauro; p. 52. (3) DE SANTAREM.Essai sur l'histoirede la cosmographie et de la cartographie pendant le Moyen Age, etc.; 3 vol. in-8o, Paris, 1849-1852, t. I, p. 103.

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22 - Le zero de la graduation est place sous la boucle de suspension dans la direction du zenith et non sur la ligne d'horizon. L'alidade ne marque donc pas sur le limbe la hauteur de l'astre vise au-dessus de l'horizon, mais le complement de cette hauteur ou distance zenithale, facteur qui entre dans le calcul de la latitude par la hauteur m6ridienne du soleil. Cette disposition est la caracteristique de l'astrolabe nautique. Pour faire une observation, le navigateur tenait l'instrument a la main et suspendu par la boucle; il l'elevait hI la hauteur de l'ceil pour viser l'astre par les pinnules de l'alidade qu'il mobilisait selon le besoin; ou bien, s'il s'agissait du soleil, il tenait l'instrument suspendu devant lui et amenait le point lumineux projete par l'orifice de la pinnule la plus rapprochee du soleil sur lorifice de la pinnule inferieure. Lorsque cette coincidence etait obtenue, l'extremite de l'Flidade marquait sur le limbe la distance zenithale du soleil. L'astrolabe est restede pratique courante sur les vaisseaux jusqu'au commencement du xvIIIe siecle, concurremment avec d'autres instruments commnoe l'anneau astronomique, ]e baton de Jacob ou arbalete, le quartier de Davis, auxquels succedent les instruments a reflexion qui se perfectionnent jusqu'au sextant moderne (1). (1) Cf. Contre-amiral G. FLE RIAS. Historique des instruments d'astronomie nautique; Revue maritime et coloniale, septembre 1893.

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CHAPITRE II Description de la face circulaire de l'Astrolabe de Rouen DOS 1)U QUADRANT (pl. I et II) Cette premiere face que les auteurs anciens appellent dorsum quadrantis et que nous designons sous le nom de face circulaire, parce que le trace qu'elle porte est limite par un cercle, offre i notre etude d'abord la surface du plateau occupee par les cercles concentriques dont nous avons parle; puis, au centre, l'appareil forme par les deux disques mobiles et pourvus d'alidade. La premiere partie du present chapitre sera consacree a l'examen des traces du plateau, et la seconde partie a celui de l'appareil mobile ou compas lunaire. PREMIERE PARTIE Traces du Plateau de la face circulaire (pl. I); Les nombreux cercles qui couvrent la surface du plateau constituent deux systemes completement independants. Nous designerons le premier sous le nom de systeme soli-lunaire; quant au second, il represente une table pascale perpetuelle. ~ I. - SYSTEME SOLI-LUNAIRE Ce premier systeme comprend la partie marginale du trace, bordee en dehors et en dedans par un double filet et formant une bande circulaire de 31 millimetres de largeur. Il est compose par trois tableaux circulaires dont les deux extremes sont concentriques et dont le moyen est excentrique aux deux autres. Les trois tableaux, distincts mais associes, sont le zodiaque solaire, le cercle des jours et le zodiaque lunaire.

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- 24 - ~~ 1. Le Zodiaque solaire Le tableau circulaire du plus grand rayon repr6eente le zodiaque solaire. On y distingue trois zones dont l'exterieure porte la division de l'ecliptique en 360 degres. Les deux autres contiennent les noms des douzes signes du zodiaque, qui se suivent dans le sens direct, et la numerotation des degres de ces signes en 10o, 200 et 30o. Deux diametres fictifs, se coupant a angles droits, partagent le zodiaque en quatre parties qui correspondent aux quatre saisons de l'annee. Un de ces diametres, partiellement trace sur le milieu du plateau, reunit le commencement du signe de Cancer a celui de Capricornus, c'est la ligne des solstices; l'autre qui reunit le commencement de Aries a celui de Libra est la ligne des equinoxes. Le commencement de Aries marque l'equinoxe de printemps. Ce premier tableau est une sorte d'echelle graduee fixe a laquelle se rapportent les divisions des deux autres tableaux, et les deux alidades mobiles du centre du plateau, bien qu'appartenant en propre a un systeme different, sont employees pour effectuer ce rapport.1 ~~ 2. - Le cercle'des joursT Le deuxieme tableau circulaire, enveloppe par le zodiaque, est le cercle des jours et des mois de l'annee. II presente une disposition analogue /a celle du precedent, comprenant trois zones dont l'externe est divisee en 365 jours; et dont les deux autres contiennent les noms des 12 mois de l'annee avec la numerotation correspondante en 30 et 31 jours et 28 jours pour le mois de fevrier. Les deux zodiaques solaire et lunaire ontun meme centre qui est le centre du monde, c'est-a-dire la terre,suivant l'hypothese g6ocentrique a laquelle se conforme naturellement lastrolabe; et ce centre du monde est repr6sent6 par le centre meme du tableau. Le cercle des jours a un centre different qui est celui de l'excentrique du soleil; et, par sa disposition sur l'astrolabe,

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-25 il reproduit la figure de l'hypothese imaginee par Hipparque. Le centre de l'orbite solaire est reporte a une certaine distance vers le point de l'apogee du soleil, de faqon a placer, dans la moitie estivale du zodiaque, un nombre de jours plus grand que dans la moitie hibernale, tout en conservant a la marche du soleil l'uniformite conforme au dogme pythagoricien. Le constructeur de l'astrolabe a deplace ce centre exactement suivant la ligne des solstices, de sorte que la longitude du perig6e est 300 de Sagittarius et coincide, par consequent, avec le solstice d'hiver. Cette position du perigee devrait avoir pour effet de determiner le maximum d'inegalite entre les moities estivale et hibernale de l'annee, mais nous verrons que cette consequence n'a pas ete observee par le constructeur. Par sa disposition sur le tableau, le cercle des jours represente donc la marche du soleil dans le zodiaque et donne la longitude geocentrique de cet astre pour chaque jour de l'annee. Pratiquement, on trouvait cette longitude sur l'instrument en amenant sur le jour considere la ligne de foi d'une des alidades mobiles du plateau; et cette ligne de foi marquait sur le cercle du zodiaque la longitude correspondante du soleil. Toutefois, comme le cercle des jours ne compread que 365 intervalles pour les 365 jours de chacune des trois annees communes et pour l'annee bissextile de 366 jours, il ne pourra s'adapter aux variations annuelles, amenees dans la position vraie du soleil dans I'ecliptique par la succession des trois annees communes et de l'annee bissextile, qu'au moyen d'une correction que nous allons expliquer. On sait que l'annee tropique julienne est de 365 jours et un quart, tandis que l'annee commune est de 365 jours seulement, trop courte par consequent de un quart de jour. Au bout de quatre annees, les quatre quarts font un jour entier; c'est pourquoi on donne 366 jours a la quatrieme annee dite bissextile. Le jour supplementaire ou intercalaire a ete place a la fin du mois de fevrier, d'abord entre le 24 et le 25 du mois,

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- 26 dans le calendrier romain; puis, par la-pratique, il a ete, dans la suite, rejete apres le dernier jour du mois. Ce jour intercalaire est le 29 fevrier. Theoriquement, il ramene le soleil au meme point de longitude qu'il occupait quatre ans auparavant a pareille date et au meme moment. Nous savons qu'il n'en est rien, mais nous devons nous placer dans les conditions supposees exactes du calendrier julien pour interpreter le trace de notre astrolabe. Le premier mars de l'annee bissextile etant le premier jour qui succede a l'equation operee par le jour intercalaire, c'est a ce jour que nous devons faire debuter le cycle des quatre an nes. I1 parait assez naturel de placer le commencement du premier jour de mars, sur l'astrolabe, au grand trait de division qui marque la fin du mois de fevrier; mais la necessite ou l'on sera par la suite de trouver la place du 29 fevrier dans l'annee bissextile modifie cette premiere interpretation. Ce cycle des quatre annees commengant par le lcr mars de l'annee bissextile, nous plaQons la duree du premier jour de mars dans 'intervalle qui suit le premier petit trait de division du mois; nous laissons ainsi un intervalle apres le grand trait qui marque la fin du mois de fevrier de 28 jours. Des raisons tr6s concluantes, que nous dirons plus loin en examinant la question de la date de la construction de l'astrolabe de Rouen, viendront confirmer cette maniere de voir. Pour avoir la position du soleil dans l'ecliptique au commencement du premier jour de mars de l'annee bissextile, nous plagons donc le bord de la regle alidade sur le premier petit trait de division du mois de mars; pour le 2 mars, sur le trait suivant; et ainsi de suite jusqu'au l r mars de la premiere annee commune, ce qui nous ramene a notre point de depart sur le cercle des jours. Mais en ce point, comme il n'y a que 365 jours ecoules tandis que la revqlution annuelle du soleil est de 365 jours 1/4, le soleil se trouve retarder de un quart de jour pour l'annee suivante. II faut donc, sur l'astrolabe, reporter le commencement de chaque jour a un quart d'intervalle en arriere; et cela,

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- 27 - jusqu'au I er mars de la deuxie'me annee commune. Pour la meme raison, on reculera de deux quarts d'intervalle entre le j e rmars de la deuxie~me annee et le e r mars de la troisi'eme; et de trois quarts entre cette dernie're date et la fin du 28 fe'vrier de l'annele suivante qui est bissextile. A ce moment, un quatrie'me quart viendra s'aj outer aux. trois autres pour former le jour intercalaire. Le 29 fe'vrier se trouvera. ainsi remplir l'intervalle existant entre le grand trait qui marque la fin du mois de f evrier de 28 jours et le premier petit trait de division du mois de mars, ce qui cornple'e le cycle des qiiatre anne's sur le cercie des jours de l'astrolabe. Cette re'gle adopte'e, nous pouvons analyser la marche du soleil dans I'ecliptique d'apre's l'astrolabe, en relevant les dates de l'entre'e du soleil dans les signes du zodiaque, et en les cornparant aux donne'es actuelles. Les re'sul~tats de cet examen sont consign~s dans le tableau comparatif suivant MOUVEMIENT DU SOLEIL DANS L, 'ELIPTIQIJE TA-BLEAU COMPARATIF I. I D'APIRtS LASTROLABE ENTRPE DU SOLEIL DANS LES SIGNES - Signes Dates _ Aries. 13 M-Nars Li Oh:to 16 Taurus..... 12 A-vril it 16h 30 20 92 Gemini-.. 13 Mai Lt 12h 8 Camcer... I 8) Ji it 1 2h 832 1 2 Leo......( 6millet Li h:10 92 Vir-o.. 1 7 Aount Li Oh 80 Libra. 1 i Septldebre Li (h 8,1 Scorpius.. L Octobre h Oh 30 1 2 90 Sagitt arius. 14 Novembre hi 12h 29 Caprirorntus 13 DWeemile Li 12h 30 12 Aquarius.. 113 JanvieriLi (Jh 2 8 Pisces.....11 F~vrier it 18h 2)9 6j ~DONNRES ACTUELLESI 11 IF DURPE ES SAISONS Ih. j. h. Mi. 1 2 12 I 2 7 -eD I a I1= I:IC, s F IV 185 180 30 12 81 8:1= 30 2 30 9 39 211 29 113 29 5 29 14A 30 5 i DURPE DES SAISONS j. hs. j. h. 9 2 21, w 86 l1 89 19 = 89 1 -11l,78~ 194 I I Dans e'~tablissement, de ce tableau,1 ilnest pas tenu compte

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-28 - de l'exces de la duree de l'annee tropique sur l'annee commune de 365 jours de 'astrolabe, exces qui equivaut a un quart de jour et qui est compense a la fin de chaque annee par le recul de la regle a un quart d'intervalle de la division du cercle des jours. Mais, apres avoir fait la part de cette legere inexactitude inh6rente a la disposition du trace, nous trouvons encore des erreurs importantes qui ressortent de la comparaison entre les resultats fournis par l'astrolabe et les donnees actuelles. Sans insister sur l'examen detaille de ce tableau, nous remarquerons que l'astrolabe attribue a la moiti6 estivale de l'annee une dur6e de 185 jours au lieu de 186 jours et 11 heures; et, a la moitie hibernale, une duree de 180 jours au lieu de 178 jours et 19 heures; l'inegalite normale est ainsi diminuee alors que la position du p)erigee au solstice d'hiver aurait du produire le maximum d'inegalite. En terminant l'expose des particularites que presente le cercle des jours, signalons la position de l'equinoxe du printemps qui tombe au commencement du 13 mars. Cette donnee nous fournira un element de premiere importance pour d6terminer la date de la construction de l'instrument. Le 13 mars julien sur l'astrolabe correspond au 20 mars gregorien; il faudra donc ajouter 7 jours a toutes les dates relevees sur l'astrolabe quand on les reportera l'epoque actuelle. ~~ 3. - Le Zodiaque lunaire (pl. I et VI) Le troisieme tableau circulaire represente les 28 mansions lunaires. Ce systeme astronomique est assez rarement signale dans les traites latins de l'astrolabe et encore plus rarement figure sur les instruments enropeens; il est au contraire classique dans les ouvrages et sur les astrolabes arabes. Les noms arabes des mansions sont cependant inscrits sur l'un des tableaux de la carte catalane de 1375. On trouve aussi des descriptions de cette notion dans des manuscrits speciaux (1). Elle est mentionnee en deux lignes dans le livre de Jacques (1) Mss. ala Biblioth. de ULTniversite d'Oxford: 1~ De cursu lunxe cum figura domorum; 2~ Mansiones Lunce cur aliis 3~ De XXVIII

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- 29 - Focard (1), dans une description due a Bonet Hebraeus (2), dans le Lexicon de Jerome Vitalis (3), dans le traite de Joseph de Tertiis (4) et dans divers autres ouvrages d'astrologie. L'un de nous a publie la description d'un astrolabe du xvIe siecle qui portait les 28 divisions du zodiaque lunaire (5). Sur l'instrument que nous etudions, ce systeme est represente avec des details remarquables, puisqu'on y trouve non seulement la division en 28 parties, mais encore les noms des mansions et la figure de leurs asterismes. Nous ne connaissons pas d'exemple d'une representation aussi complete et un tel specimen ne saurait etre etudie avec trop de soin. Mais il importe de s'entendre d'abord sur la signification et l'origine des mansions lunaires. On donne le nom de mansions ou stations lunaires a des groupes stellaires ou asterismes que la lune occupe ou est censee occuper successivement, chaque jour ou plutot chaque nuit, pendant le cours de sa revolution siderale. Cette revolution siderale ou periodique, qui est le temps 6coule entre deux conjonctions successives de la lune avec une meme etoile, est actuellement de 27j. 7h43m1,5 (6). mansionibus liber. - A la Biblioth. Imperiale de Vienne: Astrologisches Biichlein ueber die 28 Mansionen, par J. HARTLIEB; ms. du xve siecle. (1) JAQUES FOCARD. de Montpellier. Paraphrase de l'astrolabe; pt in-4~, Lyon, 1555, p. 20. (2) Dans le livre de ORONCE FINE. Annuli astronomici usus; pt n-40, Lutetiae, 1557, fo 104 vo. (3) Lexicon mathem, astron., geometricum; in-80, Paris 1668, au mot Mansiones lunse. (4) JOSEPH DE TERTIIS. De gradu horoscopante; pt in-40, Paris, 1690, p. 343 (tableau des mansions avec longitudes et caracteres astrologiques). (5) JULES SOTTAS. Description d'un astrolabe europeen date de l'an 1543 et portant le zodiaque lunaire; Bullet. de la Soc. Astronom., mars, avril 1907. (6) La revolution tropique, temps employe par la lune pour revenir a la meme longitude, est de 27 jours 7h43m4s,7. La petite difference de 68,8 en moins avec la revolution siderale provient de la retrogradation du point equinoxial pendant le temps de cette derniere revolution. Ce mouvement, qui est negligeable pour une courte periode de temps, amine dans la suite des siecles un deplacement appreciable des mansions lunaires sur le zodiaque solaire. Comme le zodiaque lunaire occupe sur l'astrolabe une position necessairement fixe, nous supposerons, avec

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— 30 Apres 27 jours 1/3, ou environ, la lune revient done au meme point du ciel (1); mais comme le nombre de jours de la revolution periodique n'est pas un nombre entier, la lune n'occupe pas, au milieu, par exemple, de chaque nuit d'une revolution, la meme place qu'au milieu de chaque nuit du meme rang dans la revolution precedente. II en est resulte quelque incertitude et des differences dans le choix des asterismes marquant les stations lunaires et le nombre de ces stations. Parmi les peuples de l'antiquite qui ont adopte le zodiaque lunaire, les uns ont considere 27 stations, et d'autres 28. D'autre part, quand la lune revient au meme point du ciel a la fin d'une revolution siderale, elle n'est pas dans la meme phase qu'a la fin de la revolution siderale precedente. Pendant le temps de cette revolution, le soleil lui-meme a progresse dans le sens direct; et, pour retrouver, par rapport a lui, la meme position qu'a la fin de la revolution siderale precedente, la lune doit encore parcourir, au dela des 360 degres du cercle, un arc d'un peu plus de 29 degres. Le temps apres lequel la lune occupe la meme position par rapport au soleil, ou le temps qui s'ecoule entre deux phases lunaires consecutives de meme nom, est la revolution synodique, ou lunaison, ou mois lunaire. I1 est egal actuellement a 29. 12h44m2s, 9, temps que tous les peuples ont ramene, par simplification, a 29 jours 1/2. Si l'on adopte 28 mansions pour le zodiaque lunaire, on voit que la nouvelle lune se deplace d'un peu plus de deux mansions, dans le sens direct, a chaque lunaison. A cause de ce deplacement continu, on peut done dire que, malgre son nom, le zodiaque lunaire est sans rapport avec la lunaison. Ce n'est, a proprement parler, que la division du zodiaque solaire en sections correspondant au mouvement l'instrument, que la revolution periodique ram6ne la lune a la m6me longitude. (1) A peu pr6s, car la latitude de la lune change a chaque revolution en raison de l'inclinaison de l'orbite lunaire sur l'6cliptique et de la r6trogradation des nceuds.

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- 31 - diurne de la lune, ou les stations quotidiennes de la lune dans ce zodiaque. On pourrait appeler ces stations les mansions solilunaires; mais la division reste essentiellement solaire. Nous en fournirons plus loin la demonstration. Les groupes d'etoiles choisies par les differents peuples de l'Orient, dans l'antiquite, pour marquer les stations lunaires sont loin d'etre identiques; mais, a cote de grandes divergences, on retrouve cependant un fond de ressemblance qui temoigne ou d'une concordance dans les resultats obtenus par des observations independantes les unes des autres, ou plutot d'une communication entre ces peuples. D'une fagon generale, les groupes stellaires du zodiaque lunaire ont 6et pris dans les asterismes du zodiaque solaire et avec une constance telle, au moins pour le zodiaque lunaire des Arabes, qu'il est impossible de n'y pas voir la preuve d'une etroite solidarite entre les deux systemes. Cependant, a defaut d'etoiles brillantes dans certains points du chemin de la lune, on s'est arrete aux etoiles les plus voisines en dehors du zodiaque. Dans chaque groupe stellaire ainsi constitue, les astronornes ont choisi une etoile remarquable par sa situation centrale ou son eclat, et en ont fait la determinatrice de la mansion. Les constellations du zodiaque lunaire, pas plus que les asterismes du zodiaque solaire, n'occupent dans le ciel des espaces egaux; mais, de meme qu'on a attribue a chaque maison solaire, ou signe, une etendue egale a la douzieme partie du zodiaque, on a donne a chaque mansion lunaire la vingt-huitieme partie du cercle, c'est-a-dire environ 13 degr6s d'etendue (1). Primitivement, signes et asterismes solaires, mansions et constellations lunaires coincidaient, leur point de depart etant au point vernal; et cette concordance subsistait encore dans les premiers siecles de F'ere chretienne. Mais, dans la (1) La vingt-huitieme partie du cercle vaut 12051'25",7. Le mouvement diurne moyen de la lune est de 13010'35",03. Ce deplacement multiplie par le temps de la revolution p6riodique, 29 jours 12h45m, donne 38906'55".

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- 32 - suite des temps, les signes du zodiaque solaire sont devenus de simples divisions geometriques marchant avec la precession et se sont separes des asterismes. Chez certains peuples, les Hindous modernes en particulier, la meme convention a etc adoptee pour le zodiaque lunaire. Chez les Arabes, au contraire. les mansions lunaires sont restees attachees aux constellations qui les caracterisaient a l'origine, et par consequent ]a premiere mansion s'ecarte constamment, avec le temps, du point vernal. L'origine du zodiaque lunaire est encore discutee. Une idee assez generalement acceptee, c'est que le zodiaque lunaire fut le zodiaque primitif. I1 paralt, en effet, que le mouvement rapide de la lune, le deplacement important qu'elle manifest, a chaque nuit et la visibilite des etoiles parmi lesquelles elle se meut, offraient aux anciens peuples, pour l'Ftablissement de cette division, des conditions de simplicite qu'on ne retrouve pas en observant la marche du soleil. D'autre part,comme il est admis que l'annee 6tait primitivement lunaire, c'est-a-dire composee d'un certain nombre de lunaisons, on imaginait que le zodiaque lunaire avait preced( le zodiaque solaire, de meme que la notion de l'annee lunaire etait anterieure a celle de l'annee solaire, dont la determination exigeait des connaissances astronomiques plus approfondies. Mais nous avons remarque que la lunaison ou revolution synodique ne s'accorde pas avec le zodiaque lunaire etabli sur la revolution siderale. Or, il est arrive que quand la duree de l'annee solaire a pu etre mesuree, au moins d'une maniere approximative, la division du zodiaque solaire en section. lunaires a ete une ressource pour les peuples dont l'annee etait lunaire, car ils trouvaient dans le mouvement du soleil parmi ces stations une periodicite qui concordait avec le retour des saisons et leurs ph6nomenes meteorologiques, alors que l'annee vague de ces memes peuples n'avait aucun rapport avec cette periodicite. I1 est remarquable que les ouvrages grecs, qui forment la

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-33 - part la plus riche de l'heritage scientifique que nous a legu6 l'antiquite, ne parlent pas des mansions lunaires. Et cependant les astronomes grecs s'interessaient au mouvement de la lune; l'exposition publique des parapegmes ou etaient inscrits la nouvelle Lune et les levers des constellations, les traites speciaux sur ces levers, montrent bien qu'ils possedaient tous les 4elments necessaires pour constituer le zodiaque lunaire.S'ils le connaissaient, ils l'ont neglige, sans doute parce que l'annee luni-solaire dont ils usaient, toute imparfaite qu'elle flit, s'accordait avec le retour des saisons d'un faqon au moins aussi precise qu'auraient pu le faire pour eux les mouvements des mansions lunaires. Et, pour les milieux scientifiques, les levers d'asterismes n'etaient que des notions vulgaires, archaiques ou po6tiques, qu'il ne valait plus la peine de coordonner autrement qu'en zodiaque solaire a l'epoque ou l'on possedait des notions plus precises sur la duree de l'annee. Adressons-nous a un autre peuple, et nous verrons des conditions differentes engendrer une reaction differente. (Les Arabes, dit Bar Hebraeus (1), createurs des mois lunaires, remarquerent que la lune n'avait pas de lieu designe dans le iel, mais que les saisons et l'air variaient avec le mouvement du soleil; par un certain artifice, mal choisi, il est vrai, ils trouverent moyen de fixer la position du soleil au moyen de la marche de la lune. )) Ainsi la lune ( n'a pas de lieu designe dans le ciel ), elle ne ferme pas son circuit en un point equinoxial, son cours ne regit pas les saisons; c'est un astre errant dont les apparences ou phases se reproduisent apres 29 jours et demi, et peuvcnt etre comprises dans une succession alternante plus ou moins reguliere de mois de 29 et de 30 jours. La lunaison ou mois lunaire est alors une mesure primitive du temps, conservee (1) Le liure de 1'ascension de l'esprit sur la forme du ciel et de la terre.,Cours d'astronomie redige en 1279 par GRoGOIRE ABOULFARAG, dit BAR HEBRAEUS. Texte syriaque et traduction publies par F. Nau; in-40, Paris, 1899, tomn II, p. 107.

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- 34 religieusement par certains peuples, en particulier par les Arabes. Avec le progres des connaissances astronomiques, l'annee solaire a ete mesuree, le zodiaque solaire des Grecs a ete definitivement etabli, et a une epoque relativement recente, puisque la coincidence des asterismes et des signes ne peut etre reportee avant le temps d'Hipparque (1), du moins pour le zodiaque qui nous a ete transmis. Il etait alors possible pour les peuples pourvus de l'annee lunaire de subdiviser ce zodiaque en sections correspondant au mouvement moyen diurne de la lune et de choisir dans les asterismes solaires des groupes secondaires qui devinrent les asterismes des mansions lunaires. Cette subdivision pouvait etre arbitraire dans une certaine mesure. puisque la lune n'occupe pas la meme place pour les nuits correspondantes de deux revolutions successives; une adaptation exacte au mouvement de la lune n'etait meme pas necessaire, ces sections n'etant destinees qu'a marquer par leur mouvement annuel sur l'horizon le retour periodique des phenomenes meteorologiques particuliers a chaque saison, phenonmenes d'origine essentiellement solaire. Des reveries astrologiques y furent naturellement melees; mais elles ne changent rien a l'essence meteorologique et solaire de cette institution. Ainsi tel peuple choisit 28 sections, avec 7 sections par saison; tel autre s'arreta a 27 divisions qui offraient l'avantage d'un partage plus simple du cercle, chaque section mesurant exactement 13o20'. Ce qui est reellement primitif, c'est l'observation du lever et du coucher des etoiles ou des groupes stellaires, mouvements essentiellement solaires, pour mesurer le temps et prevoir le retour des saisons. Ce sont ces asterismes que designe la Bible, dans un verset du livre des Rois (2), et non d'une faqon precise les 12 signes solaires selon la traduction de Saint Jerome (1) La longitude moyenne de t,^et du Belier etait environ 20 au temps d'Hipparque, y du Belieriavait 0~ pour longitude vers 250 avant J. C. (2) Par le mot mazzal6th (IV Rois, XXIII, 5). Ce mot se trouve encore dans Job (XXXVIII, 32).

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- 35 (duodecim signa), ou les 28 mansions lunaires comme l'a pense Weber (1). Ce sont eux que celebraient les poetes de Fantiquite comme des traditions archaiques. Du groupement de ces asterismes s'est forme d'abord le zodiaque solaire, a une epoque peut etre fort ancienne chez les Chaldeens. Au temps d'Homere et meme d'Hesiode, il ne parait pas encore complet et bien etabli chez les Grecs, et celui qu'ils nous ont laiss6 ne semble pas remonter avant l'epoque d'Hipparque. On ne voit pas aussi bien comment le zodiaque lunaire aurait pu se constituer sans le concours du zodiaque solaire; on le retrouve cependant chez la plupart des anciens peuples de l'Orient. Le Pere Gaubil (2) avait signale les 28 Sieou des Chinois et Ideler (3) croit pouvoir affirmer que cette institution existait chez eux onze siecles avant J.-C, antiquite que Biot recule bien plus loin encore, car il donne un tableau des positions des Sieou pour l'an 2357 avant J.-C. (4); mais, pour lui, ces asterismes, qui sont separes par des intervalles tres inegaux et sont souvent fort eloignes du zodiaque, n'avaient aucun rapport avec le mouvement de la lune; ce n'etaient que des points de repere astronomiques dont les Chinois observaient le passage au meridien. D'apres le meme auteur, les 27 Nakshatras des Hindous seraient une adaptation lunaire des Sieou chinois. Le Gentil a decrit et figure ces constellations (5) et Th. Colebrooke (6) les a rencontrees citees dans les Vedas. (1) WEBER. Indische Skizzen, p. 76. (2) SOUCIET. Recueit, t. I, p. 244; et Mem. de l'Acad6mie des Sciences, t. VIII, p. 553. (3) LUDWIG IDELER. Ueber die Zeitrechnung der Chinesen; dissertation lue a 1'Academie des Sciences de Berlin, fev. 1837; et Berlin, in-4~, 1839. Cf. Journal des Savants, Paris, mai 1840, p. 264 et suiv. (4) J.-B. BIOT, Etudes sur l'astron. indienne et sur l'astron. chinoise; in-8~, Paris, 1862, p. 266. (5) LE GENTIL. Voyage dans les mers de l'Inde, fait par ordre du Roi, etc.; 2 vol. in-40, Paris, 1779, t. I, p. 255 et suiv. (6) TH. COLEBROOKE. Asiatic researches, vol. VIII, 470 et IX, p. 323, 1807.

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- 36 --- Les Siamois (1) avaient egalement 27 mansions; les Perses 27 ou 28 Khordehs. Les Egyptiens, et dans la suite les Coptes (2), connaissaient egalement les 28 constellations. Les Arabes ont-ils puise a ces sources pour constituer leur zodiaque lunaire? Cette opinion, generalement adoptee, a ete combattue par L.-A. Sedillot (3) qui pense que les Hindous et les Chinois ont, au contraire, 'a une epoque assez recente, emprunte aux Arabes les mansions lunaires en les modifiant plus ou moins. Quoi qu'il en soit, le zodiaque lunaire des Arabes est celui qui a atteint le plus haut degre de perfectionnement; nous nous y arreterons specialement, parce que ce sontles Arabes qui ont transmis cette notion aux peuples occidentaux et parce que le zodiaque lunaire arabe est reproduit sur l'astrolabe de Rouen. Que les Arabes aient institue les mansions lunaires d'apres leurs propres observations ou qu'ils les aient empruntees aux Hindous, ils les connaissaient probablement avant l'6tablissement de l'Islamisme. II en est parle dans le Coran, aussi bien que des signes du zodiaque solaire. Ces mansions semblent alors s'identifier avec les levers et les couchers d'ast6rismes que les Arabes ont observe d'abord comnme tous les peuples primitifs et qu'ils appellent les anaoud. Plus tard,vers lafin du vnIe siecle, au moment de leur grand essor scientifique, ils ont approfondi ces connaissances et ont emprunt6 sans doute aux peuples, qu'ils avaient subjugu6s ou avec lesquels ils etaient entres en relation, des notions scientifiques qu'ils ont adapt6es a leur genie national en les perfectionnant. Il existe des traces des relations des Arabes avec les Hindous a cette 6poque, et Reinaud a affirme a Biot (4) que, vers Fan 772, un Hindou (1) DOMINIQUE CASSINI. Anciens Mem. de l'Acad. Roy. des Sc.; t. VIII, p. 234. (2) Le Pere KIRCHER. (Edipus iEgyptiacus; 4 vol. in-f~, Rome, 1652 -1654. (3) L.-A. SEDILLOT. Materiaux pour servir a l'histoire comparee des sciences mathematiques chez les Grecs et les Orientaux; 2 vol. in-8~, Paris, 1845-1849. (4) Journal des Savants, 1840, p. 264.

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- 37 - tres instruit vint a Bagdad a la requete du khalife Almanzor et se mit en relation avec les savants de la region. C'est probablement de cette periode d'elaboration qu'est sortie la forme reglee du zodiaque lunaire arabe, telle que nous la connaissons aujourd'hui, et nous avons ete heureux de retrouver precisement la reproduction du zodiaque lunaire arabe du vIIIe sikcle sur l'instrument que nous decrivons. La plus ancienne enumeration connue des mansions lunaires arabes est celle d'Alfragan (1), au commencement du ixo siecle. Il s'en trouve une autre avec variantes dans Aben Ragel (2). Dans ces ouvrages, les mansions sont nommees avec les etoiles qui les caracterisent, mais designees vaguement, sans latitude ni longitude, souvent sans leurs noms particuliers, sans indications d'usages astronomiques ni astrologiques. Dans Kazwini (3) (mort en 1283), la description est complete et conforme a celle de son contemporain Aboulfarag dit Bar Hebraeus (4) (1226-1286), eveque chretien jacobite qui ecrivait en syriaque et en arabe. Mais c'est grace au remarquable catalogue d'Ulugh-Begh (catalogue de 1430) oui chaque etoile est designee par son nom et par ses longitude et latitude, et grace surtout au savant commentaire de son editeur Thomas Hyde (5) que les etoiles des mansions lunaires ont pu etre identifiees. Voici maintenant, d'apres Kazwini, la double signification mensuelle et annuelle des 28 mansions. D'abord, au point de vue du cours de la lune: la lune habite un de ces domiciles, chaque nuit; elle s'efface la vingt(1) ALFRAGANUS. Elementa astronomica; traduction de GOLIUS, in-40, Amsterdam, 1669, p. 77. (2) Tn. HYDE. Tabuloe Ulug-Beighi commentarii; 1665 (reimpression de 1767, p. 30). (3) KAZWINI. Adjaib al-Makloukat et Bibl. Nat. ms. ar. n0 898, texte arabe et traduction in L. A. SEDILLOT, Materiaux pour servir, etc. T. II, p. 513. (4) ABOULFARAG. Cf. supra, loc. cit. (5) TH. HYDE. Tabule longitudinis et latitudinis stellarum fixarum ex observationibus Ulugh-Beighi; Oxford, 1665, Commentarii, p. 5 et suiv.

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- 38 huitieme nuit, si le mois a 29 jours, ou la vingt-neuvieme, si le mois a 30 jours, et parcourt un domicile sous le voile. Telle est la seule application astronomique lunaire des mansions; o'est une simple constatation du mouvement de la lune parmi les divisions. A l'egard du soleil, les mansions servent de mesure pour la duree de l'annee et d'almanach pour les saisons. Les domiciles de 1 a 14 sont dits Syriens, et, de 15 a 28, Yemeniens. Dans le mouvement diurne, quatorze mansions sont au-dessus de l'horizon et quatorze au-dessous. Les Arabes ~considerent le domicile ascendant qui apparait annuellement a l'aurore sur l'horizon oriental et le domicile descendant qui se couche au meme moment. La descension de chaque mansion se prolonge 13 jours; une seule est supposee disparaitre en 14 jours de fagon a remplir les 365 jours de l'annee. Contrairement a la lune, dont les phases ne sont pas exactement enfermees dans le cycle des 28 mansions, le soleil parcourt exactement les memes 7 domiciles a chaque saison. L'entree du soleil dans les asterismes des mansions,ou plutot le moment oui ces asterismes se degageaient des rayons solaires, presageait le retour periodique des phenomenes atmospheriques et des travaux agricoles particuliers a chaque saison. Les Arahes en effet rattachaient ces circonstances meteorologiques au lever et au coucher annuels des asterismes au moment de l'aube (1). Cette periode, qui durait 13 jours pour chaque man(1) En dehors du lecer et du coucher reels des etoiles, qui sont, pour les astronomes, le passage de l'etoile a l'horizon oriental et a l'horizon occidental, les anciens appelaient lever et coucher cosmiques d'une etoile le passage de l'astre a l'horizon oriental ou occidental au moment du lever du soleil, qui etait comme le commencement du monde (%6loS;).; lever et coucher acronyques, le lever et le coucher de l'etoile au moment du coucher du soleil, c'est-a-dire au commencement de la nuit (ixp6v ',ixoq). Le lever heliaque d'une etoile est la premiere apparition annuelle de cette etoile sur l'horizon oriental, alors qu'elle commence a se degager des rayons du soleil, c'est-a-dire qu'elle se montre visible pour la premiere fois de l'ann6e sur l'horizon oriental vers la fin de la nuit, a l'aube, ou un peu apres. Les Arabes consid6raient aussi le coucher a l'aube de lastre diametralement oppose ou paranatellon. Enfin, le coucher h1liaque d'une etoile a lieu quand cette etoile cesse d'6tre visible sur l'horizon occidental dans le crepuscule du soir, parce que le soleil s'est rapproche d'elle. L'arc qui separe le soleil de l'etoile au jour oil se pro

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- 39 - sion, s'appelait le naou (pluriel, anaoud) de l'asterisme. Avec la succession des siecles, les indications fournies par les anaoua ont perdu de leur exactitude, en raison du recul de la ligne des equinoxes; et, bien que les astronomes arabes aient tenu compte du mouvement de precession, la survivance de dictons populaires sur les mansions a ete la cause des contradictions que l'on rencontre dans les ouvrages qui traitent de ces questions. A cote du role important des mansions soli-lunaires dans l'astrologie naturelle, les Arabes en faisaient un grand usage dans l'etablissement des themes de l'astrologie judiciaire. Sept mansions etaient de nature ignee; sept,de nature aqueuse; sept, de nature aerienne; et sept, de nature terrestre. Certaines sont funestes, d'autres favorables et d'autres d'influence mixte. Enfin, les astrologues etablissaient des pronostics d'apres le s6jour du soleil, de la lune ou des planetes dans les differents domiciles. Apres avoir expose ces notions elementaires sur le zodiaque lunaire des Arabes, nous pouvons aborder l'examen du trace de l'astrolabe. Le tableau circulaire comprend trois zones divisees en 28 parties egales. Dans la zone externe, on lit les noms arabes des mansions;dans la zone moyenne,estinscrit leur ordre numerique; et, dans la zone interne, les ast6rismes correspondants sont figures par des groupes de petits cercles ou de points qui rappellent, d'une maniere approximative, leur apparence reelle. duit le ph6nomene, soit du lever, soit du coucher heliaque, est appele arc de vision. II est mesur6 par l'arc de cercle vertical qui s'etend de l'horizon jusqu'au point ou se trouve le soleil sous l'horizon a l'epoque du phenomene. La grandeur de l'arc de vision est en raison inverse du degre de luminosite de l'etoile ou de la planete; il est de 5 degres pour Venus, de 12 degres pour les etoiles de la premiere grandeur, de 13 degres pour celles de la deuxieme, de 14 degres pour celles de la troisieme, et ainsi de suite, jusqu'a 18 degres, abaissement du soleil qui marque, soit le commencement de l'aurore ou moment de l'aube, soit la fin du crepuscule.

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- 40 - TABLEAU DES MANSIONS LUNAIRES D APRES L'ASTROLABE LONGITUDE NOMSDESMANSONS LEVE COCaE DU COMMENCEMENT D tES MANSIONS 0dans COSMIQUE COSMIQUE, Z mm datis les signes I'Ecliptique ______ D M DM -___ I. 9:3 4 5 (5 7 8 I'I 1:2 '13 14 15 16 1 7 18 19 20 21 22 23 24 25Ir 2)6 27 28 Alnatech.... Albotain.... Alsuri..... AldebrA.... Alihatak.... Alihala.... Aldera. Alnaster..... Altarf.. Alkabat.. Alliarez. Alsarf..... Alhave... Asuniach... Alg~afar..... Azaone Alachala. Alkalat..... Asaula. Alnahal Albetede. AlIdebat Sahialtab'.... Alsaiachi. Aebbla. Almokad Almoaca.. Albiten... 3 3 6 4 2 2 3 4 4 2 I 4 I 3 2 2 '11 9 3 2 3 6 2 2 4 y 22 ~y '18 tj I t) 14~ 0 2 7 6-22 ap 14 nuV 27 " 10 " 22 ]I,18 i-> 144 *,-> 27;~ 10 22 X 18 )( 14 )( 2 7 51 43 26 17 09 51 43 26O '17 09 51 43 26 1 7 09 51 43 34 26 1 7 0.9 10 22 350 48 61 I 74 87 100 112 1253 138 151 16~ '177 -190 202; 21 5 2218 241 254 267 280 292 305 318 ' 331 ' 344 51 43 34 26 1 7 09 5'1 43 34 26 '17 09 51 43 34 i17 69 51 4 3 34 1 7,23 Mars 5 Avril 18 A-vill 2 Mai 15 Mai 28 M-,\ai 1 1 Juinl 2i Tin 7 Juillet 21 Juillet 4 Aoat 16 Aoiit 30 Aoffti '11 S eptembre 2 4 Septembre 7 Octobre 20 Octobre '3 Novembre 15 Novembre 28 Novenibre 1 0 DWcembr'e 23 DNeembre 5 Janvier 18 Janvier 31 Janvier, '12 F~vriev 25 F6-rier 10 M ars 24 S eptembre 7 Octobre '20 Octobre 3 Novembre 15 Novembro 128 Novembre 10 DWcembre 23 Dkcembre 5 Janvier 18 Janvier 31 Jauvier 12 F~vrier 25 F~vrier 10 Mars 23 Mars 5 Avril 18 Avril 2 Mai '15 MaW ~2$ MNai 11 Thin 24 Juin 7 Juillet 21 Juillet 4 Aofit, 16 Aofit 30 Aoist, '11 S eptembre 357- 09 I I - I I I.I - --- -- I

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-,i IDENTIFICATION DES MANSIONS LUNAIRES DES ARABES m p AST9RISMES 0 NOMS ARABES hO DES MANSIONS I 11 I.3 4 6 7 8 9 10 11 12 43 14 15 16 17 ' 9 20 21 22 23 24i 25 26 27 28 Alselieratain Albothain. Altlhorala. Ald~baran. Alhakach... Albanaa.. Alderaa.z.... Alnetrah. ' R' Altarfab.. Aldjebhah.. Alzobrali... Alsarfah.... Alliaoua...... Alsimakh... Alghafar. Alzubana. Alikhlil....... Alkalb. Alschaulali. Alnaaim. Albeldah... z Saal aldabili.. Saad bula.... Saad alsaoud. Saad alakhbia Almokaddam..Almuakkhar.. Bathn aihaut Les deux Mlarques Le Ventre du BM1ier Les P16iades La Suivante Le petit Cercle La Marque bri'l~e Le Bras Le Thorax Le Regard Le Front La Criniire La Ohangeante Le Hurleur Le Soutien La Houppe Les Serres La Couronne Le Cmeur Le Dard Le Troupeau La Plaine La Fostune du Combattant La Fortune qui engloutit La Fortune des Fortunes La Fortune des Tentes (Le Gouleau ant~rieur) (Le Goutean postirieor) Le Ventre dn Poisson p,.',5 El a CL, 0, XI 'ri I p 'r, I CL XI PI )I, CL 76, CL, 7I Ti, CL, 'V. 2 du BiWher 097. du Belier du Taureau et 6 e'toiles du Taureau? " d'Orionio v des G6meaux F3 des G4meaux E, y, 0 du Cancer 5 du Cancer; Xdu Lion 2,;, 5 du Lion 0 du Lion du Lion, ybs de la Vierge de la Vierge C, de la Vierge oc de la Balance 7:, 7 du Scorpion (intark:), a,, du Scorpion uj, du Seorpiosa 0- L, du Sugittaire oI d uSa'itvaire (Lieues. oilese: dii Capricorne E du Verseau; 0, ' du Capricorn4 r4 du Verseau; y, O du Capricorni I, i, 7: du Verseau f de P~gase de Pingase; d'Andreode 0 s-r d'Andramide; Xet dauPoisio1 I I I 't ke le In I I I I - -

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- 42 Nous avons releve dans un premier tableau les particularites qui caracterisent le zodiaque tel qu'il est trace sur l'astrolabe. Dans un second tableau figurent les noms arabes corriges avec leur traduction et les etoiles qui composent les asterismes de chaque mansion, en commencant par la determinatrice. Ce second tableau est complete par la figure des asterismes en projection stereographique sur le plan de l'ecliptique (pl.VI). La projection est presentee par la face convexe de la sphere, de facon a placer la suite des asterismes selon le sens direct, et selon la disposition adoptee sur l'instrument. Cette figure, inedite, montre que les asterismes lunaires sont presque tous choisis dans les asterismes du zodiaque solaire. Ii n'y a d'exception que pour certaines regions du zodiaque depourvues d'etoiles brillantes. Le 5e asterisme est pris dans la partie de la constellation d'Orion, la plus proche du zodiaque; le 26e et le 27e, qui correspondent a la constellation peu lumineuse des Poissons, sont empruntes aux etoiles du carre de Pegase-Andromede. Quant au 28e, il est compos6 d'etoiles appartenant a la constellation d'Andromede et au Poisson boreal; la determinatrice, que les Arabes appelaient le Ventre du Poisson, est probablement. d'Andromede. Le commencement de la premiere mansion a ete place a 100 de longitude, comme sur l'astrolabe. Cette indication est de la plus grande importance pour determiner l'age du zodiaque qui nous est presente, et elle est signalee sur l'instrument par un petit asterisque * grave sur le cote externe du tableau circulaire, au commencement de la premiere mansion. L'etendue de la premiere mansion 6tant d'environ 13 degres, si l'on admet que les d6terminatrices de cette mansion, qui sont les Deux Marques?i et -: du Belier, indiquent le milieu de la mansion, la longitude moyenne de ces determinatrices sera 16030'. Comparons maintenant cette longitude a la longitude moyenne S et 7 du Belier, en l'an 1900, qui est 320; l'ecart de 15030', constat6 dans cette comparaison, correspond a l'amplitude du mouvement de precession pendant 1.112 annees; ce qui nous reporte a l'ann6e 788. Le zodiaque de l'astrolabe serait donc bien de la fin du -viie siecle.

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- 43 - Les noms port6s sur l'astrolabe ne sont pas trop alteres, beaucoup moins que ceux qui se lisent sur les tableaux de la fameuse carte catalane de 1375. La plupart des ast6rismes graves sur l'instrument sont reconnaissables par le nombre et la disposition de leurs etoiles. Certaines etoiles remarquables comme, du Taureau (12e mansion) et l'Epi de la Vierge (14e mansion) sont bien indiquees. La 21e mansion que les Arabes appelaient La Plaine, et qui correspond a un lieu sans etoiles, ou seme d'etoiles tres petites, est signalee par un arc de petits points. Kazwini dit que ce sont des etoiles (( fort obscures que leur disposition a fait nommer al-kaous (l'arc) par quelques Arabes ). D'autres asterismes sont moins faciles a identifier; l'ensemble des figures differe d'ailleurs totalement de celles que Le Gentil a donnees du zodiaque lunaire des Hindous, d'apres les dessins faits de la main meme du brahme qui l'instruisait. La longitude du commencement de chaque mansion dans les signes et dans l'ecliptique est portee dans les deux colonnes medianes du premier tableau. Cette longitude est calculee d'apres une valeur constante de 12o51'25"7 attribuee a chaque mansion, en negligeant les secondes dans les resultats. Le trace de l'astrolabe ne se conforme pas exactement a une division aussi rigoureuse, mais il s'en faut de fort peu; et les mansions cardinales, ire et 15e, 8e et 22e, sont exactement symetriques. Dans les deux dernieres colonnes sont indiques le lever et le coucher cosmiques de chaque mansion, c'est-a-dire les dates auxquelles le commencement de la mansion se leve et se couche au moment du lever du soleil, phenomenes qui ne se produisent qu'une fois l'an. Les Arabes ne consideraient pas le lever et le coucher cosmiques, mais le lever et le coucher a l'aube, c'est-a-dire le passage, soit du commencement de la mansion, soit de l'asterisme meme, a l'horizon oriental ou occidental au moment ouf le crepuscule du matin commen~ait a poindre. Nous avons cependant note les dates des lever et coucher cos

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- 44 - miques, rapportes au commencement de chaque mansion, parce qu'on peut les relever d'une fagon precise sur l'instrument. Ces dates sont separees par des intervalles variant entre 12 et 14 jours. Maintenant quel intervalle les Arabes mettaient-ils entre le lever de l'asterisme a l'aube et le lever du soleil? Il est certain qu'ils rapportaient leurs observations a l'asterisme meme, occupant le milieu de la mansion, et non aux divisions geometriques marquant le commencement de chaque mansion, divisions invisibles dans le ciel. I1 est, d'autre part, probable qu'ils s'arretaient au ph6nomine physique apparent qui est la premiere apparition annuelle de l'asterisme sur l'horizon oriental. Le lever de l'asterisme a l'aube pourrait ainsi etre rapproch6 du lever heliaque, a une nuance pres cependant. En effet, l'aube ou le commencement du crepuscule du matin est un temps bien defini; il correspond au moment ou le soleil arrive a 18 degres au-dessous de l'horizon oriental, tandis que le lever heliaque d'une etoile, etant l'epoque a laquelle elle devient visible en se degageant des rayons du soleil, varie selon l'eclat de cette etoile. Plus elle est lumineuse, plus la date de sa premiere apparition annuelle sur l'horizon oriental est precoce. Elle peut se montrer visible, alors meme qu'elle monte sur lhorizon un certain temps apres le commencement du crepuscule du matin. Au contraire, un asterisme de peu d'eclat ne pourra etre vu sur l'horizon, oi il monte, que quand le soleil se sera assez eloigne de lui pour que la clarte de l'aurore soit tres legere au moment de l'ascension de l'asterisme, et la date de cette apparition sera relativement plus tardive que pour un astre tres brillant. L'elongation des differents asterismes des mansions en lever heliaque, c'est-a-dire leur distance angulaire apparente du soleil, au moment du phenomene, n'est done pas une valeur constante. Les Arabes avaient du cependant la ramener, en moyenne, a l'etendue d'une mansion. De cette fagon, la date du lever a l'aube de l'asterisme de la premiere mansion cor

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- 45 - respondait au lever cosmique de la deuxieme et ainsi de suite (1). Comme les asterismes ne sont pas separes par des intervalles egaux et que l'obliquite de leur ascension est elle-meme variable, on trouve des intervalles assez irreguliers entre les coascendants de l'equateur pour ces differents asterismes. Et, bien que les Arabes aient utilise leur mouvement sur l'horizon pour calculer l'heure de la nuit (2), il est certain que cette observation ne pouvait fournir que des resultats assez grossiers. Mais, pour la mesure de l'annee, la marche des asterismes etait purement conventionnelle et etait rapportee d'ailleurs aux divisions geometriques de l'ecliptique. Cette marche gardait, en somme, une concordance suffisante avec le retour des phenomenes m6teorologiques des saisons. Si l'on veut trouver l'epoque du lever ou du coucher d'un asterisme a l'aube par le moyen de l'astrolabe, voici comment on procedera. On placera la ligne de foi d'une des alidades mobiles du (1) Nous trouvons une application tres moderne des mansions lunaires des Arabes dans un texte autographic au Caire en l'an 1315 de l'hegire (1898 de l'ere chret.) et adapt6e a l'ann6e copte. (Les mansions lunaires des Arabes, texte arabe en vers de MOHAMMED EL-MOQRI, traduit et annote par A. DE C. MOTYLINSKI, in-80, Alger, 1899.) L'auteur arabe, donnant la date des levers des mansions, dit que l'ast6risme de la premi6re mansion ( se leve a l'aube sans confusion le deuxieme jour de Bechnas. )) Le 2 Bechnas de l'annee copte 1614 correspond au 9 mai 1898 (gregor.) et par consequent au 2 mai du calendrier julien sur l'astrolabe que nous etudions. Le 9 mai, la longitude, du soleil est 480. A la latitude du Caire (30~), ce 480 de longitude dont l'ascension droite est 460, se leve avec le 35~30 de l'6quateur; la difference ascensionnelle est 46~ - 35~30 = 10030' ou 42 minutes. Le soleil se leve donc a 5h18m. - En raison de l'obliquite de l'horizon, l'asterisme de la premiere mansion (a,, du Belier) se leve, a notre epoque, a peu pres avec le 16~ de l'equateur sur l'horizon du Caire. La difference entre le coascendant (160) de l'asterisme et l'ascension droite (460) du soleil au 9 mai est de 30 degres valant 2 heures. Le lever de l'asterisme a l'aube a done lieu le 9 mai a 4 heures du matin. Ace moment le soleil est a environ 16 degres (vertical) audessous de l'horizon. D'autre part, le lever du soleil au 9 mai coincide a peu pres avec le lever cosmique de l'asterisme de la deuxi6me mansion. (2) Quatorze mansions se levant en 12 heures de temps ou heures inegales, chaque mansion se leve en 6/7 d'heure inegale, et pendant une heure, il se leve une mansion et 1/6.

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- 46 - plateau sur le milieu de la mansion qui precede celle de l'asterisme propose, et cette ligne de foi marquera sur le cercle des jours la date a laquelle se produit le phenomene de la premiere apparition annuelle de l'asterisme sur l'horizon oriental l l'aube du jour. Le point oppose ou nadir de ce jour par rapport au centre du zodiaque de l'astrolabe, marquera sur sur le cercle des jours la date du coucher a l'aube pour le meme asterisme. Cherchons par exemple la date du lever a l'aube de l'asterisme de la 20e mansion. En amenant l'alidade sur le milieu de la 21e, nous lirons 17 decembre qui correspond a notre 24 decembre, puisque l'equinoxe de printemps est au 13 mars sur l'astrolabe. Kazwini dit precisement que l'apparition de cet asterisme coincide avec le commencement de l'hiver. D'une fanon gen6rale, par le jeu des alidades, on pourra se rendre compte de la position des asterismes dans le ciel a tel ou tel jour. En amenant une alidade sur un jour donne, cette alidade representera l'horizon oriental pour le lever du soleil. ou occidental pour le coucher au jour donne.On tournera l'instrument de faqon a placer au-dessus de la ligne de foi de cette alidade soit l'arc diurne, si on considere le lever, soit l'arc nocturne si on considere le coucher, et on verra quels asterismes sont au-dessus ou au-dessous de l'horizon. Si l'operation se fait de nuit, on notera quel asterisme se trouvait au meridien et quel autre a l'horizon occidental au coucher du soleil; et, d'apres l'asterisme que l'on voit au meridien ou a l'horizon a un moment donne de la nuit, on pourra deduire l'heure. Prenons par exemple la nuit du 23 septembre: l'alidade etant placee sur cette date, nous constatons que l'asterisme de la 14e mansion (l'Epi de la Vierge) s'est couche avec le soleil. A cet instant, l'asterisme de la 21e mansion etait au meridien. Si, a un moment donne de la nuit, nous voyons au meridien l'asterisme de la 26~ mansion ou, a l'horizon occidental, l'asterisme de la 19e, nous en deduirons qu'il s'est

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- 47 - ecoule 5-6 d'heure de temps depuis le coucher du soleil et qu'il est, par consequent, 4 heures inegales 2/7. Nous avons insiste un peu longuement sur l'examen du zodiaque lunaire en raison de l'importance du document fourni par l'astrolabe. Il nous reste a rechercher comment cette institution s'est propagee dans le monde occidental. Nous reviendrons sur cette question quand nous chercherons a etablir l'age et l'origine de l'instrument. ~ II. - LA TABLE PASCALE (pl. I) Le second systeme, qui embrasse tout le reste du trace circulaire du dos de l'astrolabe, est enveloppe par le systeme soli-lunaire que nous venons de decrire, mais reste completement independant de ce dernier. C'est une sorte de table perpetuelle qui sert a trouver la date de la fete de Paques pour une annee quelconque du calendrier julien. Cette table est composee de six zones circulaires ou de six colonnes recourbees en cercle pour s'adapter a la forme generale du trace. La fin du tableau rejoint ainsi le commencement et la separation est indiquee par un grand trait continu de division qui traverse les six zones. La premiere zone circulaire qui est la plus externe est divisee en deux parties inegales; dans l'une on lit le mot MARTIVS dont la premiere lettre marque le commencement du tableau; et dans l'autre le mot APRILIS, dont la derniere lettre a ete rejetee a la fin du tableau. Les trois zones suivantes sont uniformement partagees en 36 cases par des traits de division communs. Dans la zone 2, on trouve la suite des dates comprises entre le 22 mars et le 25 avril. Une case est laissee vide pour le 21 mars; nous en dirons ulterieurement la raison. La zone 3 contient les lettres dominicales affectees aux quantiemes au-dessous desquels elles sont inscrites et la case correspondant au 21 mars est restee vide. Enfin, dans la zone 4 sont inscrits des chiffres qui sont des

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-48 - nombres d'or empruntes au calendrier julien, mais ne correspondant pas aux quantiemes portes dans la zone 2. Les deux dernieres zones, plus voisines du centre, sont partagees en 28 cases oui figurent les lettres dominicales des 28 annees du cycle solaire. Ces lettres se suivent dans l'ordre retrograde, conformement a la disposition normale des lettres dominicales des annees. Ces deux zones sont separees des precedentes par un double filet indiquant qu'elles constituent une partie distincte dans le tableau. Les differentes notations inscrites dans ces six zones forment entre elles une combinaison qui permet de retrouver la date de la fete de Paques dans le calendrier julien; mais, avant de faire connaitre le mecanisme de cet arrangement, il importe de rappeler comment se sont etablies les reglesqui fixent la date de la fete de Paques et comment on trouvait cette date dans le calendrier julien de l'Eglise. Le developpement de ces explications eclaircira progressivement le sens des differentes parties de la table perpetuelle de l'astrolabe et quelques lignes suffiront ensuite pour en faire comprendre la pratique. A l'egard de la date de la fete de Paques, jusqu'au premier quart du IVe siecle, aucune entente n'etait encore survenue entre les chretiens d'Orient et les chretiens d'Occident. En Orient, on suivait, d'une faQon generale, le comput des Juifs. Vers l'an 277, l'Eglise d'Alexandrie, tirant parti du cycle des 19 annees solaires qui ramene les nouvelles Lunes aux memes epoques dans les annees solaires et aux memes dates dans le calendrier julien, decida que la Paque serait celebree apres l'equinoxe de printemps, dans les limites comprises a la fois entre le xve et le XXIIe jour de la Lune et entre le 22 mars et le 25 avril. Cette regle ne fut pas d'abord adoptee par les chretiens d'Occident. En 325, le Concile general de Nicee, desireux de mettre fin aux divergences qui existaient dans l'Eglise a propos de la fete de Paques, etablit que cette fete serait celebree le mnme

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-49 - jour dans toute la chretiente et qu'elle ne devrait, en aucun cas, coincider avec la Paque juive. Les Peres du Concile ne formulerent aucune aufre regle, ou du moins on n'en trouve pas trace dans les textes qui nous sont parvenus (1). Mais ces regles etaient deja de tradition; et, pour se conformer a l'uniformite recommandee par le decret du Concile, on adopta celles qui avaient ete donnees par les chretiens d'Alexandrie, ville qui passait alors pour le principal foyer scientifique. Cependant, apres plus d'un siecle, l'accord n'ayant pu s'etablir entre les diverses Eglises, le pape Hilaire, vers l'an 465, prit en consideration les calculs d'un savant computiste, Victorius d'Aquitaine. Ce pretre avait compose, en 457, a l'occasion de la difference qui s'etait produite au sujet de la Paque de 455 entre les Grecs et les Latins, un cycle pascal, ou revolution de 532 annees, forme en multipliant le cycle solaire 28 par le cycle lunaire 19. Ce cycle qui prit le nom de periode victorienne renferme toutes les combinaisons possibles de la lettre dominicale avec le nombre d'or et ramene, dans le calendrier julien, la fete de Paques et les nouvelles Lunes aux memes dates annuelles. Victor avait place le point de depart du cycle a l'an 28 de notre ere, annee qui, d'apres lui, etait celle de la Passion de J.-C. En l'an 527, Denys-le-Petit reporta le commencement du cycle pascal a l'annee de l'Incarnation, annee qui precede immediatement la premiere de l'ere chretienne. Sur sa proposition, le comput des Alexandrins fut adopte a Rome et l'usagdu cycle de 19 ans fut definitivement introduit dans le calendrier. L'an 1 de notre ere correspond donc a l'an 2 de la periode dionisienne qui sert encore aujourd'hui pour le calcul du nombre d'or. Toutefois, les supputations de Denys n'eurent d'abord (1) Trois documents contemporains seulement subsistent sur cette question: 1~ la lettre synodale adressee a l'Eglise d'Alexandrie; 2~ la lettre circulaire de l'empereur Constantin aux eveques a l'issue du concile; 3~ deux passages des ecrits de saint Athanase. Cf. L. DUCHESNE. La question de la Paque au concile de Nicee; Revue des questions historiques, t. XXVIII (1880), p. 5-42. - GIRY. Manuel de Diplomatique; in-4~, Paris, 1894, p. 131-160. 4

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- 50 que peu de succes dans les Gaules, ou, jusqu'a la fin du vIIe siecle, on leur prefera les tables pascales de Victorius. Ce n'est qu'a la fin du ixe siecle que l'unification rituelle s'etablit dans toute la chretiente et que les regles du comput d'Alexandrie, consacrees par le Concile de Nicee, furent universellement et pour toujours appliquees dans l'Eglise. Elles peuvent se r6sumer ainsi: 1o Le 21 mars est repute le jour de l'equinoxe de printemps. 20 La Lune, comptee suivant les regles du calendrier julien, dont le XIVe jour tombe le 21 mars, ou aussit6t apres, est la Lune pascale. 30 La Fete de Paques se celebre le dimanche qui suit le xIve jour de la Lune pascale; et, si ce XIVe jour tombe un dimanche, la fete est reportee au dimanche suivant. La nouvelle Lune pascale ne peut done arriver avant le 8 mars, car sans cela le XIVe jour tomberait avant le 21 mars, ni apres le 5 avril, parce que dans ce cas elle suivrait une lunaison dont le xive jour arriverait apres le 21 mars et qui serait la Lune pascale. Le xIve jour de la Lune pascale, qu'on obtient en commenqant a compter un le jour meme de la nouvelle Lune, deux le jour suivant et ainsi de suite, porte aussi le nom de pleine Lune pascale ou de terme pascal. La nouvelle Lune pascale etant ainsi limitee entre le 8 mars et le 5 avril, le terme pascal le sera entre le 21 mars et le 18 avril. Or, comme le 21 mars peut tomber un samedi et le 18 avril un dimanche, il en resulte que la fete de Paques a pour limites extremes le 22 mars et le 25 avril. En resume, les dates extremes a retenir sont les suivantes Nouvelle Lune pascale, du 8 mars au 5 avril. Pleine Lune pascale, du 21 mars au 18 avril. Fete de Paques, du 22 mars au 25 avril. Les limites de la fete de Paques ainsi fix6es, pour avoir la date de cette fete dans une annee du calendrier julien, il fallait d'abord determiner celle de la nouvelle Lune pascale de

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- 51 - l'annee proposee. On y parvenait, dans l'ancien calendrier, par le moyen du cycle lunaire ou nombre d'or. Le cycle lunaire ou nombre d'or est une periode de 19 annees solaires comprenant 235 lunaisons, periode apres laquelle les nouvelles Lunes reviennent dans le meme ordre et aux memes dates dans le calendrier. La decouverte ou la revelation de <-e cycle est attribuee, a Methon en l'an 439 avant J.-C. On admettait anciennement que, apres chaque periode, les nouvelles Lunes revenaient non seulement aux memes jours, mais encore aux memes instants. Quod verum non est, dit le Reformateur de 1582. En effet, le cycle des 235 lunaisons que renferme le nombre d'or se termine lh28m38 plus tot que les 19 annees solaires juliennes du cycle et la difference est de un jour en 312 ans 1/2 (1). Mais, en negligeant cette inegalite, on pouvait adapter le cycle lunaire au calendrier et obtenir une combinaison simpliste qui se reproduisait exactement tous les 19 ans. Cette adaptation fut faite des les premiers siecles de l'Eglise par les chretiens d'Orient qui prirent pour premiere annee du cycle celle dans laquelle la nouvelle Lune pascale arrivait le 23 mars. Lorsque Denys-le-Petit proposa sa reforme en 527, il plaga, comme nous l'avons dit, la premiere annee du premier cycle lunaire de sa periode a l'annee de l'Incarnation, c'esta-dire que la premiere annee de l'ere chretienne, etant la deuxieme du cycle, a pour nombre d'or: 2. D'ou cette regle observee depuis pour trouver le nombre d'or d'une annie: ajouter un au millesime et diviser par 19; le reste est le nombre d'or de l'annee. Si le reste est zero, le nombre d'or est 19. D'autre part, en conservant le 23 mars comme jour de la premiere nouvelle Lune qui etait la premiere Lune de la (1) On s'etait apercu rapidement de cette imperfection et, des le vIIe siecle, un historien anglo-saxon, Bede-le-Venerable avait propos6 un systeme de correction. Aux XIIIe, XIVe et xve siecles, la nouvelle lune du calendrier retardait de 4 jours, en moyenne, sur la nouvelle lune astronomique.

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- 52 - premiere annee du cycle de 19 ans pour les chretiens d'Orient. une nouvelle Lune arrivait le er janvier de la troisieme annee du cycle. Les chretiens d'Occident commengant, avec les Romains, l'annee au ler janvier, on inscrivit le chiffre 3 a cote du er janvier; c'etait le premier nombre d'or que l'on trouvait dans le calendrier perpetuel julien de l'Eglise. En faisant succeder les 235 lunaisons comprenant des Lunes alternativement pleines (30 jours) et caves (29 jours) et des lunes intercalaires ou embolismiques de 30 jours destinees a egaler la duree des 19 annees solaires a celle des 235 lunaisons. on marqua dans le calendrier perpetuel les jours des nouvelles Lunes en inscrivant a cote de ces jours le nombre d'or de l'annee (1). Les 235 nouvelles Lunes, etant ainsi placees parmi les 365 jours de l'annee du calendrier perpetuel, indiquaient toutes les dates possibles de la nouvelle Lune dans le cycle de 19 ans. I1 restait un certain nombre de jours a c6te desquels il n'y avait pas de nombre d'or, et ces jours ne devaient jamais coincider avec l'epoque d'une nouvelle Lune. L'observation demontra bientot l'absurdite de cette donnee, mais elle restait admise conventionnellement. Quoiqu'ilen soit, selon le calendrier julien, pour connaitre les dates des nouvelles Lunes d'une annee, et en particulier celle de la premiere nouvelle Lune qui arrivait a partir du 8 mars, ou Lune pascale, il suffisait de trouver le nombre d'or de l'annee par la petite operation indiquee, puis de chercher dans le calendrier perpetuel les jours a cote desquels etait inscrit ce nombre d'or. Le tableau suivant, par ses colonnes I,II et 4, est une partie du calendrier perpetuel julien, comprise entre le 8 mars et le 5 avril, limites de la neomenie pascale. Nous l'avons complete en ajoutant le terme pascal (colonne 2) qui est le xIVe jour h partir du quantieme porte dans la colonne I, et dans la co(1) Les regles pour placer les nombres d'or dans le calendrier ont ete donnees en vers latins par les anciens computistes. On en trouvera le resum6 dans l'Annuaire du Bureau des Longitudes, annee 1905, p. 72.

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- 53 - lonne 3 les lettres dominicales correspondant aux dates du terme pascal de la colonne 2. Ces colonnes 2 et 3 ont, d'ailleurs, ete prolongees jusqu'au 25 avril, date ultime possible de la fete de Paques. TABLE PERPETUELIE PASCALE JULIENNE I I-I I I I II 4 3 2 I II 4 3 2 1 - -0 I a -: 0 | S Mars 1)D 6 26 Mars A G 8 () E 5 D 22 1 37 B 17 A 9 10 F E 23 18 C 6 B 10 11 G i3 F 24 29 D C 11 12 A 2 G 25 30 E 14 D 12 13 B A 26 3 31 F 3 E 13 14 C 10 B 27 1 Avril G F 14. 15 1) C 28 2 A 11 G 15!6! E 18 D 29 ' 3 B A 16 17 F 7 E 30 V 4 C 19 B 17 18 G F 31 5 D 8 C 18 19 A 15 G 1 D 19 20 B 4 A 2 E 20 21 C B 3 1 F 21 22 D 12 C 4 ~ G 22 23 E 1 D 5 A 23 24 F E 6 B 24 25 G 9 F 7. C 25,; D. -,.,,..,, En rapprochant ce tableau de la table circulaire de l'astrolabe, on constatera que les colonnes 1, 2, 3 et 4 de notre tableau reproduisent les quatre zones circulaires exterieures dont l'ensemble est partage inegalement par les mots MARTIVS et APRILIS. Au contraire, les colonnes I et II qui renferment les dates des nouvelles Lunes pascales avec les lettres dominicales correspondantes ne sont pas portees sur la table circulaire.

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- 54 Seuls les nombres d'or se rapportant a ces dates sont inscritS dans la quatrieme zone circulaire; et ils s'arretent au niveau des dates ultimes possibles, soit de la nouvelle Lune pascale (5 avril sur notre tableau), soit de la pleine Lune pascale (18 avril sur la table circulaire). On remarquera aussi que sur notre tableau, aussi bien que sur la table de l'astrolabe, on n'a inscrit ni date ni lettie dominicale en regard du nombre d'or 16, parce que, ce nonibie d'or correspondant au 8 mars, le xIve jour suivant est le 21 mars, jour qui ne peut etre celui de la fete de Paques. Le terme pascal etant d6termin6, un nouvel element est encore necessaire pour fixer le jour de la fete de Paques: c'est la date du dimanche qui suit immediatement le terme pascal. On l'obtient par le moyen des lettres ldomninicales et du cycle solaire. Les lettres dominicales sont les premieres lettres de l'alphabet: A, B, C, D, E, F, G, au nombre de 7, comme les jours (de la semaine, que l'on inscrit successivement et en series repetees d'une maniere continue en regard de chaque jour, a partir du 1 er janvier jusqu'au 31 decembre. La lettre dominicale d'une annee est celle en regard dle laquelle se trouve le premier dimanche de l'ann6e. Par exemlple si le premier dimanche tombe le 3 janvier, la lettre dominicale de l'annee est C. Tous les jours marques dans le calendrior par cette lettre seront des jours de dimanche pour cette annriela. L'annee de 365 jours renferme 52 semaines et un jour: I, 31 decembre est done marque par un A comme le l r janvier. Par suite de ce jour en exces, si une annee commence par un dimanche, la lettre dominicale etant alors A, l'annee suivante commencera par un lundi et le premier dimanche de cette seconde annee tombe le 6 janvier marque par la lettre G. La lettre dominicale de l'annee recule done d'un rang en passant d'une annee a l'autre. Les annees bissextiles, a cause du jour intercalaire de fevrier, ont deux lettres dominicales, dont la premiere est

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- 55 valable du ler janvier a la fin de fevrier et la seconde du Ier mars a la fin de l'annee. Si toutes les annees n'avaient que 365 jours, les lettres dominicales des annees reviendraient a la meme place dans le calendrier de 7 en 7 ans; mais la presence d'une annee bissextile tous les 4 ans fait que cette repetition ne peut se produire qu'apres 4 fois 7 ans. La periode de 28 annees, qui ramene les lettres dominicales dans le meme ordre, porte le nom de cycle solaire, et cette desigation, sans rapport aucun avec le soleil, tire son origine de ce que le dimanche, auquel est attachee la lettre dominicale de l'annee, etait appele autrefois le jour du soleil (dies solis, sunday, Sontag). Le type d'association des lettres dominicales avec les annees du cycle solaire, type qui se reproduit tous les 28 ans, a ete etabli de la faqon suivante: on attribua la lettre A a la 28e annee et l'on fit suivre les lettres dans leur ordre naturel en remontant vers la Ire annee, conformement a la retrogradation des lettres dominicales. Tous les 4 ans, on plaga deux lettres en regard du cycle solaire correspondant. TABLE PERPETUELLE DES LETTRES DOMINICALES DU CYCLE SOLAIRE 1 2 3 4 6 7 8 9 10 1 12 13 14 F E D C A G F E C B A G E D G B D F 15 16 17 48 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 C 1 G F E D B A G F D C B A A C E On remarquera que les lettres du tableau ainsi forme sont inscrites selon le meme ordre dans les deux zones centrales de la table circulaire de l'astrolabe. La premiere annee du cycle solaire est bissextile, avec les deux lettres dominicales G F. Ces deux lettres marquent le commencement du tableau sur l'astrolabe et l'on comptera les cases a partir de ce point en suivant dans le sens retrograde

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56 pour trouver la lettre dominicale correspondant a un cycle solaire connu. Le cycle solaire a ete place dans la suite des annees de l'ere vulgaire, d'apres les supputations de Denys-le-Petit, en admettant que la premiere annee de l'ere chretienne correspondait a la dixieme annee d'un cycle. On voit que l'an 1 avait B pour lettre dominicale, et que, d'apres la table, les ans 4, 8, 16, etc., sont bissextiles. Pour trouver le cycle solaire (1) d'une annee, on observe la regle suivante: ajouter 9 au millesime et diviser par 28, le reste est le cycle solaire. Si le reste est zero, le cycle solaire de l'annee est 28. Le cycle solaire d'une annee une fois connu, on obtenait immediatement la lettre dominicale par la table perpetuelle de l'astrolabe. Les explications un peu longues que nous avons donn6es montrent comment on peut trouver, sur le calendrier julien, le nombre d'or et la lettre dominicale d'une annee, elements necessaires pour fixer la date de la fete de Paques dans cette annee. Nous avons en meme temps fait comprendre comment a ete construite la table perp6tuelle de l'astrolabe; quelques mots suffiront maintenant pour en faire saisir 'usage. Etant connus le nombre d'or et la lettre dominicale pour une certaine annee, on cherche, a partir du commencement de la table, dans la zone qui contient les nombres d'or, le chiffre correspondant au nombre d'or donn6; la date inscrite audessus est le terme pascal. Puis, continuant dans le mrme sens, on s'arrete a la lettre dominicale donn6e; la date de la fete de Paques se lit au-dessus de cette date. Cette petite manoeuvre pouvait etre execut6e m6caniquement au moyen d'une des alidades mobiles du plateau. Faisons par exemple cette recherche pour F'annee 1370. Nombre d'or: 1370 + 1 = 1371 divise par 19 donne pour reste 3. (1) Le cycle solaire est la periode de 28 ans; le cycle solaire d'une annie est le rang de cette annee dans la p6riode.

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- 57 Cycle solaire: 1370 + 9 = 1379 divise par 28 donne pour reste 7; la lettre dominicale correspondante est F, dans la septieme case de la partie centrale de la table. Cherchons, dans la zone des nombres d'or, le chiffre 3 et nous lisons au-dessus: 13 avril pour le terme pascal. A partir de ce point, en suivant dans le sens retrograde, cherchons la lettre F; nous trouvons au-dessus 14 avril comme date de la fete de Paques en l'annee 1370. DEUXIEME PARTIE Le Compas lunaire (pl. II) Les traces, que nous venons d'analyser sur la surface du plateau de l'astrolabe, ne donnent a l'instrument aucun caractere particulier. Sur l'astrolabe circulaire classique, on rencontre constamment le zodiaque solaire et le cercle [des jours, quelquefois le zodiaque lunaire et quelque fragment du calendrier perpetuel, rarement aussi complets que ceux que npus avons decrits; mais ces traces ne donnent que des renseignements astronomiques ou civils d'une signification generale. Il n'en est pas de meme pour l'appareil mobile qui occupe le centre du plateau de l'astrolabe de Rouen. Nous avons bien remarque que les alidades de cet appareil sont utilisees pour la lecture des indications fournies par les zodiaques, le cercle des jours et la table pascale, mais ce n'est la qu'un role accessoire. Associees aux graduations du plus grand disque mobile, elles constituent, au contraire, un organe destine a des usages speciaux qui se rapportent aux phases de la lunaison et aux mouvements des marees. La forme et l'usage de cet appareil nous semblent assez exactement definis par le nom de compas lunaire que nous lui attribuons, et la presence de cet organe sur l'astrolabe de Rouen est une des caracteristiques de la destination nautique de l'instrument. Suivant la methode que nous avons adoptee, nous commen

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-58 cerons par etablir la theorie de l'appareil avant d'entrer dans le detail de ses applications. Le mouvement propre apparent du soleil et de la lune autour de la terre se fait dans le meme sens pour les deux astres, de l'Ouest a l'Est, mais avec des vitesses differentes, puisque le soleil accomplit cette revolution en 365 jours 1 /4 et la lune en 27 jours 1/3. A certains moments, qui sont ceux des Nouvelles Lunes. ies deux astres se trouvent en conjonction, c'est-a-dire dans le meme cercle de longitude geocentrique; mais la lune, dont la marche est environ treize fois plus rapide, se separe bient(t du soleil et s'en eloigne de jour en jour. Lorsque la lune s'en est eloignee de 90 degres, elle est dite au Premier quartier, qui a lieu dans le 8e jour apres celui de la conjonction. Au 15e jour, le lune arrive en un point diametralement oppose a la position du soleil dans l'ecliptique; elle en est a ce moment separee par une distance angulaire de 180 degres, et ce moment est celui de l'opposition ou Pleine Lune. Puis la lune, continuant son mouvement circulaire progressif, se rapproche du soleil. Dans le 23e jour, elle n'en n'est plus separee que par une distance angulaire de 90 degres (270 degres dans le sens direct) et cette phase est le Dernier quartier. Enfin, elle atteint le soleil et le depasse de nouveau. Le temps, qui s'ecoule entre deux conjonctions ou deux oppositions successives, ou d'une faqon generale entre deux phases successives de meme nom, est la revolution synodique de la lune; il est, comme nous l'avons dit precedemment, de 29 jours 1/2 environ. Ces 29 jours et demi sontrepresentes par les 29 divisions et demie gravees sur le limbe du plus grand disque mobile sur le plateau de l'astrolabe. La ligne de foi de l'alidade qui fait corps avec ce disque passe par le commencement de la premiere division; elle marque done la phase de conjonction et aussi la position du soleil par rapport a la lune. Comme, dans la pratique, on aura surtout a mesurer le temps qui s'ecoule entre le passage du

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- 59 - soleil et celui de la lune au meridien superieur et que cette comparaison a pour terme fixe l'heure de midi qui est l'heure du passage du soleil au meridien, nous appellerons cette alidade, l'alidade solaire ou meridienne. Les divisions gravees sur le limbe du grand disque mobile indiquent la distance angulaire de la lune au soleil par rapport a la terre ou l'elongation aux differents jours de la lunaison, et la seconde alidade attachee au petit disque mobile, etant amenee sur le jour correspondant a l'age de la lune, marquera l'6longation de la lune au jour consid6re; nous l'appellerons donc l'alidade lunaire ou d'elongation. L'angle forme par les lignes de foi de ces deux alidades, qui s'ecartent a la maniere des branches d'un compas, est mesure par le cercle gradu6 exterieur du trace circulaire grave sur le plateau (pl. II). Ce cercle gradue perd alors sa signification premiere; il ne represente plus le zodiaque, mais seulement les 360 degres du cercle diurne ou les 24 heures du jour, chaque degre equivalant a 4 minutes d'heure, et 15 degres a une heure. En divisant par 29,5 les 360 degres ou les 24 heures, on obtient la valeur du progres de l'longation de la lune ou le retard de son passage au meridien apres le soleil, pour un jour de lunaison. Les pilotes qui recherchent souvent cette mesure donnaient autrefois 30 jours a la lunaison de faeon a obtenir, comme resultat de la division du cercle, des nombres simples; la trentieme partie du cercle ou des 24 heures etant exactement de 12 degres ou de 48 minutes d'heure, Les divisions plus rigoureuses adoptees sur l'astrolabe donnent aussi des r6sultats plus precis; mais cette precision plus grande n'est veritablement appreciable que si la mesure porte sur un certain nombre de jours. En fait, les pilotes 6valuaient le retard journalier de la lune a 48 minutes, et meme a 45 minutes pour simplifier leurs calculs approch6s. L'ecartement angulaire des deux branches du compas lunaire marque donc soit l'age de la lune, c'est-a-dire le nom

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- 60 bre de jours ecoules depuis le commencement de la lunaison, soit le retard du passage de la lune au meridien superieur sur le passage du soleil qui est cense passer au meridien toujours avant la lune. Et la connaissance d'une de ces donn6es permettait d'obtenir l'autre immediatement. La lune passant par exemple au meridien a 8h du soir, c'est-a-dire 8 heures apres le soleil, ces 8 heures, a 15 degres par heure, valent 120 degr6s d'ecartement. En ouvrant le compas lunaire de 120 degres, on voit que la lune a environ dix jours. Dans l'autre cas, on sait par exemple que la lune a 21 jours d'age et l'on demande a quelle heure elle passe au meridien superieur. L'alidade lunaire etant placee sur le trait 21, il faut compter sur le cercle gradue du plateau le nombre de degres compris entre les lignes de foi des deux alidades. Comme ce cercle gradue est divise en signes du zodiaque de 30 degres, chaque signe vaudra 2 heures. On trouve entre les deux alidades 8 signes et demi, valant 17 heures; la lune passera done au meridien sup6rieur 17 heures apres le soleil, c'est-a-dire a 5 h. du matin. La connaissance de l'age de la lune sert aux pilotes a trouver l'heure des marees. Pratiquement, on obtient d'une maniere suffisamment approximative l'heure de la pleine mer dans un port, en ajoutant l'age de la lune converti en heures a ce que les anciens pilotes appelaient la Situation de ce port. Pour eux, la Situation d'un port ou d'un lieu d'une cote marine 6tait ce que nQus appelons 1'Etablissement du lieu ou bien l'Etablissement de la maree en ce lieu. C'est l'heure de la pleine mer en ce meme lieu, lors des jours de nouvelle ou de pleine Lune, qui sont des epoques ou cette pleine mer y revient a la meme heure. Les marees qui correspondent a ces phases de la lune sont dites marees de syzygies; celles qui correspondent aux phases du premier et du dernier quartier sont dites marees de quadratures. La Situation ou l'Etablissement d'un port, qui varie

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- 61 - beaucoup d'un lieu a un autre, se deduit d'observations reiterees dont on prend la moyenne. Pour exprimer la situation des differents ports, les marins d'autrefois se servaient d'une nomenclature empruntee a la rose des vents: (( Les gens de mer, dit le Pere Fournier, sont tellement attaches a leurs mots de Nord, Sud, Est et Ouest, que non seulement par iceux ils expriment quelle est la situation de chaque lieu, mais de plus les heures du jour (1). ) Dans ce but, ils avaient applique la rose des vents sur le cadran des 24 heures du jour en plagant le Sud au point de Midi, le Nord a Minuit, l'Est a VI h. du matin et l'Ouest a VI h. du soir. Chacun des 32 rumbs de vent (2) valait ainsi 45 minutes d'heure; chaque aire de vent correspondait a une heure donnee et les aires de vent opposees avaient la meme heure, le cadran comprenant deux fois 12 heures comme le jour comporte deux marees. Ainsi S.-E. et N.-O. valaient IX h.; S.-S.-E. et N.-N.-O. valaient X h. 1 /2, etc. On commengait a compter la valeur des rumbs, du Nord au Sud par l'Est, ou du Sud au Nord par l'Ouest, dans le sens de la marche des aiguilles d'une montre et inversement au sens de l'ecartement progressif de la lune par rapport au soleil (fig. 1). Pour un port oui les marees de syzygies se produisaient a IX h. du matin, ou IX h. du soir, les pilotes disaient que la situation de ce port etait S.-E. et N.-O., ou que la maree de nouvelle lune ou de pleine lune avait lieu dans ce port quand la lune etait situee S.-E. et N.-O. La lune etait S.-E. ou N.-O. sur le cadran des heures avec le soleil a la nouvelle lune, ou diametralement opposee au soleil a la pleine lune. En dehors des marees de syzygies, quand la lune s'est eloi(1) FOURNIER. Hydrographie, p. 333. (2) Le rumb de vent est la quantite angulaire de 11~15' qui existe entre chacun des 32 rayons men6s du centre a la circonference de 1'horizon et nommes aires de vent. Autrefois on consid6rait, dans la rose des vents assimilee au cadran des heures, soit 8 rumbs entiers valant chacun 45 degres ou 3 heures; soit 16 demi-rumbs de 22 degres 30 min., ou 1 h. 1 /2; soit 32 quarts de rumbs de 11 degres 15 min. ou 45 minutes d'heure.

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- 62 - gnee du soleil, comme c'est 1'heure de la lune quirgle le Mouvement de la mare'e, la mer sera touj ours pleine dans ce me~me port quand la lune aura atteint la situation S.-E. on N.-O. On disait de me~me du soleil qu'il eltait situe' dans telle aire de vent pour indiquer qu'on eltait 'a telle heure de la journ~e. Ainsi 'a III li. de l'apre's-midi, lez soleil e'tait dit S.-O. s(Cette fagon de parler, e'crit le Pe're Dechales, a donne' occasion A quelques-uns de se tromper croyant qu'en effet Fig. 1. - LA RosE DES VENTS ET LE CADRAN DES HEURES c'~estoient les Azimuts qui de'terminaient la mare'e et non pas les cercies horaires (I). )) Dans cette adaptation, en effet, la rose des vents n'est pas supposee placele dans le plan de l'horizon, mais dans celui de l'e'quateur. Les pilotes f aisaient cep endant, volontairement ou involontairement, cette confusion qui re'sultait d'une analogie assez grossie're (2), de meme qu'ils assimilaient le rumb de (1) CLAUDE-FRAN~OIS-MILLET-DECHALEs. L'art de naviger diniontr~ par principes, jin.40, Paris, 1677, p. 257. (2) Ainsi 'a III h. apr~s midi. le soleil 6tait dit S. 0. Or, 1'azimuth S.0etn 0 5. le soleii se trouve ht I II h. apres midipu n

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- 63 - vent de 11015' a l'6cartement diurne de 120 de la lune au soleil, et les 32 rumbs de la rose des vents aux 30 jours de la lunaison. Ils comptaient alors un rumb de vent de deplacement par jour de lune et faisaient la correction aux 15e et 30e jours, auxquels ils attribuaient un deplacement de deux rumbs (1). D'apres cette convention, ils pouvaient dire que la maree retardait de trois quarts d'heure d'un jour a l'autre. Dans la pratique, et surtout lorsqu'il s'agissait d'un intervalle de plusieurs jours, on calculait l'heure de la pleine mer dans un port en ajoutant a l'heure, a laquelle elle avait lieu dans une syzygie, autant de fois le retard moyen de 48 minutes (2) qu'il y avait de jours ecoules depuis cette syzygie. Cette methode approchee neglige l'inegalite du retardement qui est beaucoup moindre vers les syzygies que vers les quadratures. Les explications precedentes nous permettent d'aborder le detail d'un certain nombre de problemes relatifs au phenomene des marees, problemes que nous presenterons a peu pres dans la forme qu'on leur donnait autrefois. En traitant ces problemes comme on les traitait alors, nous ferons mieux comprendre le parti que les marins pouvaient tirer du compas lunaire de l'astrolabe. En suivant ces operations, il faut retenir que la pleine mer se reproduit deux fois par jour et qu'au bout de 15 jours on a une nouvelle syzygie. Quand dans une solution nous obtienlatitude de 48~, a l'azimuth 0. 19~ S. au solstice d'ete, a 1'azimuth 0. 37~ S. a l'equinoxe et a l'azimuth 0. 49~ S. au solstice d'hiver. Ces derniers renseignements sont obtenus tres aisement par l'astrolabe plan equinoxial. (1) Cf. L'art de naviguer de M. Pierre de Medine, espagnol. (Arte de navegar, 1545), traduit par NIcoLAs DE NICOLAi, revu et corrige par JEAN DE S1VILLE; edit. de Rouen, 1628, in-4~, p. 235. (2) Le temps moyen compris entre deux passages successifs de la lune au meridien superieur est, en realite, de 24;150m28s, ce qui donne un retard moyen de 50m28s pour la maree d'un jour a l'autre, abstraction faite des inegalites importantes qui se manifestent dans la duree des marees suivant les differentes phases de la lune.

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- 64 - drons un facteur depassant 12 heures ou 15 jours, ces dernieres quantites devront etre retranchees; elles seront, au contraire, ajoutees quand le nombre a soustraire sera plus grand que ce facteur. I. - Etant donnes la situation d'un havre et l'age de la lune, a quelle heure sera-t-il pleine mer? 1~ La lune a 7 jours, quelle est l'heure de la pleine mer a Dieppe oi les marees sont S.-S.-E. et N.-N.-O? On place l'alidade lunaire sur la 7e division du disque sous-jacent et on lit, sur le limbe du tableau circulaire, 85 degres d'ecartement entre les deux alidades. Ces 85 degres valent 5h40m qui, ajoutees a la valeur 10'l30m du S.-S.-E., font 16h10m. En retranchant 121, il reste 4h10m pour l'heure de la pleine mer a Dieppe au 7e jour de lune. 2~ La lune a 23 jours, quelle est l'heure de la pleine mer h Fecamp ouf les mar6es sont S.-E. 1/4 S. et N.-O. 1/4 N.? A cause de la syzygie qui a eu lieu au 15e jour de la lune, on retranche 15 de 23; il reste 8. Par le compas lunaire, on trouve que ces 8 jours valent 6h30m qu'on ajoute a 9h45m, valeur de S.-E. 1/4 S., et on obtient 16h15m. En retranchant 12h, on a 41115m. II. - Etant donnes l'dge de la lune et l'heure de la pleine mer, trouver la situation d'un havre. Pour resoudre cette question, disait le Dieppois Guillaume Levasseur (1), (( il faut soubstraire les heures de l'aage de la lune des heures de la pleine mer et il restera les heures du vent de la scituation ). - La lune a 10 jours et la mer est pleine a 9h30m, quelle est la situation du port? On trouve, par le compas lunaire, que 10 jours de lune valent environ 8 heures de retardement. L'operation est 91'30m - 8h = lh30. Le resultat, 11'30, repond au N.-N.-E. et S.-S.-O. qui est la situation du port. III. - Trouver l'age de la lune d'apres l'heure de la pleine mer aun certain jour dans un port dont la situation est connue. La regle pratique est la suivante: soustraire la situation du port de l'heure de la pleine mer et convertir en jours de lune les heures resultant de la soustraction. 10 La mer est pleine a 7 h. dans un port dont la situation est N.-E. et S.-O.; quel est l'age de la lune? Le N.-E. et S.-O. vaut 3 h., done 7c 3' =- 411. La lune est done 6cartee du soleil de 4 heures valant 60 degres. Ecartant les branches du compas lunaire d'une quantite angulaire de 60 degres (ou deux signes du zodiaque) marques sur le limbe, on trouve que l'alidade lunaire tombe sur la division 5 du disque sous-jacent. La lune a donc environ 5 jours. 2~ La mer est pleine a 5n1 dans un havre dont la situation est S.-E. et N.-O.; quel est l'age de la lune? (1) GUILLAUME LEVASSEUR. Traicte de la Geodrographie ou Art de naviguer; Biblioth. nat., ms. franc. 19112, fol. 21.

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- 65 - Le S.-E. et N.-O. vaut 9 h.. Comme on ne peut soustraire 9 de 5, on ajoute 12 a ce dernier chiffre et on obtient 17-9= 8. Ces 8 heures valent 120 degres et le compas lunaire ouvert de cette quantite angulaire indique le 10e jour de lune. IV. - Trouver l'aire de vent de la lune, etant donnes l'age de la lune et l'aire de vent du soleil. On convertit en heures le rumb de vent du soleil et l'age de la lune, puis on mesure l'ecartement de la lune en comptant de l'Ouest a l'Est les heures de difference. - La lune a 12 jours et le soleil est situe S.-O.; en quel vent est la lune? Le soleil au S.-O. vaut 3 h.; et, d'apr6s l'astrolabe, 12 jours de lune valent 9h45m. Ne pouvant soustraire 9h45m de 3h, on ajoute 12 a 3 et on soustrait 9h45m de 15h. Le resultat, 5h15m, correspond a E. 1 /4 N.-E. pour l'aire de vent de la lune. V. - Etant donnees les aires'de vent dursoleil et de la lune, trouver 1'dge de'la lune? On convertit en heures les rumbs de vent qui separent le soleil de la lune; puis, par une seconde operation, on exprime ces heures en jours de lune. - Le soleil est 0. et la lune S.-E., quel est l'age de la lune? De l'O. au S.-E., on compte 12 quarts de rumb valant 9 heures ou 135 degres de distance angulaire entre les deux astres. En ecartant de cet angle les deux branches du compas lunaire, on trouve 15 jours de lune. - Si, au contraire, la lune etait 0. et le soleil S.-E., on trouverait, en comptant dans le sens direct a partir du soleil, un ecartement de 5 rumbs entiers valant 15 heures ou 225 degres, et, par le compas lunaire, on verrait que la lune est dans son 19e jour. i -..; 'BVI. -' Etant donnees les aires de vent de la lune et du soleil,Ttrouver l'heure de la pleine mer dans un port dont on connait la situation. - Prenons comme exemple Dieppe situe S.-S.-E. et N.-N.-O. et supposons le soleil au S.-O. et la lune a 1'Est. Le soleil etant S.-O., il est 3 h. apres midi et a ce moment la lune est a l'E. Pour venir au S.-S.-E. qui est la situation de Dieppe, elle doit parcourir 6 quarts de rumb valant 4 h. 1/2 qui, ajoutees a 3 h., donnent 7 h. 1 /2'pour l'heure de la pleine mer. j Le compas lunaire ne trouve pas son application dans ce dernier probl'eme que nous avons cependant donne pour completer la serie des principales questions que les pilotes s'appliquaient a resoudre, a propos des marees, a une epoque ou les tables n'etaient pas aussi repandues qu'aujourd'hui. II serait interessant de rechercher l'origine de ces formules qu'on trouve enoncees dans d'anciens manuscrits, notamment

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66 dans celui de Guillaume Levasseur (1), au debut du xvIe siecle. Recueillis, avec certaines modifications qu'entrainait un plus grand souci de la precision, dans les traites de navigation du xvIe siecle (2), ils disparaissent peu a peu des traites magistraux du XVIIle; mais les pilotes se les transmettaient et nous les avons retrouves sous leur forme archaique et naive dans le cahier de notes d'un pilote du xvIIi siecle (3). Les solutions des principales questions relatives aux marees reposent, en somme, sur la connaissance du jour de la nouvelle Lune. En supposant qu'un pilote eut a un moment donne perdu cette notion, il avait, par le calendrier julien, ou, a d6faut, par la table pascale de l'astrolabe, un rnoyen approch6 de retrouver les dates des nouvelles Lunes, a condition de tenir compte de l'ecart qui existait entre les Lunes du calendrier et les Lunes astronomiques. 11 lui suffisait pour cela do trouver le nombre d'or de l'annee. Supposons, par exemple, que l'on veuille savoir l'heure de la maree au Havre-de-Grace le 15 mai de l'an 1543. Le nombre d'or de cette annee-la est 5. Sur le calendrier perpetuel julien, le nombre d'or 5 se trouve au 7 mai, indiquant a ce jour une nouvelle Lune; mais comme la nouvelle Lune du comput retardait, a cette 6poque, de 4 jours en movenne sur la nouvelle Lune astronomique, on prendra, pour date de cette derniere, le 3 mai. Le 15 mai est done le 12e jour de la Lune. Les 12 jours de Lune, sur le compas lunaire, valent 9 h. 3/4, qui, ajoutees a la situation du port du Havre, 9 h., donnent 18 h. 3 /4, c'esta-dire, en retranchant 12 h., 6 h. 3/4 pour l'heure de la maree. Enfin, a defaut du calendrier julien, le pilote pouvait en(1) GUILLAUME LEVASSEUR, op. cit., fol. 18-23. (2) Cf. notamment LE CORDIER (du Havre-de-Grafce, Hydrographe et Jaugeur).Instruction des pilotes; au Havre-de Griae, in-8l, 1688. (3) Livre de iMarinne (Cabotage et Hauturienne) fait par F. MORIN, 17k5; ms. in-fo, 68 pp. Ce pilote semble avoir ete attache au port de StMalo, car la plupart des exemples qu'il donne se rapportent a ce port. (Collection personnelle).

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-67 core trouver par la table perpetuelle de l'astrolabe la n6omenie pascale pr6cedente et en deduire facilement le jour de la nouvelle Lune dans le mois ouf il se trouvait. Evidemment, les resultats fournis par cette methode manquaient d'exactitude; neanmoins, ils n'etaient pas affectes d'une erreur beaucoup plus considerable que les autres r6sultats obtenus par les anciens pilotes dans leurs calculs approch6s. II est une derniere application du compas lunaire que nous signalerons en terminant l'examen de cet appareil. Elle se rapporte a la position de la lune dans les zodiaques solaire et lunaire. Pour trouver la position de la lune dans l'un de ces deux zodiaques a un certain jour, l'age de la lune 6tant connu, il suffit de placer l'alidade solaire sur le jour donne dans le cercle des jours et d'amener l'alidade lunaire sur le jour de la lune du grand disque mobile. Cette derniere alidade marque la position de la lune dans le zodiaque solaire et dans le zodiaque lunaire. Nous n'insisterons pas sur l'importance tres secondaire de cette derniere indication, qui pouvait trouver son application dans les recherches astrologiques.

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LIVRE II Le Quadrant de l'Astrolabe de Rouen CHAPITRE PREMIER Notions historiques sur le Quadrant astronomique et sur le Quadrant nautique En meme temps que l'astrolabe circulaire, les Arabes ou plutot les Maures d'Espagne ont transmis a l'Occident latin un autre instrument qui n'est qu'une modification de l'astrolabe et que l'on designait au Moyen Age sous le nom de quadra astrolabii, quadrans astrolabicus, quadrans circuli, quadrant, ou quart de cercle. Si l'on considere dans l'astrolabe circulaire l'organe principal, qui est le cercle de hauteur, on reconnait que, de ce cercle, un quart seulement est utilise pour mesurer la hauteur des astres entre l'horizon et le zenith. En reduisant donc l'instrument au quart de cercle, on obtient, sans augmenter ses dimensions et son poids, des divisions plus grandes sur le limbe et, par consequent, des r6sultats plus precis dans les observations. Mais, dans l'instrument ainsi reduit, la dioptre ou alidade de visee est supprimee et elle est remplacee par deux pinnules a oeilletons inserees sur le c6te droit du quart de cercle, oppose au zero de la graduation du limbe. Un fil a plomb, dont l'extremite superieure est fixee a l'angle droit du quart de cercle, pend librement et, dans une

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- 70 - mesure de hauteur, narque sur le limbe l'angle d'inclinaison de la ligne de visee sur ]'horizon. L'appareil ainsi constitu6 represente le quadrant silmple on quart de cercle d'altitude. Un des premiers usages des instruments de hauteur. astrolabe ou quadrant, fut de fournir un element de calcul pour trouver l'heure de jour ou de nuit par la mesure de la hauteur du soleil ou d'une 6toile au-dessus de l'horizon. En prenant la hauteur du soleil a un moment donne, on pouvait, avec la connaissance de la latitude du lieu et de la declinaison du soleil au jour de l'observation, disposer les cercles de la sphere solide de fa~on a etablir la position du soleil parmi les cercles horaires de la sphere au moment de I'observation. Ce procede complique etait simplifie par le mnecanisnie de l'araignee mobile de l'astrolabe sur le plateau de latitude qui portait le trac6 des cercles de hauteur; mais il restait inrplraticable avec le seul quadrant simple. I le devint par le imoyen de cet instrument quand on y eut trace les cercles des heures in6gales ou heures de temps, puis, dans la suite, les (cercles des heures 6gales ou naturelles. Le quadrant simple fut alors un quadrant solaire portatif et telle est sans doute, d'apres la remarque de P. Tannery, l'Ftymologie du mot cadran applique a toute surface, quelle que soit sa forme, destinee a indiquer l'heure. Ce quadrant solaire fut ensuite complete par l'adjonction d'un tableau mobile ou curseur dont le d6placenent, parallelement au limbe de l'instrument, permettait de trouvet imcaniquement la declinaison du soleil au jour de I'observation. Sur le meme quadrant, on disposa encore le carre des ombres ou carre geometrique dont les cotes sont divis6s en '12 parties ou doigts; et, comme nous le verrons plus loii, les noms d'ombre droite et d'ombre verse attribues it ces cotes resultent d'une disposition particuliere a l'astrolabe circulaire et prouvent que le carri des ombres a 6et emprunte a ce dernier instrument. L'alidade de l'astrolabe, ou le fil ia plonmb du

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- 71 - quadrant, indique, sur ces graduations, non plus l'angle d'inclinaison de la ligne de visee sur l'horizon, mais la tangente trigonometrique de cet angle, s'il est plus petit que 45o, ou la cotangente s'il est compris entre 45~ et 90o. Sur certains quadrants, le carre des ombres est remplac6 par un arc de cercle dispose concentriquement au limbe et portant la graduation des tangentes de l'arc d'altitude, disposition qui decouvre la synonymie etablie par les Arabes entre les motstangente et ombre. Ce trace, sous ces deux formes,fournissait le moyen d'effectuer les mesures de hauteurs et de distances; et l'instrument, ainsi approprie a la pratique de l'arpentage, prit le nom de quadrant geometrique. La reunion du trace horaire et du carre des ombres, ou 6chelle altimetre, sur la meme surface constitua le quadrant compos'. Ce ne fut cependant pas le dernier terme de la complication de l'instrument; d'autres traces y furent ajoutes: le trace du planisphere de Ptolenee emprunt6 a l'astrolabe, aussi bien les cercles de la sph6re mobile que les cercles fixes eleves sur l'horizon. Le quadrant 6tait alors particulier a une latitude ou a une zone limitee. Tantot sur une face, tant6t sur l'autre, on traca encore le treillis trigonom6trique forme par le croisement des lignes perpendiculaires elevees sur les divisions des deux cotes ou rayons du quadrant. Les deux rayons 6taient alors divises en 60 parties 6gales. Parfois les lignes perpendiculaires etaient au contraire abaiss6es des degr6s du quart de cercle sur ces memes rayons. Ce treillis fut souvent remplac6 par deux demi-cercles construits sur les c6tes et servant a obtenir les sinus d'un arc. A cet effet, on tendait, sur l'arc considere du limbe, un fil attache a l'angle droit du quadrant et muni de deux index mobiles; puis on faisait glisser les index sur le fil aux deux points ou il etait croise par les demi-cercles; enfin, le fil 6tant ramene sur une echelle graduee occupant l'un des cotes

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du quadrant, les index marquaient sur cette echelle la valeur des deux sinus (droit et verse) de l'arc considere. L'astrolabe fournit encore le cercle des signes ou zodiaque solaire, le cercle des jours de l'annee et le zodiaque lunaire. Ces eltments furent transport6s sur le quadrant; et la face qui les regut prit, comme dans l'astrolabe, le nom de dos de l'instrument. Le quadrant ainsi complete devenait un veritable quadrant astronomique. C'est cet instrument que les docteurs du Moyen Age appelaient aussi le quadrans novus pour le distinguer du quadrans vetus qui etait seulement horaire et geometrique. L'origine du quadrant est peu connue;il semble bien que l'invention de cet instrument soit post6rieure h celle de l'astrolabe, dont il a emprunt6 les trac6s. Une fois constitu6, il a pu cependant servir de point d'origine a certaines dispositions qui ont ensuite 6et transportees parfois sur l'astrolabe. On trouve des astrolabes sur lesquels un quart de la surface circulaire est occup6 par les trac6s du quadrant. L' Les Grecs ont peut-etre connu le quadrant. Cependant, l'Ecole d'Alexandrie ne nous a pas laiss6 de trait6s sur cet instrument, comme sur l'astrolabe. Les Arabes, au contraire, ont 6galement cultive les deux instruments, et, s'il n'est pas certain qu'ils ont invente le quadrant, ils ont pris, du moins, une grande part a son developpement. Aboul-Hhassan-Ali,d6crivant, au xIIIe siecle, le quadrant des Arabes, ne s'etend pas longuement sur ce sujet, attendu, dit-il, que c'est une chose trop connue des personnes qui fabriquent les instruments astronomiques (1). I1 expose 6galement la construction de la face h sinus du quadrant d'Arzachel qui vivait au commencement du XIIe siecle; et, sur le menme sujet, il existe, d'ailleurs, dans les bibliotheques de l'Europe, des trait6s arabes dont l'origine remonte au XIIe siecle et menme au XIe siecle (2). (1) Cf. L.-AM. SEDILLOT. Memoire sur les instruments astronomiques des Arabes; Paris, 1841, in-4~, p. 65. (2) Cf. HOUZEAU et LANCASTER. Bibliographie generale de l'Astronom ie.

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- 73 - Les Arabes ont developpe toutes les formes de quadrant. Ils munissaient leurs instruments de differentes pieces mobiles, en particulier de la plaque en forme de curseur (mugerrih) indiquant la declinaison du soleil et du fil a plomb pourvu des deux index mobiles ou almuri (nom qui a ete conserve par les auteurs latins du Moyen Age) pour reporter sur les echelles des cotes du quadrant les differents points du trace de projection ou des deux demi-cercles donnant les sinus. William H. Morley (1) a d6crit et figure les deux faces d'un quadrant arabe construit en l'an 735 de l'hegire (A. D. 1334) qui est un type complet de l'instrument dans la forme du quadrans novus. D'un cote se trouve le quadrant destour ou face a sinus, comprenant le treillis et un demi-cercle donnant les sinus; sur l'autre face l'arc de cercle d'altitude, la graduation des tangentes ou ombres et le trace de projection stereographique de la sphere avec les cercles particuliers a l'horizon de la latitude de Damas. Les Arabes n'ont, d'aill, urs, pas cesse de cultiver cet instrument dans la suite, meme a une epoque ou il n'etait plus pour l'Europe latine qu'un objet historique. Les traites arabes sur ce sujet sont tres nombreux au XVIIe siecle, et nous possedons un quadrant arabe date de lan 1254 de l'hegire (A. D. 1838) qui est semblable a celui qu'a decrit W. Morley. Pour l'Occident latin, le quadrant est bien d'origine arabe, mais on ignore l'epoque precise a laquelle il lui fut transmis. La plus ancienne mention connue d'un instrument de ce genre se rencontre, sous le nom de quadra astrolabii, au chapitre V du livre II du traite De Utilitatibus astrolabii publie par Pez qui l'attribue a Hermannus Contractus et que d'autres pensent etre l'oeuvre de Gerbert. Les sources de cet ouvrage qui remonte a la premiere moitie du XIe siecle sont manifestement arabes (2). (1) W.-H. MORLEY. Description of an Arabic quadrant; Journal of the Asiatic Society, lst series, t. XVII, 1860, p. 322. (2) Cf. supra, page 17, note (2).

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74 - Le quadrant est encore rnentionn6 dans une traductiort latine d'un traite' d'Arzachel sur la saphea, faite par un certain Guillelmus Anglicus en F'an 1231, si l'on s'en rapporte ai I'explicit du manuscrit (1). Guillelmus Anglicus remarque que dans la saphea, qui est une sorte d'astrolabe circulaire. le quart de cercie inf~rieur tourn6 vers l'observateur repr~sento le quadrant auquef il se relfere comme aY un instrument parfaitement connu. Jean de Sacrobosco, mort en 1244, a eompos6 un traitt' sur le quadrant (2), dans lequel il ddcrit l'instrunment fait eli mdtal ou en bois, l'arc de cercie d'altitude, les arcs des heures et le carr6, g~om~trique avec les applications de linstrurnent qui n'est que le quadrant horaire et gelornetrique. Paul Tannery~ a publi6 (3) ie texte latin et unie ancienni traduction grecque 1)yzantine du traits du quadrant pal Robertus Anglicus, ouvrage qui aurait 6te' composO ~ Mlontpellier avant l'annde '1-276. Ce traits eut, en son temps et dans la suite, une vogue eonsid~rable, puisque Tannery en a relev& dans les bibliothe'ques de l'Europe, environ trente copie>_ dont onze, datant presque toutes du xive si()ele, se trouvent 11- la Bibliothe~que Nationale de Paris. De ces derniers rnanuscrits dont les lecons sont ~x peu~ pr&~les me'mes, quatre sont inscrits sons Ie rrome de Joannes, d(Mlontepessulano (Jean de M/ontpellier), deux sous le nomi dfo Joannes Anglicas et uni sous celui de Robertus Anglicus; qtuatre sont anonymes. Le savant traducteur et commentateur de ces vieux textesles attribue tons a\ Robertus Anglicus, qui ecrivit un comnmentaire sur la Sphere de Sacrobosco en 1271 et (ju'il nonrnio (1) Cf. ins. lat. 7195 (Bibi. Nat.); et TANINERY- (0C. Cit. Infra) qii: signale que ce traite' est, par erreur, attribu6 ~ un certain Johann e.. Brixiensis (Jean de Brixia ou Brescia) par L.-A-M. SE~DILLOT, Me-li. S141 les instr. astron. des Arabes, p. 190. (2) Tractatus magistri Jo. de Sacrobosco super cotnpositw ne quadranti.simplicis et compositi, et utilitatibus utriusque; -Bibl. Nat.., ins. lat. '19fc (XIVe si~cle); Incipit fol. 25 ro, 2e co]. (3) P. TANNERY. Le trait du quadrant de Maitre Robert Angles: Notices et Extraits des mss. de la PMbU Nat., tome XX XV, 2C partie: Paris, 1897, p. 561?i 640.

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- 75 Robert Angles en langue d'oc; mais il se pourrait que Jean et Robert, dont les prenoms sont distincts dans un cartulaire de Montpellier en 1240, fussent deux collaborateurs et freres issus du Guillelmus Anglicus, dont nous avons parle. Ce dernier, appartenant a une g6enration anterieure, etait bourgeois de Marseille et s'occupait d'astronomie. En somme, il apparait que ce celebre traite sur le quadrant fut compos6 dans la seconde moiti6 du XIIIe siecle, a Montpellier, ville alors sous la suzerainete des rois d'Aragon, a proximite du foyer scientifique des Arabes d'Espagne. On trouve d'ailleurs dans ces manuscrits une table de la d6clinaison du soleil secundum Albategni. Citons encore le traite de Campanus de Novare, mathenaticien italien de la fin du XIIIe siecle, dont une copie inachevee est inseree dans un manuscrit de la Bibliotheque Nationale (1). Les divers ouvrages que nous venons d'tnumerer, sans epuiser la liste de ceux qui se rapportent a ce sujet, traitent du quadrant horaire et geometrique ou quadrant compose. Au quadrans vetus, completement decrit par Robertus Anglicus, on opposa, a la meme epoque, le quadrans novus que composa, aussi a Montpellier, en 1290, le celebre rabbin Jacob ben Makyr, dont le nom provencal etait don Profat Tibbon. Les ecrivains latins du Moyen Age l'appellent Profatius ou Profacius Judaeus (2). La premiere redaction du traite de Profatius fut faite en langue hebraique et subsiste dans plusieurs manuscrits dont 1'existence est signalee par Renan. Elle fut traduite en latin, a Montpellier, par Armengaud de Blaise, en 1299. En 1301, Profatius remania son traite en une seGonde edition; et, vers le meme temps, Pierre de St-Omer reprit a Paris cette composition et y apporta quelques modifications. Dans le courant du xive siecle, les deux premieres editions (1) Tractatus magistri Campani super composito quadrante; ms. lat. 7196, fol. 27 v3. (2) Cf. sur PROFATIUS et son ceuvre une etude de RENAN dans Histoire litteraire de la France; t. XXVII, 1877, in-4~, p. 599 et suivantes.

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-76 - en langue hebraique etant devenues tres rares,les israelites retablirent un nouveau texte hebreu sur la traduction latine de la seconde edition corrigee par Profatius et sur le remaniement de Pierre de St-Omer. La traduction latine de la premiere edition de l'oeuvre de Profatius nous a ete conservee dans un manuscrit de la Bibliotheque Nationale (1) et l'explicit de ce manuscrit indique qu'il est une transcription faite, en 1324, du traite compose par Profatius, en 1290. Renan, qui examina cette copie, declare qu'elle s'accorde entierement avec la redaction hebraique qu'on trouve dans la presque totalite des manuscrits. La description donnee par Profatius est exactement celle du quadrant astronomique complet, tel que le represente l'instrument du Musee de Rouen. L'auteur expose au debut de son traite les parties de l'instrument et nous trouvons, sur le limbe, le cercle d'altitude et les degres de l'equateur avec quatre numerotations alternantes pour les quatre quarts du cercle; les divisions de l'ecliptique; puis, sur le plan du quadrant, le zodiaque, les six arcs des heures inegales, l'horizon droit et les horizons obliques, le carre des ombres; sur un des cotes du quadrant, les 6chelles des d6clinaisons et des altitudes du pole; sur l'autre cote, l'echelle double des cordes droites et verses des arcs pris sur le limbe. Les deux demi-cercles construits sur les cotes figurent dans la description. L'un est le cercle de la sixieme heure inegale ou de midi, l'auteur le nornme circulus meridionalis ou meridiei; il donne les sinus droits (cordw rectx) des arcs dont l'origine est a l'extr6mite de l'autre rayon ou cote du quadrant. Le second demi-cercle est appele circulus zenith; il donne les sinus verses (cordwe versx) des nmnmes arcs. (1) Tractatus Profatii Judei sapientis astronomi super quadrantem (novum); ms. lat. 7437, fol. 155 vo a fol. 183 v~. Ce ms. est de plusieurs mains; une premiere description de linstrument et de ses usages est faite de fol. 155 a fol. 166; la description est reprise et suivie de 34 chapitres d'usages entre les fol. 157 et 183 avec des redites et des details nouveaux.

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- 77 - A cette face est annexe le fil a plomb muni de deux index mobiles ou almuri. Les deux pinnules de visee (tabulx per/oratw) sont egalement indiquees. Sur l'autre face du quadrant se trouvent le cercle des signes (zodiaque) avec ses divisions, le cercle excentrique des jours de l'annee, le cercle des mansions lunaires; et, au centre, les disques mobiles (volvellx) que nous avons decrits sur notre modele. Le manuscrit donne une table de correspondance entre les jours de l'annee et les degres des signes du zodiaque pour le trace de ces deux cercles sur le dos du quadrant, une table pour les positions des mansions lunaires et enfin une table de 12 etoiles caracterisees par leurs coordonnees equatoriales, declinaison et ascension droite, pour la face de l'instrument. La description technique du quadrant est suiviede la demonstration des differents usages astronomiques et geometriques de ses organes et de ses traces. L'auteur decrit en detail l'application du trace trigonometrique a la recherche de la valeur des sinus (cordwe) des arcs, puis l'applicetion de ces fonctions a des calculs astronomiques. Ce point particulierement interessant sera developpe ulterieurement. Le traite corrige par Pierre de St-Omer se trouve aussi a la Bibliotheque Nationale (1). D)ans ce manuscrit, qui date du commencement du xivc siecle, la construction de l'instrument est plus d6veloppee que dans le precedent manuscrit; le detail du graphique est precise par trois figures qui donnent le developpement du quadrant sur le cercle et les lignes du trace de la projection stereographique. Une quatrieme figure represente le dos du quadrant avec les asterismes des mansions lunaires, et ces asterismes sont presque identiques a (1) Ms. lat. 7416 B; fol. 1: Incipit novus quadrans correctus a Petro Dane de Sto-Audomaro. - fol. 15: Explicit nova edicio quadrantis a magistro Profacio ludaeo Montepessulani continens omnes utilitates quadrantis antiqui et etiam astrolabii.

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78 ceux qu'on remarque sur l'astrolabe quadrant du Musee de Rouen. Les chapitres des usages reproduisent, a quelques details pr6s, les termes memes du premier manuscrit. Ces deux premiers documents sont completes par le manuscrit latin 7294 qui contient un traite anonyme sur la composition et les usages du quadrans novus, avec deux dessins qui montrent exactement, i l'exception de la table pascale, toutes les parties figurant sur les deux faces du quadrant de Rouen. Ce manuscrit (1), a la fin duquel on lit la date de 1433, commence par ces mots: Compositurus novunm quadrantem accipe tabulanz planam ad similitudinem quarta partis circuli factam. L'auteur recommande d'inserer la tablette en forme de quart de cercle dans une table plus grande, pour qu'on puisse d6crire le cercle complet qui sert de base a la construction des lignes du trac6 de la premiere face du quadrant. I1 donne ensuite la technique de construction des diff6rents traces quc nous connaissons. La figure tres complete qui accompagne cette description contient les arcs de cercles des heures in6gales, le carr6 des ombres, le trac6 de projection du planisphere de Ptolemee (les deux tropiques, 1'6quateur, le cercle du zodiaque, sept 6toiles, ]'horizon droit et trois lignes d'horizon oblique pour (1) Le ms. lat. 7294 est un recueil de plusieurs pi6ces formalt un cahier reli6 de 56 feuillets de papier. Les differents articles ont ete milanges et les feuillets pagines apres coup. Cette transposition apparait dans l'enum6ration des articles faite par le Catalogus Codicum manuscript. Biblioth. Reg., Pars III, p. 336. La description du quadrans novus qui n'est pas signalee dans le Catalogus Codicum est commenc6e dans les trois premiers feuillets du recueil, et il faut en chercher la suite au fol. 21. On trouve, ensuite, la description du cylindre et celle de l'astrolabe circulaire, puis les usages des trois instruments jusqu'au fol. 30 auquel devrait succeder le fol. 4. Les usages de l'astrolabe sont suivis, a ligne continue, par la Theorie des planetes (Sequitur Theorica planetarum) de G6rard de Cremone, qui se termine (Explicit theorica planetarum, ao 1433) au fol. 15 recto du recueil, le bas de la page restant en blanc. Independamment d'autres articles, on remarque encore, a la fin du recueil, un traite du quadrant a curseur et de ses usages, qui reproduit l'ceuvre de R. Anglicus.

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- 79 - les latitudes de 460, 480 et 500). Sur la meme face, on trouve les deux demi-cercles donnant les sinus. Le limbe porte les degres de l'equateur avec la numerotation alternante, ainsi que les degres de l'ecliptique. L'un des cotes est occupe par une echelle pour les declinaisons et par une echelle des altitudes du pole. Sur l'autre cote est une echelle double divisee en 60 parties, dans les deux.ens, pour les sinus droits et verses, et clairement designee par les mots corda recta et corda versa. L'autre face du quadrant est appelee dorsum quadrantis par l'auteur qui y fait figurer le zodiaque solaire, le cercle des jours et un autre cercle contenant les 28 divisions des mansions lunaires. Enfin, au centre, se voit l'appareil mobile a alidades ou compas lunaire. Le texte, tres precis, donne les procedes de construction de,ees deux faces et la description se termine par l'indication des deux pinnules de vis6e etablies sur l'un des cotes du quadrant. Les usages ou canons (1) de l'instrument, developpes,-ans le manuscrit, sont purement geometriques et astrononiques; ils comprennent, en particulier, une curieuse methode le determiner l'heure vraie par une observation de hauteur et par les sinus droits et verses, au moyen des deux demi-,.ercles construits sur les cotes du quadrant. Nous aurons l'occasion, dans le prochain chapitre, de developper l'explication de ces diverses parties en decrivant la face quadrant de notre modele. II est bien 6vident que le ms. de 1433 est l'oeuvre d'un eompilateur qui a reuni dans un meme traite la description de trois instruments parfaitement connus a son epoque. Bien que le texte ne soit pas le meme que celui du traite de Profatius, il n'y ajoute, dans le fond, rien d'essentiel. Les trois manuscrits que nous venons d'analyser fournissent tous les elements necessaires pour l'interpretation de l'astrolabe quadrant du Musee de Rouen, qui est un specimen (1) Cf. ms. lat. 7294, fol. 26 v~: Incipiunt canones quadrantis novi.

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-80 — complet du quadrans novus. Notons que le type de cet instrument, qui semble remonter a la fin du XIIIe siecle, a pu conserver dans la suite certaines caracteristiques particulieres a cette epoque. Les ouvrages scientifiques du Moyen Age sur le quadrant resultent d'une assimilation des travaux arabes; l'instrument subit cependant quelques modifications. Certains traces se rapportant a des institutions exclusivement arabes, comme la ligne de l'asr, l'azimut de la kiblah, furent supprimes; d'autres parties furent adaptees a l'usage des pays latins. Ainsi, Robert Anglicus a decrit et figure une sorte de curseur, en forme de vernier, permettant d'obtenir mecaniquement la d6clinaison du soleil; le curseur (mugerrih) etait employe par les Arabes, mais celui de Robert Anglicus porte les noms des mois juliens avec les divisions appropriees. II est possible que cette transformation soit l'oeuvre des Arabes eux-memes; et l'astrolabe d6crit par MM. Sauvaire et de ReyPailhade (1) prouve qu'ils s'y appliquaient. Elle n'etait cependans pas au-dessus des moyens des docteurs du xIIIe et du xIve siecle; ceux-ci n'6taient pas de simples compilateurs, mais de veritables savants qui preparerent la renaissance scientifique des xve et xvIe siecles. Eclaires par ces premiers essais, et par la publication nouvelle de travaux arabes jusqu'alors inconnus, les auteurs de la Renaissance ont repris l'etude de l'astrolabe et du quadrant avec plus de competence, mais aussi avec moins de modestie que leurs devanciers latins. Au commencement du XVIe siecle, Martinus Ylacomilus (Waldseemiiller) a reproduit (2) textuellement le traite de Robertus Anglicus, sans indication d'origine ou de nom d'au(1) H. SAUVAIRE et J. DE REY-PAILHADE. Sur une mere d'astrolabe arabe du XIIIe siecle (1212) portant un calendrier perpetuel avec correspondance musulmane et chretienne; Journal Asiatique, 1893. (2) Publi6 dans la Margarita philosophica nova; edit. de Joannes Griiningerus ex Argentoraco Veteri, 1508.

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81 - teur. P. Tannery, qui a signale ce plagiat, remarque que Waldseemiiller a fait quelques changements arbitraires et remplace Paris et Montpellier par Argentina. D'autres savants celebres de cette epoque ont etudie le quadrant sans plus d'originalite, en particulier Pierre Apian (Bienewitz) (1), en Allemagne, et le Dauphinois Oronce Fine. Oronce Fine, dans un ouvrage paru en 1534 (2), decrit un nouveau quadrant (novum quemdam circuli quadrantem) qu'il avait construit anterieurement (construximus aliquando) (en 1527), et qu'il vient de perfectionner. A lire son envoi a Louis Lassere, proviseur du College de Navarre, il semble qu'il en soit l'inventeur et il adjure son ami de le defendre contre les aboiements et la bave des envieux: a virulentis malevolorum vindicare latratibus. Or, sa description, bien qu'interessante pour nous parce qu'elle repond exactement a celle de la face quadrant de notre astrolabe, n'ajoute rien a ce que nous avons trouve dans les manuscrits anciens dont nous avons parle. Ces derniers meme sont plus complets, puisqu'ils contiennent la description et la figure de la face dorsale de l'instrument. P. Apian a traite la meme question et Repsold, dans son recent ouvrage (3), reproduit un quadrant d'Apian qui est un quadrant horaire et geometrique. Apian et Oronce Fine, lequel donne 57 applications astronomiques et geometriques de l'instrument, ont ajoute seulement quelques developpements en rapport avec les progres des sciences mathematiques a leur epoque; mais nous retrouverons plus loin ces deux auteurs avec leurs pretentions. La presence des deux demi-cercles trigonometriques sur le quadrans novus, compose au XIIIe siecle, et les applications (1) APIANUS. Quadrans astronomicus; Ingolstadt, 1532. (2) ORONTII FINCEI delphinatis quadrans astrolabicus omnibus Europwe regionibus inserviens...; Paris, 1534, 18 ff. in-f~; (Bibl. Nat Res. V, 615). II existe une edition anterieure et differente, de 1527. (3) REPSOLD. Zur Geschichte der astronomischen Messwerkzeuge; Leipzig, 1908, gr. in-80, fig. 11, p. 17. 6

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- 82 - raisonnees que font de ce trace les auteurs du Moyen Ag+. offrent un interet tout particulier. Au xIIe siecle, dans les pays latins, la science trigononetrique ne pouvait etre que le reflet des travaux scientifiquedes Arabes, continuateurs des Grecs. Constituee par Hipparquet par Ptolemee, la trigonometrie fut developpee par les Hindous d'abord, au moment de leur renaissance scientifiquidu vie siecle, puis surtout par les Arabes. Albategnius, mort a Bagdad en 929, comnmenta Ptoleme, et refondit la trigonom6trie; il divisa comme Ptolemee Ildiametre en 120 parties, substitua les sinus aux cordes et decouvrit la relation qui existe entre les trois c6ots et un angl+d'un triangle spherique quelconque. II d6finit aussi les tanlgentes sous le nom d'ombres. Ces travaux furent continues successivement par AboulWefa qui vivait a Bagdad a la fin du xe siecle, par Arzachel. arabe espagnol n6e Tolede vers l'an 1080, par l'astrononmet mathematicien Geber de Seville qui vivait dans la secon(dmoitie du xIe siecle. Geber (Abou Mohammed Djabir ibn Afflah) est I'auteud'une importante astronomie en 9 livres, dont la traductio, latine fut faite au XIIe siecle par Gerard de Cremone (1114 -1187). Ce savant traducteur italien se rendit a Tolede, apprit l'arabe et traduisit,de cette langue en latin,environ 70 ouvragescientifiques. La traduction de l'oeuvre de Geber, qui fut imprim6e et publiee a Nuremberg en 1534, a notamnient influe sur le developpement de la trigonometrie et sur l]i diffusion de cette science dans les pays occidentaux. Avec Aboul-Hhassan Ali, au debut du xIIIe siecle, IIouapprochons de l'epoque oui cette diffusion, qui preceda d'ailleurde longue date la decouverte de l'imprimerie, va porter sefruits, et au xve siecle commencent h paraitre en Europe detravaux originaux. Georges de Peurbach (1423-1462) developpa, d'apreArzachel, la mithode d'interpolation pour les calculs des tables des sinus qu'il substitua aux cordes comme Albategnius, et

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publia des tables trigonometriques en supposant le rayor divis6 en 600.000 parties (1). Regiomontanus (1436-1476), collaborateur de Peurbach,. reprit et completa l'Feuvre de ce dernier. Apres avoir adopte d'abord, comme les Arabes, la division du rayon ou sinus total en 60 parties, il divisa ensuite le rayon en 1.000.000 parties, et calcula, suivant ce systeme, de nouvelles tables des sinus pour toutes les minutes du quart de cercle. 11 est aussi l'auteur d'une table des tangentes, mais seulement pour les degres, car cette fonction n'etait pas encore entree pratiquement dans les calculs. II n'en est pas fait usage dans son principal ouvrage(2), qui passe pour le plus ancien traite de trigonometrie publie en Occident. Avant ces derniers travaux qui font epoque, nous devons cependant placer une periode preparatoire d'initiation et d'etude, car au XIIIe et au xiv0 siecle les proprietes des sinus etaient connues et appliquees dans l'Europe latine; l'examen des fonctions du trace trigonometrique sur le quadrans novus nous permettra d'en etablir la preuve. L'1eement le plus int6ressant du trace trigonomntrique de notre quadrant est la combinaison des deux demi-cercles construits sur les rayons rectangulaires et donnant les sinus droits et verses de tous les arcs du quart et du demi-cercle. Ce systeme est decrit par Pierre Apian (ne a Leisnig en 1495, mort a Ingolstadt en 1552), non seulement comme une figure geometrique, mais comme un instrument mat6riel qu'il declare avoir invente et qu'il nomme: Instrumenturn sinuum, sive primi mobilis (3). Or, il est bien evident que son invention n'est qu'une adaptation du trace deja connu des (1) GEORGES DE PEURBACH. Tractatus super propositiones Ptolemsei de sinubus et chordis; Nuremberg, 1541, in-f~. (2) JOANNIS REGIOMONTANI de triangulis planis et sphericis libri quinque una cum tabulis sinuum; 1561. (3) Instrumentum primi mobilis a PIETRO APIANO nunc primum inventum et in lucem editum... Accedunt iis GEBRI FILII AFFLA HISPALENSIS... libri IX de astronomia... per GIRIARDUM CREMONENSEM latinitate donati...; Nuremberg, 1534,in-fo (Biblioth. Nat., Res. g, V, 95).

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-8 - Arabes et adopte par les mathematiciens du Moyen Age qui l'ont fait figurer sur le quadrans inous. Apres avoir decrit son instrument et montr6 comment il donne les sinus, P. Apian produit une table des sinus pour toutes les minutes du quart-de-cercle, le sinus total etant divis6 en 100.000 parties; puis il fournit cent exemples (Pronunciata) de l'application de l'instrument i des calculs astronomiques. Cette ouvre d'Apian, qui parut a Nuremberg en 1534, est suivie de la traduction de l'Astronomie de Geber par G6rard de Crnmone. Mais nous trouvons un autre inwcenteur de ce trace a la meme epoque. Oronce Fine (nOe C Besancon en 1494, mort ia Paris en 1555), dans un ou-rage imprime it Paris en 1542 (1) figure (fol. 104 vo) un quadrant sur lequel on remarque les deux demi-cercles, le treillis et la division en 60 parties des deux rayons rectangulaires, quadrant dont uneplanche que nous donnons plus loin (pl. VIIII) reproduit exactement les lignes. Au-dessus du quadrant d'Oronce Fine on lit ces mots: Figura quadrantis uniersalis sie organi sinzumni per Orontium recens excogitati (figure du quadrant universel ou intrument des sinus recemment invente par Oronce). Et, pour affirmer sa decouverte, il ajoute ce distique: Que numerosa prius nunerorre turba docebat Hoc instrumenturn pandit Orontiaculrm. (Cet instrument dui a Oronce donne la clef des problemes resolus autrefois a l'aide de calculs tres compliques.) Aux demonstrations mathematiques particulieres a cette figure, Oronce Fine ajoute une table des sinus pour toutes les minutes du quart de cercle, le rayon etant divise en 60 parties avec les subdivisions sexagesimales en Ininutes et secondes (60Pts 00'00") suivant la merthode des Grecs adoptie par les Arabes. (1) ORONTII FINAI delphinatis, regii mathematicarum professoris, De Mundi Sphaera, sive Cosmographia, prim.ave Astronomice parte, libri V. Ejusdem Orontii rectarum in circuli quadrante subtensarum (quas sinus vocant) demonstratio, supputatioque facillima, iunec primumn edita; Parisiis, 1542, in-f~ (Biblioth. Nat., Res. V, 122).

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-85 - Mais ce qui est particulier, c'est qu'Oronce, dans son pream bule, cite a deux reprises l'Arabe Geber comme ayant fait progresser la trigonom6trie et comme lui ayant servi de modele (majorem ex ipso Gebero colligenmus canonum multitudinem) et c'est le seul auteur auquel il se rapporte apres Ptolemee. b) Avec une apparence un peu differente, l'appareil d'Oronce Fine repose sur le menme principe que celui de P. Apian; et la figure qu'il en donne n'est autre que la face i sinus des quadrants arabes, notamment celle du quadrant arabe de 1334 decrit par W. Morley. Oronce Fine s'attacha a compl6ter son ceuvre dans la suite par une publication nouvelle sur le mnme sujet (1). Ainsi, nous trouvons deux mathematiciens de profession, exactement contemporains, et tous deux celebres qui pr6tendent avoir invente, chacun de son cote, un appareil etabli sur une construction mathenatique identique. S'il n'est pas certain que l'un ait eu connaissance des travaux scientifiques de l'autre, ils ont au moins puis6 a une source commune. Le nom de Geber se trouve associe a leurs deux publications; et, bien que la figure des deux demi-cercles ne paraisse pas dans la traduction latine de 1'Astronomie de Geber par Gerard de Cremone, c'est dans Geber, ou dans la science arabe, ou peut-etre simplement dans les ecrits de leurs devanciers latins, que les savants occidentaux de l'epoque de la Renaissance ont appris a connaitre la construction et les proprietes des deux demi-cercles trigonometriques. L'histoire de l'astrolabe fournit plus d'un exemple de ce genre. L'astrolabe plan equinoxial etait connu, copie sur celui des Arabes et construit en Europe bien avant les traites classiques de l'epoque de la Renaissance. L'astrolabe dit de J. de Rojas, celui de Gemma Frison ne sont que des reproductions de projections employees par les Arabes, et il n'a manque a plus d'une oeuvre du Moyen Age que la vulgarisation par l'imprimerie pour etablir sa celebrite. (1) ORONTII FINEI delphinatis... de universali quadrante sinuumve organo; Paris, 1550, in-4~.

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- S6 Les propri6tes mathematiques du quadrant ont 6et encore, dans le meme siecle, developpees par Gemma Frison et le nathematicien italien Magini (1). Nous n'insisterons pas plus longuement sur les travaux datant du xvIe siecle; il nous importait seulement d'etablir que le type d'instrument que nous d6crivons 6tait, a une 6poque bien anterieure, parfaitement connu. Comme instrument de hauteur, le quadrant a pu etre applique a la navigation dans les memes conditions que l'astrolabe. Les deux instruments, permettant de relever la hauteur de l'etoile polaire ou la hauteur meridienne du soleil, fournissaient au navigateur une notion precieuse, celle de la latitude. Mais pour que cette donn6e put etre utilisee par le marin, il eut fallu que la latitude fut une donnee appliquee dans la navigation et portee sur les cartes. Or, les latitudes et les longitudes ne commencerent a figurer sur les cartes des geographes que vers la fin du premier tiers du xv\e siecle, et plus tard encore sur les cartes des marins. On s'explique ainsi comment la consecration, comnme instrument nautique, de l'astrolabe accompagne de son complement indispensable, la table de declinaison du soleil, a pris date seulement de la fin du xve siecle. Si done les Majorquins et les Catalans avaient, au dire d-e Raymond Lulle, des astrolabes sur leurs navires au d6clin du xIne siecle, ce n'6tait pour repondre qu'a des usages relativement secondaires comme celui de la recherche de l'heure de jour ou de nuit par la hauteur des astres: et le quadrant efit pu leur rendre le meme service, si l'excessive mobilit6 du fil a plomb n'etlt pas rendu le maniement de cet instrument encore plus difficile que celui de l'astrolabe sur le pont instable d'un navire. (1) MAGINI (Giovanni Antonio). De planis triangulis liber unus, et de dimetiendi ratione per quadrantem et geometricumn quadratum, lib. V; Venise, 1592, in-40. - Cf. Biblioth. Nat., ms. lat., 7252: J. Antonii Magini de quadrantis planispherii catholici conficiendi ratione et usu, lib: VIII.

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- 87 Cependant, des l'6poque de la decouverte de la Guinee, les marins portugais se servaient du quadrant pour relever la hauteur des astres (1). Outre l'emploi du quadrant comme instrument de hauteur, le navigateur ne pouvait-il pas encore tirer parti des traces que portait la face de l'instrument pour d6finir sa route? Nous nous attacherons a d6montrer que le quadrant lui en fournissait les moyens; il est plus difficile de preciser dans quelle mesure de semblables applications ont pu etre concues par les marins avant le XVIe siecle. Les ouvrages anciens que nous avons nomm6s ne formulent aucun exemple d'usage nautique du quadrant, mais cette donnee negative ne suffit pas pour qu'on puisse affirmer que jamais navigateur n'avait songe a utiliser la face a sinus du quadrant avant les leqons du celebre cosmographe portugais Pedro Nunez (1492-1577). Nous sommes accoutum6s a cette disette de renseignemients sur les faits techniques de la marine, aussi bien dans les ouvrages scientifiques du Moyen Age que dans ceux de l'Antiquite; et, si l'on devait s'en rapporter seulement a ce silence, il faudrait aussi conclure que les marines si vivantes de Venise, de G-nes, de l'Italie et de la peninsule iberique, n'existaient pas avant les grandes decouvertes maritimes du xv- siecle. Les trait6s classiques sur l'astrolabe et le quadrant restaient enfermes dans un cadre immuable, legu6 par l'Antiquite, astronomique et mathematique, mais sans point de contact avec le mouvement maritime. Aussi bien est-ce a d'autres 1eements moins etrangers a ce mouvement qu'il faut s'adresser; et l'examen des documents g6ographiques laisses par le Moyen Age fournit de precieux renseignements. On s'assure ainsi que le principe de la reduction d'une route oblique en ses composantes rectangulaires, qui permet de cal(1) Cf. L. GALLOIS. Les Geographes allemands de la Renaissance; in-80, Paris, 1890, p. 31.

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- 88 - culer le d6placement dans le Nord ou Sud et dans l'Est ou Ouest pour une longueur de chemin parcouru, suivant une aire de vent determinee, 6tait parfaitement connu au debut du xve siecle. Ce principe, dont nous montrerons la pratique par certain trac6 de notre quadrant, 6tait meme probablement applique a une epoque anterieure, car il s'adapte exactement a la lecture des cartes marines que les pilotes latins levantais possedaient vers la fin du XIie siecle, avec le compas et l'aiguille aimantee peut-6tre associee deja a la rose des vents(i). La carte marine 6tait la carte plate carree 6tablie sur deux axes formes par la ligne Nord-Sud et la ligne Est-Ouest. La surface meme 6tait partagee par des lignes 6quidistantes, paralleles a ces deux axes et constituant un treillis a mailles carrees dont les c6t6s valaient uniforniemment un certain nombre de milles ou de lieues. A ces lignes rectangulaires s'ajoutaient des lignes obliques repr6sentant les aires de la rose des vents. Une premiere rose des vents occupait le centre de la carte et chacun de ses rayons, en se prolongeant jusqu'aux limites de la carte, marquait la direction d'un vent determine. Ces roses 6taient Fame de la carte et l'on en multipliait le nombre en les disposant sur diff6rents points du trace pour la commodite du pointage. De ce croisement de lignes r6sultait une sorte de canevas, le marteloio (toile marine), le marteloire, qui est reste la caracteristique des cartes marines jusqu'a la fin du xvIIe siecle. Les observations astronomiques n'entraient pour rien dans la d6termination de la position des lieux marques sur cette carte; c'est par l'estime seulement et la connaissance constamment perfectionn6e des routes maintes fois parcouf'ues, que les marins d6terminaient la distance des diff6rents points (1) Cf. D'AVEZAC. Aperfus historiques sur 'la boussole; Bulletin de la Soc. de Geographie, 1860, t. I, p. 356. - GELEICH. Revue marit. italienne, 1890. - BERTELLI, Etudes historiques sur la boussole marine; Mem. de l'Acad. pontificale des Nouveaux Lynceens, t. IX. - PEPIN, Les Origines de la boussole marine; Etudes religieuses, 1897, p. 607.

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-- 89 - geographiques dont la boussole indiquait la situation respective. Avec des moyens aussi peu scientifiques, mais soutenus par une grande experience, les pilotes m6diterraneens du xIVe et du xve siecle ont su tracer des cartes hydrographiques d'une surprenante exactitude. Un peu plus tard, dans le courant du xve siecle, apres la renaissance des conceptions g6ographiques de Ptolemee, on appliqua aux cartes deja construites les lignes de latitude et de longitude qui prirent la place des lignes 6quidistantes rectangulaires, en conservant la meme disposition. Mais la determination astronomique des differents points du globe, appliquee a un pareil systeme, entrainait de grandes deformations et derangeait completement le dessin des cartes hydrographiques, creant un insurmontable malentendu entre les g6ographes attaches a la science grecque et les marins qui s'en tenaient a leurs portulans et a leurs cartes plus exactes d'ailleurs que celles des savants (1). Le compromis, qui devait mettre fin a ce desaccord par I'adoption du systeme des latitudes croissantes, n'6tait pas encore sur le point d'etre realise. Etablie sur le treillis rectangulaire primitif ou sur celui des meridiens et des paralleles, la carte plate, si remarquable par sa simplicite, n'est pas, a proprement parler, une projection et manque d'exactitude, des que la surface du globe ainsi representee est un peu 6tendue. Le parallelisme des m6ridiens de la carte marine avait une consequence avantageuse que les pilotes du Moyen Age mettaient a profit sans en comprendre la port6e, c'etait de transformer en une ligne droite la loxodromie, c'est-a-dire la ligne courbe spirale que decrit un navire voguant toujours suivant la meme aire de vent et coupant successivement tous les meridiens sous le meme angle. (1) Cf. GALLOIS. Les geographes allemands de la Renaissance; Paris, 1890, in-8~.

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- 90 Avec la carte plate a paralleles equidistants, cette heureuse consequence conduisait cependant a un resultat errone; car, hors les cas exceptionnels ou la route suit constamment le mmere meridien ou le meme parallele, la ligne droite ou l'arc de grand cercle du globe, qui reunit deux points assez Mloignes,ne coupe pas tous les meridiens suivant le mrmee angle, et, par consequent, ne suit pas exactement la meme aire de vent. L'erreur, moins saillante sur les cartes plates de la premiere maniere parce que ces cartes s'accordaient avec la pratique qui les avait creees, devenait evidente sur les cartes plates etablies d'apres des donnees astronomiques. Elle resta toutefois longtcmps ignoree ou toleree, parce que les cartes plates ne s'appliquaient qu'a de petites etendues de la surface terrestre. Proclamee enfin par Pedro Nunez vers le milieu du xvi' siecle, elle fut corrigee, dans la suite, par l'adoption des cartes reduites - latitudes croissantes. Les donnees, sur lesquelles la carte plate des marins etait fondee, en rendaient la lecture tres simple. Pour avoir la distance existant entre deux lieux, on mesurait cette distance sur la carte avec le compas qui etait ensuite reporte sur l'dchelle convenue; et, pour apprecier leur situation respective, on observait, sur le canevas, leur position par rapport aux lignes obliques. Si l'une de ces lignes passait a la fois par les deux points, l'aire de vent de la route qui conduisait de lun a l'autre etait toute trouvee; si aucune ligne ne les reunissait, on cherchait une ligne a laquelle etait parallele la droite cu'on aurait pu nmener de l'un a Fautre point, et cette ligne indiquait la direction du chemin. La navigation pratiquee avait donne la carte, et celle-ci indiquait la route; mais il n'etait pas toujours possible de la suivre exactement,et les pilotes devaient necessairement savoir ou les conduisaient les routes obliques. Lestime du chemin parcouru et le pointage de la carte les renseignaient; ils possedaient aussi des tables qui donnaient la valeur des composantes rectangulaires pour une route oblique faisant un certain angle avec la direction donnee.

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- 91 - Sur cette table de la carte marine, la Toleta de marteloio, un document precis nous a ete conserve a la Bibliotheque Mlarcienne de Venise; c'est l'atlas bien connu du cartographe venitien Andre Bianco (1). Le premier carton de ce recueil de cartes hydrographiques anterieur a la decouverte du Cap de Bonne-Esperance et de l'Anmerique, puisqu'il est date de 1436, reproduit le marteloio et des tables dont l'enserble constitue la Toleta. Bien que la figure du marteloio de Bianco soit moins claire que les tables qui l'accompagnent, la disposition des lignes obliques ou aires de vent, sur un treillis a mailles carrees, represente bien le canevas de la carte plate marine. Et c'est la carte marine de la premiere maniere que developpe le Venitien, car aucune de ses cartes ne porte d'echelle de latitude ou de longitude. Ces notions n'etaient certainement pas ignorees des geographes a son epoque, puisque la Geographie de Ptolemee avait ete traduite par Giacomo d'Angelo en 1409; mais Bianco n'avait pas a en tenir compte, puisqu'il s'adressait a des marins. Au reste, son ceuvre ne faisait que suivre une m6thode 6tablie depuis longtemps deja. Il est interessant de constater que ce trace du marteloio se rapproche beaucoup de celui du quartier nautique de reduction dont les proprietes analysees beaucoup plus tard s'appliquent cependant exactement a la mesure des cartes plates et sont, d'ailleurs, revelees dans les tables de Bianco. Ces tables avec leurs legendes et les parties de texte qui s'y rapportent sont des plus explicites. Les nombres indiques par ces tables pour la valeur des composantes rectangulaires des differentes routes obliques, (ui suivent les huit aires de vent du quart de cercle de l'horizon, sont les sinus et les cosinus des arcs des rumbs de vent correspondants. (1) Cf. VINC. FORMALEONI. Saggio sulla nautica de Veneziani; Venise, 1783. - JOACHIM LELEWEL. Geographie du Moyen Age; t. II, Bruxelles, 1852, p. 84. - Der Atlas des Andrea Bianco vom Jahre 1436, in zehn Tafeln (Reproduction photographique avec introduction <1'e OSCAR PESCITEL); Venise, 1869.

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Ainsi pour 100 milles parcourus suivant une route, dont la direction s'ecarte d'un quart de rumb d'une direction donnee, l'ecartement rectangulaire en dehors de cette direction est de 20 milles et le rapprochement rectangulaire du but est de 98 milles. Or, 20 et 98 expriment le sinus et le cosinus de l'are de 11015', valeur d'un quart de rumb de vent: le sinus total, c'est-a-dire la longueur du chemin parcouru, etant divise en 100 parties. Telle est la signification de la table principale de Bianco, que nous reproduisons en y ajoutant les termes sinus et cosinus et la valeur des arcs des quarts de rumbs de vent de 1 h 8. SINUS COSI.US UIJARTS largar avancar de ramnlbs P. una quarta.............. 0 98 1!~ 15' P. do quart,............. 3. 8 (12 I )2 22~:0' P. tre quarte...55.3 8 3 33~ 45' P. quarto quarte......... 1 T 71 4, 4 P'. cinque quarte................ 5 5 15' P. sie quarte.............. 3S 70 30' P. sede quarte......... 98 -0 7 78 45' P. oto quarte............ 100 001) S!)00 Une formule aussi math6matique suppose la connaissance des sinus que les Latins avaient regus des Arabes avec le trace si expressif du cercle et du quadrant destour dont le treillis rectangulaire a tant d'analogie avec le canevas de ]a carte plate et le quartier de reduction. Aux geographes arabes, presque exclusivement continentaux, les hydrographes n'avaient que peu de chose h emprunter; mais le trace trigonom6trique sous la forme du treillis, ou mme sous celle des deux demi-cercles construits sur les c6tes du quadrant, leur offrait un moyen de reduire les routes obliques trop exactement adapte a leurs cartes pour qu'il n'ait pas attire leur attention; et il se pourrait ainsi que cette application particuliere du quadrant ait precede l'usage du quadrant d'altitude.

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-93 - Le trace trigonometrique du quadrant s'applique encore a une autre solution qui complete la premiere, c'est la reduction des milles parcourus sur un parallele donne en milles de l'equateur, et par suite la transformation du chemin, parcouru sur le parallele, en arc de longitude. Mais ce probleme suppose l'existence des cartes reduites, ou tout au moins celle de cartes construites sur les meridiens et les paralleles, et il ne pouvait se poser au plus tot que vers le milieu du xvie siecle. Pedro Nunez, qui demontra la veritable forme de la loxodromie sur le globe terrestre (1), connaissait bien les proprietes du trace trigonometrique du quadrant et du demi-cercle construit sur le rayon et donnant les sinus. Il en tire des deductions qui sont encore un acheminement a l'etablissement du quartier de reduction. Dans une traduction frangaise manuscrite (2) d'un traite du celebre hydrographe portugais, on trouve la maniere de reduire, a l'aide du quadrant, les lieues d'un parallele moyen en lieues majeures, en des termes que l'on peut ramener a la formule suivante: l'etendue du degre d'un parallele de latitude donnee est a l'etendue d'un degre de l'equateur comme le cosinus de la latitude de ce parallele est au sinus total. Avec une initiation aussi avancee la resolution complete des problemes nautiques, que nous proposerons dans la suite, etait possible par le quadrant. Nous ne supposons pas qu'un navigateur comme Jean de Bethencourt, parcourant la haute mer a la fin du xivo siecle ou au commencement du xve, en possedait tout le secret; mais la premiere des deux applications ne devait pas etre etrangere aux marins dieppois qui soutinrent tres probablement une navigation reguliere aux cotes occidentales de l'Afrique entre l'annee 1364 et l'annee 1410. (1) PETRI NONII de arte atque ratione navigandi; 1573.- PETRI NONII Opera; Basles, 1592. (2) Biblioth. Nat., ms. frang., 1338, fol. 73 vo et 74 r0 qui porte la figure du quadrant.

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CHAPITRE I I Description du Quadrant de l'Astrolabe de Rouen La face, que nous nommerons specialement le quadrant, se montre couverte de lignes et encadree par des echelles graduees dissemblables, appartenant manifestement a plusieurs traces distincts que le constructeur a accumul6s sur une surface unique et limitee. On pourrait comparer cette surface a un cliche photographique, sur lequel plusieurs vues differentes auraient ete tirees. Nous nous proposons d'analyser ce trace complexe dans les pages qui vont suivre, et nous consacrerons a chaque systeme un paragraphe special accompagne de figures qui reproduiront les lignes particulieres au systeme ainsi isole. ~ I. - LE QUADRANT D'ALTITUDE. Avant d'examiner les traces, nous consid6rerons le quadrant dans sa forme la plus simple qui est celle du quadrant d'altitude. 11 est constitue par le quart de cercle dont le limbe divise en 90 degres est nomme le quart de cercle d'altitude. Sur le cote droit oppose au zero de la graduation sont fixees les deux pinnules de visee. Enfin, au sommet de l'angle droit, forme par la rencontre des deux rayons ou cotes de l'instrument, est fix6e l'extremite superieure d'un fil a plomb qui pend librement le long du limbe du quadrant, quand celui-ci est maintenu dans un plan vertical. Ces organes constituent l'appareil d'observation, qui trouve son emploi dans tous les cas ou il y a lieu de mesurer l'arc d'altitude, c'est-a-dire l'angle de hauteur d'un astre ou de tout autre point au-dessus du plan horizontal.

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- 96 Dans cette operation, le plan du quadrant est place verticalement, le bord du limbe gradu6e tant tourn6 contre l'observateur, et l'angle droit de F'instrument vers l'objet vise. La visee se fait par les oeilletons des deux pinnules, l'ceil de l'observateur etant plac6 au voisinage du degr6 90 de la graduation; ou bien, s'il s'agit du soleil, on fait tomber le point lumineux projet6 par la pinnule superieure sur l'orifice de la pinnule inferieure, en inclinant, autant qu'il en est besoin, le bord superieur de l'instrument. A ce moment, le fil a plomb marque sur le limbe l'angle que fait la ligne de visee avec l'horizon. Nous aurons l'occasion de montrer l'application de cette donnee a plusieurs cas dans les paragraphes suivants. Ajoutons que le fil a plomb est muni, pour d'autres usages, de deux index mobiles que les Arabes appellent almuri: Les auteurs du Moyen Age ont conserve ce mot: ils nonment aussi l'index la marguerite (margarita), parce qu'il etait forme par une perle glissant a frottenient dur sur le fil qui la traversait. ~ II. - LE TRACE DES HEURES INEGXLES DE JOUR (fig. 2) Le premier trace que nous extrairons du quadrant est forme par six arcs de cercle, joignant le centre du quadrant a des points du limbe et resultant de la division du quart de cercle en six parties egales: ces points sont done separes par des arcs de 15 degres. La construction du trac6 est des plus simples. Les centres des arcs sont tous places sur le cote du quadrant, regarde par leur concavite, ou sur le prolongement de ce cote. Une perpendiculaire, elevee sur le milieu de chaque ligne occulte reunissant les points du limbe au centre du quadrant, rencontre la ligne des centres en un point qui est le centre de larc passant par le point considere du limbe. Ces arcs marquent les limites des heures inegales de jour et les intervalles qui les separent correspondent aux durees de ces heures.

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- 97 L'heure inegale, temporaire ou artificielle, est la douzieme partie du jour artificiel ou de la nuit artificielle, c'est-a-dire consid6res separement; tandis que l'heure egale est la vingtquatrieme partie du nycthemere ou jour naturel. La premiere heure inegale de jour commence au lever du soleil et la douzieme se termine ar coucher qui marque le commencement de la premiere heure de nuit. Ainsi la sixieme heure de jour correspond a midi et la sixie'me heure de nuit a minuit. Egales entre elles dans un meme jour ou dans une meme nuit, les heures temporaires sont de duree inegale d'un jour a l'autre, ou du jour a la nuit d'un meme nycthemere, sauf a l'6poque des equinoxes. Au point de vue astrologique, elles sont dites planetaires, parce qu'a chacune d'elles est attach6e l'influence dominante d'une planete. Elles furent employees autrefois par les Juifs et a peu pres par tous les peuples de l'antiquite; on les retrouve chez les Romains qui partageaient la nuit en quatre veilles de trois heures chacune, et l'Eglise romaine a etabli sur cet usage les heures dites canoniques auxquelles doivent etre recitees ou chantees les diverses parties de l'Office. Ces heures appelees prime, tierce, sexte, none et vepres correspondent aux heures 1, 3, 6, 9 et 12, la sixieme heure marquant toujours midi. Le trace de notre quadrant ne comprend que les heures inegales de jour, et le quart de cercle represente le demi-arc diurne, quelle que soit son amplitude, partage en six parties egales. La fin dela premiere heure est indiquee par l'arc de cercle le plus ouvert, celle de la deuxieme heure par l'are suivwnt, et la fin de la sixieme par le demi-cercle construit sur la ligne des centres. Les heures de la seconde moitie du jour sont limitees par les memes arcs se succedant dans l'ordre inverse jusqu'a la douzieme heure qui se termine au cote du quadrant oppose a la ligne des centres.

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- 98 - Avec ce systeme de lignes horaires, l'heure inegale de jour est trouvee de la faqon suivante: On determine, au prealable, la hauteur meridienne du soleil pour le jour et le lieu de l'observation, en ajoutant a la colatitude du lieu la declinaison du soleil, si l'on est dans le meme hemisphere que le soleil, ou en la retranchant, si l'on est dans l'hemisphere oppose. Ce resultat obtenu, on tend le fil du quadrant sur le degr6 Fig. 2. - LE QUADRANT DE HAUTEUR ET LE TRACE )ES HEURES INEGALES du limbe egal a la hauteur meridienne connue et on amene un index sur la ligne de six heures (midi);puis on prend la hauteur du soleil par les pinnules en laissant pendre librement le fil a plomb. Le point, ou s'arr6te l'index sur un des cercles horaires ou entre deux de ces cercles, marque l'heure inegale au moment de l'observation. Comme l'index se place le plus souvent entre deux cercles, on doit apprecier a vue d'ceil la fraction d'heure inegale indiquee. On evaluera, d'autre part, l'heure egale correspondante en tenant compte de l'heure du

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-99 lever du soleil et de la valeur de l'heure inegale dans le jour considere. Supposons qu'un observateur, se trouvant a Rouen dans la matinee du 7 avril (v. st.), desire connaitre l'heure inegale a un moment donne. La latitude de Rouen etant 49026', la colatitude est 40034'. Par les Tables ou par le quadrant, qui comme nous le verrons lui en fournit les moyens, l'observateur a reconnu que la declinaison du soleil au 7 avril est de 9o15' Bor.; la hauteur meridienne du soleil,a ce jour,est done de 40034' + 915' = 49049' a Rouen. Il tendra le fil sur le limbe a un sixieme de degre environ avant le 500 du limbe et amenera l'index curseur sur la ligne de six heures (midi) (fig. 2). Prenant ensuite la hauteur du soleil par les pinnules de visee, il constate, par la position du fil a plomb qui tombe par exemple sur le degre 21, que la hauteur du soleilau-dessus de l'horizon est de 21 degres; et, par la position de l'index sur le quadrant, que l'on se trouve vers la fin de la deuxieme heure de jour. En examinant au paragraphe IV le trace de projection grave sur le quadrant, nous y decouvrirons un procede pour determiner la valeur de l'arc diurne du soleil a un jour quelconque, et, par consequent, l'heure du lever du soleil et la valeur de I'heure inegale de ce jour. L'observateur trouvera par ce procede que la duree du jour artificiel du 7 avril est de 13h30m; il en deduira facilement que le soleil se leve a 5hl5m et que la duree de l'heure inegale est de lh7m30s. La deuxieme heure inegale se termine done a 7h30m (heure egale), et il est environ 7h20m du matin au moment de l'observation. Le trace des heures inegales figure generalement sur le dos de l'astrolabe circulaire; transporte sur le quadrant, il n'est pas seulement la reproduction d'un systeme archaique, mais il complete heureusement le trace de projection. Ii permet, en effet, par un moyen detourne, de connaitre l'heure egale de jour que l'on ne peut determiner directement par le trace

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- 100 - de projection du quadrant en raison de l'absence, sur ce trace, des cercles de hauteur qui existent, au contraire, sur les tableaux de latitude de l'astrolabe circulaire. ~ III. - LE CARRE DES OMBRES (fig. 3) Nous trouvons encore sur le quadrant un trace qui existe communement sur le dos de l'astrolabe circulaire; c'est le carre des ombres ou l'echelle altimetre. Deux cotes de ce carre sont formes sur le quadrant par la moitie de chacun des rayons, adjacente au centre de l'instrument; les deux autres c6tes sont constitues par des echelles divisees en 12 parties, points ou doigts. Ces deux echelles se rencontrent a angle droit en un point signale par le terme 12 commun aux deux echelles et place sur le rayon partant du centre de l'instrument pour aboutir au degre 45 du limbe. Elles portent le nom d'echelles d'ombres comme sur l'astrolabe circulaire, parce que sur ce dernier instrument chacune d'elles mesure la longueur de l'ombre portee par le c6te adjacent. Ce cote, faisant office de style, s'appelle le corps de l'ombre, module ou gnomon. Sur l'astrolabe circulaire, ces cotes occupent chacun une position fixe et bien determinee, et c'est de cette position que l'ombre portee correspondante tirera son nom generique. L'un est vertical, debout ou droit, et l'echelle qu'il couvre de son ombre, bien qu'elle soit placee horizontalement, est l'echelle d'ombre droite. L'ombre horizontale est donc l'ombre droite. L'autre cote est horizontal, couche ou verse, et couvre de son ombre l'echelle verticale qui est l'echelle d'ombre verse. L'ombre verticale est donc l'ombre verse. Ces echelles sont generalement designees sur l'astrolabe meme par les termes: umbra recta, umbra versa. Quand la hauteur du soleil au-dessus de l'horizon est inferieure a 45, l'alidade qui vise le soleil coupe l'6chelle d'ombre verse et elle tombe,au contraire, sur l'echelle d'ombre droite, quand la hauteur du soleil est comprise entre 450 et 90o.

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- 101 - Sur le quadrant, les cotes ou corps d'ombre ne gardent pas une position fixe par rapport i'horizon; le bord du quadrant qui porte les pinnules de vis6e suit la direction du rayon solaire, l'autre bord est perpendiculaire a ce rayon et c'est le fil a plomb qui, en tombant verticalement, marque sur les echelles la longueur de l'ombre (fig. 3). Toujours par analogie avec la disposition adoptee sur Fig. 3. - LE CARRE DES OMBRES I'astrolabe circulaire, on appelle, sur le quadrant, echelle d'ombre verse celle qui est coupee par le fil a plomb, lorsque la hauteur du soleil est inferieure a 45v; cette echelle est parallele au bord qui porte les pinnules. L'autre echelle, perpendiculaire a ce meme bord, est l'echelle d'ombre droite. Cette disposition particuliere ne modifie, d'ailleurs, en rien les proprietes du carre des ombres. Ces proprietes ont fait donner au carre des ombres le nom de carre geometrique et au quadrant qui le portait celui de quadrant geometrique.

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- 102 - Nous etablirons quelques-unes des relations qui existent entre les ombres portees et les corps d'ombres dans le carre des orhbres que nous considererons sur l'astrolabe circulaire, parce que cette disposition se prete mieux a la demonstration. Tragons le cercle ABCD, puis les deux diametres AC et BD; B est le zenith (fig. 4). Sur les rayons OD et OC, on prend OG et OF pour corps de l'ombre valant 12, et on mene FL parallele a BD et GM parallele a AC. Al \ Sur l'arc AB, prenons AE egal a la hauteur du soleil et menons la Jigne EO prolong6e jusqu'en M. Nous definissons: \ G / GM, ombre droite ou horizontale' \ L FH, ombre verse ou (erticale; EP, sinus de la hauteur; D OP, cosinus de la hauteur; ~ EO, sinus total; Fig. 4 OH, diametre de l'ombre verticale; OM, diametre de l'ombre horizontale. I. Trouver l'ombre horizontale et l'ombre verticale pour une hauteur donnee. 1~ Dans les deux triangles semblables OGM et EPO, GM OP omb. horiz. cos haut. on a OG EP ou corps de l'omb. sin haut. cos haut. x 12 d'oui l'on tire: omb. horiz. = s haut. — sin haut. 2~ De meme les triangles EOP et OFH FH EP omb. vert. sin haut. donnent F OP corps de l'omb. cos haut. sin haut. x 12 d'oi: omb. vert. = haut. — cos haut. II. Determiner la hauteur du soleil d'apres les deux ombres. Les trois triangles 6quiangles EOP, GOM, FOH donnent: OP EO cos haut. sin total (1) OF OH ou corps de l'omb. - diam. omb. vert. EP EO sin haut. sin total 2) OG OM corps del'omb. diam.omb.horiz.

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- 103 - Si, par exemple, l'ombre verticale est de 9 doigts. OP 60 la formule (1) donne O = 6 12 OH or OH = V/F + FH2 = V12 + 92= 15 12 x 60 done OP = = 48 15 Le cosinus de la hauteur etant 48, la hauteur est 370. III. Une ombre etant connue, trouver l'autre. Des deux triangles OFH et OGM, on deduit FH= G OF GM — 2 Comme OF = OG = 12, on a FH x GM = 12. Le corps de l'ombre est moyen proportionnel entre omb. horiz. et omb. vert.; la formule est par consequent: omb. horiz. x omb. vert. = 144. 144 144 d'ofi omb. horiz. = 144 et omb. vert. = 144 omb. vert.' omb. horiz. IV. Trouver le diametre de l'une ou l'autre des deux ombres. OH (diam. omb. vert.) = V/F2 + FH2 = \/144 + omb. vert. OM (diam. omb. horiz.) = /O 2 + CM2 = V/144 + omb. horiz2 Si l'on mesure la hauteur du soleil avec le quadrant, le fil a plomb donne, d'une part, sur la graduation du limbe, l'angle d'inclinaison de la ligne de visee sur l'horizon; et,d'autre part, sur l'echelle altimetre, le rapport entre la longueur du style, ou gnomon horizontal ou vertical, et celle de son ombre. Ce rapport porte en trigonometrie le nom de tangente, si l'angle de visee est plus petit que 450, et de cotangente, si cet angle est compris entre 450 et 900. L'ombre verse est done la tangente et l'ombre droite la cotangente de la hauteur du soleil (1). En generalisant, on obtient le rapport qui existe entre la (1) La hauteur du soleil etant mesuree par l'are d'altitude AE ou FI (fig. 4), FH, ombre verse, est la tangente; et GM, ombre droite, est la cotangente de l'are d'altitude FI. Par la disposition des deux echelles du carre des ombres, l'echelle des tangentes FL sert jusqu'a 45~ d'altitude et l'echelle des cotangentes GL entre 450 et 90~.

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- 104 - hauteur d'un edifice et la longueur de son ombre portee sur le sol horizontal, et le carre des ombres devient une echelle altimetre qui, dans la pratique, fournit un mooyen rapide de mesurer les hauteurs. Si la hauteur du soleil est de 45o, le fil tombe sur le terme 12 commun aux deux 6chelles et la longueur de l'ombre est 6gale a celle du style vertical et du style horizontal. La hauteur du soleil etant superieure a 45o, si le fil tombe, par exemple, sur le point 8 de l'echelle d'ombre droite, la longueur d'ombre est 6gale ia de celle du style vertical ou de la hauteur de l'edifice considere. Dans un autre exemple, le fil tombant sur le point 6 de l'echelle d'ombre verse, la longueur d'ombre n'est que les 12 de celle du style horizontal ou est egale a s de celle du style vertical. L'ombre portee par un edifice sera alors le double do la hauteur de cet edifice. Pratiquement, pour mesurer la hauteur d'un 6difice, il n'est pas necessaire de prendre la hauteur du soleil, on vise seulement le faite de l'edifice, et la position du fil sur l'une des echelles indique le rapport qui existe entre la hauteur du point vise et la distance qui separe l'observateur du pied de l'edifice. 11 faut naturellement supposer la paroi verticale, le sol horizontal, et rapporter dans ce cas les mesures au centre de linstrument, c'est-a-dire qu'il faut ajouter a la hauteur trouvee la distance qui existe entre ce centre et le sol. Sur certains quadrants comme sur certains astrolabes, le carre des ombres est remplace par un arc de cercle divis6, parallele au limbe, ou quart de cercle d'altitude, et dont la graduation donne les tangentes de l'arc d'altitude. Ii en est ainsi sur l'astrolabe arabe decrit par MM. Sauvaire et de ReyPailhade (1), sur le quadrant arabe de W. Morley (2) et sur un quadrant arabe date de l'an 1254 de l'h6gire (A. D. 1838) que nous poss6dons. Sur d'autres instruments, on trouve deux graduations (1) Journal Asiatique; 1893. (2) Journal of the Asiatic Society; t. XVII, 1860.

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- 105 - partant chacune de chaque extremite de l'arc du quart de cercle et se rencontrant a 450. Ces deux graduations, qui donnent l'une la tangente de l'arc d'altitude jusqu'a 45o et l'autre la cotangente entre 45o et 900, conservent les noms d'ombre droite et d'ombre verse. Cette disposition existe sur un quadrant decrit et figure par P. Apian et reproduit par Repsold (1). L'echelle altimetre divisee en 12 parties, aussi bien que les echelles des tangentes et des cotangentes, qui peuvent porter un plus grand nombre de divisions, donne des solutions seulement approximatives; mais par un procede mecanique rapide. La graduation du limbe du quadrant sur laquelle le fil a p!omb marque en meme temps la valeur des angles permet d'obtenir, par le calcul, des resultats plus precis. L'echelle altimetre se prete egalement a la mesure des lieux eleves dont le pied est inaccessible, des profondeurs, etc. Tous les details de la pratique de ce trace sont exposes dans les traites classiques anciens de l'astrolabe; nous ne nous y arreterons pas plus longuement. Rappelons seulement qu'on en trouve une description interessante dans la Practica Geometrix de Leonard de Pise (2) ne vers 1175. ~ IV. - LE PLANISPHERE (pl. VII) Le quadrant, que les auteurs du Moyen Age appelaient quadrans vetus, portait seulement les deux derniers traces que nous venons d'examiner; celui que nous etudierons dans le present paragraphe est particulier au quadrans novus. Ce systemne est un trace de projection identique au planisphere de l'astrolabe circulaire ou astrolabe plan equinoxial. Il emprunte, en effet, des el4ments a la fois a l'araignee mobile et aux tableaux fixes de latitude de l'astrolabe circulaire, mais se presente sur le quadrant avec une disposition parti(1) J.-A. REPSOLD. - Zur Geschichte der astronomischen Messwerkzeuge; Leipzig, 1908, fig. 11. (2) Edit. Boncompagni; Rome, 1857-1862, t. II, p. 202-206.

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- 106 - culiere qui apparait bien quand on opere le d6veloppenent du trace (pl. VII). Avec une ouverture de compas egale au rayon du quadrant, on decrit d'abord un cercle qui est la projection du tropique du Capricorne sur un plan passant par l'equateur, et le centre de ce cercle represente le pole Nord. Le cercle est divise en quatre parties egales par deux diametres perpendiculaires qui figurent le colure des solstices et le colure des equinoxes. On trace ensuite, selon les procedes de la projection stereographique appliques a la construction de l'astrolabe plan equinoxial, un second cercle qui est l'equateur; puis un troisieme plus interieur qui est le tropique du Cancer; enfin l'cliptique qui coupe l'equateur sur la ligne des equinoxes et definit, par ses signes du zodiaque, les quatre quadrants du printemps (I), de l'ete (II), de l'automne (III) et de l'hiver (IV). Des quatre quadrants ainsi deliinites, le quadrant materiel ne presente en position normale que le quadr. I ou le quadr.III. Supposons que cc soit le quadr. d'automne; les trois autres ont ete report6s sur ce quadrant materiel par le proced6 suivant: On a ramene le quadr. de printemps sur le quadr. d'automne en le faisant pivoter autour du centre, dans le plan de la figure, jusqu'a coincidence des rayons des deux secteurs. Les quadr. d'ete et d'hiver ont ete rabattus par un mouvement de charniere autour du rayon qui forme la limite de chacun d'eux du cote du quadr. d'automne. Par suite de ce mouvement, les images du quadr. d'ete et du quadr. d'hiver sont retournees sur le quadrant materiel. Les mouvements que l'on consid6rera sur ces deux quadrants devront etre analyses dans l'ordre inverse au sens normal; ainsi les signes: Cancer, Leo, Virgo; et Capricornus, Aquarius, Pisces, se succedent sur la figure dans le sens retrograde, et les mouvements en ascension droite subissent le meme renversement. Les deux sortes de graduations inscrites sur le quart de

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- 107 - cercle, qui forme le limbe de l'instrument, sont conformes a cette disposition et se liront dans un sens ou dans l'autre suivant le quadrant auquel elles appartiennent. La graduation externe du limbe correspond aux degres de l'equateur ou degres d'ascension droite, et est accompagnee d'une numerotation en quatre series alternantes pour les 360 degres de l'equateur. La graduation interne donne les degres des signes du zodiaque et sert a compter les degres de longitude de l'ecliptique; les limites des signes sont indiquees par des traits graves sur le cercle du zodiaque. Le rapprochement des deux cercles gradues d'ascension droite et de longitude, sur le limbe, permet de reconnaitre immediatement l'ascension droite de chaque degre de l'ecliptique et, par consequent, l'ascension droite du soleil pour tous les jours de l'annee, puisque le quadrant fournit, d'autre part, le moyen de trouver la longitude du soleil pour chacun de ces jours. On obtient ainsi, pour les trois premiers signes, les donnees suivantes: ARIES. DEGRES 11 TAURUS. DEGRS ls GEMINI. DEGRS Y 10 9' 10~ 10o 37o 4.5' to0 68 200 18o 35' 20o 47o 5'/ 20~ 79~ 300 270 50' 30 58~ 300 900 L'ascension droite des 10o, 200 et 300 des autres signes se trouvera par raison de symetrie; et ces donnees, sans etre absolument exactes, sont suffisamment correctes pour s'accorder avec les resultats toujours approximatifs fournis par un instrument de ce genre. Le long d'un des rayons formant les c6tes du quadrant on voit l'echelle des declinaisons en projection stereographique. Le zero correspondant a l'equateur, les delinaisons boreales se comptent de 00 a 900 en allant vers le pole Nord, au centre

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- 108 - du trace. Les declinaisons australes sont conduites dans l'autre sens et s'arretent au tropique du Capricorne a 23030', terme a la suite duquel on lit sur le limbe le mot decliato (declinatio). A l'autre extremite de l'echelle est inscrit lati, abreviation de latitudo, latitude, les declinaisons celestes coincidant avec les latitudes terrestres. Parallelement et exterieurement a cette echelle, existe une autre graduation, de 00 a 90o, s'etendant du pole a l'equateur et designee par l'abreviation alti (altitudo), altitude da pole; comme nous le verrons plus loin, cette graduation determine la position des lignes de l'horizon oblique. Sur l'autre rayon ou cote du quadrant, se trouve une 6chelle graduee en 60 et 120 parties, qui n'appartient pas au trace de projection. Les etoiles principales marquees sur l'instrument sont au nombre de onze. Elles ont ete choisies dans les quatre quadrants developpes,et reportees sur le quadrant materiel d'apres les memes principes que les traces des cercles. Les noms de ces etoiles indiquent deja suffisamment a quel quadrant chacune d'elles appartient; mais le constructeur a pris le soin d'inscrire dans le meme sens les noms des etoiles qui appartiennent a un meme quadrant. II etait interessant de relever les positions de ces 6toiles sur le plan de projection et de les comparer aux positions actuelles. D'une faqon g6enrale, nous avons pris pour termes de comparaison les coordonnees equatoriales: ascension droite et declinaison, qui sont tres facilement mesurees sur le quadrant. En plagant le bord d'une regle sur le centre du quadrant et sur une 6toile, on lit sur le limbe le degre d'ascension droite rencontre par le bord de la regle. Il faut naturellement s'adresser a la graduation qui se rapporte au quadrant auquel appartient Fl'toile. Pour avoir la declinaison de la meme etoile, on place l'une des pointes d'un compas sur le centre du quadrant et l'autre pointe sur l'6toile, puis on reporte cette derniere pointe sur

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- 109 - l'echelle des declinaisons oui elle marque le degre cherche, soit du cote boreal, soit du cote austral de l'echelle. Cette double manoeuvre s'execute normalement, d'ailleurs, avec le fil, muni d'index curseurs, qui est attache au centre de l'instrument. Les coordonnees des etoiles par rapport a l'ecliptique sont plus difficiles 'a mesurer. Pour obtenir des donnees meme seulement approximatives, il faudrait tracer les cercles de longitude et les cercles de latitude qui prennent des positions obliques sur le plan de projection, et apprecier les rapports des etoiles avec ces lignes. Nous avons effectue cette construction sans toutefois retenir tous les resultats qu'elle nous a fournis. II importait cependant d'etre renseigne sur la longitude de quelques etoiles, car cette longitude subissant un accroissement regulier par suite du mouvement de precession, nous avons la un element qui permet d' evaluer l'anciennete de l'instrument. Fort heureusement, il se trouve sur le quadrant quatre etoiles assez voisines de l'ecliptique pour que l'on puisse negliger l'obliquite des cercles de longitude sur lesquels elles se trouvent et rapporter avec une approximation suffisante la position de chacune d'elles au degre de l'ecliptique' le plus voisin. Les degres sont, d'ailleurs, tres aisement definis sur l'ecliptique en tendant le fil ou une regle sur les degres correspondants du limbe. Nous avons rassemble les resultats de ces mensurations dans un tableau (page 110) qui donne aussi les caracteristiques des memes etoiles pour l'annee 1900 et les differences resultant de la comparaison entre ces diverses donnees. L'identification des etoiles marquees sur le quadrant ne presente pas de difficultes; il n'y a d'incertitude que pour l'etoile Alfart qui n'est certainement pas l'etoile Alphard (a de l'hydre). Elle appartient au quadr. IV, comme l'indique le sens de l'inscription qui est le meme que celui des noms Wega et Altair, et elle correspond assez bien a la position,

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TABLEAU COMPARATIF DES COORDONNE'ES DES ETOILES MESUREES SUR LE QUADRANT ET RELEVEES EN 1900 I I I I I In ETOLLES CARACTRRISTIQUES SUR L'ASTROLABE LONGITUDE iR (o Degr6s Degrds sur sur les signes lPLliptique D. Al. D. M. D. M. D. M. CARACTRRISTIQ1ES en 1900 LONI GITUDE DIFFARENCES rg MODIFICA- A IC TION 0 U de la OD P D. M. D. M. D. M. TL ID ID. M. D. M. 67.30 I IL Aldebarii Alliaiot Rigil Alliabor Cor leon. Alchimech Alramech Cor scor. Altair WegTa. Alfart a Taureau a Cocher p Orion Sirius a Lion Epi de laVierge Arcturus Antarcs c Aigle CL Lyre p P~ga se 57 15 64.45 69. 93.15 140 45 190.30 206.15 237..~87.30 1'301. 338. 14.30 B 42. B -10. A 15 15 A 15. B 8. A 24. B 23.30 A 6. B 36. B 23.40 B 29.30 V 59.30 138.30 192.30 18.30 Qb 112. 30 a-, 67.30 '77.30 77.34 100.15 151. 20(0. 2122,50.245. 47 296 ). 30 278.15 16.18 B 45.54 B 8.19 A 16.35 A 12.27 B 10.38 A 9.42 B 26.13 A 5.36 B 38 41 B I 14 ~.30 202 t-O 248 30 10.15 12.4~5 8.34 7. 10.45.9.30 6.35 8.47 9. -22.45 6.15 + 1.48 B 4-3.54 B - 1.41 A + 1.20 A - 2.33 B + 2.38 A - 4.18 BI + 2.43 A + 2.36 B + 2.41 B + 3.53 B 8. 10. 9.50 9 515 III IV 29.15 Jr. I'39.15 344.15127.33 B - - ---- ------ -..-.. —III _rrrrrrr rrrrrrrrslr._

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- 11 - modifiee par la retrogradation, de l'etoile Scheat (p de Pegase) qui est de deuxieme grandeur. Les positions d'etoiles sont assez regulieres et les modifications amenees par le temps dans la declinaison s'accordent avec le deplacement du pole du monde par rapport a celui de l'ecliptique; en effet, les declinaisons boreales sont augmentees et les australes diminuees dans les quadr. I et IV, et le contraire a lieu dans les quadr. II et III. Cependant l'etoile Alramech (Arcturus) est un peu trop elevee en declinaison sur l'instrument. La variation de l'accroissement en ascension droite pour la serie des etoiles forme une courbe qui se rapproche de la courbe normale, mais avec des ecarts excessifs, surtout dans le quadr. IV; et il y a une erreur manifeste dans la position de l'etoile Wega qui devrait preceder l'etoile A ltair en ascension droite au lieu de la suivre comme il parait surl'instrument. Il ne faut voir la que le fait de l'inattention du constructeur. La mesure de l'accroissement en longitude devrait donner pour toutes les etoiles un chiffre invariable. Celui-ci se montre, au contraire, tres inegal pour les quatre etoiles que nous avons choisies comme les plus propres a fournir des resultats concordants. Si, toutefois, l'on s'arrete specialement a l'etoile cor leonis qui offre les conditions les plus favorables, puisqu'elle est placee presque exactement sur la ligne ecliptique, on trouve un ecart de dix degres entre la longitude de cette etoile en 1900 et celle qui la caracterise sur l'instrument. Un tel ecart correspond a l'amplitude du mouvement de precession pendant 720 annees. Notons seulement ce chiffre; nous en discuterons plus loin la signification. Parmi les elements empruntes au trace de projection du planisphere, nous devons encore compter le double faisceau de cinq lignes courbes qui, partant d'un point commun situe sur l'un des cotes du quadrant, se portent, en divergeant, d'une part sur l'echelle des declinaisons, et, d'autre part, vers le limbe du quadrant.

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- 112 - Ces courbes representent la projection d'un certain nombre de lignes d'horizon oblique, et les points que les courbes du premier faisceau rencontrent sur l'echelle, definis par la graduation alti (altitude du pole), montrent que ces horizons sont ceux des latitudes 36o, 420, 450, 490 et 520. Dans ce faisceau, les courbes sont separees par des intervalles inegaux comme les intervalles qui separent les horizons choisis; dans l'autre faisceau, qui n'est que le prolongement rabattu du premier, les intervalles separant les courbes se montrent, au contraire, a peu pres egaux sur l'original. Cette asymetrie ne peut, a notre avis, s'expliquer que comme etant le resultat d'une erreur d'execution. Nous l'avons, d'ailleurs, fidelement reproduite sur la figure d'ensemble (pl. III); et, en traqant cette figure, nous avons reconnu que les courbes de ce second faisceau correspondent presque exactement aux horizons des latitudes 350, 39030', 430, 47o et 50o30'. La figure de demonstration (pl. VII) indique la position normale des lignes d'horizon oblique sur le planisphere developpe ainsi que la transposition qui a ete effectuee sur le quadrant. Cette transposition,qui a pour but d'eviter la confusion du trace des lignes d'horizon avec celui des lignes de projection de l'ecliptique, ne presente aucun inconvenient et elle est parfaitement reguliere puisque le trace de l'horizon, element fixe du planisphere, est completement independant de la projection de l'ecliptique et des etoiles qui sont des elements mobiles entraines par le mouvement diurne. La position des lignes d'horizon donne la signification et l'orientation des cotes du quadrant par rapport a ces lignes. Le c6te sur lequel elles se coupent en se rencontrant avec la ligne de l'equateur est la projection de l'horizon droit, de la ligne Est-Ouest et de la ligne VI heures du matin - VI heures du soir; et le point oui elles rencontrent l'equateur est le point d'Est ou d'Ouest vrai. L'autre cote du quadrant est la ligne meridienne. La partie diurne du planisphere repond au cote concave de ces arcs, la partie nocturne, situee sous l'horizon, au cotd

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- 113 -- convexe; et le quadrant materiel represente indiff6remment l'un ou l'autre des quatre quadrants du planisphere. Ces notions ne devront pas etre perdues de vue, quand on etudiera les mouvements de l'ecliptique, du soleil, ou des etoiles sur l'horizon. Enfin la graduation du limbe permettra de mesurer en ascension droite l'amplitude de ces mouvements. La ligne d'horizon oblique, la ligne meridienne et la ligne de VI heures sont, avec l'equateur et le pole, les parties essentielles des tableaux de latitude traces sur les tympans ou plateaux interchangeables de l'astrolabe circulaire; et comme, de toutes ces parties, la ligne d'horizon est la seule qui change de position avec la latitude, il s'ensuit que les cinq lignes d'horizon tracees sur le quadrant representent cinq tableaux de latitude pour une zone comprise entre 360 et 52o, c'est-adire pour la zone des pays latins. En resume, le trace de projection figure sur le quadrant comprend des elements mobiles de la sphere: l'cliptique, les colures et les etoiles; et des elements fixes qui sont les tropiques, l'equateur, les lignes d'horizon, du meridien et de VI heures. On sait que le mecanisme fondamental de l'astrolabe circulaire consiste en la reproduction du mouvement diurne des elements mobiles de la sphere sur les delments fixes, par la mobilisation de l'araignee sur le tableau de latitude; et qu'une regle horaire, mobile sur le centre de l'instrument et annexee a ces deux organes, permet de mesurer sur le limbe, en arc ou en heures, l'amplitude de ce mouvement ainsi que les changements survenus dans les rapports existant entre les differentes parties des deux systemes. Notre quadrant presentant les deux systemes reunis sur un meme plan fixe, il semblerait que nous n'ayons aucun moyen de faire varier la position de lun sur l'autre; cependant, le fil du quadrant, avec ses deux index, permet de relever tel point du quadrant que l'on choisira et de lui faire reproduire, par un mouvement circulaire, les deplacements du mouvement 8

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- 114 - diurne; en sorte que ce petit organe mobile suppl6e a l'absence de l'araignee et de la regle horaire de l'astrolabe circulaire. Nous possedons ainsi le moyen de resoudre la plupart des problemes que l'on trouve enonces dans les (( UTsages de l'astrolabe ). Nous ne disons pas tous les problemes, car certaines lignes, comme les verticaux et les cercles de hauteur qui figurent sur les tableaux de latitude de l'astrolabe circulaire, manquent a notre trace6. Quelques exemples choisis mettront en evidence les ressources que F1on peut tirer du trace, tel qu'il est constitue. Les tables de la marche du soleil sont, pour l'astronomie en general et pour l'astronomie nautique en particulier, une notion fondamentale. A defaut de tables, rien n'est plus simple que de trouver par le quadrant l'asceusioni droite et la declinaison du soleil pour tous les jours de l'annee. Nous rappellerons d'abord que le dos du quadrant indique le lieu du soleil dans el'cliptique pour chaque jour. Si nous tendons le fil du quadrant sur le limbe au degre de l'ecliptique ainsi trouve, nous avons le degre d'ascension droite correspondant. Sans changer la position du fil, poussons un index curseur sur la ligne ecliptique au point ou se trouve le soleil, puis amenons le fil sur l'echelle des declinaisons, l'index marque sur l'echelle la declinaison du soleil au jour propose. Par exemple, le 4 mai, le soleil etant a 20~ du Taureau, on voit sur le limbe que l'ascension droite est 47030'; puis la manoeuvre de l'index et du fil conduit l'index sur l'echelle des declinaisons 'a 17 divisions et 2 /3 vers le Nord. La declinaison du soleil, au 4 mai, est done 17040' B. Ce dernier renseignement est indispensable pour la recherche de la latitude d'un lieu par la hauteur meridienne du soleil. Pour faire ce calcul, on prend le complement de cette hauteur, ou la distance zenithale N, a laquelle on ajoute la declinaison D si l'ombre portee de Fobservateur se dirige vers le pole de l'hemisphere oui se trouve le soleil; on la retranche,au contraire, si l'ombre et la declinaison sont de sens differents.

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- 115 - Le 4 mai, etant dans l'hemisphere Nord et prenant la hauteur du soleil a midi avec le quadrant, on constate, par exemple, que le fil a plomb s'arrete sur le limbe a 57 divisions 3 /4. La hauteur du soleil au-dessus de l'horizon est done de 57045' et le complement ou distance zenithale est de 32015'. Comme le 4 mai, la declinaison du soleil est boreale et que l'ombre portee se dirige vers le nord, on applique la formule L = N + D, qui donne: L = 32015' + 17040' = 49055' B. La latitude du lieu est 49055'; c'est la latitude de Dieppe. Le meme calcul est applicable a la recherche de la latitude par la hauteur meridienne d'une des etoiles marquees sur le quadrant, etoiles dont nous trouvons l'ascension droite et la declinaison par le meme procede que pour les degres de l'ecliptique. Si, par exemple, la distance zenithale de Alhabor (Sirius) est trouvee de 64030' par un observateur place dans l'hemisphere Nord, comme la declinaison de cet astre est 150 Australe, la latitude du lieu d'observation est 64o30'- 150~ 49030'B. Nous ne parlons pas de la recherche de la latitude par la mesure de la hauteur de l'etoile polaire; c'est une application du quadrant simple d'altitude. Les passages d'etoiles au meridien peuvent aussi servir a trouver l'heure de nuit. S'il s'agit d'etoiles circumpolaires, on observe un passage superieur ou inferieur; et, dans ce cas, un simple fil a plomb suspendu devant l'etoile polaire est le seul instrument necessaire. La difference entre l'ascension droite de l'etoile observee et celle du soleil au jour de l'observation donne l'heure de cette observation. C'etait la le principe du nocturlabe des anciens navigateurs. La ligne meridienne etant facilement determinee pendant la nuit, on peut encore, en se tournant vers le midi, observer des passages au meridien de ce cote. Enfin, si l'on choisit deux etoiles dont l'ascension droite

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- 116 - est a peu pres la meme, quand ces etoiles seront dans le meme vertical, c'est-a-dire 6galement masquees par le fil a plomb, elles seront dans le mnridien. Le quadrant rouennais donnant F'ascension droite de quelques etoiles remarquables et celle du soleil pour chaque jour de l'annee, il est aise de determiner l'heure du passage de ces etoiles au meridien. Fig. 5. - CALCUL DE L'HEURE D'UN PASSAGE D'ETOILE AU MERIDIEN ET A L'HORIZON. Recherchons, par exemple, a quelle heure l'etoile Rigel passe au m6ridien le 21 fevrier. La disposition des lettres du nom de l'6toile sur l'instrument montre qu'elle appartient au quadr. I du planisphere, R' (fig. 5); en tendant le fil sur l'6toile R du quadrant materiel, on lit sur le limbe que cette etoile marche avec 11o de Gemini, dont l'ascension droite est 690. D'autre part, par le dos du quadrant,Ton voit que le

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- 117 - 21 fevrier, le soleil est a 11o de Pisces, dont l'ascension droite est 342o30'. Le 342030, de l'equateur passant au meridien a midi, le 360o, puis le 690 y passeront dans les heures suivantes, et la difference entre l'heure de passage sera: 3600 -342030'- 17030' 17030' + 69o = 86030' = 5h46m Rigel passe done au meridien a 5h46m du soir le 21 fevrier (calendrier julien du xIII" siecle). Cor leonis dont l'ascension droite est 140045' y passera a 17030'+t 140~45' = 158015' = 10133m du soir, etc. On trouvera l'heure du passage des etoiles et des degres de l'ecliptique a l'horizon oriental (lever) et a l'horizon occidental (coucher) par un calcul analogue, mais il faut alors tenir compte de la difference ascensionnelle resultant de l'obliquite de l'horizon. Pour la position droite de l'horizon(latitude 0O ou de l'6quateur), il n'y a pas de difference ascensionnelle; l'horizon se confondant avec la ligne de VI heures, l'astre arrive sur l'horizon en meme temps que son degre d'ascension droite pris sur l'equateur. C'est a cette particularite meme que le degre de l'equateur qui se leve en meme temps qu'un astre sur l'horizon de la sphere droite doit son nom d'ascension droite de l'astre. Dans la position oblique de l'horizon, au contraire, Fastre arrive sur l'horizon un certain temps avant ou apres le passage de son degre d'ascension droite par la ligne horaire de VI heures (1), et le temps qui s'ecoule entre ces deux passages, ou son equivalent en arc, est la difference ascensionnelle. On la trouve tres facilement sur le quadrant. Cherchons, par exemple, l'heure du coucher de l'etoile (1) Pour l'hemisphere Nord, les astres a declinaison boreale se levent avant et se couchent apres leur degre d'ascension droite, et le contraire a lieu pour les astres a declinaison australe.

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- 118 -- Rigel le 21 f6vrier pour la latitude de 49~ B, dont la ligne d'horizon est tracee sur le quadrant. L'etoile et son degre d'ascension droite (69o) parviennent en meme temps sur la ligne de VI heures, 5h46m apres le soleil, c'est-a-dire a 11 46l" du soir; mais, a la latitude de 49o, l'6toile R" (fig. 5) arrive sur l'horizon un certain temps avant le degr6 P de l'6quateur qui marche avec elle et nous trouverons la valeur de ce temps de la fagon suivante: Nous tendons le fil sur l'etoile Rigel (R) du quadrant materiel et nous faisons glisser un index sur le fil jusqu'a coincidence avec l'etoile. Puis nous tournons le fil tendu jusqu'a ce que l'index rencontre l'horizon oblique de 49o de latitude et nous voyons que le fil traverse le limbe a 12 degres de la ligne de VI heures. Ces 12 degres valent 48 minutes repr6sentant la difference ascensionnelle ou le temps que l'etoile arrive sur l'horizon occidental avant le degre de l'equateur qui marche avec elle. L'etoile Rigel se couche done a 11h46l1 48m1 - 10h58m du soir. Une methode analogue nous fera connaitre l'heure du lever et du coucher du soleil, ainsi que la duree du jotr aux differentes epoques de l'annee. Nous voulons savoir, par exemple, a quelle heure se leve le soleil le ler mai (1) sur l'horizon de 49o de latitude. Nous trouvons d'abord par le dos du quadrant que, le ler mai, le soleil est a 170 du Taureau. Retournant l'instrument, nous plaqons le fil dans le signe du Taureau et au point 17 de la graduation qui lui correspond sur le limbe. Puis, nous poussons l'index curseur sur le fil au point oi il croise l'ecliptique dans le signe du Taureau. Tournant ensuite le fil tendu jusqu'a amener l'index sur l'horizon de 49o, nous voyons que le fil coupe la graduation du limbe a 20 degres d'ascension ~droite au-dessous de l'horizon droit ou ligne de VI heures. Ces 20 degres valent h20rm; c'est le temps que le soleil se leve avant (l) Le Ier mai sur le quadrant correspond au 8 mai actuel,puisque l'equinoxe de printemps est au 13 mars sur l'instrument.

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- 119 - I'heure du lever a lF'epoque de l'equnoxe, c'est-a-dire qu'il se leve le er mai a 5h40m; et la duree du jour est 12h + (Ih20m) X 2 = 14140m. Ce procede permet, en somme, de mesurer l'arc diurne et l'arc nocturne d'une des etoiles marquees sur le quadrant, ou du soleil,pour tous les jours de l'annee. En divisant l'arc diurne du soleil par 12, on a la valeur, en arc ou en heure 6gale, de l'heure inegale de jour; et, en divisant le meme arc par 15, on a la duree du jour en heures 6gales. Ainsi l'arc diurne du soleil au er mai est de 1800 + 200 X 2 = 2200. 220 degres divises par 12 donnent 18 degres 20 minutes, qui valent lh32m20s representant la duree de l'heure inegale. 220 degres divises par 15 donnent 14140m pour la duree du jour artificiel. Le meme procede est applicable a l'arc nocturne. Les quelques exemples que nous venons de presenter a la suite de la description du trace de projection du planisphere du quadrant nous paraissent suffisamment demonstratifs pour que la signification de ce systeme n'offre plus d'obscurite. Sans pousser plus loin l'etude de ses usages, nous passons a I'analvse du dernier trace grave sur le meme quadrant. ~ V. - LE TRACE TRIGONOMETRIQUE (pl. III et fig. 7' Le dernier des traces que nous trouvons sur le quadrant est certainement le plus interessant, et la simplicite des lignes qui le composent forme un contraste remarquable avec l'importance des resultats mathematiques auxquels il conduit. La base du systeme est une echelle double construite sur Fun des cotes du quadrant: l'chelle RTA (recta) divisee en 60 parties egales, de zero a 60, a partir de l'angle du quadrant, et l'echelle VSA (cersa) divisee de 60 a 120 suivant une direction inverse de celle de la premiere echelle. Ces deux echelles sont associees au quart de cercle dont

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— 120 la division en 90, 180, 270 et 360 degres est indiquee par la graduation marginale du limbe du quadrant. Un fil a plomb fixe a l'angle du quart de cercle peut etre tendu sur tous les degres de ce quart de cercle; et il est muni de deux index curseurs qui permettent de reporter sur l'echelle double tous les points de la surface du quadrant. Enfin deux demi-cercles, construits sur les rayons perpendiculaires du quadrant et s'entrecoupant au point D, font partie de ce systeme. Avant d'expliquer le m ecanisme du trac6, nous rappellerons quelques conceptions de trigonometrie ancienne, en partie delaissees aujourd'hui, mais necessaires h l'intelligence du sens de l'echelle RTA, VSA. Nous devons nous reporter a une epoque ofi les logarithmes n'etaient pas encore inventes et ou les lignes trigonometriques usuelles 6taient la corde droite (corda recta) et la corde verse (corda versa). Ce sont ces termes qui s'appliquent aux abreviations RTA, VSA, que nous trouvons sur l'chelle double de notre quadrant; ce sont ceux quo les auteurs du Moyen Age emploient dans leurs demonstrations et que l'anonyme de 1433 fait figurer en toutes let-tres sur l'image du quadrant qu'il reproduit. Mais le mot corda, dont usaient les mathlieaticiens du Moven Age, etait pris dans le sens du not sinus qu'on ne commenca a employer en Europe qu'au xve siCcle. Les Arabes avaient, des le xe siecle, a la suite des travaux d'Albategni, substitu6 effectivement les sinus aux cordes dans leurs calculs, et les Latins, adoptant les methodes inathematiques des Arabes, recurent le sinus auquel ils conserverent le norn de corde. Voyons maintenant le sens des deux fonctions, sinus droit et sinus verse. Decrivons le demi-cercle ABA' (fig. 6) et considerons l'arc AM. Cet arc a pour sinus droit la ligne MIP, c'est-a-dire la longueur de la perpendiculaire abaisste de l'extremite MI de l'arc sur le rayon passant par l'origine A, et pour sinus cerse

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- 121 la ligne AP, c'est-a-dire la longueur comprise entre le pied du sinus droit et le point ou le diametre rencontre la circonference. Quand l'arc varie de zero a 90~, le sinus droit augmente de zero a OB, et le sinus verse de z6ro a AO, c'est-a-dire de zero au rayon ou sinus total. Si l'arc croit de 90o a 180o, le sinus droit diminue du sinus total a zero, tandis que le sinus verse augmente de AO a AA' c'est-a-dire du rayon au diametre. Le rayon OB est done divise en 60 parties en commenrant au point 0, et le diametre AA' en 120 parties a partir de A. Considerons un arc compris entre 90o et 180o, soit l'are 0 p Fig. 6. - ECHELLE DES SINUS DROIT ET VERSE ABM'. Le sinus droit de l'arc ABM' est MP' egal a MP, sinus droit de son supplement. Le sinus verse du meme arc ABM' est AP'; et, pour en determinr la valeur, on prend l'arc supplementaire qui est A'M' ou AM, on mene le sinus droit MP et on porte la distance OP de P en P',ou en C si OA' est releve sur l'echelle recta. Le nombre que rencontre P' sur l'echelle versa horizontale ou C sur l'echelle versa relevee donne la valeur du sinus verse. Les deux moities de l'echelle versa etant relevees sur l'echelle recta, la premiere moitie formera une echelle descendante de zero a 60, et la seconde une echelle ascendante de 60 a 120. Cette disposition est nettement indiquee dans le traite de

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122 Profatius (1), qui ajoute que les cordes (sinus) verses des arcs compris entre 00 et 900 ou entre 1800 et 2700 seront trouvees sur l'echelle descendante, tandis que les cordes verses des arcs compris entre 900 et 180o ou entre 2700 et 3600 seront lues sur l'echelle ascendante. Sur la figure representee dans le manuscrit 7294 (ao 1433), on trouve la partie descendante de 0 a 60 de l'echelle; sur notre quadrant, au contraire, nous avons l'echelle ascendante de 60 a 120. Dans la pratique, il est facile avec un peu d'attention de suppleer a la partie manquante de l'echelle versa. Avant de montrer l'usage de ces echelles sur le quadrant, nous ferons encore une observation qui nous permettra a l'occasion de les adapter aux procedes actuels de calcul. Pour simplifier le raisonnement et abreger les calculs, nous pourrons, dans des operations ulterieures, remplacer le sinus verse AP par son complement OP, c'est-a-dire par ce qui manque au sinus verse pour valoir ]e sinus total ou rayon. Cette ligne OP que les math6maticiens du xvI siecle appellent le second sinus droit (sinus rectus secundus) est aujourd'hui connue sous le nom de cosinus, c'est le sinus droit de l'arc complementaire. De cette facon, I'are AM\ a pour sinus MP ou OQ et pour cosinus OP ou OC; puis Fare ABM' a pour sinus MA'P' ou OQ et pour cosinus -OP' ou - OC, puisque le cosinus est egal au rayon R moins P'A, c'est-a-dire a R - (R + OP') -- OP'. Le cosinus varie done de + R a - R quand lare croit de zero a 1800; et est egal a zero pour l'arc de 900. Cette transformation une fois admise, nous pourrons user de l'echelle recta seule en negligeant l'echelle versa et ainsi le demi-cercle pourra etre ramene pour tous les calculs a un quadrant. Le sens de l'echelle RTA, VSA etant bien determine, nous (1) Ms. lat. 7437, fol. 160 recto: ( partes corde cfersee descendunt usque ad 60 et ascendunt usque ad 120.

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- 123 - passons a l'examen des deux demi-cercles qui sont 1'1eement vraiment ingenieux du systene. Ils possedent, en effet, la propriete de fournir la valeur du sinus droit, du sinus verse et du cosinus de tous les arcs consideres sur le limbe du quadrant. Si, au nloyen du fil tendu sur le limbe, on intercepte un arc BE (fig. 7) dont la valeur est indiquee par la graduation, Fig. 7. - LE TRACE TRIGONOMETRIQUE DU QUADRANT ce fil rencontre le demi-cercle ADC au point F, et le demi-cercle ADB au point G. On d6montre que AF est egal a EH, sinus droit de l'arc BE; que GE est egal a HB, le sinus verse des anciens; et que AG est egal au complement AH de ce sinus verse, complement que nous appelons aujourd'hui le cosinus. Demonstration: 1 AF = sin arc BE: Abaissons la perpendiculaire EH, sinus droit de l'arc BE; et joignons, par des droites, les points F et C, G et B. Les deux triangles AEH et ACF sont semblables; en effet 1'angle AHE est drolt par definition; l'angle AFC est droit aussi comme inscrit au demi-cercle; en outre, les angles CAF et AEH sont 6gaux comme alternes formes par les paralleles AC et EH; le troisieme angle

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- 124 de chaque triangle est done egal a l'angle homologue de l'autre triangle AE AC et les deux triangles sont semblables, donnant la proportion AE AC= Comme AE et AC sont rayons d'un meme quadrant, AF = EH, sin arc BE. 2~ AG = cos arc BE: les deux triangles BAG et AEH sont semblables; ils ont, en effet, un angle commun en A et les angles AGB et AHE sont AB AE droits. On peut done ecrire AG = A; et, comme AB et AE sont rayons egaux,on a AG = AH qui est cos arc BE. 3~ Si, a deux rayons egaux AE et AB, on soustrait deux quantites egales AG et AH, on a GE = HB, c'est-a-dire que GE = sin verse arc BE. Si, apres avoir fait glisser les curseurs aux points F et G, on ramene le fil sur l'echelle double, on lira sur l'echelle RTA la valeur des lignes AF et AG, c'est-a-dire du sinus et du cosinus; et sur l'echelle VSA la valeur de la ligne GE, c'est-a-dire du sinus cerse de l'arc considere. Inversement, si l'on donne la valeur d'un sinus, on tendra le fil le long de l'echelle et l'on fera glisser un index jusqu'au point indique par cette valeur, puis, en faisant tourner le fil sur le quadrant jusqu'4 ce que l'index coincide avec le demicercle des sinus, on lira sur le limbe, au point croise par le fil, le degre de l'arc correspondant. On trouvera de la rnmme facon l'arc d'un cosinus donne en amenant l'index sur le demi-cercle des cosinus. Notons que le demi-cercle ADC donne le sinus, et le demicercle ADB le cosinus et le sinus verse pour les arcs dont l'origine est au point B. Un seul demi-cercle pourra servir aux deux usages, a condition de placer l'origine des arcs, dont on cherche le sinus verse ou le cosinus, a l'extremite du rayon portant le demi-cercle, et l'origine des arcs, dont on cherche le sinus droit, a l'extr6mite du rayon oppose. On trouve, d'ailleurs, des quadrants sur lesquels un seul demi-cercle est trace. En resume, l'echelle RTA, recta, droite, verticale, est le rayon ou sinus total divis6 en 60 parties selon les principes des Arabes; l'chelle VSA, cersa, couchee, n'est que le dianletre horizontal redresse. L'origine des arcs etant fixee au point B, sinus verse est toujours place sur le diametre horizontal; et, cornmme il varie

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125 de zero a + 2 R, 1'echelle VSA qui lui correspond est divisee en 120 parties. Ces echelles, associ6es a la graduation du limbe et aux deux demi-cercles, servent done a trouver le sinus droit, le sinus verse et le cosinus d'un arc, puis ceux de son complement et de son supplement. Supposons l'arc de 47o; la manoeuvre du fil du quadrant indique, sur l'echelle RTA, 44 pour la valeur du sinus droit et 41 pour la valeur de cos arc 470 ou de sin arc 43o (arc complementaire). On a ainsi 60 - 41 = 19 pour sin. verse arc 47o; et 60 - 44 = 16 pour sin. verse arc 430. Ces deux derniers termes pourraient etre lus directement sur l'echelle VSA possedant ses deux moities (descendante et ascendante). On voit comment on pourra considrer, soit le sinus verse, soit le cosinus, suivant la methode de calcul adoptee. Les elements que nous venons d'analyser presentent, au point de vue des calculs trigonometriques, un interet general qu'il n'est pas necessaire de faire ressortir; cependant, nous nous arreterons a quelques exemples. Nous commencerons par une application tiree des anciens textes; et, pour en suivre les termes, nous conserverons la notion du sinus verse. Profatius d6crit, parmi lWs usages du quadrant, une methode empruntee aux Arabes pour trouver l'heure vraie de jour ou de nuit par la connaissance de la hauteur du soleil ou d'une etoile et par la connaissance de l'arc semi-diurne decrit par l'astre. Voici la traduction commentee de ce passage (1) un peu long, mais interessant a connaitre comme exemple de calcul pratique au Moyen Age. (1) Ms. lat. 7437, fol. 160 verso: Cap. 13. De scientia horse per altitudinem solis et arcum meridiei.

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- 126 Connaissance de l'heure par la hauteur du soleil et l'arc semi-diurne. Posez le fil du quadrant sur le limbe au degre de la hauteur du soleil observee et amenez un index [1] sur le demi-cercle de six heures ou de midi. Posez ensuite le fil sur le degre correspondant a la valeur de l'arc semi-diurne et amenez l'autre index [2] sur le demicercle oppose au demi-cercle de six heures. Portez le fil avec ses deux index sur l'echelle double; les index marqueront: [1] Le sin. droit de la hauteur observee; [2] Le sin. verse de l'arc seni-diurne. Multipliez 'un par l'autre et retenez le produit. Posez alors le fil sur le degre de la hauteur meridienne du soleil et amenez un index [3] sur le demi-cercle de six heures. En portant le fil sur l'echelle RTA, vous lisez le sin. de la hauteur meridienne. Divisez par cette derniere valeur le produit que vous avez note et soustrayez le quotient ainsi obtenu de la valeur du sin. verse arc semi-diurne indiquee par.l'index [2]. Considerez sur l'echelle tSA la valeur que represente le reste de cette soustraction, posez le fil sur l'echelle et amenez un index [4] sur le chiffre de cette valeur. Le fil etant alors ramene sur le limbe jusqu'a ce que l'index [4] rencontre le demi-cercle oppose au demi-cercle de six heures, le degre du limbe sur lequel s'arrete le fil marque l'arc horaire qui separe le moment ou vous etes de l'heure de midi. Cette longue formule se ramene a la suivante: sin vers. arc dist. du Soleil au meridien = sin dr. haut. observ. x sin vers. arc semi-di. sin vers. arc semi-di. - aut sin dr. haut. meridienne Si l'observation est faite avant nidi, il faut soustraire cet arc de l'arc semi-diurne ou de six heures inegales; si l'observation est faite apres midi, il faut, au contraire, additionner ces deux valeurs. Le resultat de cette operation donne l'arc horaire parcouru

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- 127 - par le soleil depuis son lever jusqu'au moment de l'observation. Prenons un exemple concret d'application de cette formule et montrons comment le probleme est entierement resolu par le seul mloyen du quadrant. Application. - Le 9 mai (v.st.) correspondant a notre 16 mai, puisque sur le quadrant l'6quinoxe est au 13 mars, a 490 de latitude, on prend la hauteur du soleil dans la matinee et on la trouve de 26o; on demande quelle heure egale il est et quelle heure inegale. Notions prealables fournies par le quadrant. - Par le dos du quadrant, on sait que, le 9 mai, le soleil est a 250 du Taureau; et, par le trace de projection de la face de l'instrument, on reconnait que l'arc semi-diurne du 250 du Taureau sur l'horizon de 490 de latitude est de 1140. Cet arc vaut 7h36m; on en deduit que le soleil se leve a 4h24m et que l'heure inegale vaut 7 h. 3 111161m. 6 On reconnait aussi par le quadrant que la declinaison du soleil a 250 du Taureau est 19o septentrionale. Ces 19 degres ajoutes a 410 (colatitude de 490) donnent 600 pour la hauteur meridienne du soleil. I1 ne reste plus qu'a chercher sur l'instrument les sinus des arcs donnes et a effectuer les operations. On trouve: Sin dr. arc 26~, haut. observee = 26,30. Sin vers. arc 1140, arc semi-diurne 84,50. 26,30 x 84,50 =2222,35. Sin dr. arc 600, haut. meridienne - 52. 2222,35 divise par 52 donne 42,74. 84,50 - 42,74 = 41,76. 41,76 = sin vers. arc 72012' qui est la distance du soleil au meridien. Ces 72o12' valent en temps: 4h48m48s. Il est donc au mo. ment de l'observation: midi - 4h48m488 = 7hllml2s du matin. D'autre part, l'arc horaire parcouru par le soleil depuis son

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- 128 lever est 114o — 72012' - 41048' qui valent en temps d'heure egale 2h47m12s, et, comme la duree de l'heure inegale est de Ihl6m, l'heure inegale du moment de l'observation est: h4m.12s. 2h1 /5 (heure inegale). L. Am. Sedillot decrit (1), d'apres Aboul-Hhassan, un instrument arabe qui permet de trouver sans calcul le temps vrai de jour et de nuit, d'apres une simple observation de la hauteur du soleil ou d'une etoile dont on connait l'ascension droite ou la declinaison. Cet instrument, dont la forme rappelle celle du quadrant, porte un trace combine de maniere a remplacer les calculs par une simple manoeuvre m6canique au moyen d'un fil attache au centre de l'instrument et muni d'un index curseur. Sedillot fait remarquer que la construction et l'usage de cet instrument resultent des deux analogies suivantes: Sin verse ar semi-diurne sin haut. m6ridienne 1~ Sin verse arc semi-durne - cos latit. du lieu sin haut. merid. - sin haut. observ. 2~ Sin verse dist. au merid. =cos latit. du lieu Nous pouvons rapprocher, dans une meme demonstration geometrique, ces deux relations et celle que nous trouvons dans la composition de Profatius. Ce rapprochement r6vele encore une source arabe du traite latin. Soit une sphere (fig. 8) dont le centre est en 0 et dans laquelle nous considerons les donnees suivantes: Le point M represente le lieu de l'astre observe; PHP'H' est le meridien; HABH', l'horizon; BMM', l'arc semi-diurne dont le sinus verse est M'C; HM', la hauteur m6ridienne dont le sinus droit est M'F; AM, la hauteur observee dont le sinus droit est MI; M'M, l'arc de distance au meridien, dont le sinus verse est M'D. (1) L. AM. SEIDILLOT. Memoire sur les instruments astronomiques des Arabes; Paris, 1841, in-40, p. 52 et suiv.

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129 - La ligne)MI 6tant projetee orthogonalement en DR, on a DR = MI; et, dans les'deux triangles CM'F et CDR, M'D = M'C - DC DC DR MI et M'C M'F M'F di DC MI x M'C d'oui DC- M' M'F donc M'D - M'C- MI x M'C M'F Z C-H/, Fig,. - CALCUL DE L'HEURE VRAIE PAR LA HAUTEUR D'UN ASTRE C'est l'analogie dont nous avons donne l'application en suivant le texte de Profatius. Les deux relations 6voqu6es par S6dillot s'interpretent aisement. Traqons NO, ligne d'intersection du plan de l'equateur avec celui du meridien. NZ est l'arc de latitude, NH l'arc de colatitude, et l'angle NOH = 'angle M'CF. La premiere relation resulte du triangle M'CF dans lequel on a, d'apres la premiere proposition relative aux triangles rectangles en trigonom6trie rectiligne M'F M'C = -- - sin M'CF Sin M'CF = sin NOH qui est le sinus de la colatitude, et le sinus de la colatitude 6tant le cosinus de la latitude, on a M'C = M cos lat. du lieu La deuxi6me relation resulte du triangle M'DS forme en menant DS telle que SF = DR = MI. 9

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- 130 -- D'apres la proposition recemment invoqu6e, ce triangle donne: M'S M'D MS sin M'DS Comme M'S = M'F - SF et comme sin M'DS = sin M'CF, M'F - SF on a M'D = --- sin M'CF Pour les raisons connues, sin M'CF = cos latitude du lieu; et, comme SF = MI, on a enfin: MD 'F- M MI cos lat. du lieu La recherche de l'heure vraie de nuit par les etoiles marquees sur le quadrant s'effectue par la m6me methode et c'est le theme de demonstration choisi par l'auteur du manuscrit de 1433 (1). Apres avoir determine l'arc de distance d'une 6toile au meridien par le procede que nous connaissons, l'auteur ajoute que, si on soustrait cet arc de la valeur du degre d'ascension droite de l'etoile, celle-ci etant visee a l'Orient, ou, si on additionne ces deux valeurs, l'etoile etant a l'Occident, le degre du zodiaque auquel correspond ce nouveau degre d'ascension droite est le milieu du ciel ou le commencement de la dixieme maison celeste. En ajoutant 900 a ce degre d'ascension droite, on obtient celui du degr6 du zodiaque qui marque l'ascendant ou le commencement de la premiere maison. Enfin, si a ce dernier degre on retranche le degre d'ascension droite qui se leve sur l'horizon considere avec le nadir du soleil (2), c'est-a-dire avec le point oppose a sa position dans le zodiaque, on obtient l'arc horaire parcouru depuis le coucher du soleil. Cet arc divis6 par la valeur de l'heure inegale de nuit donne l'heure inegale du moment de l'observation. On peut trouver aussi l'heure egale de ce moment. Application. - Dans la nuit du 19 novembre, a 49o de (1) Ms. lat. 7294, fol. 28 verso: (( Si per stellas fixas vis scire ascensiones et initia domorum et arcum horarum et horas noctis... ) (2) C'est ce que l'on appelait l'ascension oblique du nadir.

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- 131 - latitude, on a observe l'etoile Rigel a l'Est du meridien, et d'apres la hauteur on a calcule que l'arc de distance au meridien est 280. Cette etoile est portee sur notre quadrant qui nous indique que son ascension droite est 690. En retranchant 280 de 690, on a 410; et le quadrant nous montre que le point de l'ecliptique, dont l'ascension droite est 410, est 8045' du Taureau. Pour l'astrologue, ce point est le milieu du ciel et le commencement de la dixieme maison celeste. Ajoutons 900 a 410, et nous obtenons 1310; le point correspondant de l'ecliptique est 8o30' du Lion. C'est l'ascendant ou l'horoscope, le commencement de la premiere maison. On trouve facilement, par raison de symetrie, les deux autres angles du ciel, puis le commencement des douze maisons, et le schema graphique du theme genethliaque est constitue pour le moment de l'observation. Pour trouver l'arc horaire parcouru depuis le coucher du soleil, il faut retrancher a 131o le degre d'ascension oblique du nadir du soleil au 19 novembre. Le dos du quadrant nous montre que le 19 novembre le soleil est a 50 Sagittarius; le nadir de ce point est 50 Gemini. Par la face du quadrant, nous savons que l'ascension droite de 50 Gemini est 630, et, par la manoeuvre du fil precedenlment decrite, que 5o Gemini se leve, sur l'horizon de 490 de latitude, 250 avant son degre d'ascension droite, c'est-a-dire que l'ascension oblique de 50 Gemini est 630 - 250 = 380 par 490 de latitude Nord. L'arc horaire parcouru depuis le coucher du soleil est donc 131o - 380 = 93~. Ce reste, divise par la valeur de l'heure inegale de nuit, donnel'heure inegale du moment. Le soleil etant h 50 Sagittarius se couche 250 avant son degre d'ascension droite; l'arc semi-nocturne est donc 900 + 250 = 115o et l'heure inegale vaut 15- = 19o10'. L'heure inegale du moment est donc 93o - 4,85, ou 4h 21 -Pour avoir l'heure egale, on observera que le soleil se couche 250 avant l'heure de son coucher equinoxial ou 6h. 11 faut

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- 132 - donc retrancher 250 a l'arc 93o parcouru depuis le coucher du soleil, et le reste 680 marque l'arc horaire parcouru depuis 611 du soir; cet arc vaut 4h32n. L'heure de l'observation est 6h + 4h32m = 10h32m du soir. Le meme manuscrit de 1433 decrit le procede de calcul pour trouver sur l'horizon droit et sur les horizons obliques la latitude du lever et du coucher du soleil aux differents jours de l'annee, c'est-a-dire l'arc d'horizon compris entre le point Est ou Ouest et le lieu du lever ou du coucher (1); c'est l'are d'amplitude du lever ou du coucher. Ce procede repose sur l'analogie suivante, dont la demonstration geometrique est aussi simple que celle des precedentes: Sin a e sin declinaison x sin total Sin amplitudecos latitude du lieu En application de cette formule, cherchons quelle est, sur l'horizon de 49o latitude Nord, l'amplitude ortive du soleil au 25 octobre qui, sur le quadrant, correspond a 10o du Scorpion. Le quadrant indique, pour ce point: declinaison 15o meridionale. On lit, d'autre part, que sin. droit arc 15o = 15,30 et que le complement du sin. verse ou cosinus de la latitude 49O = 39,3; le sinus total est 60. 15,30 x 60 L'equation donne 53 6 = 23,35. 39,3 D'apres le quadrant, 23,35 = sin dr. arc 230. L'amplitude ortive du soleil est done 230 meridionale. Les procedes de calculs et de maniement du quadrant dont nous venons de faire l'application a quelques exemples peuvent etre etendus a d'autres problemes de la Spherique; et, selon les recherches a effectuer, le quart de cercle s'adaptera a tous les arcs consideres sur l'equateur, l'ecliptique, le m6ridien, l'horizon, un vertical, un cercle horaire, etc. Mais il est (1) Ms. lat. 7294, fol. 29 r~.

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- 133 - une application particuliere que nous developperons, bien que les auteurs du Moyen Age qui ont ecrit sur le quadrant n'y fassent pas la moindre allusion. C'est pourquoi, en traitant cette question, nous abandonnerons la notion du sinus verse pour la remplacer par celle du cosinus. Nous voulons parler de l'application nautique du trace trigonometrique du quadrant. Ce trace permet, en effet, de resoudre les Routes de Navigation, telles qu'on les comprenait a l'epoque ou l'on ne possedait pas de moyen pratique pour trouver les longitudes en mer. Le calcul de la route etait alors etabli sur la longueur estinmee du chemin parcouru suivant une aire de vent indiquee par la boussole; et l'on reduisait cette route en ses composantes Nord-Sud et Est-Ouest, soit par la trigonometrie, soit par le procede des triangles semblables, pour connaitre le deplacement en latitude et en longitude. Un quart de cercle, comme notre quadrant ABC (fig. 9), etant pris pour representer Fun des quatre quarts de l'horizon, le cote AC sera la ligne du Nord ou celle du Sud, et le cote AB la ligne de l'Est ou de l'Ouest, suivant la direction de la route parcourue. La longueur du chemin effectue dans une direction AE etant supposee AL, le deplacement dans le Nord ou dans le Sud sera mesure par la ligne LM; et le deplacement dans l'Est ou l'Ouest par la ligne AM. Ces trois lignes forment un triangle rectangle semblable a un autre triangle AEH, dont les cotes sont formes par le rayon du cercle et par le sinus et le cosinus de l'arc qui mesure le rumb de vent de la route. Le sinus et le cosinus etant connus par le dispositif du trace du quadrant, il est tres simple, apres avoir etabli la formule de proportion resultant de la similitude des triangles, de trouver le quatrieme terme proportionnel cherche dans les problemes de navigation, tels qu'on les concevait au xvIie siecle, au xvie, et peut-etre a une epoque anterieure. Les deux lemmes fondamentaux dont procedait la solution des problemes de route peuvent etre enonces ainsi: m.::_.:

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- 134 I. Connaissant le nombre de milles parcourus sur une aire de vent quelconque, trouver le nombre de milles parcourus dans la direction Nord ou Sud et aussi dans la direction Est ou Ouest. II. Reduire en degres de longitude les milles parcourus vers l'Est ou vers l'Ouest sur un cercle parallele d l'equateur. Nous prendrons ces deux lemmes comme exemples de Fig. 9. - CALCUL DE REDUCTION D'UNE ROUTE OBLIQUE EN MER demonstration des calculs et de l'application du trace du quadrant. LEMME I. (Application) (fig. 9). - Un navire a parcouru 133 milles 1/2 dans le N.-E. 1 /4 N, combien a-t-il avance dans le Nord et combien dans l'Est? Prenons le quadrant pour figurer le quart de l'horizon entre le Nord et 1'Est. Le cote AC represente la ligne Sud-Nord vers le Nord et le cote AB la ligne Ouest-Est vers 1'Est. Tendons le fil suivant la direction AE dans l'aire de vent N.-E. 1/4 N. qui fait un angle de 56015' avec la ligne de l'Est, angle mesure par l'arc BE a partir du point B qui est l'Est.

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Les deux index du fil ayant ete amends sur les deux points F et G ou le fil croise les deux demi-cercles, nous trouvons, en ramenant le fil sur l'echelle, 50 parties pour la valeur de AF qui est egal a EH, sin arc BE, et 33,3 pour la valeur de AG qui est egal a AH, complement du sinus verse ou cos arc BE. Prenons maintenant sur la ligne AE une longueur quelconque AL, a laquelle nous attribuerons la valeur des 139,5 milles parcourus, et, par le point L, point d'arrivee du navire, supposons une perpendiculaire LM; cette ligne mesure le deplacement vers le Nord, tandis que la ligne AM mesure le deplacement dans 1'Est. Ce sont ces deux lignes dont il faut trouver la valeur. Dans les triangles rectangles semblables AEH et ALM, AE EH AH on a - = - AL LM AM Les quantites connues sont: AE, rayon du cercle, = 60; AL, chemin parcouru, = 139,5; EH, sinus arc BE, = 50; AH, cosinus arc BE, = 33,3. Nous avons donc, d'une part, pour le deplacement vers le Nord: 60 50 139,5 x 50 13 --, d'o LM = = 116,25. 139,5 LM 60 Et, d'autre part, pour le deplacement vers l'Est: 60 33,3 139,5 x 33,3 1395 AM d'ou AM= — = 77,42. 139,5 AM 60 Le deplacement en milles est donc 116,25 vers le Nord et 77,42 vers l'Est. L'evaluation du deplacement vers le Nord en degres de latitude peut se faire immediatement, parce que les degres de latitude ont la meme etendue sur toute la longueur du m6ridien. A 60 milles par degre, 116 milles 1/4 font 1 degre 56 minutes 15 secondes, qui sont l'elevation en latitude. Le navire qui se trouvait par exemple a la latitude de 4102'N. au point de depart a atteint la latitude de 42o58'15" N. au point d'arrivee. Il n'en va pas de meme pour le deplacement en longitude, parce que les degres de longitude diminuent d'etendue a

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- 136 - mesure qu'on se rapproche du pole, par suite de la convergence des meridiens, et le second lemme consiste a rechercher a combien de milles de l'equateur correspond le nombre de milles parcourus sur un parallele donne, ou, comme on dit, a reduire ces milles a l'equateur. LEMME II (application) (fig. 10). - Reduire en degres Fig. 10. - REDUCTION A L'EQUATEUR DES MILLES PARCOURLUS SUR UN PARALLELE de longitude les milles parcourus vers l'Est ou vers l'Ouest sur un cercle paralllel d l'equateur. Le second lemme repose sur le principe suivant: l'tendue des degres d'un parallele est proportionnelle au rayon de ce parallele. Si le rayon d'un parallele est la moitie, ou le quart, ou toute autre fraction du rayon de l'equateur, l'etendue des degres de ce parallele sera reduite dans les memes proportions depuis la valeur de 60 milles au degre, a l'equateur, jusqu'" zero a la latitude de 90o, c'est-a-dire au pole. Pour resoudre ce lemme, on se sert du m6me quadrant; mais dans ce cas le cote horizontal AB represente le rayon de

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- 137 - l'equateur et le cote AC le demi-axe de la terre; le quart de cercle CB etant le quart du meridien terrestre. La latitude du point de depart et celle du point d'arrivee de la route etant connues par la solution du premier lemme, on considere le deplacement dans l'Est ou dans l'Ouest comme s'etant effectue dans une latitude moyenne a ces deux latitudes connues. Supposons que le deplacement de 77,42 milles dans l'Est ait eu lieu par une latitude moyenne de 420; on compte, sur le quart de cercle BC, 42 degres a partir du point B, et l'on mene, par ce 420, le rayon AD en tendant suivant cette direction le fil du quadrant (fig. 10). Prenons maintenant sur le cote AB, ligne Ouest-Est, une longueur quelconque AY a laquelle nous attribuerons la valeur 77,42 milles, et sur le point Y imaginons une perpendiculaire qui coupe le rayon AD au point K; la ligne XK, parallele a AY, a la meme valeur. Si maintenant l'on prend le quart de cercle APKE pour representer le quart du meridien, le point P sera le pole, la ligne AE ou AK sera le rayon de l'equateur, et la ligne XK ou AY le rayon du parallele par 420 de latitude. Or, de meme que le cercle parallele ayant pour rayon XK ou AY comporte autant de degres que le cercle de l'equateur ayant pour rayon AK, ainsi la longueur AY, que nous avons prise pour representer le chemin parcouru dans l'Est, aura autant de degres que la ligne AK a laquelle elle se trouve rapportee ou reduite, et qu'il s'agit de calculer par le procede des triangles semblables. Imaginons la ligne DR, sinus droit de l'arc BD, et nous aurons dans les deux triangles semblables ADR et AKY AD AR AK AY AK est la valeur x du chemin rapport6e a l'equateur. AR est le cosinus dont la valeur est indiquee par la position de l'index G sur le fil; cette valeur est 44,4. AY represente les 77,42 milles, et AD est le rayon = 60. 60 = 44 462. L'equation devient 6- '__, d'oi x = 104,62. x 77,42

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- 138 - Les 77,42 milles parcourus sur le parallele 420 equivalent a 104,62 milles sur l'6quateur, ou a 104,62 minutes, ou a 1044'37",2 en longitude. Ces deux lemmes fournissent les donnese necessaires a la resolution des problemes qui ont pour objet la recherche de la longueur du chemin parcouru, de l'aire de vent de la route, de la longitude et de la latitude du point d'arrivee, le point de depart et un ou deux des elements du probleme 6tant connus. On remarquera que le dispositif du trace du quadrant ne fournit que le sinus et le cosinus de l'arc de l'aire de vent consideree, mais ce sont les seuls elements necessaires pour la solution des problemes proposes. Si nous avons complete le trace par des lignes constituant les triangles semblables, c'est uniquement pour la demonstration; pratiquement, il n'y a pas a supposer l'existence de ces lignes. Le navigateur n'avait a connaitre que les formules auxquelles cette demonstration nous a conduits. Un certain nombre de milles etant parcourus suivant une aire de vent, on a: Dplacement N. ou S = chemin parc. x sin arc rumb de route sinus total D6placement E. o. - chemin parc. x cos arc rumb de route Deplacement E. ou O. = --— i ---snustota ---- sinus total Et la reduction x des milles parcourus sur un parallele moyen en milles de l'equateur est obtenue par la formule: sinus total x nombre milles parcourus cos arc de latitude moyenne Les seules valeurs a trouver sont le sinus et le cosinus de l'arc considere et le navigateur avait le moyen de les trouver immediatement en tendant le fil sur le limbe au degre de cet arc, en amenant les index sur les deux demi-cercles et en reportant le fil le long de l'echelle graduee du quadrant. Les valeurs de tous les termes de la formule etant ainsi connues, il ne restait plus qu'a executer les operations de calcul elementaire sur le papier.

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- i39 - Ces operations se trouvent supprimees, quand on se sert d'un autre trace qu'il est interessant de rapprocher de celui de notre quadrant; nous voulons parler du quartier de reduction. Dans le quartier de reduction, l'echelle qui existe sur un des cotes seulement de notre quadrant est repetee sur l'autre cote; et, par les divisions de ces deux echelles, sont menees des perpendiculaires qui se coupent a angle droit en couvrant la surface du quadrant d'un treillis a mailles carrees. Du centre, on trace encore des series de quarts de cercles qui joignent les divisions de meme rang et reportent ces divisions sur les rayons obliques du quadrant. Les rayons obliques eux-memes ne sont pas traces le plus souvent, car un fil qui part du centre du quadrant peut etre tendu sur les degres du limbe dans toutes les positions des rayons obliques. Enfin, si le fil est muni d'index curseurs, ceux-ci remplissent l'office des cercles concentriques qui peuvent etre supprimes. Un tel trace (pl. VIII) permet de reduire sans calcul toute longueur prise sur un rayon oblique en ses composantes horizontale et verticale, et inversement, car il donne par construction la longueur des trois cotes du triangle rectangle que ces trois lignes suffisent a former. On pourra ainsi resoudre mecaniquement les deux lemmes fondamentaux sur lesquels nous avons deja insiste, c'est-a-dire, premierement, connaitre le deplacement vers le Nord ou le Sud et vers l'Est ou l'Ouest pour une route oblique donnee; et, secondement, reduire les milles parcourus sur un parallele donne en miles de l'equateur, ce qui indique le deplacement en longitude au niveau de ce parallele. Soit, par exemple, un chemin de 47 milles parcourus dans le N.-E. 1 /4 N.; on tend le fil suivant l'aire de vent de la route en le plagant a 56o15' sur le limbe et on compte sur le fil 47 divisions marquees par les cercles concentriques a partir du centre, ce qui nous conduit au point P (pl. VIII). La ligne

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- 140 - horizontale qui part de ce point tombe sur l'echelle verticale a la division 39; le deplacement dans le Nord est donc de 39 milles ou de 39 minutes en latitude. La ligne verticale qui part du meme point P tombe sur l'echelle horizontale a la division 26; ce qui indique un deplacement de 26 milles dans l'Est. Ces 26 milles etant supposes parcourus sur le parallele moyen de 420, le fil est tendu sur le degre correspondant du limbe, et la ligne verticale qui s'eleve sur la division 26 de l'echelle horizontale rencontre le fil au point R. De ce point au centre du quadrant, on compte 35 divisions. Les 26 milles parcourus sur le paralllel 420 valent donc 35 milles a l'equateur ou 35 minutes de deplacement en longitude dans l'Est. Les problemes de route qui decoulent des deux lemmes fondamentaux peuvent etre resolus par un procede analogue. Si le nombre de milles proposes est superieur a celui des divisions de l'echelle, on attribuera a chaque division la valeur de 2, 3, 4 milles, ou plus selon le besoin, pour que l'operation puisse etre effectuee sur la surface du quadrant. I1 sera facile aussi de partager a vue d'ceil les intervalles des divisions proportionnellement aux fractions de milles, s'il y a lieu, et de mener des lignes occultes intermediaires paralleles aux lignes du treillis. Ce procede pouvait-il etre utilise sur le quadrant que nous decrivons? Nous ne le croyons pas. Une seule echelle pourrait a la rigueur suffire, puisque le fil muni de ses index permet de reporter les divisions de cette echelle sur l'autre cote. Les index suppleent aussi aux cercles concentriques.Mais le treillis rectangulaire manque totalement, et il faudrait, a chaque operation, tracer des lignes perpendiculaires r6elles et non occultes; ce qui est inadmissible comme procede pratique. Sans aucun doute, le procede du quartier de reduction differe entierement du procede applicable au trace trigonometrique de notre quadrant, puisqu'on n'y fait pas usage des sinus. Cependant, dans le quartier de reduction, les lignes du

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- 14 - treillis rectangulaire s'appuient par une de leurs extremites sur la graduation du limbe, et cette construction permet de trouver sur la figure le rayon d'un arc, le sinus, le cosinus et la tangente de cet arc, lorsque l'une de ces grandeurs est connue. Nous sommes donc encore ramenes a la connaissance des sinus, comme avec le trace de notre quadrant, mais par une construction differente. Cette derniere est d'ailleurs fort ancienne. C'est celle du cercle et du quadrant destour des Arabes, et elle figure sur un astrolabe arabe du xIIIe siecle decrit par MM. Sauvaire et J. de Rey-Pailhade (1). Dans le quartier de reduction, aussi bien que sur le treillis donnant les sinus, les deux demi-cercles construits sur les deux c6tes du quadrant n'ont plus d'utilite et disparaissent; cependant la communaute d'origine et la solidarite de ces trois constructions (le treillis trigonometrique, les deux demicercles et le quartier de reduction) sont manifestes, car on peut les trouver reunies sur un meme quadrant. Nous avons signale l'astrolabe arabe de 1334 decrit par W. Morley, comme joignant un demi-cercle au treillis; citons un autre exemple dans un astrolabe marocain de la fin du xvIIIe siecle decrit et figure par M. Delphin (2). Sur cet instrument, on trouve un quart de cercle portant le treillis et les deux demi-cercles. Des trois constructions qui se ramenent a deux, car le quartier de reduction n'est qu'une application speciale du treillis, le compositeur du quadrans novus, dont notre instrument est un type, a choisi la plus elegante et la plus simple, puisqu'elle conduit au resultat cherche par deux demi-cercles seulement, alors qu'un trace plus complique eut ete impossible sur un tableau deja charge de lignes. Certains quadrants arabes qui sont munis du treillis donnant les sinus portent cette construction sur l'autre face, ou dos du quadrant, qui (1) Cf. op. cit. supra. Journal Asiatique, 1893. (2) DELPHIN. L'Astronomie au Maroc. Journal Asiatique, 1891.

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- 142 est alors depourvue des traces que nous avons trouves sur le dos de notre instrument. Les resultats obtenus par la manoeuvre des index ne repondent certainement pas a des solutions d'une grande exactitude. Les astrolabes et les quadrants etaient, d'ailleurs, des instruments trop petits pour fournir des indications bien precises et celles-ci devaient etre vraisemblablement controlees souvent par l'usage de Tables. Mais nous avons vu que nombre de problemes pouvaient etre resolus rapidement par une simple manoeuvre mecanique; et la caracteristique de ces ingenieux instruments n'est-elle pas de suppleer a la rigueur aux Tables, et, si l'on peut dire, de se suffire a eux-memes, ou bien d'evoquer par les traces qu'ils portent les procedes de calcul particuliers a telle ou telle recherche? L'instrument, rassemblant dans un petit espace le resume de la trigonometrie, de la mecanique celeste et de la connaissance des Temps, devient ainsi le vade-mecum de l'astronome et du navigateur.

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LIVRE III Origine et Antiquite de 1'Astrolabe-Quadrant du Musee de Rouen L'instrument, dont nous avons decrit les caracteres techniques, ne porte aucune date et le constructeur n'a pas signe son oeuvre; une certaine tradition le rattache au nom de Bethencourt et au pays normand. Ce que nous avons dit de l'histoire du quadrans novus permet d'affirmer que le quadrant de Rouen est bien un specimen de cet instrument, compose dans l'Europe atine a la fin du xIIIe siecle. Malgre la presence de certaines notations d'origine exotique parmi les traces qu'il porte, il est bien latin et chr6tien et il a ete construit par un Europeen. A ces premiers caracteres, nous desirons joindre des notions aussi completes que possible sur l'origine et sur la date de construction de ce modele. I1 n'est pas indifferent, en effet, pour l'histoire des sciences mathematiques et memes nautiques en France et principalement en Normandie, que cetinstrument date seulement du xvIe siecle ou que l'epoque de sa construction puisse etre placee avant celle de la Renaissance qu'il ait ete fabrique ou utilise en Normandie, ou bien qu'il soit d'origine etrangere. C'est aux caracteristiques astronomiques des traces que nous nous adresserons tout d'abord pour obtenir une reponse a la question de date; elles nous fourniront les donnees les plus precises et les moins discutables. Les caracteres epigra

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- 144 phiques et artistiques seront ensuite rapproches de ces premiers elements. Enfin, la gaine meme, qui accompagne l'instrument et dont nous n'avons pas encore parle, pr6sente des figures qu'il importe d'examiner. A - I y a plusieurs donnees astronomiques que nous pouvons interroger, quoique d'importance inegale; et, si elles ne fournissent pas des resultats concordants, nous devrons discerner les plus probantes et donner les raisons de l'anachronisme des autres. 10 La date la plus ancienne est fournie par le zodiaque lunaire. En effet, la position du commencement de la premiere mansion a 10o Aries correspond, comme nous l'avons demontre, a l'annee 788 ou environ. Mais il est bien evident que cette date ne se rapporte, en aucune faqon, a l'epoque de la construction de l'instrument, et sa haute antiquite meme est l'argument le plus probant de l'anachronisme de cette disposition. Tout d'abord, il y a lieu de constater que le constructeur de notre quadrant n'a fait que se conformer aux indications fournies par le compositeur du quadrans novus. L'auteur du manuscrit de 1433 prescrit de placer le commencement de la premiere mansion au commencement du Belier si l'on veut, ou bien a 10o de ce meme signe a cause du mouvement de la huitieme sphere (1). Un autre manuscrit, des premieres annees du xIve siecle (2), place l'origine de la premiere mansion a 10014' du Belier pour la meme raison. Comment cette disposition, qui ne s'accorde pas plus avec l'epoque de la composition du quadrans novus qu'avec celle de la construction de notre modele, a-t-elle ete adoptee? Le zodiaque lunaire figure sur le quadrant de Rouen est manifestement arabe; les noms des mansions ne laissent place a aucun doute sur ce point, et, d'ailleurs, les Latins n'en connaissaient pas d'autre. Ce systeme, dont la signification meteorologique et astrologique avait, chez les Orientaux, une (1) Ms. lat. 7294, fol. 21 r~: ( incipe a capite arietis si vis vel in 10~ gradu ipsius propter motum octave spherse. (2) Ms. lat. 7416 B, fol. 6 v~.

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- 145 - si grande importance, fut transmis a l'Occident avec d'autres elements de la science astronomique et astrologique arabe; mais s'il fut accepte par les astrologues latins, ceux-ci n'en faisaient que peu de cas dans leurs elucubrations et s'en rapportaient communement aux ascensions des signes solaires. C'est ce qui explique comment ce systeme a ete admis sans beaucoup de sens critique par le compositeur du quadrans novus et par notre constructeur. Le compositeur latin du quadrans novus desirant, pour suivre la tradition imposee par les Arabes, etablir sur l'instrument qu'il imaginait le zodiaque lunaire, s'est adresse a un modele arabe certainement plus ancien et il l'a reproduit sans modification. Remarquant la position de la premiere mansion a 10~ Aries sur le modele qu'il copiait, il l'a interpretee comme une consequence du mouvement de la huitieme sphere ou mouvement de precession, mais il a neglige de l'adapter a son epoque (1290) en plagant, comme il convenait, le commencement du zodiaque lunaire a 17~ du Belier, soit que ce systeme n'eiut aucune importance d'actualite pour ses contemporains latins,. soit qu'il fiut dans les traditions arabes, a cette epoque, de conserver la disposition du zodiaque lunaire arabe primitif. Pour les memes raisons, le constructeur de notre modele a du, a une epoque ulterieure, copier sans le modifier le zodiaque lunaire du quadrans novus ou meme celui d'un astrolabe arabe le plus complet qu'il aura trouve, puisqu'il reproduit jusqu'aux noms des mansions. Nous avons reconnu precedemment, en retragant l'histoire des mansions lunaires, que les principes scientifiques des arabes ont varie a l'egard du deplacement du zodiaque lunaire, mais que leurs astronomes les plus savants durent, dans la suite, pour conserver aux mansions leur signification meteorologique, attribuer au zodiaque lunaire le mouvement normal en longitude. Certains constructeurs latins suivirent cette methode rationnelle; et, sur un astrolabe europeen date de 1543, nous avons trouv6 la premiere mansion a 200 Aries, position qui est conforme a l'accroissement en longitude pour cette epoque. 10

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- 146 - Quelles que soient les raisons qui ont guide le constructeur du quadrant de Rouen, la disposition qu'il a adoptee a eu pour nous une consequence heureuse, puisqu'elle nous vaut de posseder la reproduction du zodiaque lunaire originel des Arabes, celui du viIie siecle. 2~ Nous avons remarque, d'apres la position du cercle des jours sur le dos du quadrant, que le perigee correspond a 2700 de longitude, c'est-a-dire au solstice d'hiver. Si cette disposition etait reellement intentionnelle, elle aurait une signification. En effet, la ligne des apsides de l'orbite solaire se deplace annuellement de 11",7 dans le sens direct, marchant a l'encontre de la ligne des equinoxes qui retrograde de 50",2 dans le meme temps. II s'ensuit que la longitude du perigee s'accroit chaque annee de la somme de ces deux valeurs angulaires, c'est-a-dire de 61",9. En partant des donnees actuelles, on reconnait que le perigee coincidait avec le solstice d'hiver vers Fan 1250 de notre ere; la duree du printemps etait alors egale a celle de l'ete et celle de l'automne a celle de l'hiver. II est peu probable que le constructeur ait tenu compte de cette circonstance; et, s'il a attribue une duree egale au printemps et a l'ete, il a mis une difference d'un jour entre l'automne et l'hiver. Nous avons, d'ailleurs, constate que la distribution des jours dans les quatre saisons manque d'exactitude et ne s'accorde nullement avec la position apparente du perigee. En fait, on trouve une disposition identique du cercle excentrique des jours sur des astrolabes d'epoques differentes, notamment sur des instruments, ou des figures, dates du xvie siecle; ce qui prouve qu'on ne lui attribuait generalement aucune signification precise. Cependant, l'anonyme de 1433, decrivant le trace du cercle excentrique des jours sur le dos du quadrant (1), prescrit de deplacer le centre sur une ligne occulte joignant le centre du (1) Ms. lat. 7294, fol. 3 v~, 1. 9.

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- 147 - cercle du zodiaque a 290 des Gemeaux, position de l'apogee qui correspond a l'annee 1188 environ. I partage ensuite cette ligne en 32 parties egales; et, plagant une pointe du compas a 1 /32e du centre du zodiaque, il decrit avec l'autre pointe un cercle interieur qui passe a 1/32e de l'autre extremite de la ligne. Proclus (1) decrit un procede analogue, mais les mesures qu'il indique sont differentes et il place l'apogee a 5030' des Gemeaux. Le 290 des Gemeaux est si proche du point solsticial qu'il est impossible de reconnaitre si la regle indiquee par le manuscrit de 1433 a ete suivie par notre constructeur. 3~ Les deux caracteristiques precedentes ne paraissent pas avoir retenu l'attention du constructeur et elles sont sans valeur pour la determination de la date de l'instrument. Il n'en est pas de meme pour un autre dlement que nous allons analyser minutieusement et qui devait necessairement etre d'actualite. Nous voulons parler de la position de l'equinoxe de printemps. Il est tres facile de determiner mathematiquement la date de l'equinoxe dans la suite des annees juliennes en partant de l'indication precise de la date de l'equinoxe dans une annee prise comme point de depart. Nous avons place ce point de depart au debut du printemps de l'annee 1600, qui marque le commencement de la periode gregorienne de 400 ans. En construisant la table des ecarts de la date de l'equinoxe dans cette periode, nous avons reconnu que le printemps a commenge en l'an 1600 (2) le 20 mars a 10h12m28s,60. (1) PROCLUS. Hypotyposes; edit. Halma, p. 90. (2) La table des ecarts indique pour l'annee 1905, la 305e de la periode gregorienne de 400 ans, un retard de 0i,8710, l'ecart etant suppose nul au debut de la periode. Ce retard evalue en heures est de 20h54m14s,40. L'Annuaire des Longitudes fixant le moment de l'equinoxe du printemps en 1905 au 21 mars a 7h6m43s, si l'on retranche de cette date le retard indique, on trouve pour date de 'oeauinoxe en lan 1600: 20 mars l0h12m285,60.

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- 148 - Par suite de la reforme gregorienne, le 20 mars 1600 gregorien correspond au 10 mars julien sans autre modification. Pour trouver la date de l'equinoxe dans les annees juliennes anterieures, il suffira de tenir compte de l'avance de 0j,0312 qui se produit a la fin de chaque serie de quatre annees juliennes (1). On multipliera le coefficient 0.0312 par le nombre d'annees bissextiles qui se trouvent entre l'an 1600 et l'annee anterieure proposee, et l'on ajoutera le produit a la date de l'equinoxe de 1600; la somme donne la date de l'6quinoxe pour l'annee julienne proposee. Mais il faut que cette derniere soit bissextile; si non, on prend la premiere bissextile antecedente pour effectuer le calcul, puis on compte un retard de 0j,2422 pour chaque annee commune succedant a cette annee bissextile prise pour terme de comparaison. Recherchons maintenant a quel jour du mois de mars correspond l'equinoxe de printemps sur notre quadrant. Nous voyons que la ligne qui marque le commencement duBelierse trouve exactement dans le prolongement du trait de division 13 du mois de mars dans le cercle des jours. Mais ce trait marque-t-il le commencement, le milieu, ou la fin du treizieme jour de mars? Ii semblerait, au premier examen, qu'il doive en indiquer la fin, puisqu'il se trouve entre le 13e et le 14e intervalle de la division du mois de mars. Nous avons cependant admis ant6rieurement, en etudiant le deplacement de l'alidade sur le cercle des jours, que chaque trait de division donne la date qu'il porte a l'intervalle qui le suit, du moins pour l'annee bissextile apres le 29 f6vrier et pour les deux premiers mois de la premiere annee commune. Nous avons vu comment cette disposition permet de placer (1) L'annee tropique etant de 365j,2422 et l'annee julienne etant de 365i,2500, moyenne de trois annees communes de 365 jours et d'une annee bissextile de 366, il y a, dans le calendrier julien, un exces de Oj,0312 a la fin de chaque serie de quatre annees et le moment de l'equinoxe se trouve avancer d'autant. Au contraire, l'annee commune etant plus courte de 0j,2422 que l'ann6e tropique, chaque annee commune produit un retard propre egal a cette quantite.

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- 149 - le jour intercalaire a la suite du 28 fevrier dans l'annee bissextile, et elle tire une verification importante de l'examen d'un instrument du meme genre et d'une epoque presque contemporaine, dont MM. H. Sauvaire et J. de Rey-Pailhade (1) ont donne l'analyse complete et la reproduction photographique. I1 s'agit d'un astrolabe arabe sur lequel se trouve inscrite la date de sa construction, en lan 609 de 1'hegire. L'annee astronomique 609 de l'hegire commenqant le samedi 2 juin 1212 du calendrier julien, nous pouvons admettre l'an 1212, qui est precisement une annee bissextile, pour la date de la construction de l'instrument. Calculons l'avance qui s'est produite dans la date de l'equinoxe entre l'annee 1212 et l'an 1600. Nous trouvons un ecart de 388 annees comprenant 97 bissextiles. Oj,0312 X 97 = 3j,0264 = 3j 0h54m40s,96 Ajoutons cette valeur a la date du printemps de 1600, et nous aurons la date de l'equinoxe en 1212. 10 mars 10h12m28s,60 3 jours 0 54 40,96 13 mars 11h 7m 9s,56 L'equinoxe arrivait donc a peu pres au milieu du 13e jour de mars en lan 1212. Or, sur l'instrument photographi6 par MM. Sauvaire et de Rey-Pailhade, la ligne du commencement du Belier passe exactement au milieu de l'espace qui separe le trait de division 13 du trait 14 dans le mois de mars; done le jour du 13 mars commence bien au trait de division 13. Le quadrant de Rouen presente des caracteres qui semblent indiquer que le constructeur s'est inspire de traces empruntes a des instruments arabes, et il y a lieu de supposer que la methode arabe a ete egalement suiviepour le trace ducercle des jours. (1) Sur une mere d'astrolabe arabe du XIIIe siecle; Journal Asiatique, 1893.

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- 150 Il nous reste a determiner l'6poque a laquelle l'equinoxe du printemps arrivait au commencement du 13 mars, puisque c'est bien cette date qui est indiquee sur le quadrant. L'annee bissextile 1272, separee de l'an 1600 par 82 bissextiles, donne les resultats suivants: 0j,0312 x 82 = 2j,5584 = 2j 13h24m5s,76 10 mars 10h12m28,60 2 jours 13 24 5,76 12 mars 23h36m34s,36 Pour l'annee 1268, nous obtenons: 13 mars 0h21m30s,04. C'est donc l'une ou l'autre de ces deux annees qui correspondrait a la position de l'equinoxe sur le quadrant de Rouen. Dans le traite du quadrant de Profatius transcrit en 1324, on trouve une table de l'entree du soleil dans les degres des signes du zodiaque de cinq en cinq jours (1). D'apres cette table, le soleil est a 26032' des Poissons le 10 mars et a 1056' du Belier le 15; ce qui place le moment de l'equinoxe au 13 mars a 4h52m du matin, en supposant que le jour commence a minuit. D'apres nos calculs,cette position de Fl'quinoxe correspondrait a l'annee 1244. Si l'on fait commencer le jour a midi du jour precedent, il faudra ajouter 64 ans aux chiffres que nous avons trouves. L'an 1268 de notre quadrant deviendra l'annee 1332 et l'annee 1244 de la table de Profatius sera remplacee par l'annee 1308 (2). 4~ Les tableaux circulaires traces sur le dos du quadrant ne fournissent aucune autre indication au point de vue qui nous occupe. (1) Ms. lat. 7437, fol. 163 r~: Tabula dierum etgraduumquiponuntur in dorso (quadrantis). (2) Toutes les annees auxquelles nous nous sommes arretes sont bissextiles parce que dans ces annees l'equinoxe suit immediatement l'equation produite par le 29 fevrier, jour intercalaire.

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- 151 - Bien qu'il ait ete souvent observe que, quand un astrolabe porte une partie du calendrier perpetuel, le constructeurfait, en general,commencer la table par les notations qui correspondent a l'annee dans laquelle il a fabrique l'instrument, la table pascale perpetuelle, telle qu'elle se presente sur notre quadrant, n'appartient a aucune epoque precise. Cette table commence par le nombre d'or 16 et les lettres dominicales G F, notations qui appartiennent a l'annee 1364. La concordance de ces deux memes signes, qui se reproduit tous les 532 ans (periode dionisienne), s'est presentee auparavant en l'an 832, et depuis en 1896. Il ne faut voir la toutefois qu'une coincidence fortuite qui n'indique pas la date de la construction de l'instrument, mais qui resulte de ce que, le nombre d'or 16 revenant au 21 mars dans le calendrier julien et les lettres dominicales G F a la premiere annee du cycle solaire, ces signes se trouvent naturellement places les premiers dans la table pascale pour les raisons que nous avons exposees. 5~ Poursuivant la solution de notre probleme, nous pouvons encore chercher, dans les positions des onze etoiles du quadrant comparees aux positions actuelles, une mesure tres precise du temps qui s'est ecoule depuis l'epoque ou ces positions premieres etaient d'actualite. Le tableau de la page 110 donne les coordonnees equatoriales de toutes ces etoiles, et la longitude de quatre d'entre elles qui sont les plus proches de la ligne ecliptique. Nous avons expose les raisons qui nous ont fait choisir ces dernieres pour termes de comparaison et constate en meme temps que l'ecart entre les longitudes anciennes de ces etoiles et les longitudes en l'an 1900 n'est pas represente par un chiffre constant; ce qui denote une assez grande incertitude dans les positions adoptees sur l'instrument. En s'adressant a l'etoile Cor Leonis, qui est placee presque sur la ligne ecliptique, on trouve sur le quadrant que cette etoile est a 18o30' du signe du Lion ou a 138030' de longitude. La meme etoile etant en 1900 a 148030' ou environ, il y a

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une difference de dix degres. Ces dix degres correspondent a l'amplitude du mouvement de precession pendant la duree de 720 ans; ce qui nous reporterait a Fan 1180. Les tables d'Ulugh-Begh (1), qui sont de 1430, placent cette etoile (Kalb-al-Asad) a 22o13' du Lion. L'etoile Cor Leonis (Regulals) manque rarement sur les astrolabes; elle est signalee par sa position sur le contour du zodiaque de l'araignee dans le signe du Lion, et, comme ce zodiaque est gradue, il y a la un moyen de reconnaitre a premiere vue, par le degre que cette etoile occupe, l'age approximatif d'un astrolabe quelconque; mais il s'en faut que cette position soit toujours correcte. Les astronomes arabes se sont attaches a calculer la position en longitude de cette etoile dans la suite des temps, en remontant jusque dans le huitieme siecle avant l'hegire (2), ce qui prouve qu'ils en faisaient un point de repere important. Sur l'araignee d'un astrolabe marocain de l'an 605 de l'hegire (1208) et figure par Sarrus (de Strasbourg), nous trouvons la meme etoile a 19o du Lion, position qui s'accorde avec l'epoque de l'instrument; mais l'astrolabe de Regiomontanus,,date de 1468, porte cette etoile a 20o30', d'apres la figure reproduite par Repsold (3), et cette position correspond a l'annee 1325 environ. Enfin, la longitude 22o45' du Lion,que nous relevons sur un astrolabe de 1543, conviendrait a l'annee 1485. L'an 1180 est la date la plus eloignee que nous puissions etablir; la date la plus rapprochee est fournie par l'etoile Aldebaran, dont la longitude ne s'ecarte de la longitude de 1900 que de huit degres representant 576 annees. La date correspondante est l'an 1324. Si l'on s'arrete a un terme moyen et si l'on tient compte des indications fournies par le reste du tableau, on peut admettre que les positions des etoiles marquees sur l'astrolabe(1) HYDE. Tabulse Ulugh-Beighi; 1665, p. 74. (2) L.-A. SEDILLOT. Materiaux pour servir a l'histoire comparee des sciences mathematiques, etc.; t. I, 1849; in-8~, p. 278. (3) REPSOLD. Zur Geschichte der astronomischen Mess'erkzeuge; Leipzig, 1908, fig. 10.

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- 153 - quadrant du musee de Rouen correspondent a l'epoque du xIIIe siecle. Enfin, en rapprochant les caracteristiques astronomiques principales et les plus precises, c'est-h-dire la position de l'equinoxe et les coordonnees des etoiles, on trouve qu'elles sont assez exactement concordantes et se rattachent a la fin du xIIIe siecle. Malgre leur valeur, ces donnees ne sont pas decisives, parce qu'il se pourrait que le quadrant de Rouen, reproduisant un type d'instrument qui a ete compose a la fin du xIIIe siecle, ait conserve les caracteristiques du modele primitif. II importe done de rechercher si les autres caracteres presentes par l'instrument s'accordent avec les donnees astronomiques. B - Examinons maintenant la forme des lettres et des chiffres graves sur l'instrument, et recherchons leur signification archeologique. L'examen paleographique des lettres ne renseigne pas avec certitude sur l'anciennete de l'instrument; on y trouve des capitales gothiques dans le goft des xIIe, XIVe et xve siecles, et des minuscules dont la forme s'est conservee jusqu'au xvIe siecle. Les majuscules sont beaucoup plus sobres de fioritures que celles qui sont employees dans l'ecriture cursive; elles repondent plut6t aux majuscules des inscriptions avec la forme qu'on leur donnait entre le xIIIe et le xve siecle. D'apres les tableaux de Chassant (1), les minuscules gravees sur le quadrant se retrouvent au xIIie, au XIVe et encore au xve siecle; mais plusieurs lettres commencent a se modifier a cette derniere epoque, et a s'eloigner des formes que nous offre notre modele. La lettre e, qui presente sur l'instrument la forme d'un c, dont la corne superieure est barree par un trait oblique, est assez particuliere au XIIIe siecle. I (1) ALPH. CHASSANT. Paleographie des chartes et des manuscrits du xIe au xvIIe siecle; Evreux, 1839.

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- 154 - Nous sommes heureux de pouvoir joindre a ces considerations l'appreciation competente de M. Maurice Prou (1), qui a bien voulu nous donner son avis dans une lettre dont nous extrayons le passage suivant: (( L'ecriture des inscriptions de l'astrolabe me parait etre de la fin du xIIe siecle ou du commencement du xIve; j'avoue meme que la forme des lettres indique la seconde moitie du xIIIe siecle plutot que le XIVe. ^ Les chiffres ont, sauf le chiffre deux, une forme bien definie et constante sur l'instrument; ils paraissent ainsi devoir fournir une indication plus precise que les lettres. Les caracteres employes sont les chiffres dits arabes dont l'usage n'a commence a se repandre communement en Europe que dans le cours du XIIIe siecle. II n'entre pas dans le cadre de notre etude de rappeler meme sommairemeut les nombreux travaux auxquels ont donne lieu les recherches sur lorigine des chiffres arabes, sur l'6poque de leur introduction en Occident, et sur leur emploi plus ou moins etendu dans les chartes, les manuscrits scientifiques et les inscriptions lapidaires au Moyen Age. Nous retiendrons seulement qu'ils etaient employes couramment dans les tables numeriques et les ouvrages scientifiques comme le traite du quadrant, quand ce traite fut compose par Profatius. Les chiffres graves sur l'instrument de Rouen ressemblent a ceux que nous employons aujourd'hui et sont immediatement reconnaissables, a l'exception des chiffres quatre, cinq et sept, dont la forme differe totalement de la forme actuelle de ces memes chiffres. Les chiffres quatre et sept du quadrant se retrouvent jusqu'au xve siecle, mais la forme du cinq est tres archaique. Cependant, nous trouvons tous ces chiffres sur la figure du quadrant du manuscrit de 1433, aussi bien que dans le texte et les tables du manuscrit de 1324. (1) Cf. MAURICE PROU. Recueil de fac-similes d'ecritures du xnIe au XVIIe siecle; 2 vol. 1892-1896. - Manuel de Paleographie latine et frangaise du vie au xVIIe siecle; in-8~, Paris, 1892.

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- 155 - Au reste, M. Campagne (1), dans une etude sur l'emploi des chiffres arabes au Moyen Age, reproduit une planche de chiffres empruntes a l'ouvrage des Benedictins (2), dans laquelle nous trouvons, comme appartenant au XIIIe siecle, la serie complete des chiffres graves sur le quadrant de Rouen; il n'y a qu'une legere difference pour le chiffre deux, qui est moins bien forme dans la serie des Benedictins. Ce chiffre parait, en effet, avoir acquis la forme que nous lui connaissons aujourd'hui, dans le courant du xIVe siecle. Sur l'instrument de Rouen, il est bien reconnaissable, mais c'est le seul qui affecte des formes variees au nombre de trois pour le moins. Pour evaluer l'antiquite des lettres et des chiffres du quadrant de Rouen, nous trouvons un terme de comparaison dans lastrolabe de Regiomontanus date de 1468 et conserve a la Bibliotheque de Nuremberg. D'apres le dessin qu'a donne Repsold, dans son recent ouvrage, de la face de cet astrolabe, les noms des signes graves sur le zodiaque de l'araignee sont ecrits en capitales gothiques presque identiques a celles des noms des signes sur notre quadrant; il n'y a de difference que pour la lettre A qui se montre, sur le quadrant, barree au sommet et a la base par un large trait horizontal, et pour la lettre G, dont la corne superieure porte un crochet releve. La figure donnee par Repsold ne presente pas de minuscules et nous ne pouvons, sur ce point, etablir de comparaison. A l'egard des chiffres, nous relevons des ressemblances et aussi d'importantes differences. Les chiffres quatre et sept se retrouvent avec leur forme speciale sur les deux instruments. Mais le chiffre deux a la forme approchee d'un Z sur l'astrolabe de Regiomontanus et le chiffre cinq ressemble a notre chiffre actuel prive du crochet qui surmonte le trait vertical de ce (1) MAURICE CAMPAGNE. De l'emploi des chiffres dits arabes au Moyen Age; in-8~, Agen, 1904. (2) Nouveau traite de Diplomatique (1750-1765); tome III, pi. 60, et tome IV, page VII de la preface.

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caract~re. Ces deux derniers types sont encore communs au xvIe siecle. La forme tres ancienne du chiffre cinq, que nous voyons sur notre modele, a disparu sur celui de Nuremberg qui, pour cette raison, nous parait sensiblement plus moderne. C - L'ensemble des caracteres epigraphiques du quadrant de Rouen se rapporte au xIVe siecle; mais le fini de la gravure et la precision du trace geometrique s'accordent-ils avec une epoque aussi ancienne? II ne semble pas que la gravure de l'instrument dut presenter beaucoup de difficultes a une epoque ou l'on gravait le metal avec une habilete dont les pieces d'orfevrerie, les emaux champleves, les sceaux, les coins, les plaques tombales nous ont laisse des temoignages suffisants. Quant a la precision du trace, elle marchait de pair avec l'etendue et le genre des connaissances mathematiques a cette epoque; la description et l'execution des procedes graphiques de construction, contenus dans les manuscrits du commencement du xIVe siecle que nous avons examines (1), font preuve de ressources tres suffisantes pour permettre de mener a bonne fin un pareil travail. I1 est possible meme que le constructeur fut simplement un habile artisan possedant la pratique des procedes graphiques de la projection stereographique, et dont la tache aurait consiste a reproduire sur le cuivre un modele dessine sur parchemin, car nous avons releve des erreurs d'execution assez importantes. Les positions du soleil pour les differents jours de l'annee ne sont pas aussi regulieres que dans les tables donnees par Profatius; les positions d'etoiles offrent des ecarts considerables; les parties symetriques des lignes d'horizon oblique ne pr6sentent pas une correspondance exacte; enfin le carr6 geometrique n'est pas place tres regulierement. Le cadre exterieur, qui, d'apres la position adoptee sur l'instrument, devrait s'appuyer sur le milieu de chacun des c6tes du qua(1) Cf. Les traces figures dans le ms. lat. 7416 B, folios 3, 4, 6 et 7.

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- 157 - drant, tombe sur un point un peu plus eloigne du centre que ce milieu. Maintenant, cet artisan etait-il un Provengal ou un Normand, un Levantais ou un Ponentais? C'est ce qu'il est impossible de dire; mais nous pouvons chercher des indices prouvant que l'instrument a ete entre les mains d'un possesseur normand. Bien que l'origine du quadrans novus soit nettement languedocienne, il est interessant de constater que le compas lunaire, que nous trouvons sur notre quadrant, a ete maintes fois reproduit par les ivoiriers quadraniers de Dieppe (1). Qu'il ait ete imagine, ou, ce qui est assez probable,imite par les Dieppois, cet appareil a donc jusqu'a un certain point un caractere regional. Les nombreux specimens de cadrans a boussoles munis d'un compas lunaire, que l'on trouve dans les musees ou dans les collections particulieres, ne remontent guere a une epoque anterieure au xvIIe siecle; il n'en est pas moins curieux de relever, sur un instrument certainement fort ancien et d'origine presumee normande, un appareil qui fut dans la suite pour les constructeurs dieppois comme une sorte de specialite. L'examen d'un dernier document,la gaine de l'instrument, nous fournira de nouveaux indices pour repondre aux questions que nous nous sommes proposees. D - La gaine du quadrant (pl. IV) est en cuir et porte sur le cote une ouverture fermee par un couvercle qui s'emboite sur le corps de la gaine. Sur chaque face de ce couvercle se trouvent deux passants ou anneaux aplatis en cuir qui sont repetes sur les deux faces du corps de la gaine. Dans ces anneaux etait passee une courroie dont les extremites portaient un bouton ou epaulement qui s'arretait contre les anneaux du corps de la gaine: on remarque, en effet, sur la surface de la gaine, tout contre ces deux (1) Cf. AMBROISE MILLET (conservateur du Musee de Dieppe). Anciennes industries scientifiques et artistiques dieppoises; Dieppe, 1894, in-80.

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- 158 - anneaux, une legere foulure du cuir resultant de la pression operee par la courroie et ses epaulements. II y avait vraisemblablement une courroie pour chaque face, et le passage de ces courroies dans les anneaux du corps et du couvercle de la gaine maintenait la reunion de ces deux parties. Les deux anneaux du corps de la gaine etant plus rapproches l'un de l'autre que ceux du couvercle, cette double couroie formait sans doute une anse assez ample pour embrasser le corps et passer sur l'epaule a la facon d'une bandouliere. La gaine etant ainsi portee, il suffisait, pour decouvrir l'instrument, de soulever le couvercle en le faisant glisser le long des courroies qui le retenaient, et ce couvercle restant attache l'appareil ne risquait pas d'etre perdu. La robustesse de cette enveloppe et la disposition des courroies de suspension qui l'accompagnaient semblent bien indiquer qu'elle n'etait pas faite pour un instrument de cabinet, mais pour un instrument qu'on pouvait porter sur soi comme une arme et par tous les temps. Bien que solide et propre a resister a l'action des intemperies, cette gaine est ornee d'estampages revelant un riche possesseur. L'ornementation est la meme sur les deux faces. Celle du couvercle ne nous retiendra pas; elle consiste en un alignement de huit losanges contenant chacun une etoile a huit branches. Les figures frappees sur le corps de la gaine ont, au contraire, une importante signification. Tout d'abord, au centre, on voit un cartouche circulaire contenant la figure d'un cavalier arme ou chevalier passant au galop et brandissant une epee au-dessus de sa tete. Le casque, orne d'un vaste panache, est pourvu d'une visiere et aussi d'oreilleres rabattues sur les joues. Le relief de cette partie de la figure etant un peu efface, ce dernier detail n'apparait pas tres nettement. D'autre part, une figure de si petites dimensions frappee sur un cuir assez fort ne laisse pas apercevoir de details dans l'armure du chevalier ni dans le harnachement du cheval, de

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- 159 - sorte qu'il n'est guere possible de reconnaitre a quelle epoque ce costume se rapporte. I1 est probable que cette image est une imitation du sceau du proprietaire de l'instrument. Dix autres cartouches circulaires entourent ce cartouche central et renferment tous le meme motif l'agneau chretien nimbe, marchant a gauche, la tete tournee a droite, accompagne de l'oriflamme a deux pointes, dont la hampe est surmontee d'une croix pattee. La predominance de l'agnel est frappante et rappelle immediatement la piece principale des armoiries de la ville de Rouen qui sont, et de bien longue date, a l'agneau marchant avec un chef de trois lys. Le plus ordinairement, l'agneau pascal des monuments chretiens, represente marchant, porte une banniere et non l'oriflamme; la hampe de cette banniere passe sur l'epaule et est retenue par la patte a demi-flechie de l'agneau; une croix latine est peinte ou gravee sur la banniere. C'est aussi le type habituellement reproduit dans les armoiries de la ville de Rouen. Mais le gainier s'est adresse a un modele a la fois commun * et tres soigne qu'il trouvait sur les pieces de monnaie de son epoque. L'agneau pascal ou l'agnel a, en effet, figure pendant plus d'un siecle sur les deniers d'or des rois de France. II est admis assez generalement que l'agnel parut pour la premiere fois sur la monnaie d'or frappee 'a la fin du regne de St-Louis; mais on n'a encore retrouve aucun echantillon de cette epoque, et M. de Marcheville (1) fixe l'apparition de ce type sur les monnaies royales frangaises a une ordonnance de Philippe IV, e4 janvier 1310. Une declaration royale du 7 fevrier 1310 ratifie un marche passe avec Rechin Cantinel, chevalier, et Pierre de Maante, bourgeois, pour la fabrication d'une e monnaie d'or fin qui sera appelee a l'aignel et sera de 58 deniers et un tiers au marc de Paris )). Nous donnons le dessin de ce denier (pi. IV) qui offre la plus grande ressemblance avec la figure estampee sur la (1) Revue de Numismatique, 1889, p. 1-38.

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- 160 gaine du quadrant de Rouen. L'attitude de l'agneau est exactement la meme dans les deux figures; les seules differences consistent en ce que sur la piece de monnaie l'oriflamme est a trois pointes et que la croix de la hampe est fleurdelisee au lieu d'etre simplement pattee. Le coin de cette piece de monnaie est reste le meme pendant une quarantaine d'annees. L'aignel frappe en 1356 sous Jean II est deja modifie et celui de Charles VI est encore plus different. De l'identite presque parfaite entre la figure de l'agnel de la gaine et celle de l'aignel frappe dans la premiere moitie du xIve siecle, on ne saurait induire que l'instrument date certainement de la meme epoque, si cette preuve etait la seule que nous puissions presenter. Bien que le fer du gainier ait ete fait tres probablement a l'image de la piece de monnaie, cette copie aurait pu etre posterieure et le fer lui-meme etre conserv6 assez longtemps pour un usage industriel. D'autre part, l'agneau chretien figure sur une foule de monuments religieux d'epoques tres differentes sans grandes modifications. Mais cette ressemblance si frappante avec l'aignel du xIVe siecle acquiert une grande valeur par sa concordance avec les autres caracteres d'antiquite presentes par l'instrument. En rassemblant nos preuves, nous trouvons que le quadrant rouennais offre les caracteristiques astronomiques du xilIe siecle, soit qu'il ait ete reellement construit a une date qui ne s'ecartait pas trop de cette 6poque, soit que le constructeur ait, a une date ult6rieure assez eloignee, reproduit, sans faire les corrections necessaires, le type primitif de l'instrument qui avait ete compose a la fin du XIIe siecle. D'autre part, les caracteres epigraphiques sont ceux du xIVe siecle; aucun detail dela forme des lettres et des chiffres ne revele une epoque necessairement posterieure. L'execution materielle de l'instrument ne presentait pas de difficultes pour une epoque qui nous a laisse tant de temoins de l'habilete des graveurs sur metal. Enfin, nous trouvons sur la gaine de l'instrument une repro

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- 161 - duction fidele du motif principal d'une piece de monnaie frappee dans la premiere moitie du xIve siecle. C'est a cette derniere epoque que nous rattachons la construction de l'astrolabe-quadrant du Musee de Rouen. On comprend alors comment le constructeur a adopte les caracteristiqucs astronomiques du quadrans novus de la fin du XIIIe siecle, dont il n'etait pas tres eloigne. Malgre quelques erreurs d'execution, l'instrument est construit avec une certaine recherche, l'auteur y a meme ajoute la table perpetuelle pascale qui n'est pas indiquee dans le traite de Profatius, et il est difficile d'admettre qu'une indication comme la position de l'equinoxe sur le cercle des jours ait pu passer pour une notion indifferente. Elle aurait certainement ete corrigee, si elle avait presente un ecart important avec la position qui convenait a la date de la construction de l'instrument. Nous ajouterons que la figure de l'agnel rep6tee dix fois sur chacune des faces de la gaine, bien que n'ayant aucun rapport avec la nature meme de l'instrument, ne peut laisser de doutes sur l'intention de rappeler les armoiries de la ville de Rouen, qui, jointes a la reproduction du sceau du possesseur, font de l'instrument un objet bien personnel et normand, sinon comme fabrique, du moins comme usage. 11

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Conclusion L'astrolabe-quadrant du Musee des Antiquites de Rouen est un specimen du quadrans novus qui fut compose en l'annee 1290 par Don Profat-Tibbon (Profatius), Juif de Marseille ou de Montpellier. Cet instrument etait un perfectionnement du quadrans vetus que les savants de l'Occident latin avaient emprunte aux Arabes des la fin du x" siecle, et qui ne comprenait que le quart de cercle de hauteur avec le trace des heures et le carr6 des ombres ou carre geometrique. Au quadrans vetus, Profatius ajouta,a l'exemple des Arabes, le trace de projection du planisphere et un trace trigonometrique qui d6veloppait considerablement l'etendue des ressources mathematiques de l'instrument. Tous ces systemes etaient rassembles sur une seule face; l'autre face, ou dos de l'instrument,recut le systeme de tables composees qui se trouve sur le dos de l'astrolabe circulaire: zodiaques solaire et lunaire, et cercle des jours. On y disposa encore le cercle de la revolution synodique de la lune. Ces tables circulaires, par leur reunion et leur disposition respective, formaient un resume de la Connaissance des Temps. Le quadrans novus ainsi compose, portant encore un fil muni d'index mobiles sur une face et des alidades mobiles sur lautre face, reunissait les divers traces et reproduisait les usages de l'astrolabe et du quadrant simple. La plupart des elements qui constituent le quadrans novus sont un heritage de la science grecque, celle d'Hipparque, de Ptolemee, et de 1'Ecole d'Alexandrie, mais les Latins en

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- 163 - doivent la connaissance aux Arabes qui les leur ont transmis apres les avoir developpes. Il convient meme d'attribuer a ceux-ci la composition du zodiaque lunaire et du trace donnant les sinus. Le quadrans novus n'est cependant pas une simple copie d'un instrument arabe; il presente un arrangement original qui en fait un instrument latin, distinct des instruments arabes similaires, surtout quand il porte, comme le modele de Rouen, un calendrier pascal. Ce modele lui-meme a ete construit dans la premiere moitie du xIve siecle, a une epoque assez rapprochee de celle de la composition du quadrans novus pour que le constructeur ait pu lui conserver les caracteristiques astronomiques du type d'origine. Constitue par un quart de cercle en cuivre de 17 centimetres de rayon, il porte sur l'une des faces, qui est le dos du quadrant, le zodiaque solaire, le cercle des jours et le zodiaque lunaire, une table perpetuelle pascale, et un appareil mobile representant la revolution synodique lunaire. Avec ces elements, on peut connaitre la longitude du soleil pour tous les jours de l'annee, la position du soleil et de la lune dans les zodiaques solaire et lunaire, la nouvelle lune pascale et les nouvelles lunes de l'annee, l'age de la lune necessaire pour le calcul du mouvement des mar6es. P L'autre face, par la graduation du limbe en 90 degres, par les pinnules de visee inserees sur Fun des c6tes et par le fil a plomb, constitue d'abord un instrument d'observation, le quart de cercle de hauteur ou quadrant d'altitude. Cette face porte le trace des heures inegales de jour, dont le nom indique la destination, le carre des ombres ou carre geometrique approprie a la mesure de la hauteur des edifices et aux travaux d'arpentage et de geodesie. On trouve ensuite le trace de projection du planisphere, auquel sont associees la double graduation equatoriale et ecliptique du limbe et une echelle double des declinaisons et des altitudes du pole sur l'un des cotes de l'instrument. Ce sys

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- 164 - teme, avec l'aide du fil muni d'index mobiles, permet de repeter un grand nombre des usages de l'astrolabe circulaire; il indique l'ascension droite et la declinaison des etoiles, des signes et des degres de l'ecliptique, l'heure du lever, du coucher et du passage au meridien du soleil et des etoiles port6es sur la projection, la difference ascensionnelle, etc. Enfin les deux demi-cercles trigonometriques, avec l'echelle portant les divisions du rayon ou sinus total et la manoeuvre du fil, donnent la valeur des sinus de tous les arcs consideres sur le limbe et fournissent un nouvel 6elment de calcul pour la resolution des problemes astronomiques. Ce mrnme systeme s'applique encore a la solution de questions nautiques, dont une partie au moins se posait deja au d6but du xive siecle. Entre les mains d'un navigateur possedant les notions scientifiques g6nerales et specialement nautiques acquises a cette epoque, l'instrument pouvait fournir plus d'une indication precieuse, non seulement au point de vue astronomique, mais encore au point de vue particulier de la r6duction des routes de haute mer. Peut-etre meme faut-il placer aux environs de cette epoque l'introduction du quadrant dans la marine. On le trouve, en tous cas, mentionne parmi les instruments que portaient sur leurs navires les decouvreurs de terres nouvelles a la fin du xvc siecle. Le quadrant a prepare l'institution du quartier nautique de reduction, qui donnait la solution des problermes de route en mer, et aussi celle du quartier spherique. Ce dernier instrument avait la forme d'un quart de cercle et le trace qu'il portait, quoique diff6rent de celui de notre quadrant, donnait la solution des memes problemes astronomiques. Ces instruments, qui fournissaient des indications resultant de procedes mecaniques, ne furent abandonnes que quand les officiers de la marine eurent requ generalement une instruction scientifique suffisante pour pouvoir se livrer a des calculs qui permettaient d'obtenir des solutions plus exactes; mais ce progres n'eut lieu que vers le milieu du xvIIe siecle.

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-'165 - On ne retint alors et on ne perfectionna plus que les instruments d'observation. Rien ne permet d'affirmer que ce quadrant, astronomique et nautique, fut construit en Normandie, mais il est certain qu'il fut possede pendant le xIve siecle par un Normand, rouennais ou dieppois, c'est tout un. Ce possesseur etait-il quelque seigneur simplement amateur de sciences ou d'arts, qui gardait ce remarquable modele comme un objet de curiosite, ou meme un savant de profession, homme d'etude ou de cabinet? Doit-on croire, au contraire, que cet instrument a rendu les services auxquels il etait destine? La gaine solide et pratique qui le renferme semble bien indiquer un possesseur actif qui tenait a le conserver avec lui dans ses deplacements ou ses expeditions. Une tradition, sur laquelle nous n'avons pu obtenir d'eclaircissements, attribue la possession de ce quadrant a Jean IV de Bethencourt, le Conquesteur des Canaries)). Nous pouvons prendre ce nom comme un symbole de l'essor maritime des Normands entre le xIve et le xve siecle, de meme que le nom d'Ango personnifie la navigation normande du XVIe siecle. Peut-etre serait-ce ici le lieu d'evoquer le souvenir des expeditions normandes de la fin du xIVe siecle, expeditions restees mysterieuses, peut-etre a dessein, puis abandonnees vers 1410 au moment ouf la France traversait une des periodes les plus critiques de son histoire. Le pere G. Fournier (1) affirme que la cote de Guinee ( estoit remplie de nos Colonies, qui portoient le nom des villes de France, dont elles estoient sorties )), avant que les Portugais n'y eussent pris pied. Villault de Bellefonds, qui visita ces parages a la fin du Xviie siecle, est encore plus formel; les relations qu'il publia en 1669, ses Remarques sur les costes d'Afrique et,' notamment, sur la coste d'Or, pour justifier que les Franqais y ont este (1) G. FOURNIER. Hydrographie; edit. de 1643, p. 202; edit. de 1667, p. 154,

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- 166 - longtemps auparavant les autres nations avaient sans doute pour fondelnents les registres de l'amiraute de Dieppe, detruits dans le bombardement de 1694. Elles font commencer les expeditions dieppoises a la cote de Guinee en 1364. Le pere Labat (1) evoque meme l'acte d'association pass6 en septembre 1365 entre les Dieppois et les marchands de Rouen pour l'6tablissement de ce commerce, 6venement dont il aurait eu sous les yeux des preuves irrecusables. Ces recits, repris par les Estancelin, Vitet, d'Avezac, Margry et d'autres ont ete soutenus et attaques non sans passion. Sans entrer dans le debat, nous offrons a ceux qui recherchent des preuves contemporaines de la science nautique des Normands au Moyen Age, le temoignage du quadrant rouennais. Au reste, cet instrument, par son antiquite, l'abondance de ses traces mathematiques et le fini du travail materiel, est un beau monument du genie scientifique du Moyen Age. I1 represente, dans un etat de parfaite conservation, un exemplaire, nous pourrions dire une edition originale, d'une savante composition mathematique qui a pris naissance a la fin du xIIIe siecle sur une terre latine et d6ja franqaise. (1) Le P. LABAr. Nouvelle Relation de l'Afrique occidentale; 1728, t. I, p. 8.

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TABLE DES MATIERES Pages INTRODUCTION............................................... 5 Livre I LA FACE CIRCULAIRE DE L ASTROLABE DE ROUEN CHAPITRE I. - Notions historiques sur l'astrolabe planisph6re et sur l'astrolabe nautique........................ 11 CHAPITRE II. - Description de la face circulaire de lastrolabe de Rouen (dos du quadrant).......................... 23 Premiere partie. - Traces du plateau de la face circulaire.. 23 ~ I. - Systeme soli-lunair............... 23 ~ 1. - Le zodiaque solair..................... 24 ~~ 2. - Le cercle des jours.................... 24 ~~ 3. - Le zodiaque lunaire...................... 28 ~ II. - La table pascale............................. 47 Deuxieme partie. - Le compas lunaire.................... 57 Livre II LE QUADRANT DE I ASTROLABE DE ROUEN CHAPITRE I. - Notions bistoriques sur le quadrant astronomique et sur le quadrant nautique.......................... 69 CHAPITRE Ir. - Description du quadrant de lastrolabe de Rouen. 95 ~ I. - Le quadrant d'altitude........................ 95 ~ II. - Le trace des heures inegales de jour............ 96 ~ III. - Le carre des ombres......................... 100 ~ IV. - Le planisphrc.............................. 05 ~ V. - Le trace trigonomntrique..................... 119 Llvre III ORIGINE ET ANTIQUITE DE L'ASTROLABE-QUADRANT DU MUSEE DE ROUEN 143 CONCL SION................................... 162

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PLANCHE I DOS DE L'ASTROLABE-QUADRANT Systiile soli-lunaire. Table pascale

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PLANCHE IV GAINE DE L'ASTROLA BE-QUADHAN Denier il l'aignel de Philippe IV, 1311). (( Agitus I)ei qui tollis peccata munldi imiserere nobis ))

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PIANCHE V ASTROLABE NAUTIQUE du Mus6e de Caudebec-en-Caux

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PLANCHE VI ZODIAQUE LUNAIRE DES ARABES Positi on des asterismes des 28 mansions a la fin du viIIe siicle. Projection stereographique sur le plan de l'ecliptique

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PLANCHE VII DEVELOPPEMENT DU PLANISPHERE DU QUADRANT; TRANSPOSITION DES LIGNES D HORIZON Les positions des onze etoiles sur le quadrant sont indiquees par des asterisques reunis par des lignes discontinues a des points qui marquent les positions des memes etoiles en l'an 1900. L'erreur de position de l'etoile Wega apparait manifestement et la position correcte pour cette etoile est signalee par une croix entouree d'un petit cercle.

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